29 août 2008

Le temps qui court…

Non, je ne cherche pas à vous communiquer l’envie de chanter une vulgaire et insipide reprise d’une chanson hors d’âge par quelques jeunes désoeuvrés gavés de stimulants physiques (mais hélas inefficaces avec le cortex), je songe aujourd’hui à la course du temps qui nous fait découvrir que le présent cavale à une vitesse démoniaque. Que ce soit concernant la technologie, la médecine ou bien la politique, les surprises ne manquent pas et méritent bien souvent des ouvrages complets pour un seul fait ! D’ailleurs, en parlant d’écrits il s’avère qu’en l’espace de 25 ans nous avons produits plus de livres (en nombre de titres) que durant tout le reste de l’histoire de l’humanité cumulée. Certes, au milieu de cette abondance il y a de quoi faire quelques autodafés sans remord, mais malgré tout ce florilège offre aussi de belles réussites tant de librairie que de contenu.

Je diverge, mais revenons à nos moutons (clonés) : qui aurait songé que toute personne sur terre pourrait être jointe à l’aide d’un appareil tenant au creux de la poche et ceci de manière totalement autonome ? Ceux qui fantasmaient sur la téléphonie mobile sont aujourd’hui bien en deçà des résultats atteints : convergence des médias, pluralité des fonctionnalités supplémentaires, bref le téléphone portable se fait couteau suisse numérique pour humain en quête de connectivité totale. Si j’avais dit à mes grands parents que nous pourrions un jour nous parler sans fil, sans contrainte et ce avec une qualité plus qu’honorable m’est avis que j’aurais eu le droit à un « quel doux rêveur » plus qu’à une oreille attentive. Dans le même ordre d’idée Jules Verne fantasmait sur la visiophonie qui est aujourd’hui quelque chose de totalement anodin : Webcams sur ordinateur, téléphones portables (encore eux) équipés de caméras et permettant des conversations vidéos, bref tout le monde peut se parler en se voyant et ce malgré la distance. Magique non ?

Existe-t-il encore des cuisines occidentales qui ne soient pas équipées du four à micro-onde ? Peut-on décemment envisager d’acheter une voiture neuve non affublée de l’autoradio qui lit les mp3 ? Plus sérieusement qui aurait avalé que l’on ferait tenir des milliers d’heures de musique dans une carte en plastique de la taille d’un ongle ? Je me souviens avec émotion des premiers baladeurs numériques qui contenaient péniblement dix chansons : aujourd’hui des cadeaux de fast-foods lisent à haute et inintelligible voix les derniers tubes à la mode ! Ahurissant, d’autant plus quand on se dit que le vinyle survit encore et que la cassette a fait de la résistance des années durant. Quand je vous dit que tout s’accélère ! Les années 80 furent les années cassettes vidéos, les années 90 eurent à peine le temps de basculer au DVD et à présent on nous sort de nouveaux format supposés faire agoniser notre ancien format. Pas la peine d’en dire plus, il suffit aussi de songer aux formats vidéos qui se sont multipliés à une vitesse affolante, à vrai dire au même rythme que les ordinateurs sont entrés dans les foyers. Etant gamin avoir un ordinateur était un luxe, aujourd’hui qui n’a pas d’adresse électronique aura du mal à se trouver un emploi. Le timbre papier a, bien heureusement, le bénéfice de la carte postale et du document officiel, mais tout de même qui continue à correspondre par lettres interposées ?

Les gosses d’aujourd’hui me sidèrent : moi qui pensait de par ma profession côtoyer les nouvelles technologies il s’avère que ces mouflets sont plus rapides que moi à la détente ! Ils sont capables de vous dire quel est le nouveau portable à la mode, quel est le jeu vidéo le plus « fun » et pardessus le marché ils insisteront sur le choix d’achat d’une console en particulier. Inutile de tenter de les berner, ces voyous en culottes courtes connaissent bien leur affaire, vous êtes de toute façon à la traîne, quoi que vous fassiez ! Bien heureusement que vous tenez encore (pour combien de temps encore ?) votre supériorité par l’expérience, mais de là à dire que vous serez obsolète sous peu, il n’y a qu’un pas !

Ceci dit, il reste quelques domaines qui n’ont finalement pas tant évolués que ça : nous n’avons pas encore la voiture volante s’étant affranchie du carburant fossile, les avions sont toujours à réaction et ne dépassent pas le mur du son (en vol commerciaux s’entend), les vols spatiaux restent du domaine des grandes agences gouvernementales, la téléportation est encore reléguée aux Star Trek de mon enfance et les images en relief sont, pour le moment, encore à venir. Et dire que l’hologramme semblait être la solution ! Je suis amusé car finalement c’est l’homme qui est le frein et non le moteur : le téléphone se tient à la main, le clavier est pressé par les doigts et nous parlons à travers une invention séculaire. A quand des humains câblés ? Pas demain en tout cas vu les réticences des gens face à l’ingérence grandissante des technologies dans le quotidien. Pour ma part le temps file trop vite, je m’en remets encore à mon frigo qui ne commande pas tout seul le réapprovisionnement, je ne compte pas sur Internet pour avoir des amis (encore que j’en ai quelques uns sur ce média… soupir) et surtout je pense qu’un parc naturel vaut bien mille villes modernes.

28 août 2008

Un titre, vite!

Après avoir raillé les cheveux taillés en quatre, je me suis dit que la mode vestimentaire mériterait, elle aussi, son moment de mise à nu (sans mauvais jeu d’esprit). Après mûre réflexion, je me suis retourné vers mes pairs et déclaré que la mode tout comme l’intelligence sont des choses visiblement inutiles à l’être humain. Ne vous offusquez pas aussi rapidement ! L’intelligence n’est utile que lorsqu’on est en société et visiblement les cons étant majoritaires l’incapacité intellectuelle soit donc légion et peu pénalisante. Tout au plus trouverons nous quelques métiers nécessitant de savoir se servir de sa tête plus que ses mains comme médecin légiste ou fossoyeur (oui le fossoyeur est intelligent car il est le seul homme ici bas à connaître notre réelle destination finale et à en vivre…). Bref, pas de mode à équarrir, point de mots vaseux sur la robe trop longue ou le pantalon trop large.

Alors, de quoi vais-je pouvoir vous parler ? Le trou de l’écrivain ? Non déjà fait par mes soins et somme toute suffisamment explicite pour ne pas nécessiter une nouvelle brève. La politique internationale ? Dans son cycle sans cesse renouvelé de violence représailles paix négociée il n’y a guère que les noms des belligérants qui évoluent. Alors quoi bougre de bavard prétentieux ? Merde ! Hurle-je en me plantant sur le terril de mes idées consumées ! Y a-t-il une bonne raison pour écrire chaque jour des états d’âme et des calembours sous prétexte de rassasier des lecteurs que je tente désespérément d’élever au-dessus des considérations pécuniaires comme le prix d’un caddie au supermarché ou du litre de gasoil qui n’en finit plus de flamber tant à la pompe que dans les moteur ? Certes, le plaisir de l’écriture invite celui qui s’en délecte à exhiber ses textes aux voyeurs que sont les gens de passage ici, mais de là en faire tout un plat s’il s’avère que le mutisme cérébral arrive à bâillonner la main exercée, ce serait exagéré. Je ne suis hélas pas rémunéré pour échafauder des théories de complots mondiaux pas plus que je ne touche de dividendes sur les livres que je me plais à vous présenter. Et oui, vivre d’un blog c’est aussi crédible qu’un clown sans nez rouge. Alors, si je cède donc aux penchants naturels de l’homme qui le mènent à la fainéantise et à la déconnexion de son intelligence je serais parfaitement en droit de me taire et de vous laisser, vous lecteurs, dans l’attente couinante de mes nouvelles aventures intérieures.

Non ! Il ne s’agit pas là d’un manifeste ayant pour but de m’offrir à bon compte quelques jours de silence pour ressourcer mes questions et d’aller puiser chez les autres leurs névroses, mais c’est simplement que ce n’est pas sous prétexte que je suis lu que je suis tenu à un quelconque résultat ! Bordel ! C’est quoi cette foule qui attend, baveuse, rampante et malodorante, devant la vitrine pimpante de ma thérapie exhibitionniste ? Les zombies sont du domaine de Roméro, pas de celui de mes chroniques… Quoique, il m’arrive parfois de supposer qu’un lecteur de passage peut être un zombie s’étant perdu sur la toile dans le cul de sac qu’est ma tête informatisée. D’ailleurs, c’est dommage que les dits conformistes ne soient pas plus virulents, la plupart des commentaires se bornent généralement à flatter mon ego surdimensionné à coups de flatteries basses et obséquieuses. « De la rage que diable » aurait pu dire le Diable justement en me parlant de mon avenir certain dans le grand cendrier des enfers. Non mon cher Méphisto, je n’ai pas de colère ce soir, pas de raison d’envoyer au cachot un personnage ou bien un évènement honteux dans le monde. De toute manière si l’on devait embastiller tous les cons de ce monde un continent aménagé à cette seule fin ne suffirait pas… et puis je n’ai pas le temps de m’en occuper ça fait trop de boulot pour un seul homme (y a un candidat pour m’aider sur ce coup là ?)

Somme toute lire un blog c’est avant toute chose observer la bêtise de son auteur et d’en décortiquer à loisir les élucubrations les plus débilitantes. En effet, si je n’avais pas fait l’apologie du communisme ou bien chanté les louanges des bruits de bottes dans les grandes capitales, qui aurait été intéressé par des banalités comme « Trop de misère en ce monde » ou bien « Ces chanteurs sont de la merde ». Dans un cas comme dans l’autre j’aurais fait du consensuel à peu de frais, alimentairement parlant intéressant mais trop peu excitants pour m’être acceptable. Et quoi ? Si je gueule que le dalaï lama n’est qu’une autorité spirituelle sans pouvoir et que lui cirer les pompes ne soit qu’une façon détournée d’emmerder poliment les chinois je vais me faire rabrouer ? Non, je n’ai pas l’amitié pour celles qui, guitare sur le dos, mari au pouvoir et faciès en première de couv’ vous disent avec l’air contrit qu’il est important de protéger les tibétains. Difficile de se mettre les gens à dos en disant ça. C’est comme si l’on disait « Les enfants faut pas les faire jouer avec des grenades à fragmentation », tout le monde est d’accord ! J’ai envie de faire chier, ça plait et j’en fais mon fond de commerce, voilà tout. C’est sûr que commercialement parlant la stratégie est douteuse vu l’affluence passablement faiblarde en regard des sombres ignominies que nous pondent des adolescents illettrés mais passionnés d’un chanteur de rap… tout aussi infâme par ailleurs.

Alors, la chronique un marché sans avenir ? J’en doute, il faut tout de même constater que les écrits ayant pour but de cogner sur tout ce qui bouge (et notamment les politiques parkinsoniens) font recette et que les pamphlets valent souvent une réputation d’anarchiste, mais d’anarchiste présentable, le genre qu’on peut sans risque mettre à table avec des royalistes, capitaines d’industries, ou bien la future belle-mère imbue de son rôti de veau en sauce. Mesdames et mesdemoiselles, vous voyez-vous présenter un personnage comme moi à vos parents en vue d’improbables épousailles ? L’idée que votre cher papa se crispe en m’écoutant vilipender dans le désordre la gauche, la droite, la résistance française, les administrations, les coiffeurs ou bien les comptables (comme je l’apprendrai par la suite lui le fut avant sa délicieuse retraite bien méritée) vous vaut déjà des aigreurs d’estomac. Cela expliquerait peut-être un manque terrible de succès avec la gente féminine, à moins que cela soit simplement le fait que je sois tout particulièrement laid. Oh ça après tout, ça ne se voit pas ici, donc tout le monde s’en fout !

Finalement, je suis bien content d’avoir soulagé ma conscience : je vous escroque et vous spolie de votre temps en me prétendant chroniqueur, alors que je ne suis que profiteur de plume sur le dos bien large d’un monde suffisamment con pour me fournir de la matière. Donc, à demain pour ma prochaine orgie de bile salée par ma mauvaise foi !

27 août 2008

Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne est mort

Bon d’accord c’est une nécrologie plus toute fraîche vu qu’il est décédé le 3 Août de cette année à Moscou, mais tout de même rendre hommage à une grande figure de l’anticommunisme et une grande plume moderne de l’ex URSS, je ne pouvais pas y résister. Pour ceux qui ne connaissent le terme bibliothèque ou celui de libraire qu’à travers les images télévisées des derniers antiquaires du livre, je rappelle que cet homme fut un grand auteur réaliste puisque ses ouvrages se fondent sur des expériences vécues, et pour du vécu monsieur Soljenitsyne en a eu : soldat pendant la « grande guerre patriotique », envoyé au goulag pour avoir osé écrire une lettre privée mettant en doute le petit père des peuples, une fois libéré exilé au Kazakhstan, accusé à tort de complot et forcé à quitter le territoire russe jusqu’en 1994, on peut dire que l’homme aura bien bourlingué. C’est avant tout avec une larme à l’œil que je songe à cet écrivain de talent qui m’a offert sa vision d’un univers somme toute inconnu de l’occident, cette URRS que tous nous avions craints et qui fut d’abord bourreau avant d’être mère patrie pour ses habitants.

Une journée d'Ivan Denissovitch est un roman qui traite avec une espèce de candeur la vie dans les camps de travail, les fameux goulags sibériens qui furent tant lieu de labeur que cercueil de givres pour des millions de soviétiques. On y suit pas à pas l’existence d’un maçon qui s’échine à survivre et qui décrit sans y prêter réellement attention cette prison de glace qui enserre le cœur et fait souvent des détenus des animaux sauvages prêts à tout pour un mégot de cigarette. Oscillant probablement entre fiction et situations vécues, ce roman est un monolithe intellectuel qui terrifia littéralement l’état à l’étoile rouge pendant de nombreuses années. C’est notamment à cause de lui que dût s’exiler Soljenitsyne et vivre en Suisse. Pour moi, c’est un incontournable de la littérature moderne russe et qui mérite amplement d’être placé à côté d’un livre de Vassili Grossman (dans un autre style cependant).

Le pavillon des cancéreux relate, là aussi, une situation vécue par l’auteur. En effet il fut atteint d’un cancer et sa rémission fut déclarée « miraculeuse » par plus d’un docteur. Là, ce sont tant les patients que le corps médical qui sont regardés sans complaisance, le tout à l’ère d’un soviétisme qui peine à trouver une façon raisonnée de gérer un hôpital. Un médecin vieille fille, des patients séducteurs, d’autres convaincus d’être indispensables car bureaucrates zélés, Soljenitsyne livre un surprenant tableau de ce que peut être la vie entre les murs d’un pavillon somme toute majoritairement réservé à la mort des patients. J’aime ce livre malgré son côté apparemment sombre car au contraire il est plein d’une ardeur à vivre qui se reflète dans bien des personnages : le soldat pour qui plus rien n’est faisable et qui s’en va convaincu d’être guéri, la médecin qui elle-même est atteinte d’un cancer et qui préfère soigner les autres qu’elle, bref tout une chaleur humaine qui aurait dû être étouffée par le collectivisme et la rationalisation des relations. A lire sans complexe, ce n’est pas de mort qu’il s’agit mais de vie, d’amour et d’espoir.

Et oui, outre ces deux titres majeurs la bibliographie de Soljenitsyne est intéressante car elle est riche d’ouvrages différents, de thèmes différents mais tous ayant trait à la Russie, sa patrie qu’il a tant aimé. Qu’on n’aille pas croire que ce lauréat du prix Nobel de littérature haït sa patrie pour sa situation, au contraire il a toujours marqué un fervent et inconditionnel amour pour son pays. Tout comme les russes défendirent la Sainte Russie pendant la seconde guerre mondiale et ce malgré les purges staliniennes, jusqu’au bout Soljenitsyne aura aimé sa terre. D’aucun croirait qu’il s’agissait là de chauvinisme : non c’est que j’appelle avec passion du patriotisme. Aimer sa patrie n’est pas une notion surannée, en aimer sa richesse n’a rien de honteux. Que j’aimerais que les écrits de cet auteur aujourd’hui disparu deviennent enfin des références pour apprendre aux adolescents qu’il y a eu pire et que c’est à chacun de faire en sorte de « faire mieux ». On ne prend jamais assez garde aux libertés, et lire en est une fondamentale...

26 août 2008

Psychatrie et réseau

Jusqu’à récemment l’aspect psychologique voire psychiatrique des gens était un tabou particulièrement virulent au titre que reconnaître avoir une maladie nerveuse revenait à admettre avoir une tare inacceptable. Combien de gens durent taire toute leur existence les TOC (troubles obsessionnels compulsifs) qui leur rendaient la vie impossible, combien furent astreints à cacher leur dépression nerveuse pour ne pas passer pour un faible ? Certes, il est compréhensible que l’on ne soit guère fier d’être pris dans l’étau de la maladie qui handicape fortement, mais pour autant la société était-elle tenue de porter un jugement négatif sur des situations totalement indépendantes de la volonté de ces malades aux pathologies pourtant ordinaires ? Maintenant que nous avons progressés je trouve que nous arrivons à l’extrême inverse, c'est-à-dire que les désordres intellectuels sont mis en avant et même glorifiés dans certains cas. Observons quelques situations étonnantes pour saisir toute l’ampleur de la chose.

Tout d’abord il y a cette maladie trop ordinaire qu’est la dépression nerveuse. Difficile à voir de l’extérieur et très douloureuse à l’intérieur, la dépression est maintenant non plus traitée ponctuellement pour offrir une aide salutaire aux patients mais au contraire trop traitée au point d’en devenir aussi banale qu’un rhume. L’augmentation hallucinante de la consommation d’anxiolytiques, de calmants et autres antidépresseurs me laissent à penser que le médecin est passé du stade de conseil médical à celui de revendeur de stupéfiant. En effet, les effets connus de ces médicaments sont tout sauf anodins : addiction rapide et très dure, effets psychotropes violents, modifications radicales du comportement, dégâts du l’organisme et j’en passe. De fait, bien des patients ne viennent plus voir un thérapeute pour trouver une solution raisonnée à leur déprime et se présentent avec une liste de médicaments comme nous le ferions pour faire des courses dans un hypermarché. Où est donc passé le serment d’Hippocrate ? La banalisation des problèmes plus d’ordre psychologiques que chimiques ne mériterait-elle pas une analyse et une remise en question des traitements prescrits ? La communication est très efficace pour les dépressions nerveuses et leur prise en charge par un personnel compétent saurait d’une part réduire la consommation de ces saletés et d’autre part améliorerait de manière flagrante la vie des patients. Mais de là à remettre en doute les lobbies de l’industrie pharmaceutique…

Passons à quelque chose de plus insidieux je vous prie. A l’heure actuelle il est autrement plus facile de lister des psychopathes connus qu’il y a une trentaine d’années (qu’ils soient réels ou de fiction). Citons par exemple Charles Manson, Hannibal Lecter ou bien encore Dexter dans la série éponyme actuellement à la mode. Quel est le point commun de ces trois « fous » ? La popularité basée sur la fascination sinistre qu’a l’homme pour ses propres peurs. Il est bien entendu évident qu’aucun passionné n’ira dire qu’un Hannibal est un homme sain d’esprit, pas plus qu’une « groupie » affirmera que Manson est un homme bien, mais malgré tout l’aspect attirant demeurera au centre des préoccupations du public. Je me suis posé la question qui est de savoir si oui ou non Hannibal Lecter est un personnage de fiction intéressant. Je me dois d’affirmer que oui il l’est parce que justement ses actes sont soit dictés par la nécessité de survivre, soit par l’absence totale de pitié pour l’humanité. Il tue généralement des personnages tout aussi détestables, ce qui laisse souvent le lecteur (ou spectateur au cinéma) particulièrement mal à l’aise, et donc d’autant plus fasciné et conquis par son charisme. Ce qui est plus inquiétant c’est que cette espèce d’idolâtrie du tueur psychopathe offre un terreau fertile à des imitateurs en mal de reconnaissance. La médiatisation est la pire chose qui puisse arriver concernant ce genre de malades mentaux au titre qu’elle leur donne le moyen de jouir d’une « visibilité » temporaire. Reste à trouver un équilibre précaire entre l’information et taire totalement ces cas, la première solution laissant la porte ouverte aux abus, la seconde rendant difficile voire improbable la collaboration d’un large public. Charge aux médias de connaître les limites acceptables entre informer et vanter les crimes d’un tiers.

Enfin, en cette ère des communications, on ne peut constater qu’un isolement accru des gens. Par excès de moyens la population choisit de se terrer dans la sécurité relative d’un domicile d’où il est possible de prendre des nouvelles des autres sans jamais les croiser physiquement. Nous avons créés de nouvelles pathologies particulièrement dangereuses comme l’addiction aux jeux vidéo ou le phénomène de l’ermite numérique (cette dénomination est de moi). Je m’explique : le premier se mettra en péril pour accumuler des heures de présence derrière son écran dans le seul but d’avoir une notoriété narcissique sur internet, la seconde fera qu’une personne prendra tous les moyens à sa disposition pour vivre loin du contact de la société : achats en ligne, courses en ligne, discussion toujours en ligne, télétravail (si possible) et j’en passe. Dans un cas comme dans l’autre le seul isolement du patient hors du cercle des technologies devient maintenant improbable avec l’omniprésence de l’informatique et de la téléphonie mobile. Alors, sans suivi efficace de la part de thérapeutes maîtrisant réellement ce monde qu’est le virtuel, peut-on encore croire à leur capacité de soins pour des patients aussi particuliers ? Jamais auparavant il ne fut aussi possible de vivre enfermé chez soi, jamais aucune société ne fut confrontée à cette éventualité de vivre en paria sans en avoir l’air. Les premiers cas de décès en ligne ont été recensés et il est probable que nombre de personnes furent simplement déclarées mortes suite à des pathologies comme un problème cardiaque inhérent à la sous alimentation ou le surpoids, et que bien des cas sont encore classés comme étant simplement des résultats d’une vie dissolue. Quand nous recouperons le désastre potentiel qui nous guette avec des faits jusqu’alors réduits à de simples décès « naturels », alors nous pourrons faire un bilan bien moins positif du virtuel. Observez votre entourage si vous faites partie de ceux qui côtoient régulièrement des « fous du web » : sont-ils en bonne santé ? Ont-ils la capacité de s’intéresser à autre chose que leur monde ? Sont-ils irritables quand on leur dit qu’ils passent trop de temps derrière un écran ? A quand remonte leur dernière sortie entre amis ? Tous ces petits indices sauraient vous donner la prévision plutôt sinistre que votre ami(e) est accroc au réseau, et qu’il est plus que temps d’agir en conséquence. Tout comme l’inconséquence égoïste des gens fut une part active de nombre de morts lors de la grande canicule de 2003, c’est à chacun de faire acte d’intelligence en percevant les détails qui font que votre voisin risque sa santé à cause d’un score à un jeu, ou à cause de l’illusion de liberté qu’offre le web.

25 août 2008

La valse des rouflaquettes

En quoi les attributs capillaires démodés seraient-ils suffisamment intéressants pour mériter un commentaire acéré de votre serviteur ? A-t-il lui-même ces pattes grotesques qui poussent sur le bas des tempes et qui sont supposées offrir un visage particulier ? Certes non, son obstination à user de la tondeuse pour maintenir une bien militaire rectitude, ainsi qu’une longueur réglementaire sur son caillou laisseraient entendre qu’il n’a de pitié pour les cheveux que sur les crânes de celles qui savent lui être agréables. Donc, qui pourrait supposer que je me mette à raisonner et à philosopher sur la capilliculture ? Allons, un peu d’ouverture d’esprit (disait le docteur au trépané allongé devant lui) ! La mode, tout comme les cheveux apprécient l’immodestie ainsi que la démonstration ostentatoire. Avez-vous seulement vu un modiste de quelque place que ce soit faisant acte de discrétion ? N’est-il pas de notoriété publique qu’un coiffeur aime à faire de vos cheveux une sculpture moderne tenant tant du césar que de la pièce montée ? Il en est ainsi non pas depuis l’avènement de la gomina mais depuis toujours. Vous en douteriez donc tellement pour que vos yeux se mettent à rouler telles des billes folles dans vos orbites ? Suivez moi dans mes pérégrinations !

Ah la préhistoire ! Rude temps où femme et gourdin étaient deux accessoires indispensables au bestial homme des cavernes ! En ce temps l’aspect capillaire et même pileux revêtait une nécessité absolue plus qu’une passion pour la mode. Le froid, le gel, l’hygiène, tout concourrait à maintenir une certaine présence de la barbe et des cheveux longs. Bon oui il faut aussi dire que Bic pas plus que Braun n’étaient passés par là et que la paire de ciseaux patientait tranquillement dans les limbes du temps. Mais pourtant, croyez-vous que le cheveu était pour autant négligé ? Réfléchissez : vu la brutalité des relations hommes femmes, comment l’homme (stupide) pouvait-il s’assurer le suivi de sa femme (tout aussi stupide il faut dire) ? En la tirant pas les cheveux ! C’est de là que vient l’expression « tu es une traînée ! » Peu glorieux pour la condition féminine s’il en est, ce fait historique confirme que le cheveu était avant tout pratique et non pas une revendication esthétique.

Faisons un bond dans le temps. La grande époque de la perruque poudrée ! Même les chauves pouvaient prétendre à être à la mode et ce bien avant la passion pour l’aéroport à mouches de monsieur Barthez. En effet, chacun se collait une tignasse sur la caboche, se barbouillait en blanc et poudrait le tout pour avoir l’air « classe ». Ma foi, ressembler à son voisin en tout point peut être assimilé à l’esprit de meute mais de là à parler de classe, je pouffe (ou j’éternue vu la quantité de poudre déposée sur le bazar en poils naturels). Bref, on passe donc de la fonctionnalité à l’esthétique pure et dure, enfin esthétique, le con qui trouve cela beau je me sentirais insulté s’il me disait séduisant… Toujours est-il que depuis ce temps on sait que les anglais maintiennent l’usage de la perruque dans les tribunaux. Bah quoi ? Ils sont déjà bien assez cons pour boire la bière tiède, bouffer bouillu, alors coller une moumoute grise à leurs juges, ils ne sont plus à ça près !

Bien plus proches de nous le cheveu est devenu une arme de revendication. Loin de tous les stéréotypes bien formatés, les cheveux longs chez le garçon boutonneux fut une manière (et l’est toujours) se faire remarquer de la jeunette en quête de l’ébauche d’homme qui se présente à elle. L’attitude rebelle de l’adolescent à travers ses cheveux reste encore vivace, surtout qu’elle permet d’agiter le semblant de cervelle qu’il leur reste lors des concerts de rock survolté dont les noms évoquent généralement le cimetière et la nécrophilie. Soit. C’est transitoire d’autant plus que le marché du travail accepte difficilement le poil pendant dans le dos comme une queue insoumise de cheval de traie rondouillard, mais pour autant certains s’entêtent à orner la queue enserrée dans l’élastique et à jouer la différence capillaire. Ne leur ôtons pas leurs illusions : depuis que les pavés ont rejoints leur place dans le plancher à automobiles et que l’ostensible est passé du maillot sale au tchador intolérable, notre rockeur boutonneux ne pourra jamais plus choquer. Il laisse d’ailleurs cela aux punks car il faut bien ne pas faire peur aux parents : rebelle… mais pas trop !

Ah le punk, cet animal mythique oscillant entre la licorne et le troll, cette bête effrayante dont l’haleine de bière éventée et le parfum d’urinoir public laisse perplexes tous les analystes. Toi qui a arboré l’iroquois sur ton crâne, toi qui t’es changé en hérisson teint en vert, existes-tu encore ou est-ce seulement des ersatz que je croise dans les concerts où je me sens vieux et hors du temps à la fois ? Sans rire, nos « jeunes » n’ont du punk d’origine que la dégaine et la coupe de cheveux, mais certainement pas l’attitude primaire no futur qui fut tant symbolique en son temps. D’ailleurs, question futur nombre ne sont pas loupés : entre la came et la picole la plupart nourrissent aujourd’hui les asticots, les survivants hésitant entre les cures à répétition et la rédemption par un mariage de raison avec la bonne des parents ou avec la voisine de palier divorcée. Déprimant bilan s’il en est, il n’en reste pas moins amusant de voir que par le retour des « crêteux » (néologisme ayant pour but de désigner les gens avec les cheveux en crête), même s’il s’agit de marketing et non d’attitude. L’anarchiste d’aujourd’hui tient siège non pas dans un bar miteux mais dans un appartement bobo dont le loyer est offert gracieusement par des parents trop heureux de se débarrasser de la si encombrante et remuante progéniture.

Et la rouflaquette dans tout ça ? Par miracle elle est morte à la fin du disco et du rockabilly. Il existe encore, tout comme les mammouths, des acharnés convaincus du retour prochain des godasses compensées et des pantalons à patte d’éléphant (par miracle la tentative fut un cinglant échec tant commercial que social… Merci à toi Saint Jean en denim !). Pauvres choses que nous sommes : revivre le passé par l’intermédiaire des cheveux. De là à dire que, à travers ce raisonnement, je sois un nostalgique d’un quelconque régime militariste il n’y aurait qu’un pas… de l’oie ? J’en ris encore !

Tout est relatif

A partir du doux constat que malgré mon absence prolongée vous m’êtes restés assez fidèles, j’ai pu déduire sans difficulté qu’il me fallait prolonger une saison de plus l’expérience de mes élucubrations éditoriales pour mon plus grand plaisir. Pourquoi diable est-ce que je parle de mon plaisir et non le vôtre ? Parce que je réaffirme qu’avant toute chose un auteur doit non pas se sacrifier sur l’autel de la bienséance du lectorat mais au contraire se contenter et apprécier son onanisme par plume interposée. De ce point de vue je suis totalement accompli, vous ne trouvez pas ? Bref, voici la nouvelle saison des frasques de votre auteur, plus aigri et cynique que jamais… Quoique, il s’avère que ces vacances furent aussi l’occasion d’attendrissements qui ne sont généralement pas dans mes priorités. Je dois me faire vieux.

Trêve de bavardages sur ma petite personne égocentrique, parlons plutôt du monde dans l’état où je le retrouve en cette fin de migration des campeurs grégaires. Ah, le doux parfum de la poudre qui vient saupoudrer les gouvernements fantoches et les républiques fantaisistes ! Sans analyser plus profondément la crise géorgienne (je n’ai pour le moment pas suffisamment de compétences pour me le permettre), observons tout de même avec délice à quel point le jeu provocation invectives s’avère redoutable. D’un côté nous avons le poids plus Georgie, pesant quasiment rien militairement qui s’oppose au titan Russe assis sur un trône de blindés et de missiles balistiques. A qui doit-on l’audace du petit poucet ? A un président présomptueux ? Certes, il est aisé de prendre le rôle de l’homme immolé sur l’autel de la liberté mais ce serait alors oublier le soutien à peine caché de l’aigle américain, toujours friand de crises à créer puis à désamorcer. De fait, ce pays ne sert donc que les vues des deux anciens ennemis (qui se regardent accessoirement avec une agression à peine étouffée par la nécessité de faire du commerce) et non ses intérêts propres. Les Russes ne peuvent décemment pas céder sans y laisser des plumes, et les américains ne peuvent pas plus trop insister de peur d’être parti pris. Risible que je vous dis ! La mise en perspective de cette situation ressemble donc énormément aux putschs assistés par la CIA dans les années 60, tout comme elle a un air de famille avec les territoires envahis par la Chine comme le Tibet : peu d’intérêts économiques mais la nécessité absolue de maintenir une autorité qui serait alors mise en doute en cas de faiblesse. Que l’on me dise que le Tibet ou la Georgie sont des scandales humains et politiques je le comprends, mais qu’on aille jusqu’à exiger l’indépendance du premier et le retrait militaire sans condition des russes pour l’autre me laisse perplexe. Accepteriez-vous de céder face à votre voisin même s’il a raison ? Généralement non, ne serait-ce que dans un souci de crédibilité familiale. Là, c’est hélas le même raisonnement peu attirant mais au combien réel…

Tenez, la Chine parlons en. J’adore ces commémorations gigantesques où l’esprit olympique est mis en avant, où les athlètes sont les vrais dieux et où les médias deviennent une arme absolue. Tout ceci n’avait-il pas le monumental attrait fascinant des défilés de Nuremberg ? Certains me gueuleront qu’il ne faut pas pousser, et d’autres me brailleront avec encore plus de colère que l’on ne peut pas mettre en parallèle communisme chinois et nazisme allemand. Grossière erreur mes chers lecteurs ! Dans un cas comme dans l’autre la fascination du public est visée, l’idolâtre des symboles est strictement identique tant dans la mise en scène que dans la finalité. Vous voyez une différence entre une arène saluant des anneaux de couleur et une immense esplanade où une foule en liesse salue un drapeau orné d’une croix gammée ? Certes, les valeurs olympiques sont supposées être plus propres et surtout moins politiques, mais depuis quand des pays se présentent aux jeux sans revendication politique ? Oublierait-on les brassards noirs portés par les sportifs français pour les dix soldats tombés au champ d’honneur ou ceux des espagnols suite à la catastrophe aérienne ? De la même manière n’a-t-on pas assisté à un jeu médiatique et politique de la part des dirigeants du monde concernant leur présence lors des cérémonies de ces jeux ? Le sport est politique, tout comme toute action où la foule est associée par l’état à un évènement majeur. Au surplus, n’oublions pas que l’économie est aujourd’hui un politicien à part entière : il mène la danse entre les états, exige son dû aux nations pauvres, force la main des faibles pour les avantages des forts et pardessus le marché dicte sa morale à chacun. Si la France n’avait pas d’intérêts financiers en Chine, m’est avis que notre président ce serait senti moins frileux à l’idée de boycotter l’ouverture des jeux de Pékin. C’est ainsi, le spectre de la Chine pesant sur le monde est une réalité, et ce n’est en fait plus un spectre mais un dragon bien éveillé qui ondule autour des nations industrialisées. Le Tibet ? Dans ces conditions ce petit état en devient une quantité négligeable, tout comme nous négligeons ouvertement les atteintes aux libertés individuelles ou pire encore l’usage de la torture dans bien des pays où nos finances se pavanent sans vergogne. La valeur d’une vie d’un persécuté est autrement moins grande que celle d’un électeur…

Finalement tout va bien : la relativité des valeurs de chacun est toujours la même et chaque chose est une occasion de se dédouaner des hésitations ou d’un code moral pourtant indispensable à toute vie intelligente. Voyez donc le peuple français face au président Sarkozy : dix soldats meurent, il en fait un martyr sur l’autel de la liberté. En face la question n’est pas vraiment que le coût humain inévitable dans un territoire en guerre perpétuelle, mais avant toute chose le coût financier et le résultat obtenu en regard de cette dépense. Le discours tenu par le président est sur ce point passablement mal passé : Il a parlé de la préservation des valeurs de la république face à la violence et au communautarisme. Oublierait-il que c’est un discours colonialiste qu’il tient là ? L’Afghanistan n’est pas une nation qui s’occidentalisera pas plus que le triptyque « Liberté, Egalité, Fraternité » n’est valable (à peu près) qu’en France. Le rôle du soldat est de mettre sa vie en jeu pour une nation, pas de servir de faire valoir pour des points dans les sondages. De la même manière la réaction populaire me fatigue profondément au titre que de pleurer la mort d’un soldat n’a rien d’anormal, sa fonction même est un risque perpétuel. Cela n’ôte en rien la valeur de ces hommes, pas plus que cela réduit la peine de leurs proches. Pour autant, peut-on décemment se plaindre que la volonté d’un homme d’être un serviteur armé d’une cause l’ait emmené dans la tombe ? La « Cause » est une question politique dont le soldat n’est en principe pas tenu de discuter. L’état ordonne, le fantassin exécute. En revanche, poser la question de la place de la France là-bas et même réfléchir au retrait des troupes dépêchées sur place revient à se demander quelle est la place diplomatique de notre nation. Dans l’ensemble le doute est permis : sommes-nous forts puisque nous projetons des forces armées à l’étranger pour la préservation d’une paix improbable ou sommes-nous faibles puisque nous songeons à partir sans avoir mené à bien la mission que nous avions fixés au départ ? Nous sommes donc condamnés à l’enlisement et à devoir assumer nos décisions… et c’est tout relatif puisqu’en cas d’échec nous prétendrons avec force que le pays est trop « arriéré » pour comprendre notre haute opinion que nous avons de la démocratie.

Ah, qu’il est bon de jouer avec la rhétorique !