30 novembre 2016

Fidel est parti

Tôt ou tard, tous les « grands » de ce monde finissent par disparaître. Qu’on les traite avec égard ou bien qu’on leur fasse un procès posthume, les géants laissent systématiquement une empreinte dans l’Histoire majuscule, et ce parce qu’ils ont agi de telle manière à ce que les esprits reconnaissent en eux des étapes essentielles dans le monde entier. Fidel Castro ne fait pas exception à la règle, et ce à bien des égards qu’il est, selon moi, nécessaire de rappeler afin que les gens n’oublient pas qui il a été, ce qu’il a fait, et pourquoi on prononcera toujours son nom avec une forme étrange d’intérêt mêlé d’incompréhension. Comment définir simplement Castro ? C’est tout bonnement impossible tant le personnage a eu des facettes si multiples qu’il a rendu fou bien des présidents de par le monde.

Tout d’abord, nul besoin de le dire et de le marteler, je n’ai aucune envie d’encenser le personnage car s’il y a eu des actions intéressantes dans sa présidence, il n’en demeure pas moins qu’il fut un despote, qu’il a eu les mains couvertes du sang de ses propres citoyens, et qu’au final l’ardoise qu’il laisse à son pays sera longue et complexe à solder. Une fois cette question évacuée, regardons d’abord ce en quoi ce personnage me fascine. A tout bien considérer, sa première opération de destituer le président corrompu que fut Batista fut une action salvatrice. Le pays était alors une base arrière de la mafia, tant la police que les administrations étaient à la botte des USA à travers les dollars qui affluaient sur l’île, et la gangrène de la corruption et du jeu était telle qu’il n’y avait finalement qu’une solution : un coup d’état. A partir de cette réalité, on peut déjà déterminer que Castro n’était pas un personnage ordinaire : meneur d’hommes, déterminé, pétri de convictions, l’homme a eu tout au long de sa vie pour certitudes qu’un système basé sur le communisme, la centralisation d’état et une collectivisation à outrance pourraient assainir voire même permettre à Cuba une forme de prospérité.

L’histoire prouvera qu’il s’agissait tant d’illusions qu’une forme d’ambition confinant à la mégalomanie.

La seconde posture intéressante de Castro fut de jouer l’opposition idéologique entre les USA et l’URSS. Il s’agit de se souvenir que le pays est au large des côtes américaines, que ce « petit » état a été pour les USA une des pires menaces de son histoire (l’affaire des missiles cubains, je vous invite d’ailleurs à vous renseigner à ce sujet, il y a de quoi se dire qu’on a frôlé la troisième guerre mondiale). De fait, après l’affaire, les USA ont instauré un embargo sur l’île, embargo rompu uniquement par l’aide du frère soviétique. Castro a alors su jouer tant sa position géographique qu’idéologique pour maintenir une forme de pression sur la bannière étoilée, que de récupérer les subsides vitaux du grand frère rouge. C’est un cas d’école en soi : « je suis leur ennemi, tu es leur ennemi, tu es forcément mon ami tu dois donc m’aider à les faire transpirer de colère ». Et là, Castro a été grandiose : entre les provocations médiatiques, les discours fleuve et tonitruants, et les aides aux différentes guérillas communistes en Amérique du sud, Cuba a constamment été une épine dans le pied tant des USA que de la CIA.

Mais l’épine n’était pas aussi « comique » qu’elle pouvait en avoir l’air.

Rappel des faits : on encense le Che, on en a fait un étendard sur les t-shirts des petits bourgeois pétris d’idéaux sur lesquels ils iront pisser dès le premier tiers des impôts arrivé par la poste, mais l’on occulte qu’il a été un guérillero, qu’il a tué, et que Castro n’a probablement pas été innocent dans sa disparition. Est-ce que cela a une importance ? Oui. Castro avait besoin d’une normalisation des relations là où le Che rêvait d’une révolution mondiale, et cela a suffi à les faire s’opposer plus ou moins officiellement. Le départ du Che sur le terrain n’a rien eu d’une sortie en fanfare, et Castro a sûrement été soulagé de se débarrasser d’un allié devenu trop voyant, encombrant et surtout vindicatif. En stratège avisé, Fidel n’a pas retenu Guevara à La Havane, et le fait que le personnage devenu légende ait été si démuni sur le terrain ne doit rien au hasard…

Au-delà de cela, souvenons-nous également de l’oppression politique, de la censure, des interdictions aussi nombreuses que souvent totalement absurdes, une gestion catastrophique de l’économie, la montée de la paranoïa du dictateur à tel point de soupçonner tout le monde de trahison, et l’on a un portrait très complexe de Fidel Castro. L’exemple le plus consistant serait l’éducation sur l’île : c’est un des pays où l’illettrisme a le plus reculé dans le monde, et où le niveau d’éducation est parmi les meilleurs qui soient, mais pour quel résultat, vu l’état de santé global du pays ! Formez des milliers d’ingénieurs, mais ne leur donnez aucune perspective ou industrie où travailler, et vous aurez une idée du contresens cubain : des bonnes idées sur le fond, des mises en place si ineptes qu’elles en sont devenues dangereuses.

La fin de l’embargo, la normalisation des relations entre les USA et Cuba auraient dû survenir bien plus tôt à mon sens. Je crois que la principale erreur des USA a été de s’entêter à maintenir un embargo aussi inutile que toxique pour eux-mêmes. Songeons-y sous un éclairage différent que celui de la ligne officielle de l’époque pour saisir tout le ridicule de la situation. Durant près de 50 ans, Washington a pensé faire mourir Cuba en l’oppressant économiquement. En réalité, cela a incité toute une population à fuir l’île… et s’exiler aux USA ! Le paradoxe absolu ! Là où les USA espéraient voir les cubains destituer Castro, ils en ont fait une icône de la résistance à l’affameur à la bannière étoilée. Pour les autres, ils se sont installés autour de Miami, et m’est avis que d’ici quelques décennies la Floride finira par être cubaine… Comme quoi, opprimer un pays n’a aucun effet notable, que des effets pervers et surtout inattendus.

Fidel, souhaiter à un communiste le paradis ou l’enfer, ce serait aussi intelligent et logique que de dire à un chrétien que l’un comme l’autre n’existent pas. Ce que je peux souhaiter en revanche, c’est que ton peuple tourne la page, qu’il reparte grâce au tourisme, à la libéralisation des échanges, tout en souhaitant que ton pays ne devienne pas une simple annexe touristique comme d’autres pays comme le tien, le tout sous la tutelle des grands groupes à la ACCOR et consoeurs.

Allez, une petite provocation : Vaya con dios Fidel Castro !

01 mars 2016

Quand le feu du ciel tombera sur la terre

L'apocalypse. Ce mot terrifiant, cette idée même de l'anéantissement de toute vie, nous lui avons trouvé un nom, une définition, et par conséquent une possibilité d'exister. Aussi loin que les écrits nous permettent de remonter, nous trouvons des traces concrètes de cette peur de la disparition totale de l'humanité, que ce soit de la main d'un dieu, ou bien d'un monde susceptible de nous détruire intégralement. Nos ancêtres ont pu admirer les pires cauchemars naturels que sont les volcans, les tsunamis, ou encore les météorites percutant la terre. Mes parents ont connu la peur du nucléaire, d'une fin du monde provoquée par la main de l'homme, et aujourd'hui encore le règne de la terreur de l'atome n'est pas sorti des discussions. On ne s'interroge pour ainsi dire plus sur le "si on s'autodétruit", mais sur le "quand on le fera".

Que doit-on penser en observant le flux de l'Histoire? Est-on encore enclin à supposer, comme les anciennes civilisations, que le courroux d'un dieu quelconque nous fera payer notre inconscience et notre incapacité à ne pas transgresser les règles fondamentales de l'existence? La réponse semble simple de prime abord, et les plus athées me rétorqueront que sans dieu, point d'enfer, de paradis, et plus encore de sanction divine. Et pourtant… Nous nous prenons pour Dieu, nous nous prenons pour les maîtres d'un monde sur lequel nous n'avons aucune emprise. Observez donc l'histoire sur les cent dernières années, et comptez les victimes des cataclysmes naturels et artificiels: Tchernobyl, les tsunamis, Fukushima, les deux conflits mondiaux, l'usage des gaz de combat, Hiroshima et Nagasaki… la liste est longue, pléthorique, et je nous trouve encore chanceux d'être sortis vivants de tout ceci. Au surplus, n'a-t-on pas ouvert énormément de boites de Pandore? Depuis l'atome, en passant par la génétique, jusqu'à la conception de produits chimiques et biologiques capables de nous anéantir, nous nous armons plus que nous nous soignons. Nous trouvons plus de budget pour construire des bombes, que nous n'en dépensons pour soigner des maladies telles que la lèpre!

Quel est ce monde incapable de prendre soin de lui-même? Quelle est cette humanité si tordue qu'elle trouve préférable la mort de milliers d'innocents pour enrichir quelques personnes? Où est cette supposée âme dont les philosophes nous rebattent constamment les oreilles? Nous sommes tous en droit de se demander si nous ne sommes pas finalement dépourvus de l'élémentaire conscience individuelle, à l'exception cynique de celle de notre égocentrisme. On ne se sent bien que parce que nous faisons en sorte de ne pas souffrir, d'avoir ce qu'il nous faut personnellement, et le sort de l'humanité, hé bien, nous partons du principe que nous élisons des gens pour en tenir compte, le tout dans un aveuglement aussi malhonnête que volontaire. Qu'on n'aille pas me dire que l'on regarde au détail ce que feront nos politiques, parce que dans le fond, la masse se fout de savoir ce qu'ils feront, tout du moins tant que cela ne nous concerne pas directement.

Ce monde ne peut qu'aller vers le néant, parce qu'il a choisi la voie la plus directe, la moins "humaine". A l'instar d'une locomotive poussée à ses limites, notre société n'est pas régie ni gérée, elle se contente de sa propre inertie, le tout dans un désordre aussi flagrant qu'inévitable. Certains pensent, à tort, que le tout est piloté par des complots, par des entreprises si puissantes qu'elles défient les états. Rien n'est plus faux, rien n'est plus absurde que de s'en convaincre. Il est si confortable de croire qu'il y a un "état supérieur"… La vérité est bien plus terre à terre, sinistrement ordinaire, à savoir que chaque structure, qu'elle soit sociale, économique ou même religieuse, se préoccupe avant tout de sa pérennité. L'importance des interactions n'est jamais prise en compte, pour la simple et élémentaire raison que cela serait admettre qu'il existe d'autres solutions, d'autres opportunités aussi bien économiques que morales. Demandez à un religieux fervent de renier sa foi… Demandez à un capitaliste de renier les fondements même de son système, et vous verrez à quel point on vous haïra. Il n'y a pas d'ordre, mais un ensemble d'anarchies qui semblent tenter de s'équilibrer. A vrai dire, je dirais même que c'est la Nature, et elle seule, qui joue les arbitres. Quand des entreprises se déchirent et s'anéantissent mutuellement, elles ne font qu'appliquer les principes de la prédation. Quand une entreprise meurt seule, c'est globalement par manque d'adaptation, tout comme un animal ne pouvant pas se faire à son environnement. L'humanité en va de même: nous jonglons individuellement au milieu d'une piste de cirque, et chacun tente, à son niveau, de faire tomber le moins de balles possible.

L'ironie là-dedans, c'est que cette anarchie a des conséquences inattendues, et ce même pour les plus attentifs observateurs de ce monde. Quand un pays s'effondre, on pense avoir réussi à tout anticiper, à tout prévoir. Or, rien n'est moins vrai. On peut par exemple s'interroger sur les radicalisations religieuses,, sur les tentatives désespérées de certains peuples à aspirer à "autre chose", et plus que tout sur les conséquences larges qu'ont l'apparition de sociétés privées capables de rivaliser en terme de poids financier, politique et social avec les états. Seront-elles encore là dans deux décennies? Survivront-elles à leurs nouveaux concurrents? Difficile voire impossible à dire car s'il est un fait avéré, c'est que l'économie mondiale n'est jamais stable, pas plus qu'elle a pour faculté à préserver les sociétés. Il y a un siècle, on avait une liste d'entreprises qui menaient le monde. Cette liste n'est pour ainsi dire plus du tout la même. Quand je regarde ces masses financières, ces sociétés, j'ai plus l'impression s'observer une boite de pétri qu'un annuaire de la finance mondiale. A l'instar des bactéries et virus, elles se dévorent les unes les autres, elles vivent au détriment d'un hôte (la nature ou bien l'homme), et ce à tel point jusqu'à le tuer.

Soyons-en convaincus, on peut se mener à la catastrophe aussi bien de manière financière, technologique qu'idéologique. Prenons quelques cas évidents pour bien saisir l'importance du désastre à venir. Pour ce qui est de l'économie, la crise de 29 a poussé le nazisme sur le devant de la scène en Allemagne. Sans crise, Weimar aurait peut-être survécu à l'humiliant diktat de Versailles. Pour l'aspect technologique, Bhopal Tchernobyl et Fukushima sont des avertissements que nous ne semblons pas vouloir entendre; et pour l'aspect idéologique, les poussées extrémistes sont si nombreuses qu'on peut s'interroger sur le devenir de bien des nations. Ce dernier point, un peu moins évident, mérite que je m'étende un peu dessus.

Certains voient de prime abord que la montée de l'islam radical, du terrorisme qui lui s'y accroche, ainsi que l'apparition de guérillas se s'adossant à cette idéologie religieuse. Il n'en est rien, et cela est que trop passé sous silence. On ne veut surtout pas admettre que les chrétiens se radicalisent tout autant, et que les urnes de demain pourraient bien se remplir non plus d'un vote par réaction, mais bel et bien d'un vote en quête d'action. Les cinq dernières années sont une preuve manifeste de cette idée: manifestations "morales" contre le mariage gay, discours de plus en plus chargés de moralisation dans tous les débats (la famille au centre, l'adoption, la structure sociale…), bref on veut recréer une identité nationale par une identité religieuse, ceci afin de s'opposer à l'identité extranationale que nous présentent tant les migrants que l'islam de l'intérieur. Qu'on se le dise: quand un président se voit presque imposer sa présence dans une église, c'est qu'il y a des errements graves dans la façon de concevoir la laïcité. Notez au surplus que bien des conflits actuels et passés (Ex-Yougoslavie pour le plus proche de nous tant géographiquement que temporellement) se sont servis de la religion comme terreau pour faire germer les graines de la haine ethnique.

Qu'en est-il de l'apocalypse? Elle ne peut que se préparer, ceci avec l'aide monstrueuse que nous lui donnons en ne se préoccupant pas de faire fonctionner autrement notre monde. Le chantage fait aux pauvres n'est plus possible, parce que ce sont à présent les pauvres qui produisent pour les riches, et qui détiennent la machine. La Chine n'est plus une nation esclave, elle est une nation dominante qui nous toise et nous maîtrise par la finance et l'industrie. Il est fini le temps où l'on pouvait se contenter d'écraser les petits sous notre botte, et il n'est pas loin celui où celui que nous avons maltraité va nous mordre en représailles. Pourquoi s'attaque-t-on frontalement aux vieilles nations européennes? Parce qu'elles sont le symbole d'une culture ex-coloniale haïe, parce que nous avons vécu aux crochets des autres, et qu'à présent les autres veulent nous montrer en retour qu'ils ont un autre mode de pensées. Est-ce qu'ils ont tort? L'idéologie est une chose subjective, et ce n'est pas nous qui sommes en position de déterminer qui est a raison. Est-ce que celui qui croit en un Dieu unique a plus raison que celui qui croit en un parterre de Dieux? De quel droit? Nous payons dorénavant notre tentative d'imposer des codes sociaux et moraux, et ceci par la force de notre armée ou de notre argent.

La seule chose qui nous préserve pour le moment d'une violence plus extrême c'est que les hommes qui prennent le pouvoir sur une nation sont confrontés aux impératifs de vivre avec des voisins, de faire circuler l'argent, et par conséquent de composer avec un monde qu'il déteste. Cela nous évite, pour quelques temps encore, que le terrorisme devienne une action d'état, que des gouvernements décident d'aller au-delà du financement de groupuscules plus ou moins identifiés. Le jour où l'économie telle que nous la connaissons connaîtra une vraie crise, alors bien des pays profiteront de l'occasion pour revenir à des guerres de territoire, à des politiques expansionnistes, et bien des conflits pour l'eau, l'énergie et le pétrole vont se déclencher. Par contrecoup, bien des pays riches en paieront violemment les frais. En voulant nous mêler de ces guerres devenues inévitables, nous aurons des représailles soit économiques, soit carrément terroristes et/ou militaire. Pourquoi avons-nous hésité en Syrie? Parce que les Russes nous ont avertis que nous allions droit à l'échec. Pourquoi la Lybie est un échec? Parce que nous n'avions pas voulu, à l'époque, entendre ce même avertissement. Pourquoi notre politique africaine est un naufrage? Parce que nous avons financé des guérillas, armé des despotes sanglants. Pourquoi sommes-nous dorénavant face à l'intégrisme religieux de notre jeunesse? Parce que nous n'avons pas eu le courage d'admettre que nous financions ceux qui les radicalisent… pour peser dans la balance politique régionale. Une anarchie bien menée, parce que chacun tirait la couverture à lui, en espérant que cela ne prêterait pas à conséquence… La Corée du nord en est le plus bel exemple, en sachant qu'elle s'est dotée de la bombe atomique, et qu'elle pourrait à terme être la première nation à en faire usage dans un cadre offensif direct. Cela pourrait déterminer le sort de la région, mais aussi présenter ce à quoi nous allons malheureusement avoir le droit, à savoir des nations de petite taille, surarmées grâce à l'atome, et capables de nous menacer avec aplomb. Qui va aller défier les Coréens aujourd'hui? Plus personne, sachant qu'une bombe atomique peut réduire en cendres Séoul en un instant, voire même Tokyo, ou toute autre ville à portée de tir. Nihiliste? Assurément, mais au même titre que notre bêtise à vouloir croire que nous resterions à jamais les maîtres du monde.

L'apocalypse est possible, et même à envisager, parce que nous n'arrivons pas à admettre que l'homme est ainsi fait qu'il ambitionne de dominer, de régir son prochain, et que cette attitude souvent hautaine, toujours dangereuse, ne peut que mener à la guerre. Nous nous sommes déjà affrontés à un nombre atroce de fois, et avec pour seul résultat des charniers, des carnages, des changements ponctuels de régimes qui, comme tous les autres avant eux, ont fini par s'écrouler. Prenez la France sur deux siècles. L'alternance démocratie-dictature s'est systématiquement jouée sur l'échec d'un gouvernant, ou sur l'émergence de quelques personnages charismatiques poussant à la mort l'ancien régime. Napoléon a poussé l'ancienne royauté dans les limbes le temps d'un intermède; Les républiques se sont vues anéanties par leur incapacité à tenir le pays; les républiques sont mortes de la main même de ceux qui la géraient; En définitive, la vie et la mort des états est dépendante non pas d'une volonté de progrès, mais bien d'une volonté de diriger. Quand le rôle du président de la république a été révisé, est-ce que cela l'a été dans un sens démocratique ou bien républicain? Interrogez-vous sur l'opportunité de mettre un roi par élection au pouvoir, sans possibilité de le démettre durant son mandat; demandez-vous également pourquoi ce même roi élu a le pouvoir d'être le chef des armées, et vous saisirez ce que cela représente que d'élire notre président de la république. "Celui qui ambitionne d'avoir le pouvoir doit à tout prix en être éloigné le plus possible". Douglas Adams, sur le ton de la plaisanterie, a résumé ce que l'ambition humaine peut provoquer: la fin de notre temps, celui de l'homme, celui d'une humanité qui n'a toujours pas trouvé de moyen de s'affranchir de ses propres démons.

07 février 2016

Rétromobile 2016

De quoi se faire plaisir avec des vieilles ferrailles comme je les aime!

Notez que j'aurais aimé filmer le démarrage de la bête de Turin... je n'ai pu qu'en faire de belles photos, mais ci-dessous voici quelques images qui vont vous donner des frissons!


13 janvier 2016

Si Bowie m'était conté

Je hais les nécrologies. Je hais totalement cet exercice de rendre hommage à quelqu'un, qu'on l'aime ou non. J'ai l'impression qu'on aime à martyriser les cadavres des gens dont on parle, et plus encore qu'on veut se valoriser face à l'être qui s'en est allé. Là, je n'ai rien à revendiquer, et encore moins à prétendre face à l'immense artiste qu'est David Bowie. Je parle effectivement au présent, car il est présent et le sera encore très longtemps tant il a su marquer son temps et ses auditeurs. A la différence de la soupe déjà digérée des morceaux formatés pour le grand public, Bowie a marqué chaque auditeur, non parce qu'il était différent, mais simplement parce qu'il savait autant étonner qu'émouvoir, et ça, ce n'est pas à la portée de tout le monde.

Ziggy s'en est allé pour la seconde et dernière fois. Il a quitté la scène après avoir laissé une épitaphe musicale sous la forme d'un dernier album, et aujourd'hui les masses pleurent un artiste improbable. A 69 ans, il s'envole rejoindre l'espace, il disparaît des écrans radar, mais sa musique, elle, va continuer à résonner dans les oreilles. On va longtemps entendre sa différence, et son immense influence continuera à apparaître, çà et là, comme s'il était encore des nôtres sur terre. Et pourtant, était-il humain? Etait-il de cette espèce ou bien était-il un extraterrestre ayant occupé une place à part dans le monde?


David Bowie a exploré tout ce qu'il pouvait, depuis la musique, en passant par la danse, le mime, le cinéma, l'esthétisation à outrance, et ce dans une quête complexe et à mon sens mal comprise d'absolu artistique. Quand un artiste se devait d'être esthétiquement sobre, il se mettait en scène et se créait un personnage. Quand d'autres se sont entêtés à rester décalés par l'apparence, il a recréé son univers et remis en cause tout ce qui avait pourtant fait sa renommée. Quand enfin il a anéanti l'apparence au profit du contenu, les autres n'ont pu que lui embrayer le pas. Toujours en avance, toujours "décalé", comme s'il courait après le temps, comme s'il y avait un empressement à créer et à diffuser ses sensations à travers sa musique. Ce n'est qu'une impression personnelle, mais il me fait encore l'effet de l'alchimiste qui cherche sa pierre philosophale. Il a cherché à tout mêler, tout mélanger, ceci pour révéler au monde la formule secrète de l'or auditif. Il a alors démontré qu'il n'y a pas qu'une école, qu'il n'y a pas qu'une seule mouvance. Il a fondé sa propre université artistique, l'école Bowie, unique, souvent inspiratrice, parfois imitée, mais jamais surpassée dans son style. Qu'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit: il y a cette même créativité qui distingue d'autres artistes, dans des domaines très différents, avec un abord personnel à leur art. Ca ne rend pas Bowie supérieur, juste différent, comme chaque artiste est différent (du moins en théorie…).


J'ai découvert Bowie de la manière la plus étrange qui soit, c'est-à-dire par le jeu vidéo. Oui, vous lisez bien, par le jeu vidéo. J'avais déjà apprécié de nombreux titres, mais la révélation fut totale lorsqu'un magazine m'a vendu du rêve en 1998 à travers le jeu Nomad Soul. Le journaliste avait réussi à me faire ingurgiter que le jeu serait "fantastique", et ce parce que sa bande son serait créée par David Bowie. Intrigué par les images, accroché par le concept, j'ai fini par acheter le jeu en question (que j'ai adoré), et au surplus je me suis rué chez mon disquaire pour me saisir de l'album "Hours". Cet album m'a alors enivré, tant par la créativité de la chose, que par le côté totalement improbable de sa musique. Je n'avais rien écouté de tel ailleurs, et encore moins songé qu'il était possible de manipuler la voix et les sons de cette manière.


C'en était fait, j'étais fou de tout ce disque. Il est devenu, cette année-là, "mon" disque, celui qui m'a accompagné partout, dans la voiture, en voyage, et il était devenu hors de question que cet album ne soit pas à proximité pour m'en remettre un passage de temps en temps.
Pour le jeu lui-même, je vous mets ci-dessous deux choses d'une créativité folle, à savoir son introduction, ainsi qu'une expérience (encore une!), c'est-à-dire un concert virtuel de Bowie DANS le jeu! Qui aurait songé à se servir du média numérique de la sorte avant lui? L'idée fut reprise quelques fois, mais il a inauguré une convergence magique entre la présence de l'artiste et sa musique. La plupart du temps, ce sont des personnages du jeu, désincarnés, qui se font porteurs de la musique. Là, il a été un personnage à part entière dans le jeu… Si ce n'est pas toucher à tout, je ne sais pas ce que c'est!


Sa vie privée? Je m'en fous. Ce qu'il a pu faire en bien et en mal? Il s'est drogué, on l'a insulté pour s'être présenté en androgyne, pour des questions de bisexualité… Mais je m'en contrefous totalement! Qui sont les juges? Ceux qui, s'ils se montraient tels qu'ils sont, seraient crucifiés en place publique pour leurs excès? De ce point de vue, laissons l'art à l'art, laissons la vie privée à celui qui l'a vécue, et rien d'autre.


Pour finir, s'il a inspiré énormément de monde, c'est parce qu'il était un vrai créateur, un véritable curieux là où d'autres se reposent sur des fondamentaux. Ecouter plusieurs albums de Bowie, c'est sans cesse redécouvrir un artiste particulier. Qu'il vous plaise ou non, j'aime ce qu'il a créé, et ça me suffit comme satisfaction.


Merci à vous Monsieur David Bowie.