30 septembre 2009

Sensualité

La finesse du souffle d’une respiration lente et profonde, la caresse de l’air légèrement vicié et réchauffé par le corps de l’autre, et puis le contact sur la peau que l’on laisse alors nue… On se laisse absorber, les yeux clos, le cœur apaisé, l’âme en paix. Il fait beau sur notre âme. Qu’il pleuve à grosses gouttes sur la vieille gouttière, ou que le soleil s’effondre sur nos volets de bois et réchauffent les rideaux, l’important est là, à proximité de soi. On l’enlace, on s’enivre, et l’on savoure chaque instant que l’on voudrait étirer à jamais.

La magie se répète, inusable perpétuité du désir, immuable envie d’être avec l’autre. L’âge, le temps et l’espace ne comptent plus, on ne se soucie que de ce qu’on a à offrir à l’autre. Tendresses, baisers et paumes chaleureuses s’additionnent pour nous donner la sensation d’être vivants. Nous vivons pour désirer, nous ne vivons que pour savoir notre mort proche. Quitte à disparaître, autant le faire en ayant à l’esprit que nous n’avons pas été totalement égoïstes et solitaires.

La nuit peut tomber, le réveil s’égosiller pour nous envoyer au travail, l’essentiel est là, sous ces draps froissés une peau délicieusement attirante s’offre à nos tendresses. Lentement, patiemment, on envahit le monde de l’autre, la dernière barrière que l’on ne revendique jamais publiquement et qui pourtant saute systématiquement dès que l’amour naît. On étreint, on murmure mille folies qui sont pourtant vérités, et l’on se fait la réflexion que demain sera meilleur qu’aujourd’hui. Sans l’autre point de progrès, sans l’autre point d’intérêt pour l’existence. La philosophie du « je pense donc je suis » est un mensonge. La vraie philosophie est « L’autre m’aime donc nous sommes ».

Les corps s’accolent, les souffles raccourcissent et la chamade bat en soi. Le corps devient connexion spirituelle, les hanches et les reins agissent d’instinct pour que l’autre soit heureux. On donne, on reçoit, on respire le même moment à pleins poumons. Emotion, jouissance, on ne sait plus où l’on est tout en ayant totalement conscience de ce qu’il se passe. On détruit le destin, on le reconstruit aussitôt, on fait mentir le ciel et la terre en se moquant de la gravitée du monde. Rien n’importe plus que l’instant présent, éphémère vol du temps aux dieux. Et l’on ne dit mot, si ce n’est ceux du cœur. Les regards parlent, les mains écrivent, les peaux deviennent romans instantanés, sans cesse réécrits, jamais emmurés par l’usure des sentiments.

Les deux visages se rapprochent, le baiser se fait langoureux, passion et apaisement mêlés. On prend le temps des choses, l’empressement devient avidité de vivre avec et pour l’autre. On se dévore mutuellement, assoiffés de désir, ivres d’avoir assouvis le bonheur d’être deux. Les cheveux deviennent forêt et collines, les courbes et lignes des deux êtres sont alors territoires à découvrir et à explorer. Sans fin, le cycle recommence. On navigue en aveugle et pourtant le chemin est connu. On n’interdit rien, on autorise tout, on se laisse aller. L’imagination devient Reine, épouse fidèle du Roi fantasme. Force et sensualité se mêlent, poison et antidotes s’annulent pour synthétiser le plus beau des moments, le plus intense des passages… la petite Mort.

Mourir d’envie, vivre d’ennui, expier et expirer, telle est l’existence. Nous ne vivons donc pas éternellement pour que l’étreinte ait une valeur. Celui qui oublie toute l’importance de ces instants oublie ce qui fait de lui un être humain. « Serre moi » se disent les amants. Ils se rapprochent, communient, vivent et aiment. Qu’ils sont beaux dans leur nudité, qu’ils sont purs dans leurs gestes partagés. Fragiles et indestructibles à la fois, c’est ainsi que nous découvrons quel don nous avons… Celui d’aimer.

29 septembre 2009

Pertinence de l’information

Dans un monde où tout n’est plus qu’information, où chaque chose est devenue hiérarchisable, archivable et modelable, nous en sommes réduits à remettre en doute toute chose qui nous arrive. Depuis le message d’un proche par mail interposé, jusqu’aux unes des journaux électroniques, nous n’arrivons plus à prêter foi à l’information brute. Que l’aspect critique soit une nécessité absolue est une chose, mais que l’on soit tenu d’être paranoïaque avec notre quotidien, cela devient alors un symptôme d’une société très mal en point.

Nous ne savons plus qui est qui. L’ambiguïté de l’identité numérique, l’absence de contrôle sur la véritable personnalité de ceux qui nous contactent, tout cela n’apporte qu’une méfiance encore accrue vis-à-vis des nouvelles technologies. Prenons les virus : ces petits programmes malicieux apprécient s’approprier votre messagerie, puis se multiplier en usant de votre identité pour tromper vos contacts. Apparemment sans danger, ce procédé devient vite une véritable source de heurts où, malheureusement, vos dits contacts vous croient de mauvaise foi quand vous leur expliquez votre innocence. Bien entendu compréhensible, cette méfiance est à présent non plus l’exception mais la règle. Concrètement, vous ne possédez plus votre personnage, c’est lui qui empiète sur votre vie, puisqu’il devient susceptible d’être le premier abord à votre identité réelle !

J’abhorre les manipulations : photographies truquées, retouchées, vidéos redoublées, traductions douteuses et orientées, bref les moyens de communication numériques offrent un énorme potentiel de manipulations diverses et variées. L’escroquerie et la tromperie sont monnaie courante, à tel point que les administrations nationales se voient impuissantes à maîtriser ce nouveau moyen de fraude. A l’instar des « débats » sur les photos retouchées des stars et des mannequins, les informations peuvent, elles aussi, subir le pinceau habile et malsain d’un retoucheur compétent. Notons par ailleurs que la délation et le mensonge s’approprient facilement ces nouvelles méthodes de tricherie : fausses photographies, exagération des images, voire même trucage intégral de vidéos pour « la bonne cause ». Tout est bon pour mettre en mauvaise posture une personne, une entreprise ou bien un état. Le 11 Septembre 2001, évènement majeur s’il en est pour les Américains, été le support de toute une entreprise de propagande visant, soit à insister sur le terrorisme islamique, soit au contraire sur le mensonge d’état entourant les attentats. Dans ces extrêmes où l’image est devenue une arme au même titre qu’un missile de croisière, la vérité est à présent modulable et déformable, au point d’en devenir accessoire. « Est-ce vrai ? Est-ce exact ? » est maintenant « Est-ce crédible ? ».

Nous ne pouvons plus vraiment juger de la pertinence de l’information, enfin dans un délai raisonnable. A-t-on manipulé l’information au préalable ? Peut-on y croire ? Nous sommes soumis à des informations qui, malgré tout, viennent perturber nos croyances et nos convictions personnelles. Tant que nous sommes confortés, tout va bien, jusqu’au point critique où nous avalons goulûment toute chose qui ne nous dérange pas dans notre for intérieur, et nous rejetons toute atteinte à nos certitudes. Pourtant, la certitude est le meilleur moyen de se tromper, et c’est l’essence même de la propagande. Fais croire un mensonge, et il en deviendra vérité, telle est la doctrine du propagandiste. Il n’est pas essentiel que le mensonge devienne réalité, il doit devenir vérité, ce qui est notoirement différent. Alors, quand des millions d’informations arrivent en vrac, sans tri ni vérification ou contrôle, lesquelles sont pertinentes ? Dans l’amoncellement de dépêches et d’articles bidonnés, qui dit la vérité, qui relate avec exactitude ? Nous n’avons que peu de pouvoir pour valider, tout au plus nous nous méfions de certaines sources, et estimons comme improbables certaines choses. Pour reprendre le 11 Septembre en exemple, nombre de personnes (moi en premier) mirent en doute la véracité des images en direct… Jusqu’au moment où le doute fut levé. En direct ? Certes, mais réaliste et surtout vrai… pas si sûr que ça !

Je ne sais pas vraiment quoi penser en ce moment. J’ai la désagréable impression que la propagande prend une part de plus en plus grande dans nos vies, et qu’elle tend à exacerber les antagonismes : racisme, violences urbaines, guerres politiques, dévalorisation des compétences et surtout de l’honnêteté des politiques, tout semble tirer notre société non vers une confiance accrue dans notre capacité à comprendre, mais au contraire à la mener vers des réactions épidermiques. Typiquement, les manifestations d’opposition semblent de plus en plus virer à l’inutile, à la démonstration symbolique face à des monolithes économiques. Est-ce que, concrètement, les manifestants obtiennent la survie de leur entreprise ? Non, ils obtiennent majoritairement un chèque de compensation, petite somme dévouée à s’acheter une conscience. Plus les gens auront peur, plus le discours sécuritaire aura des adeptes. Plus l’économie aura l’air mal en point, plus les conditions précaires d’embauches, les facilités de licenciement ainsi que la création de statuts bâtards mais pratiques pour les grandes entreprises auront force de loi. Dans une société où avoir un travail s’avère maintenant vital et difficile à la fois, faire la fine bouche est plus difficile que jamais. Pertinent que de matraquer les gens avec la chute de l’immobilier, les entreprises qui débauchent, les usines qui se figent, et les géants qui perdent temporairement des sommes colossales ? Oui, pour que le petit peuple soit pétrifié d’effroi et choisisse le silence résigné plutôt que d’aller réclamer une augmentation de salaire par exemple. Est-ce organisé ? Je ne crois pas, je crois surtout à l’opportunisme étrange des décideurs en fonction des propagandes du moment : pré élection de 2007 ? Images de crises urbaines, émeutes, discours sécuritaire… et élection de son chante au poste de président de la république. Crise financière, annonces choc. On serre les boulons de l’économie, on sabre dans le gras des systèmes sociaux… Des réactions ? Aucune. Pourquoi ? Parce que le peuple répond : « plutôt que de tout perdre, sacrifions un bout pour que le plus gros subsiste ». Etonnant, non ?

28 septembre 2009

La moralité des artistes

Attention, la question ne va pas se poser sur le pseudo engagement de nombres d’artistes, car au fond j’ai déjà traité la question, et puis j’estime que le mot même « engagement » sent plus la promotion personnelle que le véritable déterminisme. Donc, revenons au fondamental de la question : Les artistes ont-ils une morale ? A l’éclairage de l’actualité, j’ai tendance à revendiquer l’analyse suivante : Plus vous êtes célèbre, plus on vous passe vos travers. Vous en doutez ? Cela vous semble exagéré ? Regardons alors de plus près la chose, histoire d’avoir un regard neuf et honnête.

Prenons Mick Jagger. Icône rock, emblématique « leader » des Rolling Stones, Mick Jagger a été plus d’une fois mis sur le devant de la scène pour ses frasques sexuelles, ses problèmes de paternité non assumée (ou supposée, je laisse la justice se charger de ce genre de scandales), ainsi que pour l’usage de substances illicites. Alors, si j’ai bien saisi le raisonnement, le quidam ordinaire qui se drogue pourra faire de la prison, tandis que la star, elle, sera protégée comme un monument historique ? Déprimant, d’autant plus qu’il est plus que difficile de justifier qu’un artiste puisse être absout tandis que monsieur tout le monde vivra l’enfer de la confrontation avec le système judiciaire de sa nation.

Certains paient cher leurs écarts : certains sont condamnés à la prison, d’autres prennent des amendes astronomiques, mais l’argent aidant, la plupart trouvent des compromis plus que douteux avec la justice. Ceci étant, s’il s’agit de crucifier une star quand celle-ci devient politiquement gênante, rares sont les gouvernements qui hésitent. Caricaturons : Bernard Tapie n’a rien d’un enfant de chœur, mais tout de même, il a été stigmatisé et taillé en pièces parce qu’il était trop « visible » et virulent. Notons de plus que sa patience lui a valu de faire les poches à la banque qui l’avait accusé d’escroquerie ! Enfin bref, le principe est simple : tu es connu, tu peux payer, on tergiverse. T’es personne, t’es fauché… Tu morfles. Scandaleux ? Non, juste inhérent au concept même de capitalisme, où la rémunération est supposée être à la hauteur de la compétence. Un avocat de grand talent se paiera toujours plus cher que le débutant sans passé célèbre. Un Vergès coûtera autrement plus cher que l’avocat du coin… Malsain, orienté par l’argent, mais somme toute « normal » eu égard à notre système.

Là où tout cela devient malsain et limite dangereux, c’est quand une vedette est rattrapée par la justice pour des faits graves, et que, sans complexe, ses contemporains le défendent sans se poser de question. Roman Polanski, accusé dans une affaire grave de mœurs (détournement de mineurs notamment), vient d’être rattrapé par la justice. L’affaire est des plus étranges : arrestation en Suisse, demande d’extradition vers les USA, en sachant que le réalisateur avait fui les USA et ainsi été, en plus des actes qui lui sont reprochés, inculpé pour délit de fuite ! Quelque soit la façon dont on tourne la chose, il faut rappeler que les délits sexuels sur mineurs sont imprescriptibles tant en Suisse qu’en Amérique, ce qui dont lui impose d’être poursuivi sans limite de date ou d’âge. Et là, l’hallucination : la Pologne et la France le défendent, l’UMP (notre cher parti du président), ainsi que tout un ramassis de cons, pardon de membres du cinéma Français, se mobilisent et pétitionnent pour le réalisateur Polonais. C’est une plaisanterie ?! C’est se moquer du droit, se moquer des responsabilités individuelles, et différencier le commun des mortels des vedettes !

Honte à celles et ceux qui défendent R.Polanski sans se poser la moindre question morale. Quelque soit son talent, cela ne l’autorise certainement pas à ne pas respecter ses obligations morales et juridiques. S’il se sent innocent, qu’il se défende. Le droit est fait justement pour protéger (par le biais du principe d’habeas corpus) tant le défendeur que l’accusation. De quel droit serait-il protégé ? Une personne ordinaire, vous, moi, aurait été mis en accusation dans les mêmes conditions que d’une part la presse n’en aurait pas soufflé mot, et d’autre part tout le monde aurait eu des scrupules à défendre l’homme de la rue. Hé oui : le détournement de mineur, ça ne choque que si vous n’avez pas le compte en banque et/ou la notoriété d’une pointure du cinéma !

S’il est coupable : au placard. S’il est innocent, qu’on lui foute la paix. Pas de demie mesure malsaine en le protégeant, ceci allant à l’encontre de toutes les notions de droit et d’égalité que notre devise est supposée défendre. Il n’est pas tolérable, dans un état de droits, d’aller négocier et chipoter avec des règles fondamentales de protection des mineurs. A ce compte, l’assassinat est donc négociable ? On me fera un rabais sur ma condamnation si je suis un présentateur en prime sur TF1 ? M’accordera-t-on l’immunité si je réalise un film aussi vendeur que « bienvenue chez les chtis » ? Et mieux que tout, vais-je avoir le droit de porter un costume de pureté morale, alors que je bats ma femme et mes enfants, tout cela parce que j’ai vendu cinq millions d’albums en France ? Regardons en face notre justice, et demandons nous quelle est cette connerie de se mouiller pour de tels faits. Les USA ont leur justice, charge à nous d’assister, si besoin est, notre ressortissant en cas d’inculpation. En revanche, nous n’avons pas autorité pour remettre en cause leur système, tout comme les USA n’ont pas à nous faire la leçon sur la manière de gérer nos tribunaux.

L'article bien orienté de 1977 concernant l'affaire (sur Paris match)

Le même journal, avec l'article en rapport avec l'actualité du moment

25 septembre 2009

Emotions

L’émotion s’acoquine facilement avec n’importe quoi. Qu’elle soit de situation, de lieu ou de cliché, elle est si mobile et polymorphe qu’elle en devient indéfinissable. Au quotidien, le terme émouvant peut alors émerger sous énormément de formes : une peinture qui nous marque, une situation de la vie qui s’imprime à jamais, ou encore une émission télévisée qui, pour une fois, fait passer un message fort. J’aime à penser que l’émotion se doit de ne pas être mise en équation justement parce qu’elle revendique toute la richesse et la complexité de la nature humaine.

Nous faisons passer, mine de rien, énormément de choses par le regard : la vue d’une personne que l’on aime, ou bien le choc d’un cliché difficile, l’œil est l’outil primaire de la perception. D’ailleurs, on peut noter que lorsque ce sens manque à l’appel, les autres sens surcompensent de sorte à offrir à l’être humain une appréhension suffisante du monde qui l’entoure. Alors voir, serait-ce ressentir ? Pas totalement je crois, chacun embarquant un bagage culturel et social très différent. Prenons l’exemple le plus commun et qui peut tourner à l’étonnant : l’art. La peinture, la photographie, le dessin, ou encore la sculpture, nous percevons ces arts par la vue, et l’identifions chacun à notre manière. L’amateur d’histoire aura une réaction à une toile très descriptive d’une bataille, ce qui ne saura que laisser perplexe celui que l’amateur qualifierait de béotien. A contrario, ce même néophyte sera saisi par la beauté d’un nu (sans vulgarité), épaté par le mouvement d’une œuvre représentant la mer, alors que notre fanatique d’histoire, lui, traitera avec un peu de mépris et de condescendance ces gribouillages. Tout est affaire de perception et de réceptivité. Là où cela devient particulièrement fou, c’est sur le traitement que nous réservons à l’art moderne. Cubisme, déstructuration des codes picturaux, fauvisme et j’en passe, d’une personne à l’autre passent des choses allant de la perplexité à l’exaltation. Génie ? Pour les uns assurément, escroc pour les autres.

La larme qui se forme au coin de l’œil quand l’enfant naît, la même larme amère qui coule aux obsèques d’un proche, nous analysons encore l’émotion en fonction de nos sentiments personnels. Quand un être arrive ou quitte ce monde, quand deux êtres s’unissent pour un mariage, tout l’entourage bâti comme un patchwork de personnalité réagit avec énormément de disparités. Mettez en terre un homme, les uns pleureront l’ami, le père ou le frère disparu, et certains seront presque heureux de voir partir quelqu’un qu’ils qualifiaient de « salaud ». La moralité y est en plus étrangère ! Nous ne faisons pas entrer en ligne de compte la morale dans notre perception des émotions et des chocs, c’est avant tout la notion d’implication qui est primordiale. Avez-vous déjà été présent à un mariage de personnes qui vous sont inconnues ? Avez-vous représenté votre famille à des funérailles ? Si oui, vous comprendrez alors aisément le détachement que l’on peut mettre lors de ces deux cérémonies, et ce n’est pas immoral de ne pas pleurer ou ne pas se réjouir avec épanchement lacrymal pour des gens qui nous sont des inconnus. Pas impliqués, pas émus je dirais.

Pourtant, et c’est là que l’émotion devient tordue et invraisemblable de richesse, c’est que des évènements qui ne nous sont pas directement reliés arrivent tout de même à nous émouvoir. J’ai été parfois saisi par l’authentique détresse d’autrui, ému aux larmes par le courage et l’abnégation, et surtout j’admets sans honte réagir à la richesse de cœurs des anonymes. Certains rares documentaires savent présenter sans fard l’authentique héroïsme. J’ai été saisi à la gorge par les mots simples des pompiers rescapés du 11 Septembre, j’ai senti la larme naître à l’évocation sincère et chaleureuse de leurs collègues défunts. Il y avait une telle puissance dans ces regards qu’il me fut impossible de rester stoïque. Que l’on soit « satisfait » de ce terrorisme aveugle ne me choque guère de la part de l’Homme, mais rester insensible à cette légitime détresse silencieuse, ça, j’ai du mal à le concevoir. Je ne crains pas de piétiner l’homme dans toute son horreur, je crains de blesser celui ou celle qui aura su s’élever au-dessus de ces considérations lâches et futiles.

Et puis, l’émotion ne s’exprime pas que par les larmes. Elle sait être rire, tendresses, plaisirs charnels, écrits de qualité… Les arts sont une expression de l’émotion. Qu’est-ce qui nous fait réagir aux mimiques du clown ? C’est le fait qu’elles retranscrivent des émotions humaines. Qu’est-ce que le vrai comique ? Savoir rendre drôle une situation forte. Nous ne sommes pas faits que de chair et de sang, nous ne sommes pas uniquement un bétail prêt à être abattu au premier bon vouloir d’un psychopathe quelconque. Nous savons, nous tentons péniblement de réfléchir à notre condition d’être supposé pensant, et enfin nous progressons, tant bien que mal, dans l’espoir d’être meilleurs à la fin. La Fin ? La Mort ? Elle seule sait se rappeler à notre bon souvenir, car tôt ou tard elle nous emmène par la main (ou par les pieds pour les plus têtus) vers une éternité certaine. Alors, quitte à partir, autant le faire en beauté, en ayant vécu, et vivre, c’est ressentir. Emu ? Parfois. Heureux ? On essaye. Vivant ? Probablement. Cynique ? Ca dépend pour quoi… Je trinque à ma prochaine émotion !

24 septembre 2009

Machine sociale et humaine

Quand je regarde l’humanité, j’ai l’impression de voir une immense mécanique dont les rouages me dépassent. Tel un archéologue qui découvrirait une technologie inconnue, j’ai souvent la sensation d’observer des mouvements incompréhensibles et mêmes inquiétants. Chuintante, grinçante, chaotique, l’humanité m’apparaît alors dangereuse et obscure, un monstre menaçant s’apprêtant peut-être à me bondir dessus, ou à me fuir sans aucune raison apparente.

Nous affirmons, à l’aune des progrès technologiques et sociaux, que l’humanité progresse et s’améliore au fil des générations. Que ce soit la prétendue disparition de l’esclavage, l’amélioration de la condition de la femme, ou encore le travail des enfants, nous mettons en avant notre société comme étant « relativement exemplaire sur le traitement équitable de tous ». L’aveuglement de la machine humaine est ahurissant : depuis quand l’égalité existe-t-elle ? Nombre de nations réduisent à l’état d’esclaves de très jeunes enfants, et d’autres n’hésitent pas à consommer le produit de ce travail indigne. L’indigène, l’étranger ne concerne pas le quidam, tant que celui-ci reste dans sa mine, dans son usine ou son bateau insalubre. L’Homme se fout des considérations telles qu’humanisme, morale ou de quoi que ce soit d’autre que lui-même, c’est son nombril qui représente le centre de son monde.

Progrès. Qu’est-ce que le progrès ? Celui de pouvoir changer de chaîne quand l’on communique un peu sur le malheur des autres ? Maintenant que le chômage, et potentiellement la famine et le désespoir peuvent toucher n’importe quel foyer dans les pays riches, il est impressionnant d’observer que la machine Humanité reprend des directions que l’on croyait à jamais condamnées : nationalisme, fondamentalisme religieux, et même les pires des fascismes. Les Allemands tremblent à cause de la montée inexorable du NPD en Saxe, l’Autriche n’a pas hésité à élire un représentant d’extrême droite, et le durcissement général des politiques nationales n’est plus taillé en brèche par les moralisateurs de tout poil. Lorsque le monstre humain a faim, et que ses vassaux ne peuvent plus le fournir en chair fraîche, alors la bête dévorera son voisin sans aucun scrupule. Comment comprendre que l’on se réfugie dans des valeurs aussi puantes que la dictature ? Comment saisir le désespoir qui peut pousser à se tourner vers les augures d’un malade en bure ? Pourtant, on ne parle pas d’adeptes décérébrés, mais de gens cultivés, instruits, qui connaissent probablement la différence entre le bien et le mal ! Pourquoi ?

Je suis d’autant plus sidéré que bien des pays ayant subi les horreurs des guerres successives continuent, aujourd’hui encore, à prôner le massacre, le génocide et l’usage des armes. Pourtant les cimetières, les ruines et les mutilés devraient suffire à mettre en doute ce genre de politique. Visiblement, non, puisque l’on continue à mettre au pouvoir des fous, des criminels en puissance, des gens qui pointent du doigt la différence en vociférant qu’il faut l’éradiquer. Nous avons tous vus un jour les images des abominations nazies… Alors comment peut-on comprendre le vote fasciste ? La mécanique folle qu’est l’humanité n’hésite donc pas à reculer, et foncer à nouveau sur les voies les plus sordides.

J’ai abordé très rapidement la situation de la femme. N’est-il pas étonnant que certaines aillent s’affubler de carcans tels que le tchador ou la burqa ? Est-ce seulement la pression familiale qui suffit à expliquer cela, ou bien y a-t-il à y voir une forme de revendication identitaire ? Le débat s’est posé et se pose encore, d’autant plus qu’il me semble difficilement tolérable de voir la condition de la femme revenir à des périodes d’obscurantisme et de machisme incontrôlé. L’image de la femme qui est véhiculée est celle soit du mannequin à la plastique sans défaut, mais au discours consumériste dépourvu de réflexion, ou bien celle de soumise déshumanisé colportée par la musique ou encore les séries télévisées. C’est à se demander si nous sommes suffisamment intelligents pour comprendre que c’est la meilleure manière pour rendre nos descendants stupides et incapables de se respecter mutuellement. La place de chacun ? Il n’y a pas de place prédéfinie, à chacun de s’en faire une.

Je suis vraiment inquiet par la tournure des évènements. La violence s’est tellement banalisée que l’on traite un homicide comme un simple fait divers, qu’un viol au cinéma n’a plus rien de sulfureux, ou encore que la diffusion en boucle d’une bombe humaine se faisant sauter en Irak puisse apparaître comme ordinaire. La machine humaine s’emballe, la locomotive nous tire vers la destruction de nos chances de paix. Quoi qu’en pensent les analystes, ce n’est pas le populisme à Obama, pas plus que le dirigisme à la Sarkozy qui saura nous tirer d’affaire. Ce qui saurait nous préserver d’un conflit mondial, ce serait que chacun daigne s’asseoir à la même table, discuter en mettant de côté les rivalités et les colères du passé. Seulement, le voisin de table est toujours « l’ennemi », il reste une menace, et on le traite comme tel. J’admire, avec cynisme et ironie, les mouvements diplomatiques tels que ceux ayant joués durant l’élection du directeur de l’UNESCO. Fabuleux de non sens, de soutiens malsains et de manipulations d’opinion. Il n’est, à ce jour, même pas concevable de mettre d’accord toutes les nations. La crise financière a régulé les relations bancaires, pas les relations diplomatiques, loin de là. Ceux qui sortent la tête de l’eau seront ceux qui tireront les bénéfices du retour en grâce de la finance, tout comme il est évident que les autres en souffriront des années durant. Rien n’a changé, et ce n’est pas prêt de progresser. La guerre est visiblement redevenue une valeur sûre : des pays se réarment, d’autres cherchent à tout prix à s’équiper de la bombe, et les budgets militaires sont croissants. Un coup de sang pour rafraîchir l’humanité… A croire que la bête est assoiffée et qu’elle demande son tribut de mort et de souffrance. Espérons simplement que cela ne sera pas le suicide de l’humanité.

Quoi qu’il en soit, il est surprenant que l’Europe soit restée en paix aussi longtemps. Bon sens politique ? Pas du tout, et regardons avec honnêteté : nous projetons la guerre hors de nos frontières, nous la menons sur le front économique, mais aussi sur le territoire d’autrui. Guerre d’influences, de présence stratégique, et de bras de levier diplomatique. A quand une implosion de cette façon de faire ? La Russie se débat pour remonter la pente du naufrage, la Chine subira, tôt ou tard, le contrecoup de son expansion incontrôlée, tout comme l’Inde qui n’a, pour l’heure, pas encore réglée son problème de surpopulation. N’oublions pas les fondamentaux : la bête doit se nourrir, se chauffer et se loger. La Chine n’est pas indépendante pour l’énergie, tout comme nous dépendons du pétrole. N’hésitons à le dire : si nous ne trouvons pas très vite une solution de repli technologique pour faire disparaître le sacro saint pétrole, c’est sur cette base que nous enverrons des troupes protéger nos intérêts énergétiques… jusqu’au moment d’une escalade amenant le conflit sur le territoire et non à l’étranger. Qui pourra alors calmer une telle gabegie ? Nous agissons en aveugle, égoïstement inquiets de notre quotidien et non du lendemain. On m’a souvent représentée l’humanité comme une mécanique précise… Pour moi elle demeure obscure, inquiétante… et folle. Priez pour nous, pauvres pécheurs.

23 septembre 2009

Le juron et sa sœur insulte.

Nous avons tous nos moments de faiblesse, notre instant de relâchement où, par l’entremise de nos reliquats cérébraux d’animal sauvage, viennent alors à réapparaître des mots généralement proscrits du langage courant. Les « Merde ! », « Bordel ! » et j’en passe des plus fleuris et moins présentables viennent alors enjoliver notre belle expression orale. C’est inévitable : tout être humain normalement constitué (donc si possible non né avec un manche à balai enfiché dans le fondement et remontant jusqu’aux cervicales) doit, tôt ou tard, pousser son juron salvateur.

Une étude récente (et à mon sens stupide tant c’est une évidence) tend à démontrer que le juron a pour vertu de relâcher la pression nerveuse, et en plus d’évacuer l’énergie engendrée par la colère. Comme si le juron était lâché dans la nature par pure envie d’être vulgaire ! Encore de chouettes statisticiens qui ont dépensés le budget de leur étude en pizzas et bières éventées, puis qui ont cherchés une excuse pour leurs travers financiers… Enfin bref, c’est pourtant évident : nous beuglons pour nous défaire de notre frustration ou de notre colère. Ah, qu’il est bon d’insulter la machine récalcitrante, de vociférer contre le demeuré qui n’a visiblement pas compris que le code de la route s’applique à tous, ou encore d’insulter copieusement ce coin de meuble assassin où vient immanquablement s’écraser le petit doigt !

Ce qui est étonnant, c’est que le juron est une façon détournée de se rebeller contre des choses essentielles comme Dieu, la loi, ou le Roi. Hé oui : « Nom de Dieu » est du juron blasphématoire, alors que « Non de non ! » est un juron pour contourner la réponse. Les circonlocutions françaises, que j’aime vous voir mises en œuvre ! Nous avons donc un art consommé d’être malséants, tout en étant acceptables. Tenez, le « merde » peut être pris pour une remarque scatophile, alors qu’elle est, maintenant, associée à une saute d’humeur. Nous avons donc beau jeu de trouver les autres malpolis, puisque nous en faisons autant, et avec hypocrisie qui plus est.

Le juron, tout comme l’insulte, se prête fort bien à la composition florale. Les poètes, l’homme de la rue, la mère de famille épuisée par ses chiards braillards et intenables, chacun y va de son embellissement personnel. « Bordel à cul de nom d’une pipe, fais suer cette merde ! », ou encore « Foutre Dieu de connerie de chiure de saloperie de merde ! sont tout aussi utilisables, et modulables à l’envi. Imagination, telle est le maître mot de notre belle langue, et nous n’avons toujours pas taries les sources que sont les bistrots, les émissions télévisées ras de plafond, ou encore les conversations anodines des squatteurs de cage d’escalier.

Et puis, c’est si bon de tirer à boulets rouges sur quelque chose qui ne répondra pas ! Je parlais du conducteur dans son tacot qui couine à tout rompre. Vous remarquerez qu’il le fait pour lui-même, pour le principe et rien d’autre, puisqu’il agit fenêtres fermées, ou sur une voiture déjà fort éloignée ! C’est de l’exutoire, du sac de frappe auditif, parce que la vie est frustrante, parce que les gens sont cons, et que ça fait du bien de le dire, quant bien même l’on ne peut rien y changer. Réflexe d’autosatisfaction ? Probablement : nous avons besoin de nous contenter, même si ce n’est que très temporairement. Il ne faut pas bouder les petits plaisirs paraît-il…

Et enfin, je me demande ce que serait le monde si tout le monde naissait avec ce ton pédant et cette attitude suffisante qui sied si bien aux enrichis trop vite. « Il suffit ! » qu’il lance, le bourgeois péteux et surtout arrogant. « Mais ta gueule du con ! T’as envie que je te ravale la tronche à coup de pelle ? » Là, ça a de la gueule ! Ce n’est pas, vous vous en doutez bien, une remarque cinglante sur une potentielle association d’idée entre le précieux et l’homosexualité latente (et supposée) de notre imbécile dont il s’agit. Aucune homophobie dans le fait de qualifier de « burnée » l’expression précédente, mais, quoi qu’on me dise, je préfère un truc qui ait une bonne tête, bien décorée, quitte à en être vulgaire. « Tu me casses les couilles ! » c’est plus drôle qu’un « tu me fatigues » mollasson.

Et merde ! j’ai écrit ce que nul n’ose même penser !

(Parti se payer un fou rire loin des locaux de son travail)

22 septembre 2009

Saint bifton, pliez vous pour moi

Travaillez bonnes gens, engendrez des richesses, faites acte civique en produisant ! Il semble donc qu’une nouvelle foi ait émergée des méandres torturés de l’esprit humain : celle du Saint Argent. Pourtant, comme toute religion qui se respecte, il lui faut quelque chose sur quoi s’appuyer, un socle littéraire suffisamment explicite et complet pour que le croyant (comprendre l’abruti de base comme vous et moi qui, soumis, baisse la tête face à son autorité) soit confirmé dans ses espoirs. Vous trouvez que l’argent n’est pas une religion ? Mais observons donc la différence entre une religion et le capitalisme !

Tout d’abord, prenons les écrits. Admettons un ouvrage sacré, admettons également qu’il soit possible de discuter et tergiverser dessus. N’est-ce pas le propre de la Bible que d’être une base concrète du catholicisme ? Oui ? Alors quelle est la différence avec le code civil ? L’un comme l’autre dictent des règles de bonne conduite, l’un et l’autres expliquent concrètement comment gérer les crises (même si le premier a la mauvaise tendance à abuser de la métaphore). Alors, les entreprises tenues par le code de la fiscalité, ne sont-elles pas des adeptes du dogme du Saint Argent ? Hé oui ! Le fiscaliste est son curé, la gestion des impôts son Vatican.

Ensuite, certains me diront que la foi est quelque chose de spirituel, et basé sur la satisfaction de l’âme. Ah ? Parce que le boursicoteur ne ressent pas cette même satisfaction quand il s’enrichit ? N’est-il pas vrai que nous plaçons de l’espoir quand nous épargnons ? A mon sens, la foi fait épargner sur l’âme, le Saint Argent nos deniers. Question de pragmatisme je devrais même dire, car il n’est pas étranger aux dogmes que de devoir financer les offices… La quête, les dons volontaires, tout ceci n’a rien d’artificiel ni même d’insultant. L’église acceptera tout aussi bien les kopeks du larbin des champs, que les dollars du trafiquant s’achetant une contenance dans sa communauté. L’argent n’a pas d’odeur, il est juste utile à tous…

La moralité ? Quelle plaisanterie ! L’amoralité du commerce est justement sa plus grande force. Se moquant des convenances, le Saint Argent se prête à toutes les contorsions sans jamais se briser : achat, vente, spéculation, trafics même, le marché ne s’encombre pas d’idées saugrenues concernant la morale et la bienséance. Les fois, elles, s’amusent au contraire à en instaurer tellement qu’elles en deviennent pathétiques. L’abstinence, n’est-ce pas un contrôle tacite des officiers du dogme ? Les propos moralisateurs sur tous les domaines, n’est-ce pas là un frein au progrès ? La foi peut être rétrograde, alors que le Saint Argent vit avec son temps. Qui est moteur du progrès ? La pièce de monnaie, ou bien celui qui la ramasse ?

Oh évidemment, c’est cynique que d’annoncer ainsi un parallèle fumeux entre la religion et l’argent, mais continuons sur la lancée. Que fait-on pour s’offrir l’absolution ? Les magouilleurs paient des impôts et même des amendes, le pécheur paiera soit en s’achetant une conscience, soit en jouant le repentir tout sauf sincère dans le confessionnal. Quelle différence ? Nous payons pour avoir la paix, et la paix s’acquiert à vil prix. Le mensonge est un pécher, la vérité une donnée bien volatile. Que celui qui n’a jamais douté du déluge, de la marche sur l’eau, ou de tout autre miracle me jette la première pierre ! Il s’agit, bien entendu, de métaphores, mais combien les comprennent comme tel ? Chacun verse donc son obole spirituelle (prières, privations…) ou son obole pécuniaire (TVA, RDS, CSG…).

Et puis enfin, n’est-ce pas une industrie que de s’approprier un maximum de clients ? N’est-ce pas le précepte fondamental de l’entreprise ? Donne au travailleur sa fiche de paie, l’hostie au bigot dominical. L’un comme l’autre attend l’instant de la récompense, avec le réflexe pavlovien qui va bien. Ah, la douce confirmation d’être un bon ouvrier, la savoureuse impression d’être un bon chrétien…

Ben merde alors ! Nous vénérons donc l’argent comme l’on peut vénérer un crucifié ? Somme toute, l’Homme se raccroche à ce qu’il a de plus fondamental, et aujourd’hui c’est la monnaie qui est son support le plus sûr. La preuve : la crise a mis à mal cette certitude, ce qui rend les gens tout particulièrement morose, et fait ressurgir les vieilles croyances : en politique les nationalismes les plus dangereux, et en religion les fondamentalismes les plus inquiétants.

Alors, Saint Argent ou Saint autre chose ?

21 septembre 2009

Héroïsme

Je l’avoue, je n’ai pas vérifié si j’ai, ou non, déjà abordé ce thème. Peut me chaut en fait, car il y a certaines qui doivent être répétées sans cesse de sorte que, peu à peu, cela puisse se graver dans l’esprit du tout à chacun. Partant d’une publicité télévisuelle pour Internet par Orange, j’ai trouvé très judicieuse l’idée de mettre en perspective le même mot pour deux situations distinctes. La plus belle des réflexions est sur « un combat » : d’un côté, un ring, de l’autre une femme réapprenant à marcher. Me concernant, je suis toujours ému par l’héroïsme. Attention, je parle bien d’héroïsme, l’anonyme, le vrai, pas celui qui, sous couvert de patriotisme puant finalement le nationalisme et le fascisme à plein nez, nous vend le courage et l’abnégation de nos soldats. L’héroïsme, c’est quelque chose qui est ordinaire, qui se doit de l’être, et qui ne nécessite pas la fanfreluche ou les honneurs.

Quand le commun des mortels songe au mot héros, il voit immédiatement un bidasse étripé soutenant ses camarades en sacrifiant sa vie. Alors, n’est-ce pas de l’héroïsme d’être un père ou une mère célibataire ? N’est-ce pas là du courage et du sacrifice quotidien pour que ces enfants aient le droit aux mêmes chances que les autres ? J’ai en horreur ces clichés modelés par l’imaginaire hollywoodien, je hais l’idée même que tout peut être ramené à des conflits. Chaque matin, cette fille mère se lève pour aller travailler. Chaque soir, elle prend soin de son enfant sans réfléchir à elle-même. Et souvent, on lui reproche d’être seule, d’avoir enfantée trop tôt, d’être une irresponsable et j’en passe… Et vous, les couples propres sur eux, ces salauds ordinaires qui tabassent leurs gosses, qui tiennent ouvertement des propos racistes, n’êtes-vous pas la lie que l’on devrait écumer sur notre société déjà trop mal en point ? Audiard avait raison : « Mieux vaut fermer sa gueule et passer pour un con… que de l’ouvrir et ne laisser plus aucun doute à ce sujet. »

Pour nous, valides, heureux d’être sains de corps, probablement à peu près sains d’esprit (et encore, j’en doute fort vu le niveau inqualifiable atteint par l’éducation nationale et les lettres de motivation en entreprise… bon passons), donc nous, êtres ordinaires, nous pouvons à peine observer ce qui nous entoure. Marcher n’est pas un calvaire, parler est banal, et lire semble tout à faire naturel. Quid des écorchés de la Vie, de ceux qui, par naissance ou par accident, découvrent ce que c’est d’être immobile, ou prisonnier dans un mutisme involontaire ? Nous ne les voyons que trop rarement, nous les observons de loin avec condescendance, et surtout l’ignoble soliloque insultant du « Les pauvres ». Salauds, quels pauvres ? Ne méritent-ils pas d’autant plus le respect qu’ils font l’effort de vivre malgré tout ? Je croyais que traiter l’handicapé en paria n’était plus. J’avais tort. Nous stigmatisons ces populations en leur jetant au visage leurs difficultés : lieux publics inadaptés, commerces incapables de gérer ces clients potentiels, et je ne compte même pas les lieux de loisir infoutus d’accueillir dignement ces personnes. Oui, ce sont des personnes, pas « ça », ou encore « eux ». Ils SONT, comme vous et moi. Ils pensent. Ils vivent. Et ils sont héroïques de supporter, chaque jour, notre validité et notre total manque de considération pour autrui. Honte à nous.

Les gens portent facilement un regard attendri, mais temporaire, sur le monde. Ah, les orphelinats Roumains, ces enfants de Ceausescu… Choquant et honteux pour l’humanité n’est-ce pas ? Qu’ont ressentis ces laissés pour compte d’un système scandaleux et déshumanisé ? Ils virent les caméras, eurent le droit à l’attention du public. Puis, plus rien. Les caméras parties, les bonnes volontés évaporées, combien s’en sont sortis dignement ? Héros silencieux que ces femmes et ces hommes qui, au quotidien aident, sans relâche ni critique, ceux qui les entourent. Rendre sa dignité à un homme pris au piège par la boisson et la rue, rendre sa stature à une femme battue et souillée par un mari indigne, rendre son envie d’étudier à un gosse condamné au béton des cités ou aux tôles ondulées des favelas, n’est-ce pas de l’héroïsme, ça ? On ne s’en préoccupe que quand la mort les frappe, que quand la situation devient ingérable, que quand la haine prend le pas sur la résignation. Tout ça parce que nous glorifions des statues au lieu de glorifier l’âme humaine.

Et puis il y a ce à quoi nous croyons tous avoir le droit. « Nous » payons des impôts, des taxes et autres prélèvements, et « nous » pensons avoir tous les droits : sécurité sociale, protection des biens et des personnes et j’en passe. Non. Le devoir de chacun, c’est de respecter autrui. Autant l’infirmière a des obligations inhérentes à son métier de soin, autant le patient se doit de la respecter et de la traiter avec honnêteté. « Nous », tous autant que nous sommes, exigeons, plus que nous exigeons de nous-même. En quoi devrait-elle baisser la tête ? Est-elle responsable de notre état de santé, ou de notre accident domestique ? Jamais assez vite, toujours mal fait, voilà ce qui ressort des personnes qui parlent des hôpitaux. Qu’ils aillent donc soigner le pauvre type mutilé pendant un accident de voiture, dix fois dans la nuit rassurer la femme en phase terminale d’une maladie affreuse et douloureuse, ou encore supporter les cris des enfants ayant subi les mauvais traitements de leurs parents indignes. Tiens, plus de candidat pour la gériatrie ou la pédiatrie. Et l’on ose encore exiger quelque chose ? De la même manière, les policiers se voient systématiquement insultés, rabaissés, jamais respectés, mais ces mêmes détracteurs ne se privent jamais de les appeler pour jouer de la délation avec un voisin un tantinet bruyant… au lieu de lui parler calmement avec respect. Sales cons ! Voilà ce que nous sommes, des sales cons, et il est héroïque de nous supporter. Depuis quand un pompier doit-il tolérer d’être lapidé alors que sa devise est « Sauver ou périr » ? Qu’ils périssent, ces cons qui hier les agressaient et qui, ce soir, brûlent dans leur appartement !

J’ai honte de faire partie de l’humanité, non parce qu’individuellement l’Homme peut être magnifique, mais parce que la somme des individualités est une insulte aux qualités humaines.

18 septembre 2009

Ils recommencent à diaboliser le jeu

Que j’aime les chroniqueurs incompétents qui, grâce aux effets de manches indispensables à la vie de leurs torchons, instaurent de véritables psychoses. Le jeu, dans son ensemble, a une assez mauvaise presse : addictions graves, financièrement dangereux, le jeu a tous les maux de la terre. Qu’on soit joueur de casino ou bien joueur derrière un écran, nous sommes donc tous logés à la même enseigne, c'est-à-dire celle de l’inadapté social qui se réfugie dans un loisir solitaire… Tout en profitant, bien entendu, de la manne financière représentée par les taxes de ces secteurs.

Hier soir encore, un reportage supposé « choc » s’est posé en juge de paix sur l’addiction numérique : univers virtuels, réalité augmentée, simulations de plus en plus proches de situations réelles, tous ces loisirs se sont vus cloués au pilori sous prétexte (je cite) « qu’à force de trop reproduire la réalité, ces univers rendent la distinction réel/virtuel difficile ». Ben voyons ! C’est tout de même ahurissant de se dire qu’à travers un écran, des gens seraient susceptibles de croire que, quand on se fait tirer dessus, on peut revivre ! Magnifique ! Je rappelle un fondamental des loisirs : s’amuser.

Le marché du jeu vidéo suit les désirs et les modes des joueurs. Un style ne fait plus recette ? On se rabat sur un autre, ou, plus fort encore, on en crée un de toutes pièces. Typiquement, la technologie a permis l’émergence d’un nouveau genre à part entière nommé le MMORPG, que l’on nomme par raccourci « univers persistants ». Pour celles et ceux qui vivraient en ermites depuis un bon quinquennat, les univers persistants on pour principale fonction de recréer un univers avec une thématique, et qui a pour principale particularité de ne jamais s’interrompre. Grossièrement, le joueur se connecte donc à un monde où plein d’autres joueurs sont déjà présents, ce monde vit, change et évolue avec et sans son aide. Et là, c’est le drame : donc, si cela vit sans arrêt, il faut donc être systématiquement présent ? Non ! C’est là toute la « force » de ces jeux : bien que le monde soit dynamique, les principaux intérêts et atouts sont sélectionnables par le joueur à tout moment de sa partie. De fait, ce n’est donc pas le jeu qui impose au joueur d’être présent, c’est le joueur qui s’impose une discipline.

On cite bien entendu le cas d’étudiants échouant dans les études par excès de jeu, tout comme l’on peut également cerner les crises familiales pour les personnes dont le portefeuille se voit plombé par une addiction aux courses par exemple. Mais, est-ce le virtuel qui est responsable ? C’est la responsabilité individuelle qui entre en ligne de compte, tout comme la communication des parents avec leurs enfants. Ma génération fut celle du « tout télé » : on collait les mioches devant Dorothée, on pouvait compter sur la boite à images pour les occuper toute la journée. Etait-ce plus sain et plus responsable d’agir ainsi ? Qu’on n’aille pas me dire qu’une famille qui dévore 12 à 15 heures de programmes par jour est une famille saine ! Le virtuel n’est que l’évolution de cette politique d’éducation laxiste où un tiers est supposé faire le boulot des parents.

L’addiction aux jeux est souvent le signe d’autres problèmes plus profonds : solitude, déprime isolant le joueur et le poussant donc à augmenter son temps de jeu, c’est donc sur un terrain psychologique que se pose donc la question. Que les jeux puissent être violents n’est pas un problème en soi, bien au contraire. J’aimerais que l’on m’explique la différence entre le cinéma qui produit des genres allant du dessin animé pour enfants jusqu’au porno, et une société de jeux qui développe… hé bien la même gamme de produits. Les jeux s’adressent à des publics, charge aux acheteurs de savoir identifier si le joueur final est, ou non, capable d’appréhender le contenu de ces médias. Il ne viendrait certes pas à l’idée des parents de mettre des enfants d’une dizaine d’années face à films gores, alors pourquoi acceptent-ils de les mettre face à des jeux violents et sanglants ?

Censurer n’est et ne sera jamais une solution viable. Je n’ai pas le même genre de loisirs ou de médias qu’un gamin, tout comme je ne pense pas être judicieux d’interdire à tous pour le bien d’un petit nombre. FDF (Familles De France, oui les fascistes qui pensent pouvoir contrôler le monde par la morale et la censure systématique) s’est attaquée à plusieurs reprises à la violence des mondes virtuels, et a cité comme exemple le lycée de Columbines. Tiens, donc les deux ados psychotiques qui ont descendus leurs camarades se sont vus influencés par les jeux vidéo ? C’est quoi ce raccourci stupide ? N’ont-ils pas étés bon public pour les tontons flingueurs, alors que ce film est une comédie que l’on pourrait prendre pour une apologie du crime et des bandes organisées ? Quelle est cette morale débile qui, pour nous « protéger », se permettrait alors de nous engoncer dans des rôles et des médias propres sur eux ?

Le jeu, tout comme la littérature, la presse, la télévision, la musique, en fait tous les médias, se doit d’être contrôlé et encadré par ceux qui mettent à disposition, et non ceux qui produisent. Il est aussi irresponsable de laisser un enfant choisir ses sites Internet et ses jeux que de le laisser jouer au ballon sur une autoroute. Là où le problème est malheureusement d’actualité, c’est face à l’incompétence de la population, ainsi que son laxisme qui part du principe que « tant que c’est virtuel, ça ne fait pas de mal ». Le jeu vidéo ne fait pas de mal. Il ne rendra pas violent. Il peut, en revanche, sans maîtrise, devenir une addiction comme l’est le poker, les machines à sous, ou encore à une autre échelle le fanatisme dans les stades. Le jeu est symptôme, pas une cause. J’ajoute enfin que nombre de parents sont d’une incompétence crasse (ce qui peut se comprendre), et ne font pas la démarche de se renseigner (ce qui, en revanche, est inacceptable). Depuis quand un préado est capable de se payer un abonnement à un jeu en univers persistant ? Depuis quand peut-il, de ses propres deniers, acheter l’ordinateur et la connexion Internet idoine ? C’est donc bien du portefeuille parental que sortent les sommes indispensables pour assouvir ce « vice », non ? Vous, payez vous aveuglément toute facture qu’on vous présente à la fin du mois ? Non ? Alors pourquoi ces parents là acceptent-ils une telle situation ? Parce que la majorité s’achètent une paix du ménage, et n’osent plus contredire l’adolescent boutonneux qui reste, des heures durant, collé à son écran.

A ce que je sache, personne ne taxe plus la télévision d’être moteur de violence. Au pire, on peut changer de chaîne, ou mieux encore, l’éteindre pour faire autre chose. Les consoles et les ordinateurs ne peuvent pas subir le même sort ? Depuis quand ?

17 septembre 2009

Pollution?

On peut penser ce que l’on veut du progrès. Certains critiquent ouvertement la déshumanisation annoncée et déjà visible par le biais du réseau Internet, d’autres encensent les technologies permettant d’avoir des véhicules plus sûrs, des murs plus isolants, ou encore la capacité à téléphoner n’importe où sans fil à la patte. Fort bien. Le débat est ouvert, complexe et, qui plus, il n’est pas aussi « moderne » que nombre de personnes le pensent. Tenez, n’est-il pas évident que les Montgolfier furent novateur et effrayants pour la cour du roi de France à leur époque ? N’a-t-on pas affirmé, des siècles durant, que l’homme n’aurait jamais sa place au fond des océans ou dans les airs ? De fait, c’est un éternel débat entre ceux qui ont peur, et ceux qui croient trop, les premiers préférant nettement stagner dans la douce sécurité d’un morne quotidien, les seconds adorant se baigner dans les évolutions, quitte à y risquer sa peau à chaque instant. Imaginez donc les conducteurs des premières voitures, et songez donc à la sécurité d’un véhicule sans ceinture, voire sans carrosserie, le tout sur des routes non goudronnées et labourées par les roues des charrettes.

Pour ma part, je raisonne sur notre environnement en le comparant aux époques passées. Nous avons toujours été de gros dégueulasses, des pollueurs incapables de réfléchir aux dangers de notre façon de vivre. Déchetteries sauvages, usage abondant de produits chimiques divers et variés, et même censure absolue sur les risques sanitaires encourus. Le plomb avec son saturnisme, l’amiante avec l’asbestose, chaque produit encensé à une époque peut demain devenir une source inénarrable de scandales. Alors, que doit-on croire ? Ceux qui affirment que nous nous collons une arme sur la tempe avec notre manière de vivre, ou ceux, plus mesurés, qui estiment que l’expérience nous fait progresser ? Je suis très sincèrement circonspect pour les deux discours. Entre l’ayatollah de l’écologie me hurlant à l’oreille que je devrais vivre en autarcie dans une yourte, et son pendant industrieux qui revendique son confort de haute volée, mon cœur balance !

Nous parlons à juste titre de l’automobile, nous observons avec bon sens la réduction des réserves de pétrole, et sommes aujourd’hui tenus de prendre les devants, sous peine de finir en panne sèche. Fort bien, mais, pour autant, l’air était-il plus pur il y a un siècle ? Les industriels sont tenus de filtrer leurs rejets, les usines de prendre énormément de précautions avec leurs déchets, les automobiles progressent vers une propreté acceptable. C’est à comparer avec la révolution industrielle où les usines rejetaient sans vergogne dans les fleuves et rivières, où l’on déboisait à outrance pour faire tourner les machines à vapeur, et où l’idée même de préservation de la nature faisait rire quiconque à qui l’on en parlait. Nous devions alors « battre mère nature », et non pas cohabiter avec elle. Sachant que la Tamise, à Londres, était si sale qu’on estimait pouvoir la traverser à pieds secs, il y a de quoi réfléchir sur notre façon de percevoir notre vie.

Au quotidien, nous absorbons et utilisons nombre de matières modernes qui ont de quoi inquiéter : alimentation industrielle à la composition parfois douteuse (et même toxique, merci aux Chinois avec le lait à la mélamine), utilisation de cosmétiques contenant des particules potentiellement nocives, sans compter les éléments chimiques créés pour notre confort à tous. Que ce soit les peintures (contenant des additifs potentiellement toxiques et même mortels à hautes doses), les plastiques (qui deviennent très nocifs en cas d’incendie), ou encore les produits chimiques tels que les détergents et produits d’entretien, nous sommes aujourd’hui cernés par des menaces autrement plus pernicieuses et difficiles à déceler que ce que connaissaient nos ancêtres. Il s’avère, par exemple, que nombre de déodorants contiennent des microparticules si fines qu’elles pénètrent dans l’organisme. De fait, on a donc la présence d’agents chimiques non maîtrisés qui, au lieu de se déposer, passent sous la peau et embarquent au passage des matières qui, techniquement, ne sont pas supposées être ingérées ou même injectées dans notre corps. Quoi en penser ? Que nous nous empoisonnons en nous aspergeant les aisselles ? Potentiellement, oui. Ajoutez à cela l’agroalimentaire qui use abuse des conservateurs, colorants et autres agents de textures et saveurs, il y a de quoi douter de ce que peut contenir notre assiette.

A chaque génération, nous créons de nouvelles menaces écologiques et sanitaires. L’hygiène, à force de progresser, a bien entendu réduite les pandémies du passé, améliorée la qualité de vie... Mais l’on constate également une explosion du nombre d’allergies tant alimentaires que classiques (type pollens ou poussière), une réapparition de certaines maladies que l’on supposait être éradiquées, et surtout la singulière incapacité à traiter ces pathologies. En ville, on peut bien entendu montrer du doigt la pollution atmosphérique et la concentration de population. Mais à la campagne, comment parler de pollution de l’air ? La terre est bel et bien empoisonnée, mais il est à noter qu’à force de vouloir vivre en bulle, notre corps en devient immunitairement déficient, et donc fragile aux agressions du monde extérieur. N’est-ce pas paradoxal ? Je suis propre, donc en danger ! Notez qu’une grande majorité des enfants allergiques aux pollens et autres poussières sont souvent des enfants nés en ville. Hé oui : si le corps n’est pas confronté régulièrement à une menace, il ne se renforce pas contre elle. C’est même le principe élémentaire de la désensibilisation : mettre en contact le corps avec les allergènes de sorte à l’y habituer. Mais, n’est-ce pas alors trop tard ?

Nous nous devons d’imposer aux industriels de réfléchir aux produits qu’ils mettent en contact avec nous. Ce n’est jamais anodin, rien n’est à prendre à la légère quand il s’agit de santé publique. Le savon, l’ancêtre souvent mis au rencard par les gels et autres produits modernes, s’avère être autrement plus sain, moins polluant à produire, et surtout totalement biodégradable. Incroyable, le passé est donc meilleur que l’avenir ? Certes non, ce serait refuser les bienfaits du progrès, ce qui est tout aussi inepte que de se jeter dedans à corps perdu. L’écologie et notre sécurité sont compatibles, à la seule condition que nous soyons tous suffisamment lucides et patients pour que chaque progrès ne se solde pas finalement par un désastre pire encore. Le nucléaire n’est globalement pas plus mauvais qu’autre chose, s’il n’était pas aux mains des hommes. L’éolienne n’est pas une mauvaise idée, s’il n’était pas aussi encombrant et inquiétant par sa taille et ses défauts actuels. La voiture électrique est un beau rêve, si seulement nous nous donnons les moyens de la rendre réellement non polluante.

On nous tanne avec la Prius de Toyota. Voiture hybride par excellence, symbole du rouler écologique, elle a en théorie tous les bienfaits. Mais, au fond, comment est-elle fabriquée ? Apparemment (je précise ce mot car sans preuve, je préfère alerter qu’il s’agit d’allégations trouvées sur Internet) les batteries de la dite Prius contiennent du nickel extrait au Venezuela, acheminé en Angleterre pour y être conditionné, puis retourné en Chine pour y être placé dans les batteries, qui, alors sont livrées au Japon pour l’assemblage final. Et, finalement, le véhicule est livré... dans le monde entier. Je précise que ce cycle était valide il y a quelques années, j’ignore s’il existe, ou non, d’autres usines assemblant la Prius. Dans ces conditions, vraiment écologique la Prius ? Quid du fait qu’elle carbure tout de même à l’essence ? Que ses batteries contiennent des polluants infâmes (métaux lourds) ? Cela ressemble plus à un placebo pour l’écolo aimant se faire rassurer par les industriels, qu’à une véritable solution pérenne...

PS: je n'ai pas mis de lien, de sorte à ce que vous recherchiez, le cas échéant. N'ayant pas trouvé quoi que ce soit de vraiment concluant et non sujet à polémique... à vous de pêcher et de dire, si, oui ou non, cette information tient la route.

16 septembre 2009

Internet politique ? Pas vraiment

Ah, les frasques de madame Royal avec son fameux site Internet... Après le scandale annoncé des fraudes électorales au sein du parti, la dame, jamais à court d’idées sur le bien communiquer, s’est empressées de s’engager à mettre en ligne une vidéo de ses déclarations. Sauf que là, désastre, aucun moyen ni de visionner la dite vidéo, ni même d’accéder à son site (en tout cas à l’heure où j’écris ce billet). Au mieux déplorable, au pire dramatique. Notez que madame Royal a un certain don pour se coller seule dans le pétrin : discours contradictoires, pieds dans le plat récurrents concernant tant son parti que son électorat, c’est à croire qu’elle aime passer pour une incompétente pour susciter la compassion.

Sauf que les électeurs ne sont pas charitables, loin de là.

Mais si j’aborde mon humeur du moment avec ce sujet, c’est aussi et avant tout pour réfléchir sur un des grands paradoxes du réseau Internet : il faut être dessus en tant que politicien, mais certainement pas compter dessus pour en tirer de bons enseignements. C’est tout de même spectaculaire : dès qu’une phrase est prononcée à tort ou à raison, d’autant plus s’il s’agit d’une vidéo, celle-ci se voit immédiatement répercutée et vue des millions de fois dans la journée ! Vitesse du réseau, additionnée au côté « people » dont sont friands les internautes égal énormes soucis de communication en perspective. A l’ère du numérique, de l’instantané, il n’est notoirement plus possible de se prendre les pieds dans le tapis sans que toute la planète soit au courant. De fait, les politiciens ont dorénavant de véritables structures dédiées à la communication numérique, de manière à au moins restreindre l’expansion de propos incohérents, ou tout du moins faire en sorte que tout ce qui sort des alcôves soit un minimum filtré. Seulement voilà, c’est là que le bat blesse... et gravement.

Personne n’est dupe aujourd’hui : le Net est avant tout un média de communication, manipulable, influençable au point même que la Vérité devient accessoire. Rien n’est plus grave en journalisme que d’extraire une phrase et l’exploiter hors contexte. Or, c’est ce qui se passe actuellement dans bien des affaires médiatiques, et qui plus est avec pour but à peine caché de fournir des armes au parti adversaire. Dans ces conditions, plus grand monde ne gobe directement ce qui traîne sur le Net, et chacun pêche et ponctionne ce qu’il lui convient. Quoi en penser ? Que malgré tous les efforts des politiciens sont potentiellement vains, si ce n’est qu’ils y sont tenus car l’Internet est le média à tenir et à contrôler. Les lois liberticides, les politiques de maîtrise du réseau, tout cela offre un arsenal potentiel pour la censure d’état de ce nouveau média ; N’oublions pas par ailleurs que le CSA peut censurer la télévision, alors pourquoi pas un organisme de censure du Web ?

C’est là tout le paradoxe donc. Il faut être vu sur la toile, alimenter les sites pour que les curieux aient de la matière, mais le tout en sachant que la plupart des propos tenus seront au mieux déformés, au pire carrément détournés. Depuis le président jusqu’au dernier des ministres, tous ont un « blog », ou encore un site plus ou moins officiel. Qui ajoute les notes ? Les politiques ? Des chargés en communication ? La secrétaire du patron pendant ses pauses ? Selon l’ampleur et le poids du personnage concerné, un peu de chacun je pense. Mais l’essentiel n’est pas là. Demandons nous, avant toute chose, s’il y a réellement quelque chose à tirer de l’expérience Internet de notre génération de politiciens. Tous sont d’un âge dépassant la cinquantaine (à quelques exceptions près), et nombre d’entres eux semblent tout sauf à l’aise avec les considérations de ce monde virtuel. Tenez, les HADOPI, DADVSI et j’en passe, ne sont-elles pas les symptômes d’un univers totalement méconnu, voire incompris par les politiciens ? Le Web déstabilise littéralement la façon de communiquer. Seulement, par manque de crédibilité, et surtout par l’abus constant de «rumeurs » de ses utilisateurs, c’est finalement la télévision et les journaux qui restent à peu près fiables. Bien entendu, il y a bien des sites qui ont une ligne éditoriale propre, des idées défendues avec âpreté et détermination, mais au fond, qui saura trier le bon grain de l’ivraie ?

Rappelons nous ceci : les différents candidats à la présidentielle furent visibles sur des vidéos de propagande pendant les deux tours. Leurs humeurs furent retranscrites sur leurs sites...

...Mais aucun n’a accordé une véritable interview à un journal Web, pas plus que les candidats n’ont participés à des forums, et surtout des tchats, pour répondre à leurs électeurs potentiels.

14 septembre 2009

Mordez vous la langue !

Il y a ce vieux dicton qui dit « Tourne ta langue sept fois dans ta bouche avant de parler ». Le gamin, avec cette désarmante franchise qui vous taille en copeaux dès la première remarque vit au quotidien cette problématique. Qui n’a pas eu à vivre le moment de solitude suprême du gosse qui, innocemment dit « La madame elle est grosse », ou le sempiternel et dérangeant « pourquoi le monsieur il est tout noir ? » ? Alors, bien entendu, chacun fera comme si cela n’était qu’une boutade de marmot dissipé, et, au pire, la remarque en sera faite au parent… Mais l’on passe aisément sur les attitudes de nos progénitures.

Là où cela se complique, c’est lorsque l’adulte (en tout cas d’un point de vue légal) s’avère au moins aussi maladroit que n’importe quel mouflet pêché à la va-vite dans un parc à thème. C’est souvent le drame : notre cher innocent et ahuri, content de pouvoir s’exprimer librement sans risque de connaître la saveur du plomb de AK47, n’hésite alors plus à dire et faire des choses le menant systématiquement dans le mur. C’est d’ailleurs assez pathétique, ce qui n’incite plus vraiment mes zygomatiques cyniques à s’ébrouer. J’aurais pu me moquer du crétin mettant les pieds dans le plat, mais là non… Je n’y parviens pas. Je dois me faire vieux !

Il existe un certain nombre de cas différents de maladresses, que l’on peut classer plus par causes que par conséquences. Le premier cas est le « Je pense savoir quelque chose ». Mettez une personne faisant usage de ses béquilles à un endroit A. Placez près de lui un observateur nommé peu importe comment (on s’en fout, c’est une démonstration, pas une séance de « speed dating »), et confrontez les. En pré-requis, l’observateur doit avoir découvert à ses dépends l’usage des dites cannes. De fait, il va alors s’adresser à notre personne en béquilles pour lui conseiller une démarche plus adaptée et moins fatigante. Raté l’ahuri : A est hélas coutumier de cette façon de se déplacer, et donc peut difficilement être pris en défaut concernant sa façon de faire. Que peut répondre A ? Sera-t-il cinglant, cruel, ou juste honnête et limite bienveillant avec le crétin ? Bonne question… A chacun de savoir où il se trouve dans cette situation.

La seconde façon de se rater sauvagement est la question absconse. Schématiquement, c’est poser une question dont la réponse va de soi. Est-il malin de demander à quelqu’un qui a changé sa coiffure s’il s’est fait couper les cheveux ? « Non, ils sont tombés tout seul », répondra alors l’interpellé, non sans une pointe d’ironie. Dans le même genre on a également le « C’est chez toi ? » au pied d’un immeuble… « Non, je vais forcer une porte pour aller dormir ». Jean Marie Bigard a d’ailleurs fait un excellent sketch (bien que grossier) sur le sujet. De fait, cela peut aller très loin, au point même d’en devenir méchant : « Tu vas à un enterrement ? » « Non, j’entre dans un cimetière en costume noir pour aller jardiner. » Cela laisse rêveur.

La troisième et pas moins sublime façon de se ridiculiser s’avère également la plus fine. C’est celle que j’appelle le manque d’information. Quand on s’adresse à une personne que l’on suppose connue de soi, il faut connaître un minimum sa vie privée, ou alors éviter tant que faire se peut les sujets y ayant trait. Tenez, il ne faut surtout pas demander comment vont les parents… d’un enfant de la DDASS, et encore moins dire « Comment va ton père » qui, hélas, vient de mourir d’un cancer de la gorge (plus dix points de honte en cas de longue maladie très douloureuse). Le benêt, l’ahuri se fait souvent une expertise dans ce domaine. Incapable de retenir les fondamentaux, il se fera une joie d’aborder des choses très sensibles, sans même se rendre compte à quel point il s’est embourbé dans un terrain meuble. Je sais bien qu’il n’est pas toujours évident de tout savoir, mais une prudence naturelle devrait être de mise, non ?

Alors vous voyez, l’ahuri a le chic pour mettre les pieds dans le plat. Laissez le faire, il vous offrira des franches tranches de… Et, finalement non. Cela n’aura rien de drôle, car même si je ris de tout, je ne ris surtout pas avec n’importe qui, et encore moins quand mon entourage en pâtit. Jouons du coup de coude avec un « ta gueule » à l’oreille, histoire de ne pas faire d’une bonne soirée la potentielle révélation des capacités de violence d’un tiers supposé très calme…

11 septembre 2009

A comme abruti ?

Je le demande haut et fort, je revendique cette position : La grippe A, n’est-elle pas la grippe de l’abruti ? Non que je fasse l’amalgame ridicule entre les personnes infectées et leur état mental, mais je songe surtout à la façon dont cette pandémie crée des psychoses collectives, et pardessus le marché engendre des marchés colossaux. Economiquement intéressante, la grippe A ? Pour certains industriels, assurément : entre les masques, les solutions hydro alcooliques, les produits antibactériens, et enfin les vaccins en passe d’être produits, m’est avisque certains vont faire dégorger les poches des uns, pour emplir les leurs.

La grippe A, comme énormément de virus, s’avère malheureusement être capable de se disséminer à grande vitesse. Au quotidien on le constate, et les malades se multiplient. La faute à qui ? A personne je dirais. Difficile de blâmer qui que ce soit lorsqu’une telle crise sanitaire arrive, et à moins de pratiquer la quarantaine systématique, impossible d’enrayer la progression du mal. Et là, vous vous demandez en quoi la grippe A est la grippe de l’abruti... Mais parce qu’elle a engendré une population de paranoïaques ! Observez bien la rue, les transports en commun, et surtout les lieux publics. Toussez dans votre manche, et regardez les vous fuir. Ces abrutis croient donc qu’en s’écartant qu’ils vont se prémunir ? Mais c’est un manque flagrant de connaissance du problème, et plus encore un réflexe tout juste digne de l’animal qui se tapit au fond de nous.

J’ai utilisé le terme paranoïa, et en fait je me trompe de terme : c’est le terme psychose qui serait plus adéquat. Dès que le mot « grippe » est dans la conversation, c’est immédiatement la course ! Vite, se laver les mains ! Vite se protéger des autres ! Surtout ne pas s’approcher des zones encombrées par la foule ! Mais bandes d’abrutis, le simple fait de vous approcher de quelqu’un de contaminé peut suffire. Hé oui ! Les précautions sont nécessaires, croire qu’elles vous protègent immanquablement, c’est du fantasme. Et que dire de cette foule imbécile qui attend le vaccin comme le messie ? Ils sont nombreux à être prêt à prendre d’assaut leur pharmacie pour se faire piquer, mais combien savent les risques et les conséquences d’une vaccination ? Pour mémoire, une vaccination se base (très schématiquement) sur le virus lui-même, mais neutralisé. On vous l’injecte, et on compte sur l’organisme pour réagir. Or, un virus, ça mute, ça se transforme, et le vaccin pour la souche originelle est donc potentiellement inopérant sur ses mutations ! Regardez le vaccin de la grippe classique... Il se fonde sur des études statistiques, et donc est basé sur UNE souche sélectionnée parmi un grand nombre. On est donc non dans de la certitude, mais dans le monde de la probabilité ! Et puis, il ne faut surtout pas oublier les accidents graves suite à des campagnes de vaccination : contamination, rejet, et même décès suite à des vaccins pas totalement au point, ou aux effets secondaires non maîtrisés. Tournez le comme vous le voulez, mais moi, vacciné ? Sûrement pas !

Ah oui, autre chose qui me gonfle prodigieusement : depuis que la grippe A est réellement dans sa phase de progression exponentielle, des affiches fleurissent sur les lieux de travail concernant le « comment bien se laver les mains ». Hé toi, l’abruti qui nous a pondu ces jolis dessins, tu n’aurais pas envie de la sentir passer ma main justement ? C’est du domaine de l’hygiène élémentaire que de se laver les mains, notamment en allant aux toilettes ! Dire que les gens ne sont même pas foutus de nettoyer leur cuvette... et on leur demande d’avoir une hygiène et une manucure correcte ? Si seulement les gens savaient déjà qu’il faut se laver régulièrement et correctement... Et puis les industriels surfent sur la vague. Prenez les publicités, et regardez réapparaître les marques de produits détergents et nettoyants. Tous se vantent de « tuer 100% des microbes et virus ». Ouais, en éprouvette probablement, mais dans la salle de bain... Et puis les hypermarchés sont touchés : augmentation de la vente des mouchoirs jetables, explosion des ventes des solutions hydro alcooliques, et même, gag suprême, apparition des masques jetables à la vente aux particuliers. Dramatique, non ?

On n’a de cesse de se faire marteler que la grippe A, on doit s’en prémunir, s’en protéger. Fort bien, les gestes élémentaires qui devraient être automatiques peuvent « grâce » à cette crise sanitaire devenir obligatoires et s’ancrer dans les mœurs. Toutefois, sachons aussi modérer notre panique : la maladie est dangereuse, il y aura pour longtemps des malades, et je doute qu’on éradique un jour ce fléau. La santé est l’affaire de tous, mais il faudrait que les abrutis cessent de faire trembler le monde sous prétexte qu’eux-mêmes sont terrifiés ! Non, je ne me jetterai pas sur un masque tant que cela ne sera pas imposé par les autorités sanitaires. Non, je ne cesserai pas de serrer la main à mes collègues tant qu’il n’y aura pas de certitude. A l’instar du SIDA en son temps, je ne prendrai pas peur à la moindre petite toux d’un passant ! Et puis si je tombe malade, ce sera une fatalité, voilà tout !

10 septembre 2009

Anachronisme

Comment définir facilement, et de manière compréhensible pour le commun des mortels, ce qu’est un anachronisme. En gros, c’est mettre des choses d’époques différentes dans la même situation. Vous ne voyez pas ? Ah merde, faut être clair… Bon. Alors, imaginez vaguement une scène de la Rome antique. Oui, Rome, vous savez, les gars en toge, les centurions avec la quincaillerie et la lance, enfin Rome quoi. Maintenant que vous visualisez et visualisez la situation, imaginez que ces gens soient survolés… par un avion à réaction. Aucun sens ! Voilà c’est un anachronisme.

Dans l’absolu, c’est à peu près aussi stupide que d’espérer faire parler une souris (même si Disney s’est entêté à le faire pendant des décennies). Pourtant, cette incongruité (attention, mot complexe !) a le mérite de me faire rire. Hé oui, l’absurde, le ridicule, s’il n’a pas le mérite de l’exactitude historique ou technologique, a au moins la force de faire rire les demeurés dans mon genre. Personnellement, songer à la tête de marins étrusques voyant débarquer un porte-avion nucléaire, ça vaut le détour ! Et ce n’est pas limitatif ! On peut tout mélanger, faire joujou avec les époques, mêler des choses biscornues les unes aux autres, juste pour le plaisir de l’imaginaire et du non sens.

Bon, là je sens les fanatiques et autres acharnés de l’exactitude me regarder avec circonspection, voire même avec un rien de condescendance. A leurs yeux, je suis un de ces hurluberlus qui ne prendrait pas l’histoire au sérieux. Mais si ! Mais le rire, le Saint rire se doit d’être respecté ! Un Lutèce du moyen age, avec ses paysans, ses crieurs, ses nobles… et son autobus… Hein ? Quel autobus ? Mais oui ! Moquez vous des obligations de cohérence ! Allons plus loin ! Faisons fi de ces limites, et installons un aéroport dans la vallée des rois, sous le règne de Néfertiti !

Certains cinéastes se sont déjà amusés avec cette façon de faire : Alain Chabat, pour ne citer que, a énormément joué sur les références actuelles dans « Astérix contre Cléopâtre ». Bien sûr, cela date le film et le rendra sûrement moins compréhensible pour les prochaines générations, mais qu’importe, une bonne rigolade maintenant plutôt qu’un mauvais souvenir, telle est ma devise ! Alors, envisager l’usage de la grue, du téléphone portable, ou bien du fax sous César… succulent !

J’ajoute qu’il faut savoir s’affranchir de tout. Faisons donc discuter à la même table Napoléon, Staline, César (encore lui !), Alexandre et, je ne sais pas moi… Bush ! (Non pas Bush, trop stupide pour cette discussion). Je pense qu’il y aurait à apprendre sur les tactiques politiques et militaires, et puis, les entendre se jeter au visage des conceptions radicalement différentes du monde, bien des personnes éclairées goûteraient leur plaisir ! Bien entendu, ce n’est pas limitatif aux politiques et aux militaires : Thalès, Einstein et Hawkins à la même table ! Platon, Corneille et Stendhal ! Plateau de choix ! Vous voyez déjà plus l’anachronisme et son côté intéressant ?

Et puis enfin, pourquoi nous refuser les frasques de l’imaginaire ? Nous bridons déjà tout, sous prétexte de ne pas prendre de risque. La création, le rêve, c’est avant tout de s’évader et de développer des mondes qui, en théorie, n’existent pas du tout. J’aime à penser que le rêveur est celui qui est capable de faire avancer son monde, non parce qu’il veut le voir changer, mais parce qu’il l’a déjà réinventé ! Réinventons, remodelons nos points de vue. Notre monde est une glaise que l’esprit peut pétrir à loisir. Oubliez les conventions, elles ne sont faites que pour satisfaire l’ego de quelques aigris de la plume. Fondez un monde bâti sur l’espoir des divagations, et non sur le désespoir du concret. On rêve, c’est peut-être ça notre plus belle réussite !

09 septembre 2009

Ah là on a des pointures !

Oui je sais, on me le reproche bien assez, je n’ai pas cette tendresse naturelle pour les tops de la radio qu’ont les majors, les adolescents boutonneux bourrés d’hormones et de préjugés, ou encore les hypermarchés toujours prêts à vous diffuser ces saloperies en boucles infernales. Je l’avoue, je hais le top 50 ! Je le maudis, le conchie, le piétine sans pitié ni respect tant il ne m’inspire guère autre chose qu’un matin morne juché sur mon trône, suite à une gastroentérite fulgurante. Le top 50 est à la musique, ce que l’artillerie est à l’industrie des jouets (si l’on excepte bien entendu le fait que des BASM peuvent ressembler à des jouets, mais passons là-dessus).

Gloire d’un instant, éphémères stars projetées sur le devant de la scène, et accessoirement dans les profondeurs abyssales de la connerie éditoriale de la presse people, ces pauvres hères tentent désespérément de nous brailler leurs mélodies, leurs « textes profonds » (sans commentaire), le tout dans un enrobage soit acidulé au point qu’il soit chlorhydrique, ou au contraire tirant sur le monochrome des trucs qu’ils appellent « RnB ». Oui, oui ! Je vous le dis, c’est tout l’un ou tout l’autre : soit de la guimauve prémâchée bonne pour les hospices de Beaune, soit de la saloperie sexiste et incitant à la violence. Et entre les deux ? Une ribambelle de « trucs » indéfinissables, de ces machins que l’on écoute en se demandant si l’ingénieur du son n’était pas assoupi au moment de l’enregistrement, ou encore si ce n’est pas le neveu de la grand’tante du producteur qui s’est amusé avec son Bontempi à ses heures perdues. Et là-dedans encore, il y a de quoi faire… et souffrir.

Franchement, voir une bande de zigues s’agiter à peu près en rythme, s’époumonant virtuellement grâce à la magie du playback, et se ridiculisant avec des tenues aussi amples qu’informes, ça vous inspire quoi ? Personnellement, un fou rire, ou plutôt des larmes quand je songe à leurs ventes, surtout en les mettant en perspective avec celles d’artistes de qualité qui, sous prétexte qu’ils ne cirent pas les pompes du tout venant, sont considérés comme invendables. Qu’on nous rende le talent de Brassens bordel !

L’été, cette saison propice aux ébats sur la plage, à la copulation frénétique dans les caravanes, et à la prolifération nocive des « tubes de l’été » ! J’adore cette fin de saison où les invendus s’amoncellent dans les étals, où les compilations se multiplient à un rythme digne d’une famille lapin, et surtout ce martèlement médiatique à outrance… Aussitôt entendu (et surtout pas écouté, sous peine de finir lobotomisé), aussitôt classé verticalement grâce au préfet éponyme ! Vous vous souvenez, vous, du meilleur de l’année précédente ? Ayant fui les ondes connues au profit des ondes mal connues, je dois reconnaître une incompétence crasse concernant la discographie de ces dix dernières années. Et quoi ? Aimer les Beatles, les Stones, Mano Solo, ou encore apprécier Bérurier noir, ça vous choque ? Comme je l’ai dit au début de cet article, moi et les tubes… vous savez…

Mais il y a tout de même des morceaux avec lesquels je ne peux avoir qu’une franche tendresse. Certes, musicalement c’est de la merde (et je pèse mes mots… maux ? Oui aussi), mais, quelque part, TOUT LE MONDE la connaît cette cochonnerie. Nostalgie ? Souvenirs de vacances passées dieu sait où, avec le souvenir d’une gamine et d’un flirt éphémère ? Possible. Mais tout de même, se souvenir de pointures comme Sabrina, Partenaire Particulier, ou encore l’inusable Patrick Hernandez, cela relève du masochisme, non ? Soit dit en passant, ces noms seront probablement inconnus pour tous mes lecteurs dont l’âge n’atteint pas le quart de siècle… Mais je m’en cogne ! Qu’ils s’informent !

Et enfin, il existe de vrais malades, de ces fous qui, sous couvert d’humour, sont franchement atteints par de graves maladies mentales… Je pense à ces barjots de « Bide et musique» ! Allez les voir, et cliquez sur leur radio Web. Phénoménal : ils programment tout ce que l’on a honte d’avoir dans sa discographie (et pire encore), ils nous ramènent à des époques où « Putain, la radio, c’était mieux avant ». Mouais… la nostalgie, c’est comme les cacahuètes : quand on en abuse, on finit par se payer des overdoses de graisse.

Allez les voir, sérieux !

08 septembre 2009

Bordel, qu’ils sont cons ces observateurs

Y a de quoi douter concernant la santé mentale des observateurs de l’ONU. Enfin, je dis l’ONU, comme j’aurais pu parler de n’importe quel observateur « impartial » envoyé dans le monde pour surveiller le déroulement d’élections « libres ». Libres ? Honnêtes ? Heu, dites les enfants, vous avez oubliés que, si l’on envoie des observateurs, c’est justement parce que l’on a la conviction que les dites élections seront truquées ? Et, en toute sincérité, vous y croyez, vous, au poids de la pression internationale pour imposer aux locaux une quelconque honnêteté politique ?

J’adore ce raisonnement : envoyons quelques guignols fringués comme des colons de l’époque victorienne et donnons leur un pseudo mandat de l’ONU pour qu’ils puissent, comment qu’ils disent déjà ? Oui, c’est ça : surveiller le déroulement du scrutin. Hé, les charlots, depuis quand une dictature s’impose devant l’urne ? Elle le fait aux vues et sues de tous, directement dans la rue, en armant soit des milices, soit en faisant défiler l’armée… ce qui concrètement revient au même. Là, le Congo est critiqué pour de « graves irrégularités ». Tiens donc, parce que le fils Bongo, il est arrivé là par ses compétences ?

Pathétique. L’Europe et la France en tête sait qu’on ne peut pas compter sur la légitimité d’une élection dans cette partie du monde : manipulations, vols, menaces et même meurtres sont monnaie courante. Et on envoie des ballerines couleur sable avec des Jeep couleur neige, en espérant déminer des situations explosives ? Les pauvres, je les vois bien, campant à côté d’une boite estampillée du drapeau local, et verrouillée d’un cadenas, tandis qu’au dehors une jeep surmontée d’une mitrailleuse fait son devoir « d’aide à la décision ». Ce n’est pas du cynisme, encore moins de la moquerie, ce sont des faits : les votes par là-bas, c’est comme les fonds de rayons des supermarchés malhonnêtes : ça a l’air frais, ça semble de bonne qualité, mais c’est systématiquement périmé, les dates sont maquillées, et quand on le constate, l’emballage est déjà ouvert et ça pue la charogne.

Là où tout cela devient tragi comique, c’est dans l’attitude ambiguë des nations comme la France. « On ne s’en mêle pas, on surveille que ça se passe bien », tout en ayant tout de même un petit préféré. Ben oui, on ne fait pas du troc avec un chef d’état qu’on n’as pas eu l’intelligence d’assister financièrement. La France est la reine de la verroterie en Afrique : filons leur des queues de cerise, enrichissons un despote, et gavons nous sur le corps malade de ces pays en décomposition. L’état n’a « officiellement » pas soutenu le fils Bongo, mais quand même, ça leur a fait plaisir de le voir prendre le pouvoir. Double discours ? Pas le moins du monde : soutenons le vainqueur, surtout s’il était celui avec qui l’on a l’habitude de traiter !

L’Afrique est une zone particulièrement impressionnante dans ce domaine. Tout est fait de manière flagrante, à la limite de l’incroyable. L’urne part en jeep qui, malencontreusement, se perd en route une petite heure. En arrivant à bon port, comme c’est étrange, mais la dite urne pèse plus lourd et n’est plus de même couleur. « La magie de la brousse ! » répondra avec ironie le pauvre hère qui, lui, aura fait son devoir civique avec ferveur. Tous le savent : les élections se gagnent à la baïonnette ou à coups de billets, certainement pas avec une campagne sincère et rondement menée. Le plus dingue là-dedans, c’est que nombre de votants sont convaincus de faire le bon choix en soutenant un despote !

Et puis, enfin, disons nous pour nous rassurer que tous les candidats se prétendant réformateur, sont des dictateurs en puissance. Rares sont les nations Africaines à s’être débarrassées d’un dictateur à travers les élections. Hé oui, le fils Bongo est élu, il a magouillé, mais c’est le jeu de tous les candidats ou presque. De là à souhaiter un bon gros putsch pour mettre un militaire en place… parce que un militaire, ça sait à peu près négocier, un politique, lui, sait aussi s’enliser dans la force de ses convictions.

Pauvre Afrique, pauvre de nous.

07 septembre 2009

Sim

Il n’est pas facile de rédiger une épitaphe pour un artiste qui a toujours eu pour vocation de faire rire. Pour un politicien, un malfrat ou encore un ordinaire, rien de plus simple, mais pour un comique, il y a de quoi caler. Celui qui tourne en ridicule son monde, et qui accepte de se ridiculiser pour le rire ne peut pas laisser un souvenir triste. Sim est parti, une embolie s’est chargée de sa carcasse, et c’est franchement triste.

Je vous vois, vous les éternels blasés qui lèvent un sourcil désapprobateur. Je vous vois, et vous maudit ! Sim ? C’était un homme qui a su se moquer de lui-même, de sa « tronche » si particulière, et qui a réussi à en faire un fond de commerce. Prenez le comme vous le voulez, ce fut un comique comme rarement il y en eut. Aujourd’hui, la majorité s’avère prétentieuse, voir même pédante, tout cela sous prétexte de bienséance et de « sens de la dérision ». Dérision ? La dérision, c’est de savoir faire preuve d’ironie sur soi-même, pas de rester politiquement correct. A une époque où se travestir était insoutenable, où se rire du sexe était malsain, Sim sût bâtir des personnages comme la baronne De La tronche en biais. Gonflé ! Cela semble aujourd’hui anodin, mais à une époque où tout était cadré et censuré, il fallait oser. Sim l’a fait, pour le plus grand bonheur de tous.

J’ai ri avec lui, et non pas de lui. Même en se plaçant dans les situations les plus rocambolesques, poussant le ridicule à l’extrême, il le fit toujours avec une tendresse pour le personnage moqué. Jamais ce ne fut méchant, ce fut juste drôle. Un peu comme un clown s’adonnant aux mimiques faisant rire les enfants, Sim se comporta en saltimbanques, en y ajoutant cette rare intelligence de la connaissance de soi. Il avait une « gueule », mais quelle gueule ! N’est-ce pas là le talent même de l’artiste que de savoir exploiter totalement son apparence ? Certains déguisent leurs traits, d’autres en tirent avantages. Lui, il fit les deux. D’ailleurs, quoi de plus hilarant que de le voir déguisé en Olivia Newton John dans une parodie de Grease ? C’était débile, sans queue ni tête, juste fendard. Maintenant, à celles et ceux qui pensent que l’intellect doit toujours tout prendre en charge, remballez vos cervelles ! Ceux sont les plus aigris qui ne connaissent pas le rire gras et honnête du prolétaire ! Faire rire tout le monde, sans distinction… c’est un don, non ?

Contrairement à son aspect franchouillard, Sim était aussi un esprit averti, riche, curieux, et aussi une plume efficace. On ne peut qu’admirer le mélange de culture et de dérision dont il fit preuve, des années durant, comme résident des « grosses » têtes sur RTL. Certes, cela semble être aujourd’hui une émission datée, s’adressant à un public plutôt âgé. Connerie ! Celui qui sait écouter avec attention ces gens de culture, ne peuvent que rire aux bons mots, aux réflexions parfois profondes sous couvert d’humour. Sim a fait partie de cette génération qui fit rire à la radio bien des personnes d’horizons différents. Fédérer sans imposer, se marrer. Tout simplement.

Il en aura tourné des navets, mais toujours avec la même conviction, le même sens du « faut faire rire ». Exploitation ? Cynisme alimentaire ? Quoi qu’on en dise, Sim fait partie de l’imaginaire collectif, c’est un morceau de la culture audiovisuelle Française. Il ne saurait être fait trop de louanges à ce type qui, bien qu’ayant une tronche, a marqué les esprits dans le bon sens du terme. Et puis, moi, il me fera encore rire, bien après son départ pour les cieux.

Enfin… Je le crois bien plus humain que nombre de ceux qui se cachent sous le voile de la bienséance. J’ai souvenir d’une émission où il prit le parti de se travestir, et de faire le « clochard » (qu’on appelle aujourd’hui avec pudeur le SDF) sur le parvis d’une église. Provoquant les passants, il jouait les ivrognes, tant pour tester la générosité que le respect d’autrui pour les petites gens. Et là, la surprise, l’imprévu : un véritable clochard, de ceux qu’on disaient faire partie de « la cloche » s’installe à côté. La discussion, filmée et enregistrée, est surréaliste. Tout à coup, impossible de distinguer qui des deux joue un rôle. Le clochard exagérant son côté bourru et son vocabulaire fleuri, ou bien Sim s’enfonçant dans une discussion de clodos ? Il y a de l’humanité dans le comique qui respecte celui qu’il singe. Il y eut de la part de Sim un profond respect pour cet homme perdu, discutant librement, se marrant avec lui, partageant un vrai litron de cinq étoiles. A tous les jeunes qui ne connaissent pas cet homme, je vous conseille de retrouver ce reportage. Il m’a ému aux larmes, autant qu’il m’a fait hurler de rire.

Monsieur Sim, monsieur Grand homme, merci pour ces fous rires !

04 septembre 2009

Ne pas les oublier

Le premier propos des politiques concernant les populations s’adressent généralement aux « victimes ». Les déplacés, les réfugiés et les morts sont souvent instrumentalisés, ceci afin que les fonds débloqués (soi-disant) pour eux soient moins douloureux à dégager. Pourtant, parmi tous ces symboles que sont l’enfant d’une maigreur terrifiante en Ethiopie, ou encore la mère portant un bébé fuyant des combats, il y a encore toute une portion du monde que j’appelle les oubliés. Ces gens dont on ne parle pas, dont on ne veut surtout pas parler et qui, malgré tout, existent et demandent juste un peu de reconnaissance.

Observez donc de quoi l’on parle quand les images de guerre sont projetées. De qui ne parle-t-on jamais ? Des locaux, de ceux qui vivent au quotidien le conflit et qui en subissent le plus les conséquences. Afghanistan, c’est un chef de clan qui s’exprime. Irak ? C’est le policier fraîchement formé par les USA qui pleure les victimes civiles. On peut montrer les passants tués par un kamikaze, mais filmer les horreurs quotidiennes de devoir vivre terré comme des rats, de devoir se cacher pour prendre de l’eau, ou encore de devoir courir entre les balles pour se ravitailler, ça les médias ne semblent pas s’en préoccuper outre mesure. Pourquoi ? Ce n’est peut-être pas vendeur d’écouter un père de famille lassé par les combats et la guérilla urbaine. Les civils ne sont médiatiques que lorsqu’ils sont en colonnes déshumanisées, les habitants ne sont représentatifs que lorsqu’ils sont mutilés par les bombardements…

Et ce ne sont pas les seuls que l’on oublie un peu trop facilement. A chaque fin de conflit, il y a les vainqueurs et les vaincus. Les soldats, ces hommes pris dans le vivier humain des nations, sont alors renvoyés à la vie civile sans préparation ni même respect de leurs douleurs. On les oublie, on les enterre, et certains deviennent fous par manque de reconnaissance ou d’aide. Comment retrouver un emploi après quatre ans de mobilisation ? Comment reprendre une vie « normale » avec des gens qui ne vous comprennent plus ? Le regard de l’homme change dès qu’il doit se défendre. Tuer. C’est alors qu’une fois les canons remisés et les accords hypocrites signés, que souffrent le plus les soldats. Anonymes, coûteux pour les nations, ces anciens combattants deviennent des parias. Tous, sans exception, reçoivent alors une obole de leur pays « pour service rendu ». De quoi hurler tant les montants sont pathétiques. Imaginez à présent le poids de tels paiements pour des états ayant connus la guerre civile. Pas assez de fonds, trop de soldats… et trop de vies brisées. On les oublie alors, jouant avec le temps en espérant qu’ils laissent tomber leurs droits. Honteux.

Et ces oubliés de la politique ? Qui sont ces familles que l’on traite encore avec irrespect et distance ? Ces harkis, pourquoi les humilier alors qu’ils furent des soutiens inconditionnels de la France ? Ces abandonnés de tous, méritent-ils que l’on efface des livres d’histoire ce qu’ils ont été et ce qu’ils sont toujours ? Des laissés pour compte ? Et que dire des soldats des anciennes colonies à qui la France ne verse toujours pas de retraite sous prétexte qu’ils « ne sont plus Français » ? A-t-on le droit de les oublier ? Ils paient au quotidien les obligations et choix douloureux faits à l’époque… pour notre nation. Cela me semble intolérable.

Et puis enfin, que dire de tous ces gens, ces ordinaires qui vivotent, survivent et combattent sans relâche pour rester dignes ? Les sans logis sont visibles en hiver, mais il n’y a pas de miracle en été. Sans domicile un jour… sans domicile pour longtemps. Les chaleurs estivales ne sont pas signe de la fin des drames sociaux, la faim étreint toujours les estomacs repliés, et la précarité n’est pas devenue tolérable par magie. La responsabilité collective et individuelle devrait être intense, elle n’est que ponctuelle et de bonne conscience. Lâches que nous sommes, nous fermons les yeux et décrétons que, si cela ne se voit pas… cela n’existe pas.

Finalement, nous avons la mémoire courte, nous oublions les gens de courage, les gens de bonne volonté, et ceux ayant subi d’atroces obligations. Pourquoi ? Parce que nous ne voulons pas admettre qu’il est de notre devoir d’être droits, de les regarder en face, et d’assumer, ensemble, qu’ils existent. Personne ne veut des réfugiés. On les laisse dans des camps en espérant que cela changera sans agir. Foutaises. Les choses ne changent jamais quand c’est l’attentisme qui dirige une nation. N’ayons plus peur d’être honnêtes. Le devoir de mémoire, le devoir de respect des vivants ne doivent pas être sélectifs. Il nous incombe, à chacun, de marcher droit sans avoir honte de ce que nous sommes. Il y a des erreurs ? faisons ensemble qu’elles soient un souvenir… et non le présent.

03 septembre 2009

Philosophie dans un kiosque

Il est déjà las, usé par le temps et les éléments. Lissant sa barbe déjà blanche, il scrute l’horizon plat et uniforme de l’océan. Ses yeux délavés se baladent sur l’immensité de ce monde qui est le sien, qui est celui d’un théâtre de manœuvre démentiel. Lui, deux décennies durant, il ne s’est pas interrogé sur le bien fondé de sa présence sous les mers du globe, il n’a jamais tergiversé concernant les ordres d’action qui lui furent transmis. Il est le commandant d’un sous-marin lanceur d’engin Russe. Il fut le commandant d’un sous-marin orné d’une étoile rouge et frappé de lettres en cyrillique.

Sa guerre fut secrète, cruelle et silencieuse. Sous lui, la machinerie nucléaire et la centaine de marins lui obéissant aveuglement fonctionnent comme un seul homme. Durant vingt ans, il eut pour rôle d’inquiéter le monde, durant vingt longues années, il fut dépêché un peu partout pour être une menace permanente pour le grand ennemi Américain. Douta-t-il de sa mission ? Tout militaire se doit d’être fidèle à son drapeau, et il fut de ceux qui jamais n’auraient remis un ordre en doute. Et maintenant ? Son monstre d’acier, de titane et d’uranium se languit, il pourrit lentement, subissant l’assaut de la rouille et du temps. Ils ont dessoudés la plaque de kiosque rouge vif, on a débaptisé son magnifique navire parce que la référence communiste n’était plus tolérable en temps de « paix ». Quelle paix ? La leur, pas la sienne.

Il fait gris et froid au large de nul part. Son bateau croise bien des icebergs, l’eau est d’un bleu givre peu engageant. Sur la coque glisse parfois un peu de glace, et le frottement engendre des grognements réprobateurs. Sa fidèle chapka sur la tête, la fourrure sur les épaules, il songe au passé en fumant une cigarette sans filtre. Formation à la dure, fusiliers marins, entraînement intensif… puis l’école de guerre, les études, et enfin la consécration, le commandement. Chaque échelon, il l’a gravi avec détermination et surtout avec la conviction qu’il servait une cause. Quelle cause ? L’URSS n’est plus, il n’est plus le symbole de la force brute de son état, il est aujourd’hui le symbole de la décrépitude de son armée sans moyens. A-t-il des regrets ? A son âge, on ne regrette pas, on se souvient, rien de plus.

La bise est toujours mordante, les officiers de pont sont là-haut, avec lui, perchés comme des aigles sur un nid en acier. Au-dessous, tout le monde agit avec discipline et certitude. Les uns marchent de postes en postes, les autres, assis, manipulent des écrans et observent des niveaux. Les deux réacteurs de l’
Akoula sont robustes, pas de souci sur ce point. Les 175 mètres de long de son monstre mécanique et technologiques trônent sous ces officiers qui réfléchissent à la porte de sortie de ces glaces. Lui, le commandant, il aura vécu des jours durant sous ces blocs, à compter les heures, à écouter les messages, à se demander si Moscou ordonnera ou pas l’ouragan nucléaire. Vingt missiles balistiques, vingt cavaliers de l’apocalypse prêts à fondre sur le monde entier à la demande.

Il l’a pris avec ravissement, ce commandement, son dernier commandement. Après ses premières armes sur la génération précédente, on lui a fait l’honneur de diriger un
Akoula, le fleuron de la marine soviétique. C’était le plus gros, le plus puissant, le titan de tous les superlatifs. Aujourd’hui, il va le diriger vers sa dernière demeure : un port, une cale sèche, et le démantèlement, puis, enfin, la ferraille. A bord, l’ambiance est morose. Les écussons ont juste vu l’étoile rouge disparaître au profit des trois couleurs de la Russie, mais les hommes restent les mêmes. Ils sont tous déçus, ils vont voir leur maison finir découpée au chalumeau.

Que pense-t-il, ce commandant qui va partir à la retraite ? Avant, l’armée rouge n’autorisait pas le doute et les regrets. Aujourd’hui, ce soldat qui a combattu par la terreur de sa présence se demande s’il n’y a pas eu une erreur. Pourquoi tout cela ? Pourquoi le K19 ? Pourquoi ces manœuvres pour intimider les USA ? Pourquoi tant de pertes inconnues dans une guerre secrète, sous marine, la guerre froide sans décoration ni honneur ? La Russie d’aujourd’hui lui est inconnue, lui qui a arpenté le monde sans jamais accoster, lui qui ravitaillait en pleine mer, lui qui, parfois, se demandait si sa famille se portait bien à Moscou. Il n’est plus temps de douter ou de se poser des questions. La fin d’une époque, la fin des temps, c’est pour maintenant. Il n’aura pas eu à déclencher l’incendie final, il n’aura pas vu la fin du monde. A quoi bon ? Vivre pour rien, ou mourir pour rien, quelle différence ?

Alors, quand enfin il sera de retour à l’état major, que son
Akoula sera remisé à jamais, il saluera avec fierté ses pairs, il leur dira qu’il a été fier de servir sa patrie. Puis, il claquera des talons, et il prendra le chemin de cet appartement miteux de la banlieue moscovite, de ces quatre murs de béton, de cette unique pièce à peine plus grande que sa cabine de commandant. Sera-t-il encore en contact avec ceux qui partagèrent sa vie à bord du TK 202? Qui sait ? Les Russes sont fidèles en amitié à ce qu’il paraît.

« Plongez. Profondeur 150. Tracez une route à grande vitesse pour la base ». Ordre donné, le dernier d’importance. Ils descendent l’échelle, la lourde trappe se referme et se verrouille. L’engin engloutit des quantités d’eau, des signaux sonores et lumineux invitent à la prudence. Le sous-marin se cabre, il se laisse descendre dans les profondeurs, et ses hélices l’emmènent pour son dernier voyage.

Leur dernier voyage à tous.