25 août 2008

Tout est relatif

A partir du doux constat que malgré mon absence prolongée vous m’êtes restés assez fidèles, j’ai pu déduire sans difficulté qu’il me fallait prolonger une saison de plus l’expérience de mes élucubrations éditoriales pour mon plus grand plaisir. Pourquoi diable est-ce que je parle de mon plaisir et non le vôtre ? Parce que je réaffirme qu’avant toute chose un auteur doit non pas se sacrifier sur l’autel de la bienséance du lectorat mais au contraire se contenter et apprécier son onanisme par plume interposée. De ce point de vue je suis totalement accompli, vous ne trouvez pas ? Bref, voici la nouvelle saison des frasques de votre auteur, plus aigri et cynique que jamais… Quoique, il s’avère que ces vacances furent aussi l’occasion d’attendrissements qui ne sont généralement pas dans mes priorités. Je dois me faire vieux.

Trêve de bavardages sur ma petite personne égocentrique, parlons plutôt du monde dans l’état où je le retrouve en cette fin de migration des campeurs grégaires. Ah, le doux parfum de la poudre qui vient saupoudrer les gouvernements fantoches et les républiques fantaisistes ! Sans analyser plus profondément la crise géorgienne (je n’ai pour le moment pas suffisamment de compétences pour me le permettre), observons tout de même avec délice à quel point le jeu provocation invectives s’avère redoutable. D’un côté nous avons le poids plus Georgie, pesant quasiment rien militairement qui s’oppose au titan Russe assis sur un trône de blindés et de missiles balistiques. A qui doit-on l’audace du petit poucet ? A un président présomptueux ? Certes, il est aisé de prendre le rôle de l’homme immolé sur l’autel de la liberté mais ce serait alors oublier le soutien à peine caché de l’aigle américain, toujours friand de crises à créer puis à désamorcer. De fait, ce pays ne sert donc que les vues des deux anciens ennemis (qui se regardent accessoirement avec une agression à peine étouffée par la nécessité de faire du commerce) et non ses intérêts propres. Les Russes ne peuvent décemment pas céder sans y laisser des plumes, et les américains ne peuvent pas plus trop insister de peur d’être parti pris. Risible que je vous dis ! La mise en perspective de cette situation ressemble donc énormément aux putschs assistés par la CIA dans les années 60, tout comme elle a un air de famille avec les territoires envahis par la Chine comme le Tibet : peu d’intérêts économiques mais la nécessité absolue de maintenir une autorité qui serait alors mise en doute en cas de faiblesse. Que l’on me dise que le Tibet ou la Georgie sont des scandales humains et politiques je le comprends, mais qu’on aille jusqu’à exiger l’indépendance du premier et le retrait militaire sans condition des russes pour l’autre me laisse perplexe. Accepteriez-vous de céder face à votre voisin même s’il a raison ? Généralement non, ne serait-ce que dans un souci de crédibilité familiale. Là, c’est hélas le même raisonnement peu attirant mais au combien réel…

Tenez, la Chine parlons en. J’adore ces commémorations gigantesques où l’esprit olympique est mis en avant, où les athlètes sont les vrais dieux et où les médias deviennent une arme absolue. Tout ceci n’avait-il pas le monumental attrait fascinant des défilés de Nuremberg ? Certains me gueuleront qu’il ne faut pas pousser, et d’autres me brailleront avec encore plus de colère que l’on ne peut pas mettre en parallèle communisme chinois et nazisme allemand. Grossière erreur mes chers lecteurs ! Dans un cas comme dans l’autre la fascination du public est visée, l’idolâtre des symboles est strictement identique tant dans la mise en scène que dans la finalité. Vous voyez une différence entre une arène saluant des anneaux de couleur et une immense esplanade où une foule en liesse salue un drapeau orné d’une croix gammée ? Certes, les valeurs olympiques sont supposées être plus propres et surtout moins politiques, mais depuis quand des pays se présentent aux jeux sans revendication politique ? Oublierait-on les brassards noirs portés par les sportifs français pour les dix soldats tombés au champ d’honneur ou ceux des espagnols suite à la catastrophe aérienne ? De la même manière n’a-t-on pas assisté à un jeu médiatique et politique de la part des dirigeants du monde concernant leur présence lors des cérémonies de ces jeux ? Le sport est politique, tout comme toute action où la foule est associée par l’état à un évènement majeur. Au surplus, n’oublions pas que l’économie est aujourd’hui un politicien à part entière : il mène la danse entre les états, exige son dû aux nations pauvres, force la main des faibles pour les avantages des forts et pardessus le marché dicte sa morale à chacun. Si la France n’avait pas d’intérêts financiers en Chine, m’est avis que notre président ce serait senti moins frileux à l’idée de boycotter l’ouverture des jeux de Pékin. C’est ainsi, le spectre de la Chine pesant sur le monde est une réalité, et ce n’est en fait plus un spectre mais un dragon bien éveillé qui ondule autour des nations industrialisées. Le Tibet ? Dans ces conditions ce petit état en devient une quantité négligeable, tout comme nous négligeons ouvertement les atteintes aux libertés individuelles ou pire encore l’usage de la torture dans bien des pays où nos finances se pavanent sans vergogne. La valeur d’une vie d’un persécuté est autrement moins grande que celle d’un électeur…

Finalement tout va bien : la relativité des valeurs de chacun est toujours la même et chaque chose est une occasion de se dédouaner des hésitations ou d’un code moral pourtant indispensable à toute vie intelligente. Voyez donc le peuple français face au président Sarkozy : dix soldats meurent, il en fait un martyr sur l’autel de la liberté. En face la question n’est pas vraiment que le coût humain inévitable dans un territoire en guerre perpétuelle, mais avant toute chose le coût financier et le résultat obtenu en regard de cette dépense. Le discours tenu par le président est sur ce point passablement mal passé : Il a parlé de la préservation des valeurs de la république face à la violence et au communautarisme. Oublierait-il que c’est un discours colonialiste qu’il tient là ? L’Afghanistan n’est pas une nation qui s’occidentalisera pas plus que le triptyque « Liberté, Egalité, Fraternité » n’est valable (à peu près) qu’en France. Le rôle du soldat est de mettre sa vie en jeu pour une nation, pas de servir de faire valoir pour des points dans les sondages. De la même manière la réaction populaire me fatigue profondément au titre que de pleurer la mort d’un soldat n’a rien d’anormal, sa fonction même est un risque perpétuel. Cela n’ôte en rien la valeur de ces hommes, pas plus que cela réduit la peine de leurs proches. Pour autant, peut-on décemment se plaindre que la volonté d’un homme d’être un serviteur armé d’une cause l’ait emmené dans la tombe ? La « Cause » est une question politique dont le soldat n’est en principe pas tenu de discuter. L’état ordonne, le fantassin exécute. En revanche, poser la question de la place de la France là-bas et même réfléchir au retrait des troupes dépêchées sur place revient à se demander quelle est la place diplomatique de notre nation. Dans l’ensemble le doute est permis : sommes-nous forts puisque nous projetons des forces armées à l’étranger pour la préservation d’une paix improbable ou sommes-nous faibles puisque nous songeons à partir sans avoir mené à bien la mission que nous avions fixés au départ ? Nous sommes donc condamnés à l’enlisement et à devoir assumer nos décisions… et c’est tout relatif puisqu’en cas d’échec nous prétendrons avec force que le pays est trop « arriéré » pour comprendre notre haute opinion que nous avons de la démocratie.

Ah, qu’il est bon de jouer avec la rhétorique !

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