08 juin 2021

Du bien-fondé d'une gifle

Je viens de tomber sur une brève, une nouvelle qui me laisse autant perplexe que furieux. En effet, le président Macron s’est pris une gifle d’une personne sortie de la foule en hurlant « à bas la Macronie ». Je me suis tout d’abord fait une réflexion sur le comportement de ce futur « symbole » des contestataires, puis ensuite je me suis interrogé sur le bien-fondé de tels actes. Pour celles et ceux qui pourraient me taxer d’être un soutien au régime en place, je tiens en préambule à les rassurer : mon propos est à distinguer de toute opinion politique. Cet article n’a donc ni un but de propagande pro ou anti Macron, et encore moins de faire étalage de mes propres opinions. Cela n’intéresse et ne regarde que moi, et je n’ai pas envie de revendiquer quoi que ce soit. De toute façon, même en admettant que quiconque pourrait être intéressé par mes idées, sachez chers lecteurs que je ne saurais être classé dans un parti précis, et tout au plus pourrait-on aisément me qualifier de tenir une ligne « dure » au sens rigidité des prises de décisions à prendre (tout en rejetant toute filiation avec quelque extrême qu’il soit de gauche ou de droite).

Bref, revenons aux deux réflexions qui me sont venues. La première porte naturellement sur le devenir de cette image. Qu’on se le dise : les contestataires vont en faire une égérie, une sorte de représentant « martyr » de la cause anti gouvernementale. D’un geste profondément inutile et foncièrement risqué et surtout stupide, on va faire un symbole d’une forme de révolte. Or, rien n’est plus idiot, grotesque et inutile. Déjà, avant d’en faire votre icone, pensez à vous interroger sur ses motivations. M’est avis que nous avons là non un révolté, mais plutôt une personne qui mêle ses idées à un besoin de reconnaissance. Nous ne sommes pas face à un attentat ou une tentative de meurtre, mais bel et bien un geste ridicule n’ayant pour seul but que de se faire remarquer. Le plus vicieux dans ce geste, c’est que si le service d’ordre l’avait blessé ou tué pour protéger le président, cela aurait apporté de l’eau au moulin des « révoltés » en énonçant une énième bavure policière. Dans tous les cas, je considère donc clairement que cet acte relève clairement de quelqu’un se faisant de la publicité, et non d’une être réellement motivé par une action d’éclat ayant pour but de démontrer une forme de résistance à l’état.
D’ailleurs quelle révolte ? A quel titre ? Il serait à mon sens autrement plus édifiant de chercher à avoir un explication des motivations et autres griefs, que de se contenter d’un « A bas la Macronie ». Grandiose ce résume simpliste, populiste, digne des pires slogans fascistes ! Hé oui : sous les dehors d’une revendication supposée légitime, vous avez là l’acte le plus infect qui soit, à savoir l’agression. Quand on colle une gifle en lieu et place d’une discussion, en général je réponds du poing dans la tronche. Et c’est le même genre de personne qui se demande pourquoi les CRS répliquent aux agressions et aux mises en danger par des gaz ou des flashballs… je le redis, c’est édifiant sur la conception que ces gens ont de la démocratie. Ils voient la démocratie non comme une sélection par le peuple et pour le peuple, mais comme une validation de ces préceptes uniquement si celui choisi leur convient. Dites, les gens, quand vous daignerez choisir, alors nous pourrons discuter du bien-fondé de vos revendications. On ne fait pas la démocratie à coups de torgnoles mais à coups de discussions et de bulletins dans les urnes.

Je suis ensuite passé à la réflexion de ce que cela peut représenter comme menace et danger pour la démocratie. Car oui, un tel geste est un danger évident pour la démocratie. Les radicaux de gauche et de droite vont venir me crier dans les oreilles que c’est un signe que le peuple en a marre. Marre ? Qu’on m’explique de quoi alors ! Oui, c’est un danger ! Oui c’est même LE danger fondamental : quand des personnes estiment que l’opinion de tout un pays s’exprimant par les urnes n’a plus de valeur, quand ces mêmes personnes en viennent à choisir la voie de la violence, qu’ils n’essayent pas de justifier leurs actes car ils agissent comme les terroristes. « Soit tu es avec moi, soit tu es contre moi ». C’est purement et simplement du fascisme de la pire espèce. En venir à agir de la sorte c’est légitimer qu’un peuple entier n’a plus à avoir la parole face à l’individu. Ne perdez jamais de vue que la démocratie est la dictature de la majorité ! C’est ainsi : en considérant la violence comme seule méthode de communication, vous ne pouvez pas gagner. Notez bien que les partis les plus extrêmes de France l’ont compris en se désolidarisant clairement des travers des dernières supposées « révoltes ». C’est par les urnes et elles seules qu’on peut faire désormais tomber un gouvernement. Nous ne sommes PAS en dictature… Ou alors en dictature des imbéciles qui laissent aux autres le soin de choisir. Vous en voulez une preuve prégnante ? Jean-Luc Mélenchon est au plus bas. Il se prend constamment les pieds dans le tapis avec des déclarations de plus en plus ridicules. A l’autre bout du spectre le RN n’a jamais été aussi près de prendre une place importante dans les différents niveaux de la société politique de France…. Et j’entends encore des gens me seriner que la France a plus de gauchistes que de gens à l’extrême-droite. Où sont-ils ? Pas dans les isoloirs visiblement. Cela tend donc à comprendre ceci : à force de considérer la violence en lieu et place de l’action politique, ceux qui prendront le pouvoir le feront de manière naturelle, là où (soi-disant) une majorité aura raté une énième occasion d’être représentée. Ce qui me sidère, c’est que les plus acharnés iront ensuite dire que c’est la faute aux autres. Non : choisir la haine, la colère, la brutalité comme expression, c’est réveiller chez les citoyens leurs pires instincts, à savoir ceux du choix de l’ordre et de l’oppression envers les « déviants ». C’est toute l’ironie : celui qui a giflé Macron va alors inciter les plus tentés par la fermeté à plus de fermeté encore, et ceux qui hésitent à voir dans cette agression un signe alarmant qui requiert… plus de fermeté.

C’est ainsi : les dictatures naissent désormais grâce à l’engrais semé par ceux qui réclament soi-disant plus de libertés. Ironique, non ?

21 mai 2021

Du serin au surin

Bon déjà, me revoici. Oui je sais, une telle période d’inactivité pouvait laisser entendre que ces lieux étaient condamnés à l’oubli, voire même à la destruction. Et pourtant, telle une citadelle enterrée sous les lierres, la pierre qui se dissimulait sous la végétation est toujours robuste, toujours bien présente et donc toujours prête à recevoir mes pensées les plus véhémentes.

De ce fait, je dépoussière les lieux, je sors avec satisfaction la hache pour trancher les branches qui encombrent les allées… Puis naturellement pour trancher dans le vif.

Content de reprendre la plume virtuelle, content de voir si, par hasard, il y aura ou non des lecteurs pour venir lire mes nouvelles élucubrations.

Pourquoi un tel titre ? C’est une réflexion que je me suis faite en suivant de très loin l’actualité. Loin de moi l’idée d’épiloguer concernant la crise COVID… le sujet a tellement été rincé, essoré, sali, relavé, tordu et de nouveau englué qu’il me semble vain d’en disserter. Non, là le sujet qui me fait réagir ce jour est la violence urbaine entre des personnes de plus en plus jeunes. Dans ma ville, un adolescent de 17 ans a été poignardé à mort et l’on a mis des adolescents en garde à vue pour cela. Quoi en dire ? Quoi en penser ? Une bonne majorité de gens iront tout de suite exiger (à tort) la nationalité et/ou la couleur de peau des acteurs de ce drame, tout ceci pour se rassurer que « encore des étrangers », ou bien « c’est toujours les mêmes ». Rien ne m’est plus désagréable qu’un tel discours sachant que moi-même je ne suis pas d’un sang qu’ils pourraient qualifier de « moins impur que la moyenne ». Qu’on se le dise : je ne suis pas né français, et j’ai pris la nationalité par fierté et par amour pour cette si belle nation. Alors, évacuons la question sans le moindre scrupule, ça n’est pas intéressant de connaître l’origine ethnique d’une victime ou d’un agresseur. Ce qui l’est, c’est de raisonner sur le contexte, les causes et enfin les conséquences.

En prenant de l’âge, je me suis quelques temps figuré l’enfant comme un oisillon, une chose fragile, complexe, attendant beaucoup des adultes, et qui évolue au fur et à mesure où son expérience croît et s’enrichit des divers évènements de son existence. Je pense que j’étais à proprement parler candide, voire même que je me faisais des illusions à ce propos. Nous sommes théoriquement là pour offrir un nid à nos petits serins, nous devons leur apprendre à voler de leurs propres ailes, et par voie de conséquence de déterminer un peu ce qu’ils seront à terme. Malheureusement, le monde n’a rien d’idéal, et nous ne sommes pas parfaits non plus. Notre incapacité à comprendre le monde dans lequel nous évoluons nous rend bien souvent incapables d’avoir les mots et les attitudes requises pour permettre à ses enfants de faire de nous des repères stables et fiables. Tout entre en ligne de compte : situation sociale, professionnelle, sentimentales, entourage… Tout a une importance, et croire qu’on peut exclure certains éléments de l’équation, c’est fantasmer sur la possibilité de réduire à portion congrue ce qui au contraire se révèle être le plus influent et toxique pour l’évolution de l’enfant. Ainsi, comment prétendre omettre la situation dramatique des banlieues ? En mentant ? Comment mettre de côté le chômage, le manque de moyens, la frustration d’être stigmatisé pour une question ethnique ?

J’ai évolué. J’ai compris que nous ne pouvons pas déformer très longtemps la réalité pour la rendre plus tolérable à nos enfants. Nous ne pouvons décemment pas leur faire avaler des couleuvres basées sur un monde idéal, sous peine de les rendre incapables de se défendre dans le monde. C’est ainsi : tout comme le serin qui grandit dans le nid, l’envol est périlleux. Puis, le temps de voler de manière autonome est pire encore, car le ciel, les branches et la terre sont des endroits très dangereux. Il y a les prédateurs, les dangers inhérents aux accidents de la vie, et tout ceci cumulé fait de l’existence et la survie des miracles. Alors, quand je vois un petit serin, un adolescent, un gosse finir sur la table d’autopsie, je ne peux que me désoler et me demander ce qui a pu amener à un tel désastre. Est-ce la société ? Les parents ? Les deux ? Aucun des deux, juste la colère d’un tiers ? Lui-même à travers des actes qui l’ont mené à un affrontement ? C’est là le vrai cœur de la question, et non des divagations sur « d’où il vient ».

Le béton n’est pas un endroit agréable. Le bitume n’est ni accueillant ni tendre avec ceux qui l’arpentent. La ville n’est pas un endroit fait pour être le meilleur parti pour l’enfance. On s’adapte au béton, et non le contraire. Je crois qu’il y a une vraie réflexion de fond qui manque notoirement à la majorité des observateurs, à savoir si maintenir un paysage urbain fait pour l’accumulation et non l’intégration est une solution réellement viable. Pire : on accuse les habitants des cités d’être la première cause de délinquance et de violences… Mais n’est-ce pas la cité par elle-même qui fait émerger cette colère sourde et cette haine ? La facilité est de retourner la perspective, et donc de cibler les conséquences et non les causes. Et plus cela va, plus les victimes sont jeunes, et pire encore plus les conséquences sont dramatiques. Qu’est-ce qui mène à cette brutalité exacerbée ? Est-on face à l’implosion des valeurs ? A la désintégration des dernières barrières qui retenaient cette rage ?

Suis-je triste ? Non. Nul lecteur ne l’est, ou tout du moins pas plus que le temps de l’émotion naturelle de voir un jeune mourir pour rien. Ce qui me révolte en fait, c’est que ces faits divers ne font qu’apporter de l’eau aux moulins des plus intégristes et radicaux… Et pas uniquement du côté des xénophobes. C’est là toute l’horreur : d’un côté, les racistes profitent pour mettre en avant l’origine des victimes et criminels, et de l’autre les radicalisés religieux iront expliquer aux jeunes « voyez un peu comment ils vous perçoivent. Pour eux c’est vous les fautifs. Rejoignez-nous pour lutter contre ça ». Chaque nouvelle victime est une nouvelle pierre ajoutée à ce mur qui se bâtit chaque jour entre la société et ceux qui vivent à sa marge. Oui, je dis bien à sa marge car la banlieue, la cité, c’est un lieu dénigré, craint, haï même, et qui fait l’objet de tous les fantasmes. La rue est, pour reprendre une belle analogie d’un rappeur marseillais, une forge où la jeunesse se voit fixée de force à des clichés, et où qui sont en quête d’une identité et d’une manière de s’intégrer. Oui, contrairement à l’idée reçue, tous veulent être intégrés, tous espèrent qu’on ne les juge plus, qu’on ne les regarde plus avec mépris et peur.

Nous sommes tous, depuis le dernier citoyen jusqu’à celui qu’on qualifie comme premier de ceux-ci en la personne du président de la République, tous nous sommes responsables à un niveau plus ou moins important de cette situation. Pourquoi ? Songez-y. Réfléchissez, ne vous laissez pas avoir par les discours des uns et des autres. N’ayez pas peur de regarder en face la réalité. Nous colportons tous une image terrible et même terrifiante de ces villes où l’on a parqué des citoyens pour en faire des esclaves de la machine. La machine morte, nous en avons fait des lieux pour prétendre ne pas avoir à faire mieux que les loger et leur laisser les miettes qui leur permettent de ne pas mourir de faim ou de froid. Est-ce suffisant ? Il ne s’agit pas de vouloir faire de la nation une structure paternaliste versant dans l’assistanat béat, mais bel et bien de se souvenir que, dans le fond, ce qui fait qu’un être n’a pas de travail, c’est bien souvent faute de réflexion coordonnée et structurée par l’état, nous avons développé un tissu professionnel ne privilégiant désormais plus que la classe moyenne. Les usines ? Elles ferment et délocalisent. Les petits métiers divers et variés ? Trop taxés, ils en deviennent tout bêtement invivables. Je pourrais continuer l’énumération jusqu’à la nausée. Nous tous nous avons une part, car nous choisissons nos élus, nous colportons les rumeurs, régurgitons des discours de peur et même de haine, alors que le fond serait déjà de rendre la société plus attrayante que tous les discours radicaux dont ces enfants sont farcis à longueur de journée.

Le serin a appris à voler. Il a appris à être autonome. Hélas, la faune autour était hostile. Nous lui avons accordé que trop peu d’intérêt. Cela lui a coûté la vie, mort d’un coup de surin. Ce jour-là, ce n’est pas qu’un enfant qui est mort, c’est aussi l’innocence de ses bourreaux qui est morte de la pire des manières. Que faire ? Leur pardonner ? Non. La cité, la pauvreté, cela n’excuse ni la violence ni la haine. Cela peut l’expliquer, pas diminuer la gravité de leurs actes. C’est pour les proches de toutes ces familles que je suis le plus triste. Tous vont avoir un terrible fardeau, les uns en victimes, les autres en coupables.