31 mars 2009

Apocalypse

Il m’arrive d’écrire sous le coup de la colère, de cette rage intérieure qui se définit par la frustration et l’impuissance de pouvoir changer les choses dans ce monde chaotique. Qui n’a jamais rêvé de voir la fin des temps, d’être celui qui, d’un poing serré, écraserait l’engeance que peut être l’humanité ? Alors, au fur et à mesure où les images mentales défilent, on construit un univers propre à terrifier le plus serein des philosophes. C’est peut-être par là que se tournent ceux qui, déçus de n’avoir trouvé comme réponse ultime que la haine ou la violence... Alors à mon tour de rédiger quelques lignes sur une idée de la destruction du monde par l’homme, une apocalypse où saint Jean n’aurait aucune influence. Libre à vous d’en juger la qualité.

Tout se décida comme s’il n’y avait jamais eu d’autre issue : les hommes s’agitèrent, courant çà et là pour s’organiser, vociférant des ordres et des consignes à des micros anonymes. Sous toutes les bannières des masses de soldats furent levées, et, tandis que l’on distribuait des uniformes, des messages furent rédigés à l’attention des masses silencieuses. Ils tenaient tous le même discours, ces maîtres du monde, ces dirigeants prêts à en découdre pour l’ultime fois. Tous prônaient l’anéantissement de l’ennemi, celui d’en face, celui si différent par sa religion, sa couleur de peau ou juste son appartenance territoriale. Et la rue, si indocile en général, se fit écho au lieu d’être dissonance. Les bras se tendirent, les banderoles se firent plus virulentes encore que la ligne officielle, comme si l’escalade devait être le fait de la société et non de ses guides.

On prit alors les mesures adéquates : l’étranger fut emprisonné, le poète dût s’expatrier pour échapper aux rafles, et enfin tous les médias furent expurgés des esprits critiques. Personne ne dit mot au moment où l’on pendit les professeurs, personne ne se rebella quand on détruisit les livres parlant de liberté ou d’égalité. Tout semblait si normal pourtant, si l’on exceptait les drapeaux pendus à toutes les fenêtres, si l’on exclue ces brigades arpentant les villes en quête des « agitateurs ». La tension devint palpable, la violence grondait telle la lave d’un volcan n’attendant que le pire moment pour exploser.

Lorsque les armées furent levées, les grands se menacèrent mutuellement, s’invectivant en s’accusant les uns les autres de provocations, d’agressions frontalières, ou de mouvements de troupes, tant réels que fantasmés. Aucune réflexion ne parut transpirer des minutes de ces entretiens, tout juste l’on put y trouver des signes évidents de décisions définitives antérieures aux réunions. C’était écrit, le scénario de la dernière pièce du monde humain avait ses actes déjà couchés sur le papier bien avant que nul n’en parle. C’est ainsi : les requiems se composent non sur les tombes mais en prévision des mises en terre.

Au petit matin d’un jour de printemps, les sirènes hurlèrent sur les capitales. Au-dessus des avenues, sur les terrasses des immeubles apparurent des ombres gigantesques, celles de machines volantes ayant pour but d’anéantir tout ce qui vivait au-dessous. Les bombes tombèrent par grappes, des tonnes d’acier et des hectares de flammes fondirent sur les civils. De la rectitude des quartiers il ne subsista alors qu’un maelström de ruines, un nuage de poussière et de braises mêlées, et finalement quand le vent éparpilla enfin ces immenses moutons de ténèbre, ce n’est plus qu’horreur et infamie qui furent visibles : sang, mort, destruction, flammes rongeant autant les vivants que les corps, tout ne fut plus que spectacle de fin des temps. Des larmes perlaient sur les visages tétanisés, des cris étouffés par le brouhaha des incendies sortirent des gorges asséchées.

Et l’on se mit en quête de vengeance, chacun répliquant à la violence par la violence, chacun courant vers sa perte en augmentant graduellement la force de la réplique. Les menaces devinrent réalité : plus de limite, plus de morale, sauvagerie, vengeance devinrent les maîtres absolus du monde. Nul ne fut épargné, on embarqua les petits états comme alliers de fait, les grands dévorèrent ceux qui refusaient d’agir. Les bataillons devinrent divisions, les armées se multiplièrent et tous payèrent un tribu toujours plus grand à l’autel de la folie. Chaque jour vit son lot d’horreur, son amoncellement de cadavres, son nombre de villes, de villages, de hameaux disparaissant à jamais dans le néant.

Puis un autre petit matin ils se décidèrent à la dernière extrémité, celle qui faisaient frémir et qui était alors devenu la seule solution : Armageddon. Les silos se vidèrent de leurs armes de fin du monde, le grondement des réacteurs vrilla l’air. Les traînées blanches firent du ciel un motif zébré. Les sirènes hurlèrent pour la dernière fois, enjoignant les survivants à se réfugier sous terre, à devenir des taupes, ou plutôt des rats entassés dans des caves, terrifiés par la signification de cette dernière et ultime alerte.

Alors ce fut le silence.

Alors ce fut le souffle supersonique et brûlant des détonations atomiques.

Nul n’entendit les derniers cris.

Nul n’entendit plus jamais de cri...

30 mars 2009

Mon oncle

Je suis revenu de Croatie hier soir. Merci à celles et ceux qui sont venus jeter un oeil ici en mon absence... voici ce que j'ai ressenti, je tenais à le partager avec les gens qui comptent.

Merci à vous tous, mes amis.

Si je devais résumer mon passage en Croatie, ce serait sûrement avec des mots tristes et des tournures de phrases formant un masque de douleur plus que de sourire. J’ignore s’il existe une belle façon de décrire quelqu’un que l’on aime et que l’on voit souffrir, mais à tout choisir je pourrais alors prendre le parti de raconter son histoire, ce qu’il est, ce qu’il ressent, et ce que je crois déceler quand ses yeux se plissent sans qu’une larme se forme au coin de l’œil. Toi mon oncle qui souffre sur un lit d’hôpital, toi qui as si souvent caché tes douleurs, je me dois de parler de toi comme je pourrais parler d’un dieu, en tout cas de ceux que j’aime à honorer.

Tu es né le 19 février 1966 dans un tout petit village de Croatie nommé Hrastovec. Est-ce un destin enviable que de grandir dans un monde où le confort et l’enfance n’ont que peu de place ? Loin de la ville, loin de ses frasques mais aussi de ses avantages, tu as pris ta place près de ma mère plus comme un fils que comme un frère. Tu auras tout vu de l’humanité, sa dureté, sa force mais aussi sa décadence et sa violence. Pauvres, vous l’étiez dans le sens où qu’un fruit représentait un trésor et que la viande était une richesse dominicale, de celles que l’on s’offre en se privant. Qui suis-je pour t’expliquer la rudesse de grandir avec l’alcoolisme comme oubli pour ton père, et les travaux de la ferme comme compagnie journalière ? Tu as arpenté ces vignes non par jeu mais par obligation, et lorsque ton père est mort c’est le mien qui est devenu une référence pour toi. Tu as alors grandi dans l’espoir de devenir un homme indépendant et fort, ce que tu es devenu mais dans le pire des côtés, celui de la solitude qui taraude chaque jour et qui n’invite pas à rentrer chez soi.

Comment puis-je décrire ce que je n’ai pas vu ? Mes parents se sont mis à parler de ce passé qui m’étais inconnu ou presque, cette adolescence en quête de travail introuvable, de ces heures passées dans des petits boulots sans perspective, et puis de cet engagement volontaire pour défendre ta patrie. Souvent on décrit les anciens combattants comme des gens aigris et déçus par le comportement de la nation, toi tu ne t’es jamais plaint d’avoir pris les armes pour elle, au contraire même tu as toujours montré le masque de l’homme simple ayant fait le bon choix. Volontaire de la première heure nous avons retrouvés des photographies de toi en uniforme avec les hommes ayant marchés du même pas. C’est étrange comment une photo peut parler plus que n’importe quelle phrase ! Barbu, hirsute, la tenue camouflage dépareillée, tu ressembles plus à ces paramilitaires volontaires pour les coins les plus pourris, ces suicidaires (ou supposés comme tels) qui se lancent à l’assaut les mains vides ou presque. En fouillant plus avant nous avons également retrouvés un livre parlant de tes combats, ces villages défendus avec ardeur au prix fort, et ces victoires et revers dont tu n’as jamais dit mot : Pakrac, Lipik et j’en passe, tu y étais… Qu’as-tu vu de si atroce pour que tes yeux bleus soient si tristes parfois ? D’après le livre la bataille de Pakrac a vu des orages de feu : 3000 obus de tout calibres tombant chaque jour sur vous, un armement constitué de saisies et d’équipements hors d’âge, et surtout cette volonté de ne pas céder. On te voit rire au milieu de cette troupe, on t’y voit « vivre »… ou peut-être simplement exorciser la peur de mourir. Quel est ce choix infâme qui est de tuer pour être libre ? Pourquoi ? Que de questions qui ne méritent d’être posés qu’à des adolescents apprenant la philosophie, pas à ceux qui se sont battus pour une idée.

Ensuite tu es revenu chez toi, sans avenir, sans changement dans ton destin. Revoici la campagne rude et désolée, les fermes de gens simples et pauvres, l’eau courante rêvée qui n’arrive toujours pas, et cette grange qui s’effondre faute de moyens. Jamais tu n’as accepté de tendre la main pour te faire aider, jamais tu n’as accepté l’idée de pouvoir être quelqu’un d’assisté. Pourtant, lorsque ta mère est partie en maison de retraite, tu as dû sacrifier ce qu’il te restait de liberté, d’avenir en choisissant de financer, vaille que vaille, une partie des frais. Est-ce là que tes derniers sourires ont sombrés dans le néant ? Lorsque nous avons ouverts ta porte nous nous sommes rendus compte à quel point tu étais naufragé volontaire. Plus de lessive, tu rachetais des vêtements au fur et à mesure de tes besoins, nostalgique au point de garder des documents aussi vieux qu’inutiles, et puis cette absence de cuisine à la maison. Tu mangeais où tu le pouvais, tu vivais sur le terrain au point que ton refuge ne l’était plus vraiment. Comment as-tu survécu aux rigueurs de l’hiver continental ? Il faisait froid et humide, les meubles branlants s’effondraient sous le poids des ans, de la poussière et de la moisissure en formation. Que de choses nous avons brûlés, au point d’en avoir les larmes aux yeux. Que ceux qui veulent te juger supportent un peu cette existence, où l’honneur t’impose de ne pas accepter de main tendue mais où la fatigue, l’usure et la tristesse t’ont menés à l’alcool pour l’oubli et au travail de force pour te fatiguer l’esprit. Qu’aurais-je fait si j’avais su tout cela avant ? Rien, tu n’aurais pas choisi de te montrer « faible »… Je te connais puisque tu me ressembles tant !

Et là, dans une enveloppe décachetée, voilà des diplômes, des preuves de ton courage, tes choix de vie, ce permis de construire pour rebâtir ta maison mais que tu n’as pas pu mettre en œuvre, cette liasse de facturettes remontant à tes études de carrossier, puis ces décorations pour faits d’armes. Tu as tellement donné aux autres sans recevoir, n’était-ce pas une rédemption pour la mort que tu as côtoyé et probablement donné ? Je ne t’ai jamais entendu avoir le moindre propos haineux pour qui que ce soit, même pour tes ennemis d’alors. Aurais-je eu ce pardon que je n’ai toujours pas pour certains ? Tu agis comme un ange, une violette me l’a confirmé… mais l’ange peut trépasser comme les démons peuvent périr, et là tu es sur ce lit, à scruter le plafond comme l’on pourrait scruter les étoiles en quête de réponses. Je disais plus haut que tu tiens à mon père comme s’il était le tien, rien n’est plus vrai tant tu as pleuré, toi ce colosse silencieux et songeur quand nous avons dû te quitter. Hier, tu as demandé à ta sœur non comment elle allait, mais comment nous, éloignés de toi, en route pour la France, nous allions.

Tu n’as pas dormi des mois durant. Des nuits sans sommeil, faites de cauchemars et de l’obligation de dormir une arme au pied du lit. J’ai appris énormément de ma grand-mère qui, peu à peu, libère son âme à elle. Pesante, douloureuse, son cœur raconte aussi le destin d’une famille saignée, blessée, mais vaillante. Imaginez devoir soulager votre enfant, votre chair, qui, malgré le fait d’être adulte, cherche vos bras pour se soulager après une terreur nocturne. Songez donc à la peur que vous auriez au ventre si votre fils était annoncé des semaines durant comme au front, parfois porté disparu, et qui revient sans crier gare, sale, ivre mort, mais bien en vie. J’ai entendu un nombre incroyable d’anecdotes durant cette semaine : celle où, au moment de repartir au front deux policiers se sont présentés au bistrot du village pour provoquer les soldats, et de cette grenade au plâtre balancée derrière leur voiture pour leur faire peur… ou bien ces caisses de munitions volées à gauche à droite pour se battre malgré tout, de ces chansons braillées à tue tête pour se redonner du courage…

Et puis moi, qui me souviens du regard plein de rêves brisés, mais réchauffé par les souvenirs ardents de la fraternité, de l’amitié, de la famille. Je me souviens et vois différemment ce passage dans un bar où nous sommes allés nous détendre. Je lui ai offert un verre, mis une pièce dans le juke-box. Tu as chanté cet air autant patriotique que nationaliste, et fièrement tu m’as dit que tu aimais ton pays. Pourquoi ne t’es tu pas aimé plus que cela ? Je connais cette violence intérieure qui te fait dire que tu n’es bon qu’à aider sans vraiment partager, je sais à quel point il faut se renier parfois pour avancer, mais ne recule plus, ne tombe pas. Je serai là, vaille que vaille, car tu es mon oncle, un être cher, trop cher pour que je te laisse partir ainsi.

Trente neuf années de vies, d’autres à venir j’espère. Reviens parmi nous, malgré le handicap qui te guette, malgré la faiblesse du désir de vivre qui est sûrement ton pire ennemi. Je t’aime mon oncle, je pense à toi.

En anglais, l'historique des débuts de la 104ème brigade

20 mars 2009

Départ précipité

Désolé, mais ce soir c'est l'urgence qui prime. Comme je l'ai déjà expliqué mon oncle a eu un AVC en Croatie, et je pars demain dans la journée pour le soutenir et régler pas mal de choses.

Sachez donc que durant au minimum deux semaines je ne prendrai pas la plume. Si je m'en sens la force et si j'en trouve le temps je rédigerai sur place quelques notes que je partagerai avec vous, ici même.

Sachez enfin que je suis content de savoir que j'ai, après tout ce temps et tous ces babillages, encore des lecteurs assidus.

Merci à vous tous.

A bientôt
Frédéric/JeFaisPeurALaFoule

19 mars 2009

Expériences

C’est en discutant (une fois n’est pas coutume) histoire et politique que j’ai constaté l’écart ahurissant qu’il y a entre une jeunesse née dans la cotonnade délicate et légère de la France mitterrandienne et celle ayant grandie pendant les années titistes. Amusant parallèle à faire entre ceux deux personnes qui, au demeurant, semblent pourtant vivre dans la même nation. Le plus incroyable c’est qu’aussi bien sur les choses quotidiennes que sur l’éducation ou le fonctionnement des institutions, le français sera abasourdi par l’énonciation des règles de l’ex bloc de l’est. Incrédulité, étonnement, surprise, tout passera par ses yeux qui, malgré une flagrante volonté de compréhension, il restera coi face aux réalités d’un monde aujourd’hui disparu.

Prenons pour commencer la vie quotidienne. A ce jour, et ce hormis les périodes de matchs de l’équipe nationale, les rues n’arborent guère le moindre signe de nationalisme outrancier : point de drapeaux aux fenêtres, point de symboles politiques apposés sur les façades des mairies, c’est à peine si celles-ci osent encore revendiquer le drapeau tricolore. A contrario, voici l’image de ces ruelles d’une autre ère où chaque bâtiment public était frappé de l’étoile rouge, que chaque nom de rue était un chant d’honneur pour les grands personnages communistes, et que les places revendiquaient avec fierté la politique nationale. La rue de ma grand-mère se nommait « JNA », ce qu’il faut traduire par « APY », soit Armée du Peuple Yougoslave. Plus communiste rouge, tu meurs ! Cela choque encore les touristes qui découvrent parfois cet héritage sur les murs des bâtisses qui n’ont pas encore subies le marteau et le burin pour en chasser cette symbolique. Tenez, un autre aspect : aucune plaque d’immatriculation ne porte sur elle officiellement une marque politique...les plaques yougoslaves, elles, avaient pour séparateur central l’étoile rouge. Et tout était ainsi : le passeport, les documents officiels, la moindre communication de la mairie, bref tout était sous l’égide du parti. J’ajoute à cela le fameux carnet de travail, et l’inusable et malheureusement indispensable carte du parti. Ces deux documents représentaient à eux seuls la hantise de n’importe quel travailleur. En effet, au lieu d’être suivi par des contrats de travail, c’était le livret qui recensait chaque contrat, chaque commentaire ou note de compétence. Ainsi, une entreprise souhaitant vous pourrir la vie se contentait juste d’apposer un mauvais commentaire sur le livret. D’autres sociétés ou services eux exigeaient la carte. Pas de carte du parti ? Pas de travail.

C’était aussi simple que cela.

Quand on aborde l’éducation, le jeune adulte se souvient des moments de détente du collège, les expériences rigolardes du lycée, les fêtes lors des études supérieures. Celui né sous le règne de Tito lui a connu : les cours de défense de la patrie dès l’adolescence (avec un enseignement aux méthodes de guérilla urbaine), les cours de propagande du parti, l’obligation de chanter l’hymne chaque matin, et puis les fêtes de l’école forcément décorées d’étoiles rouges et de drapeaux incitant au patriotisme. Dès l’enfance on inculquait un respect forcené des institutions, de la nation, mais aussi des dirigeants. Ainsi, le commun des mortels se devait de vénérer les membres éminents du parti et de respecter leurs décisions, aussi ineptes fussent-elles en pratique. Comment comparer deux choses incomparables ? D’un côté une école laïque (bien que teintée de socialisme bobo), de l’autre une école de l’idéologie…

Bon, là, déjà notre français est dépassé par les évènements. Cela le dépasse, cet endoctrinement des masses, cette façon insidieuse de s’assurer la collaboration des enfants, futurs serviteurs de l’état roi. Mais complétons le tableau pour finir de le traumatiser ! Quitte à aborder la question, autant le faire à fond ! En France les sirènes d’alerte sont testées une fois par mois, et chacun s’en moque totalement. Loin de connaître les codes d’alerte, la population française est très majoritairement sereine, sûre de sa sécurité, certaine de l’inviolabilité de ses frontières. Fut une époque, on enseignait à la jeunesse yougoslave les procédures d’évacuation des lieux publics, à connaître par cœur les différentes sonneries d’alarme, dont notamment celle pour le bombardement nucléaire et celle pour les catastrophes naturelles. Etrange de songer que tous savaient où étaient les lieux de ralliement et que chacun se voyait tenu de tenir un rôle et une fonction précise...Aujourd’hui, évacuer une agglomération française sans heurt ? IMPOSSIBLE ! Là-bas, cela pouvait être envisagé sans difficulté. Ajoutez à cela une police normale paranoïaque, et une police parallèle pire encore et voilà le cliché d’une nation tenue de respecter un système totalitaire et déshumanisé.

Voilà enfin que notre français revient sur terre...il sue un peu, il est fébrile en se disant que tout cela se passait il y a moins de vingt ans, à une jetée de pierre de chez lui. Hé oui mon garçon, le monde n’est pas que l’hexagone, et ce n’est pas si lointain l’époque où l’on déportait des gens pour délit d’opinion...N’oublie jamais cette leçon : si cela a réellement existé, ce n’est pas difficile de le réitérer.

18 mars 2009

Et l'on pense parfois à la mort

Je ne suis pas d’une humeur agréable ce soir, des soucis personnels font que j’ai du mal à pondre un sujet souriant, ou même à prendre la plume sans une pointe de tristesse au bout des doigts. Tous nous le savons, la Vie sait se faire dégueulasse et cruelle. On vient, puis l’on repart comme l’on est venus, en laissant parfois une petite trace sur terre. Certains écrivent, d’autres dessinent, des mères enfantent mais au bout du compte nous partons tous sur la même voie, celle qui va d’une naissance aussi brutale que belle, jusqu’à la mort, inéluctable fin de voyage que chacun ou presque craint pardessus tout.

Pourquoi parler de la mort si l’on a peur d’elle ? Peut-être parce qu’il est plus simple de mettre des mots sur une terreur que de la laisser rester ainsi, suspendue au-dessus de nous, frayeur absolue du néant et de l’absence d’existence. Après tout, on a moins peur de quelque chose que l’on voit, non ? Prenez le cinéma d’épouvante : tant que le tueur est discret et juste suggéré, celui-ci suggère alors la crainte impalpable d’un destin morbide. Faites le apparaître clairement et la moitié de l’effet sera déjà évanoui. On fait alors de même avec dame la Mort en la dotant d’un corps squelettique, l’affublant d’une toge sombre à capuche et en l’armant d’une faux pour couper les âmes dépassant de la masse.

« La regarder en face » qu’ils disent. Déjà que l’Homme n’est pas capable de se regarder lui-même alors pourquoi tenter d’affronter quelque chose qui nous est clairement supérieur ? Notre orgueil sort par tous nos pores, nous voulons lutter pour allonger une vie qui nous semble déjà trop courte. Personne ne croit au concept d’accomplissement total car dans l’absolu nul n’est totalement accompli où que ce soit : le navigateur voudra traverser une nouvelle mer inconnue, le scientifique finir les travaux qu’il a entrepris et qui s’avèrent être sans fin, et puis nous autres, ordinaires habitants d’un monde extraordinaire, nous regrettons inlassablement le voyage qu’on a pas fait, la femme qu’on a pas embrassé, ou bien encore la voiture qu’on a pas conduit.

Au demeurant fuit-on la Mort ou bien court-on vers elle ? A mon sens la fuir n’a pas de sens car le temps passe sans aucune possibilité d’interférence ; « tu vieillis quoi qu’il arrive » dit le pragmatique à son ami le rêveur… Et le rêveur de rétorquer en benêt qu’il est qu’il croit à l’immortalité. Ah ça, quel fantasme : survivre à sa mort à travers une œuvre et la mémoire des autres. Fantasme de prétentieux qui espère, non sans une sorte d’autosatisfaction crasse, que son nom sera encore prononcé dans quelques décades. Et dire qu’il suffit déjà de deux générations pour ne pas être réel dans les souvenirs ? Un arrière grand père inconnu peut être aimé à travers ses photographies ou la mémoire des grands parents… mais l’enfant à naître, lui qu’en saura-t-il vraiment ? Des « on dit », des ragots familiaux propres à souiller ou idolâtrer l’aïeul défunt depuis des décennies. Notre prétention à perdurer nous incite donc à jouer avec la mémoire… qui est aussi temporelle que temporaire, autant que nous en tout cas.

Et demain, de quoi va-t-il être fait ? D’une autre journée plus ou moins ensoleillée, d’une soirée plus ou moins nuageuse, d’un monde qui ne change pas autant qu’il change sans cesse (tout dépend sous quel point de vue) , et puis nous autres nous reproduisons, naissons, et mourons chaque jour, chacun à notre rythme et à notre manière.

Toi mon oncle qui a déjà vu la mort au front, toi es revenu entier physiquement et blessé moralement, toi qui en ce moment même est cloué au lit par un AVC (Accident Vasculaire Cérébral), attends nous. Tu es là, je ne veux pas que tu partes, et c’est en égoïste que je t’écris. J’ai encore énormément de choses à te demander, tu as tant d’histoires aussi tragiques que comiques à nous raconter. Tel un gosse j’aime à t’écouter quand enfin l’ours cède sa place au conteur. Ne pars pas maintenant, il y a encore énormément de gosses qui veulent être émerveillés par ton aspect d’ours de la campagne et ton cœur d’enfant peu éduqué mais pétri par l’amour de ses proches et la générosité naturelle des gens authentiques.

Joseph, accroche toi.

Ton neveu.

17 mars 2009

Légiférons

Si la complexité des lois et autres édits est si importante, c’est qu’ils sont supposés couvrir l’intégralité des aspects de la vie courante. En effet, nous autres êtres humains, nous sommes bien moins organisés et préparés à la vie en communauté que la plus insignifiante des fourmis. Ah ça ces foutues bestioles à mandibules savent vivre ensemble : une fourmilière, une hiérarchie immuable, des règles élémentaires indispensables à la survie et pas d’élection ou de décisions collégiales. On est bien loin des clichés qui nous servent de nécessités pour nous comporter à peu près décemment en groupe !

C’est quand même comique, enfin je trouve, d’aller se tarabuster la boîte à neurones pour pondre des réglementations sur tout et n’importe quoi. Songez-y un instant et vous allez être saisi d’une stupeur effrayante : tout est codifié ! Depuis la dimension des toilettes jusqu’à la longueur maximale autorisée d’un rosier mis en vente dans votre jardinerie favorite, nos chers politiques se sont fendus de coller des lois, règles et tables de vérité sur absolument tout ! Mais quel foutu pervers est allé s’essorer le ciboulot sur la qualification et le calibrage des bananes ? Quel vicelard manquant de pouvoir s’est vengé sur le quidam innocent et sans connaissance des choses de ce monde, en lui imposant la couleur des marquages au sol, le dimensionnement standardisé des couffins et enfin, ô combien indispensable à la vie, la graduation pécuniaire des amendes sur le voie publique !

Je me moque, mais tout de même il y a de l’abus. Que l’on colle au placard un assassin avec des durées déterminées par une législation, cela se comprend et même se justifie (alors que les fourmis, elles, ne connaissent pas la rébellion et au pire se nourrissent du corps de leurs congénères mortes)... Mais aller se tripoter le citron sur la distance minimale entre deux prises de courant ! Franchement, chaque jour nous met en joie sur ce domaine : le journal officiel recèle des perles de modifications, ajouts, annulations, corrections de lois que nul ou presque n’a même l’idée d’aller consulter. On m’a déjà affirmé que le code civil français est le plus riche, le plus complet et le plus complexe qui soit au monde. En gros le raisonnement tenu est le suivant : si c’est écrit dedans c’est interdit, tout le reste par défaut est autorisé. Les USA fonctionnent un peu à l’envers (il paraît, je ne suis pas juriste pour deux sous). En gros, si ce n’est pas explicitement autorisé c’est nécessairement interdit. Dans un cas comme dans l’autre cela apporte souvent ses contresens et obsolescence de la législation en vigueur. Nous sommes devenus les rois de la loi qui de toute façon est si restrictive et si difficile à mettre en œuvre que, techniquement, nous sommes tous tôt ou tard hors la loi. N’allez pas arpenter des chemins vicinaux sous peine d’être coupable de violation de propriété privée sans le savoir. Ne songez surtout pas à laisser votre animal de compagnie se soulager hors de votre propriété, et encore moins dans le caniveau !

Revenons sur l’hypocrisie des lois. Celles-ci sont généralement rédigées à un instant de l’histoire, un instantané d’une situation « imposant » de rédiger un article supposé utile. Prenons un exemple historique qui a été récemment abordé dans nombre de documentaires. La loi sur l’IVG. Tout est parti de la loi du 31 Juillet 1920 interdisant l’avortement, le rendant ainsi passible d’emprisonnement tant pour la personne pratiquant l’acte « médical » que pour la patiente. Pourquoi ? L’idée était de repeupler la France saignée à blanc par les tranchées de 14-18. Ainsi, un médecin n’avait pas le droit d’expliquer aux femmes ce qu’est la contraception, ni même de leur donner la moindre information sur la physiologie féminine. On peut donc comprendre qu’à ce moment l’idée était de maintenir l’épouse comme « femme au foyer », le cliché périmé de femme mère, celle qui se tait et « pond » des enfants. N’est-ce pas là quelque chose qui méritait d’être revu ? En 1972 une femme a été mise en examen pour avoir aidée sa fille violée à avorter. Le procès fut si médiatisé qu’il devint le fer de lance du droit à l’avortement (procès de Marie-Claire à Bobigny). Il aura fallu une médiatisation à outrance pour que la femme puisse enfin disposer de son corps et se faire entendre... Lamentable non ?

Pour la bonne bouche, deux liens à lire et à méditer...
A lire : Historique sur le droit à l'avortement
Historique des droits de la femme... certaines dates sont ahurissantes

Aujourd’hui nous avons encore de quoi faire : la société est en mutation constante et nombre de lois sont aujourd’hui caduques. Je suis certain qu’un peu de curiosité nous amènerait à des découvertes au mieux risibles, au pire terrifiantes. Tenez, par opposition à mon commentaire sur l’avortement (et envie de provoquer la gente féminine... on ne se refait pas) : pourquoi l’homme (aussi bien soit-il) n’est-il pas traité à égalité avec son épouse lors de la gestion du droit de garde des enfants ? Je vous invite tant hommes que femmes à réfléchir sur la façon dont notre société avance et souvent recule bêtement. Autant les libertés fondamentales deviennent de plus en plus réelles pour chacun, autant nous nous enfermons dans un carcan de « moralisme » puant. La femme exhibée, objet ne semble plus choquer personne. On nous parle d’ode à la féminité... faux culs que vous êtes... mais là je dérive de sujet !

Bonne soirée... et bonne mise en examen !

16 mars 2009

Célébration

Rassurez vous, je n’ai pas trouvé de tombe sur laquelle danser à cloche pied en poussant des cris de joies, non là je veux simplement faire quelque chose qui d’habitude m’horripile quand cela me concerne : souhaiter un bon anniversaire.

Comment ça je ne supporte pas que l’on me souhaite un bon anniversaire !? Hé oui, j’ai en horreur ce cérémonial aussi ridicule que pathétique où, en chœur, votre entourage vous serine une chanson insupportable avec un don aigu pour la dissonance. Bien sûr, vous êtes heureux de les recevoir tous ensemble, ces amis et proches qui font de votre quelque chose de moins pathétique que la moyenne. Toutefois le problème est là, latent, affreux et effrayants : que vont-ils encore trouver comme horreur à vous offrir ? Vous avez tout vu, depuis les vêtements impossibles à porter car d’une laideur repoussante, jusqu’aux objets inutiles comme l’éplucheur automatique qui n’a jamais fonctionné. L’imagination vous terrifie, vous les regardez, ces sournois prêts à attendre leur ration de sourire et de merci qui vous écorche déjà le fond de la gorge…

Pourtant, vous ne leur reprocherez pas car ils sont venus, ils vous aiment (du moins vous le supposez), et puis au fond, il faut bien que vous subissiez le même supplice que vous, en retour vous leur infligez, non ? Pour ma part j’ai juste envie d’offrir ces quelques lignes à la personne qui, personnifiée par une fleur, s’avère être quelqu’un que j’aime énormément. Douce fleur, tendre ancolie, ces mots sont pour toi car je tiens à ce que tu saches que tu comptes pour moi.

Rencontrée par hasard, au détour des instants imprévus, tu es apparue et immédiatement je me suis douté que tu ne sortirais pas du cadre qu’est mon existence. Faites que chaque année je puisse regarder en arrière et voir que tu es toujours sur le cliché qui regroupe tous ces visages auxquels je tiens ! Tu m’es devenue aussi proche qu’une confidente, plus qu’une amie, tu es toi, unique et essentielle. Je souris à l’idée que tu lises ce texte et que ta réaction sera d’abord de rougir, puis de pester en râlant qu’une fois de plus « j’en fais trop ». Je suis ainsi ma chère, entier, casse pied et aimant te taquiner.

Alors, pour cet anniversaire, je t’offre mille bons sentiments, des vœux de vie, un bouquet d’espoir et autant de tendresse que ton cœur pourra contenir.

A très bientôt ma chère violette. Je t’embrasse avec sincérité.

13 mars 2009

Je voudrais comprendre

Le ciel est bleu, les oiseaux mazoutés par la pollution crachotent de vagues mélodies de cancéreux en devenir, et puis nous sommes là, étalant notre surpoids de bourgeois gavés d’hormones sur les trottoirs souillés de capitales improbables. On se suppose bons, généreux et certains prétendent, pour ne pas dire osent, être beaux. Alors que l’ère est au consensuel, au bien pensant, voilà qu’on s’offre le luxe de se dire différent puisque la beauté est une qualité d’un aspect. Permettez que je pouffe ce genre de discours, d’autant plus quand il provient d’archaïques symboles d’une mode aussi temporaire que leur beauté supposée est éphémère.

Et quoi ? N’est-elle pas ridicule cette affirmation de soi par la présentation ? N’est-ce pas là le dernier refuge des imbéciles qui n’ont pas réussi à bien se faire voir de leur patron ? Le bon sens voudrait que l’on laissât les critères physiques au vestiaire au lieu que ce soit le vestiaire qui devienne un critère de valeur morale. Le costume ne fait pas le patron, tout comme la toge n’a jamais pu être un symbole de chasteté. Pour autant que je sache la compétence et l’intelligence sont totalement dissociées de la valeur du corps, sauf évidemment quand on aborde le mannequin qui étale sa maigreur à la face du monde en se supposant belle. Que l’on m’explique en quoi la dégaine « je sors d’un camp de concentration » est une réussite physique, et pardessus le marché quelle gloire il y a à créer toute une génération d’anorexiques chroniques. Cela me dépasse.

Tenez, en parlant de mode : avez-vous eu le malheur de croiser ces gamins qui sont supposés représenter la tendance masculine ? Androgynes, squelettiques, pâles à faire frémir, et coiffés avec des explosifs. Je frémis d’avance en les imaginant prenant un poste quel qu’il soit ! Non content de ne plus avoir un physique masculin, voici qu’ils commencent même à se barbouiller le visage avec les mêmes saletés que les femmes. On dépasse les limites du raisonnables là. Déjà qu’une femme doit à mon sens SE sentir belle et que ce n’est pas le budget cosmétique qui saura la faire se sentir bien, alors pourquoi inciter les hommes à glisser sur cette pente du superfétatoire ? Ne comptez pas sur moi pour me ravaler ma tronche tous les matins, attendez vous plutôt à une rébellion simple : un t-shirt estampillé « J’emmerde la mode et les cons qui la suivent »

Les modistes sont des imbéciles qui méritent franchement le bûcher. Je sais, dit comme cela je ressemble à un inquisiteur chassant la modernité à coup de trique et de rouet, mais sachez une chose, sombres crétins avilissant les corps par pur fantasme sado maso : je ne cèderai pas. Une femme, c’est un ensemble de formes, de courbes, bref un équilibre que l’on se doit de respecter et non de maltraiter. Est-ce plaisant une planche de surf ? Non. Est-ce élégant un visage cireux aux yeux tellement surlignés qu’on les croiraient perdus dans des taches de peinture ? Non. Mais bordel de bordel, foutez la paix aux femmes, taillez leurs des vêtements pour leur confort, pas pour votre jouissance personnelle ! Ecoutez les tenants de ce marché : prétentieux, pédants, suffisants… Il serait amusant de les coller en bleu de travail pour les voir couiner comme des fillettes, piaillant à qui veut l’entendre que « Minceuu, je me suis cassé un ongle ! »


Sous peu on peut envisager une déstructuration (ça fait très designer et « in » ce genre de mot à la con) des codes vestimentaires et esthétiques. A quand les hommes en jupe ou en tailleur ? L’hilarité sera mienne, et probablement je serai traité comme un rétrograde. Désolé, les gambettes masculines ne sont pas un sujet de fantasme pour moi, pas plus que l’idée même de devoir m’épiler pour sembler propre aux yeux du monde. Femmes, je vous plains pour tous ces sacrifices quotidiens à l’autel de la mode et de la beauté : maquillage, vêtements, chaussures impossibles à porter, bref tout un attirail de supplice que vous supportez chaque jour sans vous plaindre. Sachez que je ne vous demanderai jamais d’être autre chose que vous-même. Femmes, oui, je vous aime comme vous êtes : rondes, fines, blanches, noires, peu importe, tant que c’est votre cœur qui s’exprime par votre visage, et non pas le délire d’un croulant qui espère dicter sa loi sur les corps humains. Au plaisir de recroiser une jolie femme sachant s’apprécier elle-même.

12 mars 2009

Grognements

Il paraît que mon patron a priorité sur mon blog... Inutile que je vous fasse un dessin, n'est-ce pas?

Allez, à très bientôt si le boulot me le permet!
JeFaisPeurALaFoule / Frédéric

10 mars 2009

Science-fiction

C’est amusant, j’aborde ce soir une littérature riche en ouvrages de références et pourtant je ne peux guère prétendre à en connaître ne serait-ce que les fondamentaux. Pourtant, c’est un domaine où l’imagination peut aisément s’épanouir étant donné que, naturellement, tout est à créer. Depuis les technologies (d’où le mot « science »), en passant par l’architecture jusqu’à la biologie des personnages, les mondes bâtis dans la science-fiction méritent à mon avis que l’on s’y intéresse un peu plus.

Ce qui est souvent dommage c’est que tant la littérature d’aventure médiévale fantastique (ou « heroïc fantasy ») que les livres de science-fiction sont souvent traités au mieux avec indifférence, au pire avec mépris. Personnellement c’est avant toute chose un manque de goût pour cette littérature qui me fait éviter ces domaines. Je ne renierai pas le talent de certains auteurs à succès, et ne vilipenderai pas plus ceux qui les lisent. Tenez, je suis un passionné d’écrits historiques, de récits politiques, et pour autant il ne me semble pas légitime d’être traité en paria pour ce simple fait. Dans ces conditions, restons simples : un bon livre c’est avant toute chose un sujet qui nous plaît, pas celui qui plaira à tout le monde, loin s’en faut.

Revenons au sujet initial : ce qui m’amène à parler de la science-fiction c’est justement qu’en ce moment je lis un des monuments du genre : Dune. Ecrit par Frank Herbert, j’y ai découvert quelque chose allant bien au-delà des pistolets laser, des vaisseaux spatiaux et des univers inventés. Herbert a su, à mon sens, retranscrire un monde mêlant technologies, foi et surtout politique. Moi qui suis sensible au dernier sujet, difficile de résister à la tentation. Pour ceux qui n’ont pas lu les deux livres (l’ouvrage est en deux parties), je me contenterai de dire : lisez le et faites vous une idée sur la question. Ce que j’apprécie ? C’est que les machines ne sont pas les héroïnes de fait, contrairement à nombre d’ouvrages ou de films. Un vaisseau devient souvent un héros à part entière alors qu’il aurait dû être un outil. C’est un jugement de valeur important : on peut concevoir que la machine soit omniprésente, mais cela pour servir le scénario, non pour l’alourdir. Par pitié... évitez donc de nous farcir le crâne de détails comme la propulsion ceci, la vitesse cela ! L’essentiel est là, Herbert y est parvenu : la vie, l’espoir, la culture, l’environnement. C’est entier, concret et clair.

Dans le domaine de l’imaginaire chacun voit de manière différente les images mentales qu’il se bâtit au cours de la lecture. Certains voient des détails d’une manière tandis que d’autres s’y opposent fermement, le tout en jouant sur les mots les plus simples. C’est dommage, d’autant que chacun est libre de rêver plutôt que de se conformer à un seul et unique cliché. Prenez un bon livre adapté au cinéma : vous aurez beau tenter de vous en écarter les scènes les plus importantes vous reviendront à l’esprit car l’image pèse trop lourd. Lisez avant de voir un film, voyez le film ensuite pour le comparer au livre. Bien sûr il y aura toujours matière à critique concernant le fond, la forme, les images, les descriptions, mais souvenez-vous alors que le réalisateur, tout comme vous, a rêvé ces images en lisant l’ouvrage original. Il vous a retranscrit son rêve, ses songes, pas ceux que vous pouvez avoir.

J’ai un peu digressé sur la lecture mentale d’un livre de SF parce qu’il est indispensable de se laisser aller lorsqu’on plonge dans ce domaine. Le futur ne nous appartient que parce qu’il est insaisissable et qu’il se construit au quotidien. Qui sait si dans cent ans les voyages spatiaux ne seront pas monnaie courante ? Jules Verne a réussi à nous transmettre ses visions du sous-marin nucléaire à travers « 20.000 lieues sous les mers », de la conquête de la lune, de la visioconférence, des voyages à grande vitesse et j’en passe. Visionnaire ? Allez savoir, l’essentiel n’est pas là : il a rêvé un monde meilleur, les auteurs de SF tentent souvent de nous restituer un futur acceptable, plus moral, plus « propre »... Essayons de leur donner raison pour une fois !

09 mars 2009

Miroir, mon beau miroir

En voilà un qui n’a pas d’autre rôle que d’être le reflet de l’existence. A lui seul il est le symbole de milliers d’années de supplice physique pour les uns, de remords pour les autres, et de cruauté glaciale pour tous. C’est dans ce regard torve, ce nez écrasé et ces lèvres trop charnues que vous observez chaque matin que vous observez votre propre déchéance. Quelle cruelle invention que ce miroir ! Aucune pitié, pas une once de charité pour notre image intérieure ou notre santé mentale. Non… Lui est monolithique, rigide, et se pare de notre reflet sans même prendre de précaution. Que de fois cet instantané peut être dur et même cruel…

Tenez, là ce matin, enfin un de ces matins ordinaires où l’on s’éveille vaseux, les paupières pesantes et l’haleine propre à détruire la couche d’ozone, vous le regardez, enfin plus précisément vous vous regardez et c’est l’horreur. Le cheveu a blanchi, la peau est pâle, le blanc oculaire tire vers le sanguin et le tout ressemble plus à une bavure policière qu’à un réveil délicat. Foutu miroir, tu ne prendras donc jamais de précautions pour nous jeter au visage notre âme ? Certains poètes (si je tenais ces imbéciles, je leur ferais passer le goût des vers alambiqués) se sont faits forts de revendiquer « le visage est le reflet de l’âme ». Sales cons sans gène ! Il suffit de se voir un instant dans le miroir pour constater avec horreur que la dite âme est un charnier et non un paradis !

Et puis là, on se lamente un instant, on se dit qu’après la douche tout ira mieux. Encore un mensonge que l’on s’enfonce dans le crâne histoire de ne pas déprimer de si bon matin. Vous savez, je crois que le côté rassurant des rites matinaux valent à eux seuls des tomes complets de psychiatrie appliquée : être bien présenté, se sentir « acceptable », paraître au lieu d’être… enfin là je digresse du sujet initial. On revient de sous le jet d’eau mais hélas, notre ennemi commun, ce miroir sadique reste de glace (si j’ose dire) et nous dit en substance : « t’auras beau faire, tu resteras le même ». Erreur : on empire avec l’âge paraît-il, alors là je pense qu’au fond de lui ce démon de verre s’amuse de notre inéluctable déchéance et se fait exact réplique de notre aspect. Salaud !

Et pourtant on l’utilise encore et encore : pour vérifier si le pantalon « tombe bien », si la coupe de cheveu est en place, si le chemisier si chèrement acquis n’est pas finalement un chiffon ridicule impossible à porter en société, bref il se fait contrôleur, guichet des formes et arbitre de notre présentation. On aura beau dire et faire, ce damné miroir sera toujours là, tapis dans l’ombre, ou plutôt caché en pleine lumière sur un mur, et n’agressera le passant qu’au pire moment, celui où justement l’on espère que le reflet soit clément. Allez demander de la pitié à un miroir vous. Vous avez des formes que vous trouvez excessives ? Il vous rassurera en affirmant sans conteste… que vous avez raison. Vous supposez que votre coiffeur est incapable ? Le miroir vous le validera avec force détails. « Savourez donc le moment précédant l’inspection » pourrait affirmer la psyché comme un sergent instructeur à ses bidasses… Vous n’y couperez pas.

Et puis finalement on voit un autre visage apparaître, celui que vous trouvez toujours beau malgré les années et les rides qui s’installent. Vous l’admirez et trouvez qu’il embellit le miroir. C’est cet être cher qui devient névrosé à force de vouloir vous plaire… Alors que c’est au miroir qu’il veut être doux !

Oubliez donc votre image, pensez à celui qui vous aime tel que vous êtes !

06 mars 2009

Toilettes de l’espace

Bon... encore une fois je vous dois une explication pour l’absence de texte d’hier soir. Cette fois encore c’est d’une simplicité enfantine : JE BOSSE ! Je ne vais pas râler sinon une violette va trouver le moyen de me dire que je suis un râleur invétéré.

Bref, passons à autre chose...

Dans mon quotidien d’une affligeante banalité je dois dire qu’il est difficile d’y trouver un évènement méritant d’être retenu. Métro, boulot, dodo, voilà quelque chose que j’ai en commun avec un grand nombre de besogneuses fourmis humaines, mais là j’ai relevé un truc particulièrement étrange. M’étant déjà insurgé contre les élans ridicules du design et de l’architecture, voilà que les toilettes du bâtiment où je passe mes journées viennent de nous être restituées. En effet, depuis plusieurs mois celles-ci étaient portes closes pour rénovation. Entre la douce odeur de la peinture (si si ! J’adore sincèrement cette odeur, voir mes notes sur la nostalgie), et le « savoureux » tintamarre des perceuses, meuleuses et autres masses de démolition, voici que l’on peut enfin rouvrir et accéder à ces lieux de commodité.

Et c’est le choc.

Tout d’abord, quelle est cette foutue habitude d’ôter les interrupteurs au profit d’une cellule de détection ? Certes, le côté écologique élémentaire me touche un peu (alors que l’entreprise, elle, sera touchée par le côté pécuniaire bien plus essentiel), mais de là à compter systématiquement dessus, j’avoue avoir un peu de mal. Quid d’une panne éventuelle ? Ce genre d’équipement me semble autrement moins fiable qu’un bon vieux interrupteur à bascule. Ceci dit, même les interrupteurs trouvent aujourd’hui le moyen d’être différents : tactiles, à détection de proximité, rétro éclairés, variateurs de lumière et même, suprême luxe, programmables ! Dans ce capharnaüm j’avoue considérer le basculeur comme étant la seule solution viable, fiable et peu coûteuse à mettre en œuvre... mais je dois être rétrograde, donc passons. La lumière s’allume donc par votre seule présence, et s’éteint dès que vous êtes parti. Seulement voilà, ces machins là ne fonctionnent que lorsque vous bougez. En effet, faites le test : restez donc sans ciller pendant quelques instants. Le détecteur fonctionne en fait de la manière suivante : tant qu’il y a mouvement il y a éclairage, dès qu’un objet/être humain devient immobile dans sa zone de détection il décrètera que la chose fait partie de l’environnement. De fait, imaginez vous assis sur le trône et que la lumière trouve le moyen de se couper ! Sympathique non, de devoir danser pour réactiver cette foutue sonde !

Passons à la robinetterie je vous prie. Je pense que l’acheteur a dû assister à une convention Star Trek pour envisager un tel modèle. Loin de toute convention, la chose fait manquer à une fusée comme on l’envisageait dans les années 20, et qui plus est s’orne d’un dispositif... à détection ! GRMBLLLL ! Encore une saleté qui ne s’active que quand cela veut, et qui pardessus le marché s’avère inexploitable pour quelqu’un d’handicapé. Tenez, imaginez vous en béquilles et songez à l’usage d’un robinet. En général vous vous appuierez temporairement pour ouvrir l’eau, en profiter, puis la couper. Comment faire si la chose nécessite de remuer dessous ? Pas évident... Enfin bon je vois le mal partout. Mais c’est avant toute chose cette forme qui me traumatise ! Ben quoi ? On ne peut pas faire simple, sobre, efficace, en bref pratique ? Pourquoi diable les bureaux devraient-ils être le refuge des frustrés de la déco qui se sont vus refuser les grands chantiers comme les hôtels de Las Vegas ?


Je pense qu’à l’usage je finirai par ne plus prêter attention à ce genre de babioles... quoique : on m’avait tanné sur les vertus de l’interrupteur mural remplaçant la sempiternelle tirette sur la cuve, pour finalement constater que le dit mécanisme avait une fâcheuse tendance à ne pas apprécier l’usage intensif qu’on lui faisait subir. Comme quoi la tradition a du bon dans certains domaines.

Tout autre chose : voici deux vidéos qui personnellement m’impressionnent terriblement. Voilà ce que j’appelle de la volonté et du courage. A bon entendeur à ceux qui se plaignent sans arrêt de leur misérable condition humaine...



04 mars 2009

Frénésie

Bon... Je sais, une fois de plus je vais être traité de fainéant, de tire au flanc, de je ne sais quoi d’autre encore avec un florilège de noms d’oiseaux aptes à faire rougir le plus solide des loups de mers, mais ce soir je n’ai guère le temps de m’étaler en babillages verbeux inutiles. Je me dois par conséquent de vous faire des excuses pour ce silence forcé.

Des excuses ? En y songeant bien, moi, m’excuser !? Mais c’est d’abord reconnaître d’une part que c’est une obligation de ma part de vous écrire, et d’autre part accepter contraint et forcé la condition qui serait que je vous sois redevable. Remettons les choses au clair : je ne dois qu’à mon propre entêtement ces mots (maux ?) lâchés par pages entières, et de plus j’estime qu’il n’est pas concevable que ce blog soit converti en service. Dans ce cas je me devrais de vous imposer un abonnement qui, j’en suis convaincu, serait suffisant pour faire fuir les derniers acharnés venant me lire. Et puis quoi encore au fond ? Je ne suis pas le canard enchaîné, pas plus que le Metro qui, lui, est gratuit mais plein de publicités !

C’est quand même un monde ! A force d’écrire, d’être lu, commenté et même recopié on s’instaure une discipline en supposant à tort que, puisqu’il y a des lecteurs, il y a obligation de rédaction. Obligation ? Mais depuis quand ? Ce serait comme estimer qu’un auteur soit obligé d’assumer ses dires... Bon là d’accord, c’est ce que l’on peut appeler un mauvais exemple, mais tout de même, ce n’est pas parce que vous êtes encore accroché à cette ligne que je suis tenu d’écrire...

Si ?

Ah... Je me disais bien qu’il y avait un effet pervers à exercer ma verve (le g substitué lui, s’exerce avec joie ailleurs, merci pour lui) ! On ne saurait donc se départir du regard incisif et attentiste des fidèles qui, au détour d’un propos, reste acide et capable de vous abandonner sans préavis. Comme quoi l’engagement n’est pas réciproque : l’auteur est tenu de rédiger, le lecteur n’est pas tenu de rester lecteur. Frustrant, d’autant que l’on écrit autant pour soi que pour les autres, non ? Etant nombriliste je modèrerai cette réflexion en me disant que j’ai débuté sans qui que ce soit pour venir décortiquer mes élucubrations, et que ce n’est que petit à petit que j’ai acquis une toute petite troupe qui vient quasi quotidiennement inspecter si j’ai tenu mes engagements.

Comme le dit si bien un rougeaud du cinéma : « Ca me gonfle ! ». Cigare en bouche, il affirme sa lassitude et son agacement par cette formule lapidaire qu’il m’arrive de plagier. Et là, pour le coup, je me fais une joie de l’utiliser. Ca me gonfle parfois d’écrire, mais ça me gonfle encore plus d’être pris en tenaille par le manque de temps eut égard à mon emploi, et de finir encore une fois tard pour tenir promesse et ainsi remplir ma quotidienne.

Un de ces jours je vais finir par dire « ras l’bol, de toute façon ils ne commentent jamais, à croire qu’ils ne lisent pas ! ». D’ici là...

Mes chers et adorés lecteurs... mais non partez pas ! Restez ! S’il vous plaît... allez je déconnais quoi !

03 mars 2009

Rythme infernal

Dites, ça ne vous arrive pas de vous maudire pour avoir accepté quelque chose ? Si ? Etrange, nous sommes tous égaux face à notre propre incurie. Toujours prompts à relever des défis aussi stupides soient-ils, ce n’est qu’une fois face à la grandeur de la tâche que nous nous ébahissons, et que surtout nous maugréons contre nous-même. « Mais quel con ! » disent les uns, « quelle mouche m’a piquée ?! » disent les autres, mais somme toute la conséquence est la même : orgueilleux que nous sommes nous nous battons pour mener à bien ce que l’on s’est engagé à faire.

Que c’est stupide un humain... On se suppose capable, compétent, fort, fier et j’en passe, et pourtant l’excès de confiance n’est jamais loin. Un peu à l’instar de l’alpiniste dévissant d’une falaise et faisant une chute fatale en braillant « AHHHHHH !!! », nous réfléchissons aux conséquences que trop tard. Qu’est-ce qui lui passe par la tête d’ailleurs, à cet alpiniste (excepté son piolet qui, loi de Murphy oblige, se plantera dans son crâne à l’impact sur les rochers) ? Certainement un truc du genre « si j’avais su à quel point c’était difficile, je me serais contenté d’un bon chocolat chaud à la terrasse du café ». C’est ainsi mon cher, l’héroïsme n’est bien souvent qu’une cousine de la bêtise et une sœur par alliance de l’inconscience...

Alors quoi ? Faut-il toujours refuser ce que l’on vous demande ? Bien entendu je pourrais bien affirmer que, somme toute, si vous en êtes capable, le demandeur aussi, mais à ce compte là les petits boulots allant de la délation d’autrui au trafic de stupéfiants seraient condamnés. Non, ce que je pense c’est qu’il faut faire preuve d’humilité et accepter, aussi blessant soit le constat, de baisser de temps en temps pavillon. Ravalez donc cette fierté mal placée, il est de notoriété publique que sur un champ de bataille les balles ont la priorité et que l’orgueil n’est pas fait en kevlar. Bref, baissez la tête, laissez l’orage potentiel passer, puis finalement... avancez à votre rythme.

En ramenant cela au quotidien, notez le nombre de fois que vous acceptez de rendre service tout en vous mordant la langue dans la foulée... Oui vous prendrez la place de votre collègue pour la garde de nuit (alors que vous aviez planifié un bon restaurant avec votre moitié), oui vous serez serviable en emmenant la vieille voisine acariâtre faire ses courses (et ainsi profiter des quolibets sur le voisinage), et oui encore une fois vous serez là, à faire des heures supplémentaires parce que « vous avez une grande gueule ». Ne vous mordez plus la langue que diable ! Plantez les de temps en temps, vu qu’eux ne se privent pas de vous refuser poliment mais fermement le moindre service. Suis-je donc si radin ? Pas le moins du monde, mais la bonne entente commence par le bon vieux dicton qui dit « un prêté pour un rendu ». Cela tient alors vraiment d’une hygiène de vie que d’un simple précepte bon à mettre sous verre mais dont personne ne se servira.

Après vous avez toute une classe d’emmerdeurs, ceux qui ne rentrent dans aucune catégorie, ces chieurs qui, sous prétexte qu’ils ont du cœur, sont alors généreux à outrance. Des saints que je vous dis ! Ils vous pourrissent l’existence car à chaque fois qu’ils s’adresseront à vous ils feront vibrer la corde sensible, celle qui fait dire que si vous refusez vous passez pour un salaud égocentrique. Et merde ! Oui je suis égoïste parfois, mais n’est-ce pas là un autre trait commun à tous les humains ? Non c’est vrai, pas eux, pas ces sanctifiés, pas ces futures martyrs qui vous les brisent en ressassant « ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse ». Et je fais quoi, moi, si eux ne m’aident jamais et que moi, pauvre pomme, je fais acte de générosité au point de passer pour le con, le pigeon, le cave, bref le couillon de service ?

C’est donc ainsi qu’une fois de plus (idiot que je suis infoutu d’appliquer ses propres préceptes), je finis tard au bureau m’en retourne à mes pénates les yeux façon « lapin albinos n’ayant pas dormi depuis trois jours ».

A bon entendeur !

02 mars 2009

Gran Torino

Ou devrais-je dire « grand talent ». Si j’avais une lettre à rédiger à Monsieur (majuscule !) Clint Eastwood, je le ferais en ces termes.

Cher Monsieur Eastwood.

Je sais qu’il est de notoriété publique que le talent vaut souvent des tourments à ceux qui sont touchés par cette difficile maladie, et que par conséquent je ne dois pas être le premier (loin de là) à vous écrire une missive afin de vous flatter. Ceci étant, je dois admettre que je me sens ému à l’idée que vous puissiez lire les propos d’un homme se sentant tout à coup minuscule à côté de vous. Alors, c’est donc à moi de vous remercier de vous servir de votre talent pour notre plus grand plaisir à tous, et en particulier le mien, puisque c’est de cela qu’il s’agit.

Par quoi commencer ? Je n’ai pas spécialement l’envie de faire une rétrospective de vos différents films, car comme vous le dites si justement « cela prendrait un aspect proche d’une nécrologie ». A vrai dire, chacun de vos films, que vous soyez acteur ou réalisateur mérite que l’on s’y arrête. N’ayant pas la plume suffisamment agile et encore moins la connaissance suffisante de votre cinématographie pour me permettre de porter un regard complet sur votre carrière, je pense devoir m’arrêter sur le dernier en date : Gran Torino. Si je devais réduire un si grand film en un seul mot me concernant ce serait le terme « ébloui ». J’ai été ébloui par tant de choses dans ce film... Votre sobriété de jeu, la sobriété de l’image, l’éblouissante présentation des sentiments, l’incroyable profondeur de chacun des personnages, et puis cette stupéfiante façon de ne pas être moralisateur tout en abordant nombre de sujets difficiles.

Qu’est-ce qui m’a ému dans Gran Torino ? La justesse, tout simplement la justesse du regard posé sur une Amérique qui ne se reconnaît plus vraiment. Racisme ordinaire, individualisme forcené, et puis cette incapacité à se comprendre elle-même. C’est ce regard très juste et sans fioriture qui écorche le portrait que l’on se fait trop rapidement de vous... Hé oui, vous représentez quelque chose aux yeux des gens, un « grand », un symbole et même un étendard. Pourtant, pourquoi les gens ne comprennent-ils pas ce que vous dites ? Harry n’était pas un apôtre de l’autodéfense, pas plus que le sergent Highway un chantre du militarisme. Vous prenez les gens de court en les mettant face à une galerie d’hommes tous différents mais avec un grand point commun : leur humanité souvent blessée.

Merci alors pour cette œuvre Monsieur Eastwood. Gran Torino est à mes yeux une nouvelle référence dans le cinéma, un nouveau jalon où l’on peut voir qu’il n’est pas nécessaire d’en faire des caisses pour être beau, qu’il n’y a pas besoin d’une sempiternelle course poursuite pour ménager du suspense, et que pardessus tout c’est le talent de l’acteur et du réalisateur qui font qu’un film apparaisse crédible ou bien insupportablement raté. Vous avez réussi là où nombre de gens échouent, peut-être parce que vous ajoutez quelque chose qui leur manque : une sensibilité à fleur de peau. On sent que vous vivez le personnage, alors que nombre d’acteurs se contentent de jouer. On ne peut pas tout jouer, mais parfois on trouve le ton et la sensation d’être celui qu’on incarne...

Souvent un film se croit réussi par sa pléiade d’acteurs alignés comme à la parade. Vous faites une magistrale démonstration du contraire car vous êtes le seul sur l’affiche à avoir un nom. Merci pour ces autres acteurs présents avec vous à l’écran car tous semblent être aussi enthousiastes que moi au sujet de Gran Torino.

Dernier point... merci de montrer un classique de l’automobile américaine et de la présenter avec chaleur et passion.

Votre sincère admirateur...