30 août 2011

Sinistrose

Il faut absolument que je cesse les chroniques sinistres, notamment celles où mon pessimisme mène à voir le monde d’une manière absolument immonde : guerres, massacres, naufrages économiques, la liste est longue et je serais plus avisé d’essayer de faire rire mes lecteurs, plutôt que de les faire frémir ! Après tout, c’est aussi pour cela que viennent nombre de personnes, et pas uniquement parce que, paraît-il, je me dépatouillerais pas si mal pour décrire le monde tel qu’il est.

Mais faire rire, c’est parvenir à chatouiller les zygomatiques, trouver le point faible de chacun, et cela, mine de rien, c’est autrement plus difficile que de faire pleurer. Tenez, prenez le cinéma pour exemple fondamental. Autant, réaliser un drame atroce, sachant pousser à la larmichette de circonstance n’a rien de si compliqué, autant faire une bonne comédie fine, intelligente, mêlant humour verbal et comique de situation est un vrai défi. Bon, il est clair que si le trait est trop gros, nous sommes vite gavés par les films espérant nous faire chialer, mais pour autant, cela ne produit pas nécessairement de « mauvais films ». En revanche, une comédie ratée, c’est non seulement pénible à regarder, mais c’est en plus ennuyeux. Quand un film est triste, même si le rythme est lent, on accepte tant bien que mal ce parti pris… Mais dans une comédie, si le rythme est cassé par des gags foireux ne nous faisant pas rire du tout, c’est l’ennui garanti ! Comme quoi, le cinéma est le premier média à pouvoir prétendre à être complexe quand il s’agit de pousser au rire.

Par l’écrit, ce n’est guère plus simple, d’autant plus que l’écrit nécessite un minimum de compétences. La peau de banane visuelle n’a rien de rigolo lorsqu’on la décrit, et c’est là que tout l’art de la plume qui doit s’exprimer pour amener le lecteur à esquisser un sourire, rien que parce qu’on a parvenu à exciter son imagination. Tenez, moi qui vous parle depuis un paquet de temps à présent, il m’est arrivé de réussir à provoquer l’hilarité, qu’elle soit de situation, ou qu’elle soit suite à un jeu de mots plutôt tordu. On pourrait croire que c’est plus simple que de filmer, mais il n’en est rien. Pire encore, l’écrit a pour tare qu’on peut se retrouver à rejouer des partitions déjà connues, tout comme un cinéaste peut être amené à le faire ! Usez du verbe argotique, et l’on vous attend sur le terrain inattaquable d’Audiard. Usez d’un ton trop léger, et l’on vous prendra pour un ado féru de plaisanteries grasses ; usez enfin d’un langage châtié, et le maître Desproges vous regardera tel un procureur dans un tribunal (des flagrants délires où il n’était d’ailleurs qu’avocat, ceci démontrant qu’au barreau des humoristes, la compétence fait foi). N’ayant ni l’intelligence de l’un, ni la souplesse linguistique de l’autre (et réciproquement), je me dois de dire que ce n’est pas facile de vous faire marrer !

Il y a ces miracles, ces réflexions qui sortent de nulle part, ces mots agencés par chance et par jeu de neurones qui se connectent presque par miracle. Depuis la contrepèterie, jusqu’aux blagues ignobles ou racistes, à chaque fois que l’esprit se révèle brillant, il y a de quoi pavoiser (un peu… juste un peu, ça flatte l’ego et cela incite à continuer son labeur de scribouillard sans rémunération). J’ai la profonde conviction que faire rire est donc autant un travail de longue haleine, mêlant à la fois culture et intelligence ouvragée, que la singulière et incroyable chance d’avoir « de l’humour ». Au fait, vous savez ce que c’est, l’humour ? C’est autant rire des autres que de soi-même. Malheureusement, nombre de personnes n’ont aucun humour, puisqu’ils ne rient que des autres, et jamais d’eux. Pourtant, en tant qu’humain, nous devrions, et ce en toute priorité, nous moquer de nous-même ! Notre chance, c’est de rire, de prendre les choses au second degré, de savoir ironiser sur notre orgueil et notre bêtise permanente. Certains vont jusqu’à pousser cette capacité jusqu’à en faire des spectacles… Tant mieux, eux au moins nous offrent des tranches de vie, de moquerie, qui, finalement, nous remettent à notre place à l’univers, c’est-à-dire juste à côté de la brosse blanche à poils durs conçue pour récurer les cuvettes Villeroy et Boch.

Enfin, quand on veut rire, on a tous un type dans notre entourage, un phénomène cosmique tel qu’il faudrait le présenter à des scientifiques pour qu’ils en valident l’existence. Il y a donc ce « con », le VRAI con, l’inusable, l’indécrottable qui, au détour d’une conversation, d’un simple échange, vous rappelle que, dans l’absolu, il y a toujours pire que soi. Dignes des trous noirs, susceptibles d’absorber jusqu'à l’intelligence, ces bizarreries scientifiques sont franchement le meilleur moyen tant de nous rassurer que de nous faire rire aux éclats. J’en ai un, un bon, que dis-je, une vedette, la pointure godasse clown capable de vous faire douter sur le fait que tout cerveau placé dans un crâne dispose du même nombre de neurones. Vous me trouvez féroce ? Pas le moins du monde, et c’est là que vient le rire : non content d’être un sacré con, il s’avère fier de ses imbécillités ! Chouette, de quoi tuer ma sinistrose, de quoi mettre au cimetière tous les côtés négatifs de la vie. Vivre, et rire, c’est donc exister rien que pour découvrir des profils de son genre ? Alors oui, la vie vaut, un peu, la peine de se battre pour elle…

Hééé, reviens, j’ai encore envie de me fendre la poire ! Allez, trouve nous une connerie de derrière les fagots !

29 août 2011

Persectives pessimistes

Après un mois complet d’absence, je me dois de réapparaître correctement, et ce avec un texte qui, je l’espère, sera suffisamment clair et précis pour être compréhensible. En effet, en attaquant la rédaction de ce mot d’humeur, je me rends compte qu’il s’agit plus de sensations que de véritables constats, à tel point que je pourrais passer pour un paranoïaque de la pire espèce... Et, finalement, j’en serais presque ravi ! Tout ça pour dire quoi ? Qu’après plusieurs années d’observation de la politique mondiale, de lectures multiples et variées, je constate avec inquiétude, voire horreur, que nous dérivons à nouveau vers des tempéraments dignes des heures les plus sombres du XXème siècle. Ne m’en veuillez donc pas si, malheureusement, le fil de la réflexion se révèle trop tortueux, ou simplement incomplet, c’est que moi-même je tente d’ordonner un peu cet agencement complexe d’idées et de suppositions. Bonne lecture !

Commençons simple, car il nous faut bien un point de départ. Comme je l’ai déjà établi à maintes reprises, tout gouvernement se doit d’avoir un « ennemi », au sens politique du terme. Ainsi, les démocraties européennes se sont trouvées comme adversaires le chômage, l’économie de marché vacillant sur ses bases, et enfin le terrorisme islamiste mis en avant depuis le 11 septembre de sinistre mémoire. D’un point de vue purement logique, ces différents ennemis sont évidemment à éliminer : le chômage engendre de la pauvreté, pauvreté engendrant des problèmes économiques, problèmes venant encore un peu plus plomber une économie mondiale instable, ceci menant alors à de potentielles anarchies. Concernant le terrorisme, c’est encore plus clair : il est impossible de tolérer que des groupuscules tuent aveuglément sur un territoire national, quelle que puisse être la cause défendue par les terroristes en question. Cependant, en admettant ces idées, nous oublions que trop rapidement une chose fondamentale : pourquoi un ennemi ? Parce qu’il faut focaliser l’attention, faire peur, terrifier l’électeur, et l’inciter à faire des choix si ce n’est peu réfléchis, en tout cas de porter sa préférence vers un radicalisme quel qu’il soit. Nous avions les communistes et l’URSS comme ennemis ? A présent, nous avons les islamistes, nous faisons reposer la responsabilité de toute l’instabilité du monde sur les épaules du monde Arabe. Est-ce justifié, juste, même simplement légitime ? C’est la seconde étape de ma réflexion.

Donc, nous avons un ennemi supposé commun, à savoir l’islam radical. Fort bien : c’est on ne peut plus logique de vouloir refuser l’importation de doctrines et pratiques culturelles que nous ne pouvons décemment pas accepter, mais est-ce que cela fait du monde arabe un monde effrayant d’ennemis ? Cela n’a plus la moindre importance, car l’essentiel est d’instaurer la peur. La peur, c’est réussir à faire passer une présence militaire permanente dans les transports en commun, c’est faire voter des lois liberticides sans que quiconque ne soit choqué, c’est permettre des actions de propagande ciblée dignes des heures noires des déportations en Europe. Entre le traitement des Roms en France, l’émergence d’un front néonazi en Allemagne (notamment en basse Saxe), et des situations économiques terrifiantes dans tous les pays dits « civilisés », la foule ne peut que réclamer la fin des gouvernements en place, mais également exiger la montée au pouvoir des partis les plus radicaux. C’est en cela que l’on revoit, malgré l’éclairage atroce de la seconde guerre mondiale, la renaissance des idéaux nationalistes, pour ne pas dire fascistes.
Crise mondiale, pays en faillite, endettement chronique, discours creux et mesures inutiles et inapplicables, ce cocktail est redoutable, notamment pour toute une partie de la population qui admet ouvertement sa déception face aux promesses non tenues des gouvernants. Certains vont se dire que j’exagère, que je grossis le trait, mais prenez l’assassin monstrueux qui a tiré dans la foule en Norvège, les groupuscules terroristes en Grèce (encore faibles heureusement), ou encore les réactions épidermiques de l’Allemagne face à l’Europe, il n’y a quand même pas beaucoup à faire pour ne pas trouver une certaine ressemblance entre « notre » crise, et celle de 29 qui mena le monde à la guerre ! Je suis bien obligé de le rappeler, mais c’est par les urnes qu’Hitler a pris le pouvoir, c’est également par les urnes qu’on a poussé le monde à ne pas agir quand ses armées se sont lancées dans l’invasion de l’Europe... Et c’est par les urnes que peuvent arriver les pires désastres. La foule a la mémoire désespérément courte, et 2002 ne semble pas avoir été une leçon profitable au plus grand nombre. Les parallèles sont simples : économie effondrée, donc radicalisation des discours de certains partis, donc votes de la masse en colère, et mise au pouvoir de dictatures électorales.
Je me plais, avec ironie et un fond de cynisme, à rappeler que ce n’est pas les « ouvriers » qui ont mis les nazis au pouvoir, mais bel et bien une bourgeoisie bien pensante, car non seulement celle-ci a financé le parti national-socialiste, mais également voté et pris fait et cause pour lui. Pourquoi ? Parce que l’ordre, c’est le travail, c’est le retour à l’investissement, à la bonne santé économique, et par voie de conséquence, une bonne santé sociale. Nul besoin de faire du « social » quand le plein emploi est assuré. Alors, je ne suis malheureusement pas étonné quand j’entends ces chers bobos qui hier scandaient « Royal présidente » suggérer Marine Le Pen à ce même poste. Cela vous choque ? Pas moi. Elle représente tout à fait le danger même du vote par dépit, ou pire encore, le vote nationaliste de ligne dure. Improbable ? Pourtant, je suis affolé par le durcissement des propos, d’autant plus que les anciens gauchistes bon teint semblent faire porter leur choix sur l’extrême à l’autre bout du spectre politique.

Je sais ce qu’on va me rétorquer : qu’il n’y a pas de sens à supposer qu’un gauchiste puisse voter extrême droite, et qu’un Besancenot ne peut pas devenir un Le Pen. Faux. C’est non seulement faux, mais également complètement en désaccord avec les faits. Qu’est-ce qui distingue la gauche rouge, et la droite cocardière ? Le NPA revendique non plus un internationalisme communiste, mais au contraire une forme de réflexion mondiale, avec une forte indépendance nationale. A vrai dire, le NPA est aussi nationaliste que l’est le FN, si ce n’est plus d’ailleurs. Le FN, lui, s’inscrit dans la lignée des partis nationalistes, avec un nouveau socle de légalité et de moralité que lui apporte la prise de direction du parti par l’héritière Le Pen. Au surplus, la taxer de racisme, c’est une chose devenue inacceptable, puisqu’elle a été l’avocate de nombreux sans-papiers, et qu’elle n’a jamais tenu (ouvertement) un discours raciste. Son père, lui, était un maître dans la provocation, poussant le vice jusqu’à risquer des amendes sévères pour ses phrases déplacées. Cependant, le FN n’est pas un parti raciste, mais bel et bien un parti nationaliste, ce qui n’est pas moins grave eu égard à la situation actuelle. Peut-on décemment envisager une sortie de l’Euro, un fonctionnement à frontières fermées, avec une réduction drastique des importations ? L’autarcie n’a plus vraiment un sens sur un marché mondialisé, et c’est pourtant le discours de fond du FN. Et ce discours séduit, car il contient les éléments suivants : ne pas payer les dettes des autres (sortie de l’Euro), retour des industries sur le territoire national (fermeture des frontières à l’importation sauvage), campagnes pour la création de nouveaux viviers d’emplois en France. Ca ne peut que plaire, mais à quel prix ? Au même prix qui fut payé par l’Allemagne : économie de guerre poussant à l’industrialisation à outrance, pouvoir d’achat artificiellement gonflé par le lancement de la production de masse d’armes et de munitions, et dépenses monstrueuses lors des invasions en Europe. Le but ? Dévorer les voisins pour renflouer les caisses plombées par cette population militarisée. Tout simplement.

En l’occurrence, la seule chose rassurante est que Marine Le Pen n’est pas femme à instaurer une dictature. C’est une légaliste, une femme de droit (elle est avocate de formation), et en cas de prise de pouvoir, le FN serait donc plié à sa volonté, avec une prise pragmatique des commandes de l’état. Cela n’exclue absolument pas la mise en œuvre de lois scandaleuses, mais ces lois seraient susceptibles d’en contenter certains, donc pouvant même pousser le peuple à soutenir le parti à la flamme tricolore. C’est là tout le paradoxe : si une dictature s’instaure par les urnes, la rue devient généralement docile, parfois même servile. Cela mène donc à une forme de résistance générale face aux critiques, à tel point que, si l’état en question sait mener la propagande, l’état ne tombera que sous les coups d’une attaque menée de l’extérieur. La notion de révolte devient alors presque superflue, puisque c’est le peuple par lui-même qui, à tort, a crû en la révolution et dans le changement en votant pour des dictateurs. Paradoxal, mais hélas logique.

Parmi les grandes puissances, le sort de la Russie, de la Chine et de l’Inde se révèlent indispensables à analyser. Concernant ces nations, toutes sont régies par un seul but : sortir d’une existence tiers-mondiste, et encore plus de projeter rapidement leurs forces économiques vers l’étranger, ceci afin de préserver une réserve potentielle en cas de crise nationale. La Russie, en premier, est un état qui a souffert d’une corruption chronique, d’un système qui n’a pas encore fini de s’expurger des reliquats d’un communisme dur, et qui plus est, qui a subi un effondrement économique et industriel, ceci suite à des décisions iniques du FMI (je vous conseille d’ailleurs de lire « La Grande Désillusion » de Joseph E. Stiglitz pour saisir de quoi je parle). Dans cet état, seule une forme de fermeté gouvernementale, actuellement campée par un Poutine inflexible, et un Medvedev au rôle trouble, sauvent encore cette nation du gouffre. Que va devenir la Russie, surtout si les marchés de l’énergie s’effondrent, ou au contraire explosent en terme de tarifs ? Difficile à dire, mais cela pourrait potentiellement pousser l’ogre Russe à revenir dans ses travers expansionnistes, et donc dévorer à nouveau les petites républiques de l’ex-URSS. Ce scénario, crédible surtout pour des pays comme la Géorgie (voir le problème Abkhaze) pourrait également, à terme, pousser l’ONU et l’OTAN à procéder à une intervention, donc à une certaine forme d’escalade similaire à la guerre froide. Une nouvelle guerre froide serait d’autant plus suicidaire, que beaucoup de républiques ex Soviétiques disposent de l’arme atomique issu de l’ancien arsenal disposé sur leur territoire. On déclare officiellement désarmées ces nations, mais les chiffres, c’est comme les documents « officiels », ça se falsifie, et on leur fait dire ce que l’on veut.

Le cas de la Chine est encore plus délicat à analyser, car de nombreux points opposés font penser que la Chine va être la maîtresse du monde, ou paradoxalement que l’empire du milieu va littéralement voler en éclats. Pour ce qui est de l’économie, la Chine est actuellement dans une situation particulièrement dangereuse. Premier fournisseur du monde des pays riches, ses clients sont arrivés à la rupture et au bord de la faillite. Pour sauver ses propres clients (et donc sa propre économie), la Chine rachète la dette, dont celle des USA. Le résultat ? C’est que, d’une certaine manière, la Chine ne génère plus du bénéfice, mais absorbe de la dette pour empêcher sa propre économie de suivre le naufrage général. Ceci étant un fait, le pays profitera malgré tout de ce processus économique pour contrôler ses grands « amis », et s’assurer une certaine stabilité. Cependant, à cette idée vient s’opposer trois choses dangereuses pour le modèle chinois, à savoir l’enrichissement de sa masse de travailleurs, sa modernisation à marche forcée, et le vieillissement de sa population. Quand un pays se modernise, les ouvriers profitent via des augmentations de salaires. Malgré un système dictatorial, les entreprises ne peuvent pas ne pas payer le progrès, et donc améliorer les conditions de vie des ouvriers. La conséquence ? Un bienfait, à travers le pouvoir d’achat des Chinois, et un malheur, à travers une augmentation proportionnelle de la consommation tant en biens qu’en énergie. Plus de voitures donne plus de pétrole, or la Chine n’en a pas en propre. Plus de construction, d’électronique, de téléphonie, et ce sont des matières premières en pagaille à acheter, à transformer… donc à dépenser sans retour financier immédiat. Ajoutons enfin un vieillissement programmé du pays (politique de l’enfant unique), et nous obtenons un pays qui, par opposition, est en excellente santé financière, mais qui sera particulièrement fébrile dans un avenir très proche. En plus, la modernisation, l’accès à l’information, l’instruction de plus en plus forte ne peut mener qu’à la prise de conscience des masses ; nombre de régions sont déjà sous un joug militaire totale, par crainte de révoltes et de tentatives de prise d’indépendance. D’ici à ce que cela tourne à la guerre civile, il n’y a qu’un pas, difficile à faire certes, mais pas si improbable que l’on croit.

L’Inde est un pays en voie de développement qui va encore avoir pas mal de décennies à rattraper pour se débarrasser, d’une culture de castes, d’une disparité gigantesque entre riches et pauvres, et dont les villes tentaculaires devront impérativement être repensées rien que pour la circulation des biens et des personnes. Je vois bien du progrès industriel, économique, technologique, mais pour le moment encore trop faibles pour être réellement des menaces immédiates pour l’économie mondiale. Par contre, à un horizon de vingt ans, c’est la Chine qui, en premier, tremblera face à l’Inde. La seule chose qui me laisse encore perplexe, c’est la capacité de l’Inde à investir des milieux à forte valeur ajoutée (technologie notamment), faute de débouchés locaux. Malgré un enrichissement énorme des tranches moyennes, ce n’est pas en cinq ans que le pays créera une classe moyenne digne de celle des Européens. L’Inde n’est donc pas spécifiquement une situation explosive, même si sa guerre perpétuelle avec le Pakistan pourrait, via la bombe atomique, changer complètement la donne régionale, voire mondiale si les grandes puissances « riches » venaient à intervenir dans un conflit plus avancé.

Ce n’est pas dans l’année à venir que nous aurons le plus de risques, mais sur les cinq prochaines années. Si, par un grand drame, mes hypothèses venaient à se confirmer, nous aurions alors comme scénario : un retour d’une gouvernance quasi dictatoriale dans plusieurs nations Européennes, un durcissement du discours nationaliste, une montée du racisme pour cibler « l’étranger » comme étant la cause de tous les maux (sociaux, économiques... la liste est infinie), et la déclaration de nombreuses guerres locales pour justifier et masquer les échecs des politiques radicales. Plutôt que de parler du gouffre de la dette, on parlera du coût des combats pour les puits de pétrole de tel ou tel pays, ou encore de l’engagement massif de troupes pour prétendre à jouer un rôle de « paix », alors qu’il s’agira de décider quel despote sera mis au pouvoir dans une énième république bananière. Pire encore : si le scénario en question venait à se concrétiser, les USA pourraient s’effondrer, et mener certains états à envisager leur sécession de l’union. Cette possibilité peut laisser augurer une situation « à la Soviétique », avec une guerre civile, un arsenal militaire et nucléaire sans véritable contrôle, et un monde économique déstabilisé par la chute dans les abysses du dollar.
Comme nous ne sommes plus à un paradoxe près, notons enfin que la démocratisation espérée dans les pays arabes n’est pas faite pour améliorer la situation mondiale. Avant que ces pays retrouvent une certaine stabilité, certains passeront par une phase encore plus dictatoriale, ou alors par des élections où le pouvoir sera littéralement éclaté dans une diversité inutile de partis, jusqu’à rendre ces états ingouvernables. Le pire, c’est que cela aura une influence négative sur les marchés ouverts avec ces pays, ne serait-ce que les marchés de l’énergie. Et là, ce n’est pas nécessairement les USA qui pourraient en tirer le plus de bénéfices, mais plus les nations émergentes qui s’implantent en masse en Afrique (Inde et Chine en tête). Quoi en penser ? Que le tiers-monde ne bougera que peu, l’Afrique ne bougeant d’ailleurs pas dans le sens des révolutions tunisiennes et égyptiennes. En revanche, on peut craindre que ce même tiers-monde soit mené à des guerres par nos nations, ceci afin de réduire les frais, baisser le coût des matières premières, leur vendre des armes, et enfin nous choisir un dictateur convenant à nos attentes. France Afrique... quand tu nous tiens !

Finalement, je ne sais pas trop si je suis trop sombre, trop inquiet, ou malheureusement lucide et même visionnaire. Je serais tenté d’espérer que je me trompe, parce que cela offrirait de meilleures perspectives pour le monde. Or, le monde semble confirmer mes craintes, et j’ai peur d’une nouvelle Europe en guerre. A titre de pied de nez final... Observez qui est dans l’Euro, dans l’Europe, et faites cette observation concernant les pays de l’axe et les pays occupés par celui-ci pendant le second conflit mondial. De là dire « Reichsmark, Euro, même combat »... Mais là, je provoque... Quoique.