14 janvier 2015

Transparence d'état... je suis sidéré

Pour une fois, je ne vais pas râler contre les mesures discrétionnaires que peut prendre l'état pour enterrer des magouilles et autres malversations si communément étalées en première page de nos feuilles de choux préférées. Là, non, l'idée c'est de jouer la transparence avec les petits "cadeaux" dont bénéficient certains personnels de santé. Je n'ai qu'un conseil, c'est d'être prudent à la lecture des données présentes dans le listing, car elles peuvent être interprétées n'importe comment. Je m'en explique ci-dessous avec deux cas assez communs.
Une société X invite des médecins à une présentation d'un nouveau médicament. Qu'il soit bon ou pas n'est pas la question. En revanche, pourquoi le médecin, curieux et intéressé (de par sa fonction) devrait être de sa poche pour le repas ou bien le déplacement parce que le colloque est à l'autre bout de la France?
La même société X organise ce même colloque dans les Maldives, et étrangement n'invite que des responsables achat dans des cliniques/hôpitaux; ce qui représente des sommes non négligeables lors des réapprovisionnements… Là on n'est plus dans le petit avantage bénin, mais très clairement dans le cadeau déguisé. D'ailleurs, un colloque, ce n'est pas faire du ski nautique ou bien s'enivrer à l'open-bar de l'hôtel de luxe.

Pour les aspects légaux et techniques: le site est une référence du gouvernement (gouv.fr) ce qui donne donc deux choses: une validité des données dans leur ensemble, et surtout peu de risques de malversations vis-à-vis de ces données.
Notez également que la source est les déclarations d'impôts de nos chers professionnels de santé. Cela impose donc aussi une certaine prudence, puisque certains se garderont bien de tout déclarer, avec les risques que cela comprend, mais également l'absence d'autres formes d'avantages plus discrets, si ce n'est indétectables en direct (dons de matériel, de produits de consommation courante...)

A la lecture de ces faits, soyez prudents, n'allez pas démolir de suite votre toubib parce que son nom y apparaît. D'ailleurs, je suis particulièrement content d'avoir fait la lecture de ce listing, et par curiosité d'y avoir cherché des noms que je connais… et de ne les avoir pas trouvés dedans. Rassurant me concernant (honnêteté intellectuelle et morale), et signe que des méthodes malhonnêtes de commerce ne sont pas la règle.


PS: j'ai trouvé le lien chez sebsauvage
La transparence médicale, sur le site officiel transparence santé

09 janvier 2015

Liberté d'opinion et d'expression

Ce message sera, je l'espère, le dernier à ce propos.

Je veux qu'on se souvienne d'une seule et unique chose: la liberté d'opinion, c'est permettre à autrui de s'exprimer, d'avoir des idées, et surtout de pouvoir s'en ouvrir sans craindre la censure, la prison, ou pire encore. Ce n'est pas, et cela ne sera jamais de devoir soutenir des thèses avec lesquelles on n'est pas d'accord, sous prétexte qu'il faut soutenir la liberté de les exprimer. Je ne suis et ne serai jamais d'accord avec les caricatures, non parce qu'elles me choquent (je m'en fous), mais parce qu'elles blessent gratuitement des gens qui peuvent en être offusqués. Je soutiens et soutiendrai toujours le droit qu'avait Charlie de les faire, de les publier, et d'être également tenus de s'en excuser parce que la loi est la seule chose qui doit traiter les désaccords de ce genre, pas le fusil.

France, quand tu récupères le drame pour te l'approprier

Je ne saurais dire ce que je trouve le plus dur: le carnage de Charlie, ou bien devoir tolérer la masse bêlante de gens qui va instrumentaliser cette horreur pour en faire un étendard. Je ne parle évidemment pas de ceux qui sont moralement proches des victimes, qui vont tout à fait honnêtement soutenir la liberté d'expression, ou ceux qui participeront aux différentes manifestations prévues à travers le pays. Non: je parle bien de celles et ceux qui, tout à coup, se découvrent une conscience morale/politique, et qui vont aller faire la démarche d'acheter le Charlie hebdo qui sera tiré à un million d'exemplaires, parce "qu'il faut être dans le mouvement", ou bien s'afficher dans le métro avec l'exemplaire épitaphe.

Qu'est-ce qui me révolte? C'est que Charlie tirait à 60.000 exemplaires, et que là le million sera probablement épuisé, tout cela pour une question de mode, de "soutien", en bref parce que le symbole papier sera repris par la masse. Dans le lot, qui sera honnête? Qui pourra revendiquer avoir déjà lu le journal en question, qui pourra dire "j'en connais le contenu, je les soutiendrai"? C'est une démarche qui me pose problème, car il n'y a pas de bonne posture. Me concernant, je n'achèterai pas le journal, parce que je n'appréciais pas son contenu, il ne me correspondait pas. Je ne l'achèterai pas plus pour marquer mon soutien aux victimes, parce que le seul soutien que je leur donne est éthique et moral. Maintenant, trier la foule pour trouver qui est sincère et qui n'agit que par pur besoin d'identité, cela sera pour ainsi dire impossible. Un message de sympathie est, pour moi-même, la seule chose que je puisse faire.
Nota important: un tirage ne représente pas du tout la quantité réellement vendue. En presse, le tirage correspond uniquement à la quantité éditée, et non celle qui finit réellement entre les mains des lecteurs. Concrètement: un journal peut tirer à 100.000 et voir en fin de période de vente devoir détruire, à ses frais, les invendus! Donc, quand on parle d'un tirage de 60.000 pour Charlie, j'ignore la part d'invendus, même si je l'espère ridicule en volume…

On va me dire "tu es dégueulasse, il faut que Charlie survive comme symbole". Pardon?! Non: la question n'existe pas le moins du monde. Un journal vit ou disparaît au gré de ses lecteurs, et non parce qu'on le met en avant pour des questions symboliques ou politiques. Il est terrible de se dire que le journal risque probablement de dépérir après ce massacre, mais ce n'est pas pour autant qu'on doit le faire perdurer n'importe comment. Si un journal doit perdurer, c'est parce qu'il aura trouvé un lectorat, pas parce qu'on l'aura mis sous perfusion "parce que le nom de Charlie est important". Charlie, c'est une rédaction, des dessinateurs, pas un bout de papier, un ton, une ligne éditoriale. Ce qu'il faut mettre en avant, ce sont les noms des victimes, les gens, leurs idées. On regroupe cela sous l'étiquette "Je suis Charlie"? Pourquoi pas, mais cela n'impose aucunement l'acte moral d'acheter le journal. Ca ne met pas en doute une bonne volonté que de voir le titre continuer après l'atroce massacre de son cœur de fonctionnement, mais certainement pas au nom d'un principe qui me semble hors de propos. Vous voulez un Charlie ayant perdu son essence pour que son nom perdure dans les rayonnages des kiosques? Non? D'ailleurs, la question est-elle seulement compréhensible pour les millions de citoyens qui connaissent à peine ledit journal? Interrogez-vous un peu de ce que vous voulez comme destin pour ce journal satirique.

Je vais me faire des ennemis en affirmant cela. Je le sais, je l'assume, mais je le revendique bien haut. Mon obligation morale est fondamentale: on ne doit jamais bâillonner la presse. On ne doit jamais céder face aux menaces à la liberté d'expression. On ne doit jamais accepter un massacre. Pour autant, cela n'imposera jamais à quiconque d'être d'accord avec des thèmes, des écrits… Donc dans le fond à cautionner le contenu d'un journal. J'estime que la liberté d'expression est sacrée, ce qui sous-entend donc "je pense ce que je veux, c'est mon droit le plus strict" et non "Parce que tu es une victime de l'intolérance, je dois me mettre à penser comme toi". C'est tout aussi valide concernant Charlie hebdo (le journal), que pour les victimes d'antisémitisme par exemple. Je m'explique: je suis outré qu'on puisse agresser quiconque pour sa foi, mais cela ne m'imposera jamais de soutenir des thèses liées à la foi en question. Suis-je un salopard si je dis "Non aux agressions contre les juifs parce qu'ils sont juifs", tout en disant dans la foulée "non à la construction de colonies en Palestine"?

Il en va de même avec nos politiques. Quand on parle de marche républicaine, on parle de la nation, et non des partis politiques. Je suis outré qu'on puisse faire des tris, des "eux? Ah non, on ne s'affichera pas avec ces gens-là". Un seul mot? Abrutis. La république est constituée de divers courants de pensée, et faire de l'exclusion, c'est cautionner ce que veulent justement faire les terroristes que l'on traque, à savoir créer de la différence, distinguer les "qui pense comme nous", des "connards qu'on doit descendre parce qu'ils ont des idées différentes". Le FN dérange, il me déplaît, je n'apprécie pas son fonds de commerce, mais je ne demande pas, j'exige qu'on mette de côté les divergences politiques pour qu'on regarde les manifestations de l'œil du citoyen, pas du militant. Si l'on doit manifester, c'est à titre personnel, moral, et non politique.

Si je continue dans la même démarche, on critique actuellement Apple sur la toile, parce que le site officiel de la marque annonce "Je suis Charlie". Le fond de la critique provient des censures qu'opère régulièrement la firme sur ses sites de diffusion de contenu (livres, films, musique…). Dites, rappelez-vous un fondamental: Apple est une énorme société qui diffuse du contenu, et qu'elle est tenue par la loi de censurer ce qui peut être mis en défaut d'un point de vue légal. Au-delà de ça, si Apple s'affiche avec le "Je suis Charlie", on les critique comme étant des pourris récupérant le malheur des autres, si la société ne met rien on l'aurait critiquée en la taxant de "firme de salopards insensibles à l'horreur", ou encore "de boite qui se fout de la liberté d'expression". Quel bon choix? Pourquoi les salariés d'Apple n'auraient pas le droit d'être affectés comme le quidam moyen? A ceux qui critiquent le "Je suis Charlie" des sociétés: vous n'avez en rien le monopole de la tristesse et de la colère contre le terrorisme.

Je suis furieux. Furieux qu'on instrumentalise un drame pour s'en servir pour régler des comptes; furieux qu'on s'approprie une douleur en décrétant que les autres n'ont pas le droit de partager cette peine; furieux enfin contre cette attitude méprisante des bien-pensants qui se supposent au-dessus des autres parce que "je suis mieux que vous, j'ai le droit d'être triste et pas vous". Ma tristesse va pour des gens qui se battaient pour le droit de s'exprimer, quitte à être outrancier, quitte à aller trop loin dans le discours. Charlie hebdo n'a pas payé le prix du sang pour ses opinions, mais uniquement parce que le journal refusait de "fermer sa gueule". C'est une différence fondamentale à laquelle je tiens tout particulièrement. Je veux que les voix discordantes aient le droit de s'exprimer, que les caricaturistes outranciers ne soient pas menacés parce qu'ils provoquent, et ce même si je suis complètement à l'opposé de leurs opinions.

Je complète le propos suite à une discussion: j'ai eu le droit à un son de cloche qui dit "les politiques n'ont pas à se présenter aussi tôt sur les lieux d'un drame comme les prises d'otages". Je soutiens l'idée sur le fond, car nombre desdits politiques sont venus pour se montrer, pour être filmés et donc apparaître "au plus près de l'actualité". Par contre, je ne suis pas d'accord sur le principe, car d'une manière ou d'une autre, il est du devoir de nos politiques d'être présents, et non de déléguer à outrance, surtout dans de telles situations. S'ils viennent, on dit "ils se pavanent", et s'ils ne viennent pas "ils nous laissent seuls dans notre merde". Quel est le bon choix? Un délai? Une déclaration par les médias? STOP: nous demandons à nos politiques d'être responsables, soyons-le aussi, nous ne pouvons pas dire que nous les voulons actifs et au plus près des affaires (surtout quand on parle de terrorisme) tout en disant qu'ils n'ont rien à faire sur place.

Au final: nulle personne, que ce soit moi, le quidam moyen ou le politique n'a à s'approprier la douleur d'autrui. Nous devons être solidaires, soutenir les victimes, sans pour autant être tenus d'être d'accord avec elles. De la même manière, arrêtons les leçons de morale faciles, les critiques aisées, élevons le débat à la hauteur des enjeux de notre futur. Liberté d'expression chérie, que ne dit-on pas en ton nom! Triste France où l'on fait des filtres idéologiques, alors qu'il faudrait justement s'en abstenir!

08 janvier 2015

Ce que les gens pensent de l'islam en Europe

Comme souvent, je rebondis sur une brève de ce cher Timo (le hollandais volant).
la source chez Timo (le hollandais volant)
Ce que pensent les européens de l'islam, sur Forbes (en anglais)

Pour ceux qui seraient anglophobes, le graphique de chez Forbes présente le "ressenti favorable" de différents pays européens à l'égard des musulmans. Timo rebondit dessus en disant qu'il en est (je le cite)
Oh, c’est surprenant. Bien, mais surprenant.
Comme quoi, ce qu’on voit dans les médias est trompeur :o

En fait, en réfléchissant à l'historique de ces pays, ainsi qu'aux problématiques migratoires actuelles, je ne vois rien de surprenant. Bien entendu, quand on voit ces résultats après le carnage de chez Charlie, on peut être un rien rassuré, voire même "surpris", alors qu'au final, j'estime qu'il n'y a absolument rien d'étonnant.

Prenons ces différents pays et réfléchissons sur les uns et les autres, ceci en partant du plus bas, pour remonter vers les plus "favorables".
Italie
L'Italie n'était pas, initialement, ni un pays puissant d'un point de vue colonial, ni même une destination première pour de l'immigration. Entre une langue relativement peu parlée dans le monde, et le peu de présence de populations immigrées, force est de constater que l'islam n'a pas eu une implantation aussi importante qu'ailleurs. Il est également essentiel de se souvenir que le pays a un fort potentiel politique nationaliste (ligue du nord par exemple), ce qui amplifie, bien entendu, le sentiment de rejet à l'égard de cultures et de religions différentes. N'oublions pas enfin que l'Italie, c'est également le Vatican, ce qui ne fait qu'accentuer une forme de rejet, ou du moins de méfiance à l'égard des autres religions. Là, nous ne sommes pas dans le racisme ou la xénophobie, mais plus dans une forme de conservatisme craintif, où les populations locales voient les flux migratoires plus comme des invasions, que comme de potentiels enrichissements humains et culturels.
Il faut aussi noter le fait que l'Italie, de par ses lois plutôt laxistes, s'est vu devenir la porte involontaire aux migrants illégaux. Les dernières affaires de bateaux abandonnés, les centres de rétention saturés ne font qu'accentuer ce sentiment général que "l'islam ne sera pas bon pour nous".
La Pologne
Catholicisme conservateur, pays peu propice à l'immigration (économie relativement faible, potentiel salarial faible…), la Pologne n'est pas un pays qui pourrait accepter aisément une présence étrangère. Il y a également un historique fort de rejet des populations dites "différentes", ne serait-ce que par les mouvements migratoires de roms sur leur territoire. En conséquence, la Pologne, de par son histoire et sa situation, ne sera pas un pays favorable et conciliant avec l'islam.
La Grèce
Quand on est en conflit depuis des décennies avec un pays à majorité musulmane (Turquie) pour des questions territoriales, difficile de considérer que la Grèce pourrait être favorable aux musulmans… Cela se suffit à elle-même comme explication.
L'Espagne
Outre l'histoire (occupation longue du territoire par l'empire ottoman),
Correction (merci à celui qui a commenté mon article)
Historiquement, l'Espagne a connu une présence de l'islam sur son sol suite à plusieurs invasions(je vous invite à fouiner de ce côté, chose que je fais en ce moment même pour corriger nombre de mes convictions visiblement fausses), ce qui a laissé un "souvenir" fort (culturel et architectural). Cela aurait pu inciter à une plus forte tolérance (métissage historique), mais l'actualité, à travers les problèmes de migrations illégales (passage de Gibraltar par des clandestins), l'exploitation de salariés immigrés à bas coût, et des régions à fort potentiel identitaire (Pays Basque), rendent difficile de considérer que l'Espagne sera favorable à l'islam. Ajoutons également que l'attentat de Madrid en 2004 n'a rien arrangé. De ce fait, le ressentiment à l'égard de l'islam est bien ancré dans les cœurs, et n'est pas prêt à s'améliorer pour le moment.
L'Allemagne
Le pays a une forte identité nationale. Toutefois, la statistique serait à pondérer par une distinction entre la RFA et la RDA. Cette dichotomie serait utile à deux titres: la RFA a une population immigrée Turque non négligeable, tandis que la RDA a encore une forme d'exclusion qui tend à disparaître (héritage des années 70/70). De ce fait, il s'agit selon moi d'une moyenne qui serait à rectifier selon les régions. Il est à noter que des lands d'ex Allemagne de l'est restent assez sensibles aux partis politiques de droite "dure", pour ne pas dire extrême-droite, ce qui a une très probable influence sur les chiffres.
Il est également important de se souvenir que l'Allemagne n'est pas non plus un pays spécifiquement représentatif d'une nation permettant "facilement" une intégration étrangère. Il s'agit d'une problématique d'image, mais également de nationalisme assez fort, induisant nécessairement un résultat moins bon que la France.
La Grande-Bretagne
Pays dont l'histoire est clairement coloniale, avec un historique de migrations diverses et très variées, c'est un pays qui a été également très choqué par des attentats, et secoué par les problèmes liés à sa présence sur plusieurs théâtres d'opérations militaires (Irak, Afghanistan). Dorénavant, la population sera être quelque peu plus méfiante à l'égard de l'islam, avec le durcissement des règles d'immigration, l'émergence de partis conservateurs, mais aussi et surtout une baisse conséquente de la tolérance religieuse sur leur territoire. La tolérance du passé n'est donc plus autant d'actualité, et qui plus est ce n'est pas la situation mondiale qui va les inciter à reprendre une attitude conciliante. J'ajoute au surplus que la politique de "suiveur" de la Grande-Bretagne avec les USA ne peut que les pousser à se replier et à cautionner un durcissement dans leurs relations avec le monde musulman.
La France
Ah, la France… les gens oublient pas mal de choses finalement. Les médias montrent avec complaisance un côté raciste, voire même xénophobe, parce qu'il choque, parce qu'il stimule les oppositions, et surtout parce que la France a un potentiel xénophobe certain. Cependant, c'est occulter quelques faits simples: l'immigration musulmane n'est pas récente, et que l'islam, avec son statut de seconde religion de France, ne peut plus être nié et ce depuis au moins trois décennies. De plus, le "racisme" si souvent mis en exergue existe bien, mais il est plus lié non à l'islam, mais à l'image des jeunes de cité qui sont malheureusement pour majorité issus des minorités ethniques et religieuses. La conséquence est directe: une mauvaise intégration/assimilation peut mener à une radicalisation morale voire religieuse. Le creuset des extrémismes en France est systématiquement lié à une situation socio-économique gravement défavorable (chômage, exclusion, vie en HLM, faibles revenus, trafics pour subvenir à ses besoins, isolement…).

La France n'est pas à majorité raciste, mais elle est très identitaire. L'identité de la France a énormément changé en cinq décennies. Depuis le paysan qui voyait l'arabe comme un envahisseur, au citoyen d'aujourd'hui qui croise le même arabe sans s'en rendre compte, il y a eu énormément de changements. Du progrès? En quelque sorte, même si des clichés restent tenaces. La société française a changé, parce qu'elle est tenue d'affronter un quotidien surprenant: faire cohabiter des gens radicalement différents, avec des conceptions sociales, morales et culturelles très distinctes. Cela pose énormément de problèmes directs et indirects : enseignement de la langue, intégration dans les processus scolaires, isolement local avec un sentiment identitaire réveillé par des propos radicaux, volonté manifeste de retrouver des racines culturelles… Dans ces conditions, il y a énormément de défis à relever, comme ne serait-ce que de permettre à tous d'accéder au travail, d'en finir avec le rejet par la différence ethnique, et se débarrasser de ceux qui revendiquent une attitude radicalisée.
L'islam, comme n'importe quelle religion, n'est pas à traiter ni avec condescendance, ni avec méfiance. C'est ce qu'on en fait qui est la source première du problème. Le respect est essentiel, la tolérance pour les us et coutumes également, mais cela implique alors un comportement symétrique, à savoir accepter les coutumes et la culture locale, et surtout ne pas essayer d'imposer sa différence. Je vais prendre un exemple délicat et qui fait souvent bondir: je n'accepterai jamais le voile dans les administrations, car celles-ci sont laïques. De la même manière, je n'accepterai pas qu'une touriste refuse d'être voilée dans un pays musulman, sous prétexte qu'elle refuse de plier à cette coutume religieuse et culturelle. C'est de la symétrie de respect: on n'impose pas ce qu'on est, on apprend de l'autre et l'on s'adapte.

Dans ces conditions, je ne suis donc pas du tout surpris par les statistiques présentées par Forbes, je le suis plus par les gens qui réagissent avec étonnement. Chaque pays a son histoire, son passif, et il est naturel que chaque nation réagisse différemment. On peut évidemment rêver d'un 100% pour tous, or ceci est impossible, parce que l'islam a été politisé par quelques-uns, que l'islam a servi de prétexte et d'étendard pour quelques radicaux/manipulateurs d'opinion, et qu'au final on ne retient qu'une chose dans les médias poubelle: c'est l'islam qui est la cause, alors que ce sont les hommes qui tiennent l'arme dans la main. Je n'ai jamais lu quoi que ce soit pouvant m'inciter à dire que telle ou telle religion est mauvaise, en revanche les analyses faites par les hommes sont les vraies sources du danger et du rejet.

Pour finir, la France a des défis gigantesques à relever, tant parce que son histoire séculaire et sa politique de laïcité posent problème. Le premier défi, c'est de trouver un équilibre entre acceptation de la présence de l'islam, et le refus de voir cette religion s'imposer. Je vais simplifier le raisonnement: on ne finance techniquement plus l'église (si l'on omet les lois d'exception en alsace et en lorraine), mais l'on assure l'entretien de nombreux bâtiments religieux, parce qu'ils sont un pan de notre histoire que l'on se doit de préserver. A ce jour, la question est alors de tolérer ou non la présence d'édifices religieux comme des mosquées, et de voir à terme si l'état doit se mêler, ou non, de leur préservation. Ce débat, tant d'idée que de politique, sera à trancher de manière définitive, sous peine de voir perdurer les problèmes tels que les mosquées "des caves", où le radicalisme religieux peut être enseigné à des jeunes influençables.
Le second défi est de déterminer dans quelle mesure l'on peut avoir un double discours, à savoir une tolérance culturelle forte (France terre d'accueil), tout en continuant à maintenir des attitudes étranges en politique extérieure. Lybie, Iran, Irak, Qatar, Afghanistan, ces pays sont concernés par notre présence soit militaire, soit par notre implication politique à l'ONU. Le poids de la France pèse lourd dans les décisions, et agir avec ambiguïté ne fait que compliquer les choses… et je n'aborde même pas le silence gêné des gouvernements successifs face à l'attitude d'Israël à l'encontre de la Palestine.
Le troisième défi sera de voir sur le long terme. L'augmentation de la part de la population pratiquant l'islam, face à une baisse significative des pratiquants des autres religions "historiques" ne pourra que radicaliser les membres de ces dernières. Le signal a été très fort lors des manifestations contre le mariage gay, et je crains que ces regroupements ne réapparaissent dans la rue contre l'islam. Je prends un exemple: imaginons une demande de construction d'une mosquée, et que l'on donne le permis de construire. M'est avis que de telles manifestations sont susceptibles d'apparaître, avec des conservateurs battant le pavé et dénonçant l'islam comme un envahisseur, et non pas comme une religion établie et respectée. Cela pourrait transformer des débats difficiles en rixes, si ce n'est plus encore. J'ai une méfiance terrible pour tout ce qui se radicalise, qu'il ait une croix ou un croissant de lune sur son oriflamme.
Le dernier défi sera, selon moi, l'attitude des politiques. Il est notoire que la continuité de politique n'est pas le jeu naturel de la démocratie à la française. Nous aimons faire basculer la balance, en jouant soit sur l'alternance aux présidentielles, soit en provoquant sciemment des situations de cohabitation forcée. Les trois décennies précédentes peuvent être décrites par: des élections présidentielles posées sur des personnages (Mitterrand, Chirac), de l'alternance pour ces deux présidents (avec pour côté ironique le fait que le second ait été premier ministre du précédent), puis des choix radicalisés suite à des situations politiques propices (FN au second tour, la chute du PS via Jospin et l'élection de Sarkozy), puis enfin une volonté d'alternance par dépit plus que par déterminisme (élection de Hollande pour refuser Sarkozy). Nous ne votons plus pour quelqu'un, mais contre son bilan/image. Si Hollande avait dissous l'assemblée, m'est avis que celle-ci aurait penchée de l'autre côté. Vous pensez que j'exagère? Alors observez qui est député européen (présence du FN), et qui est à la tête du sénat (UMP), tandis que l'assemblée est majoritairement de gauche. Nous n'avons donc pas de continuité, de stabilité politique longue permettant d'envisager des raisonnements au-delà des échéances présidentielles et législatives. C'est un tort terrible, car au lieu de penser sur des décennies, nos élus pensent sur des durées de mandat. La conséquence? L'incohérence des politiques sur l'immigration, l'absence de planification/réflexion pour gérer les cités, la scolarisation des enfants issus de l'immigration et j'en passe. Chaque élu qui passe ne fait que coller quelques briques de plus sur une cocotte-minute qui surchauffe, laissant le plat bouillant à son successeur, avec l'espoir que celui-ci ait le malheur d'ouvrir le tout.

La gestion de l'islam, sa compréhension et son acceptation ne sont pas des boites de pandore. Ce qui l'est, c'est de poser dans une autre boite tous les problèmes, puis d'en fermer le couvercle en espérant que rien n'explose. Ce n'est malheureusement pas une attitude acceptable. Nous ne pouvons fermer les yeux ni sur une jeunesse désœuvrée qui se tourne vers les extrêmes, ni pour autant considérer tous les membres d'une seule communauté comme étant tous représentés par quelques-uns. Il y a une urgence immédiate qui est de faire comprendre à tous qu'un pays, ce sont des droits et des devoirs: le droit d'opinion et de pratique religieuse, mais le devoir de tolérance et de civisme. Nous ne pouvons décemment pas tenir un discours ambigu, et encore moins faire preuve de laxisme tant sur un et l'autre de ces sujets. Il n'est en rien acceptable qu'une mosquée soit dégradée, pas plus qu'il soit acceptable qu'une mosquée puisse héberger des gens prônant la haine d'autrui. Ce propos est tout aussi valide si l'on remplace mosquée par tout autre lieu de culte ou de réunion.

La France est bâtie sur des fondations historiques anciennes que l'on se doit de préserver. Elle a choisi la voie la plus intelligente, celle de la laïcité afin que l'intégration de populations étrangère soit la plus simple et la plus tolérante possible. Nous ne faisons pas jurer sur une bible comme aux USA. Nous ne demandons pas la religion dans un CV. Nous considérons que chacun est libre de vivre et s'exprimer dans le respect d'autrui. La France d'aujourd'hui est une France complexe, riche de par ses différences, de par ses progrès sociaux et moraux. Je ne demande pas, j'exige que chaque Français soit à la hauteur des défis à venir: être un citoyen, ce n'est pas être un nationaliste. Etre un citoyen, c'est être patriote, et le patriotisme passe donc par la tolérance et le respect des institutions.
L'état se doit de réagir, mais d'une seule manière: en rappelant que les lois de la république ne peuvent ni être mises en doute, ni manipulées au bénéfice de quiconque. La France doit agir avec la fermeté et la dignité nécessaires pour lutter contre l'intolérance, le racisme, mais également contre la violence et le terrorisme. Il ne s'agira pas de créer un état policier sous prétexte de protéger les biens et les personnes, mais avant tout de remettre en avant que des lois existent, que celles-ci sont là pour protéger chaque citoyen, et qu'il sera tout mis en œuvre pour ne pas céder sur ces fondamentaux.

Enfin, je tiens à notifier à chaque personne pensant que la liberté d'expression permet de tout dire et tout faire que celle-ci est strictement encadrée, et est supposée protéger chacun de nous. Le racisme et la xénophobie n'ont pas être propagées sous le prétexte de droit d'exprimer une opinion. Charlie hebdo a été attaqué pour avoir osé critiquer, provoquer, voire même blessé et insulté. La seule voie acceptable était celle juridique, et j'aurais été fier de dire aux gens blessés moralement "vous avez choisi la voie légale, vous avez fait le bon choix". Ceux qui font le choix des armes ne se sont pas attaqués qu'au journal, ils se sont attaqués à toute une nation. Le pays a communié dans la tristesse, les réunions spontanées ont prouvé au monde entier que la France est un pays de tolérance, d'unité dans l'adversité, et force culturelle et morale. Oubliez les propos haineux de certains, oubliez celles et ceux qui ont tenu des discours comme "Ils l'ont cherché". Qu'ont-ils cherchés? A provoquer? A assumer un discours dérangeant? Je ne saurais cautionner ni les caricatures blessantes, ni l'usage de la force pour s'en venger. Un dessin ne tue pas, il vexe. Une balle de fusil, elle, ne porte aucune mention morale ou culturelle. Elle tue, point final.

07 janvier 2015

En berne

Comme vous l'aurez remarqué, le site est passé en noir et blanc. Il ne s'agit pas d'une lubie pour trouver un nouvel essor visuel, mais d'une mise en berne morale de ce blog.

La raison? Elle est terriblement simple: le massacre de Charlie Hebdo. Je m'étais lancé dans un écrit argumentant, expliquant, cherchant à comprendre le pourquoi du comment... Mais en définitive, je ne peux pas le publier.

Je ne peux pas cautionner, je ne peux ni expliquer ni même argumenter sur cette horreur. Tout ce que je peux dire ce sont mes condoléances aux familles, et bonne chasse à ceux cherchant à traduire en justice ces deux assassins. Tout le reste ne sera que fadaises, rhétorique et débats d'idées. Ce n'est ni le moment ni le lieu pour lancer un quelconque débat.

Je pense donc que j'ai tout dit sur le sujet.

Votre obligé

PS:
Vous pouvez laisser sur le lien ci-dessous des messages de sympathie.
Pensez à le faire tourner pour qu'un maximum de monde puisse réagir. Notez que le tout est anonyme.
Laissez un message de soutien
Jefaispeuralafoule/Frédéric

05 janvier 2015

Je ne plierai pas

Ah, le nouvel an, ce rituel abscons où l'on célèbre la fin d'un cycle de rotation de la terre autour du soleil! Qu'on m'explique, car je suis probablement un imbécile chronique, mais je ne saisis pas vraiment l'intérêt de procéder à une telle célébration, surtout parce qu'elle ne fait qu'être un prétexte à des beuveries, à une hypocrisie généralisée, et à supporter la litanie des "bonne année" qui se répète pendant au moins deux semaines après la date fatidique. Que je saisisse: on se souhaite une meilleure année, ou bien une "bonne" tout simplement? Selon moi, on devrait s'envoyer des "faites que cette année à venir soit moins merdique que la précédente!".

Bien entendu, certains tiquent sur le terme hypocrisie, et vont même jusqu'à s'interroger sur ma santé mentale pour balancer une telle insanité. Allons, soyez adultes (pour ceux qui le sont), soyez francs jusqu'à l'honnêteté totale: vous lancez des vœux à des gens que vous ne pouvez pas blairer, simplement pour vous éviter les messes basses concernant votre manque de courtoisie, ou encore pour vous épargner des engueulades avec des proches (qui a dit belle-mère?! Qu'il se dénonce!), alors que vous n'arrivez même pas à en accepter la simple présence dans une distance de sécurité. On donne du bonne année comme l'on donnerait de la B.A, vous savez, cette pièce jaune jetée négligemment dans le gobelet d'un pauvre hère en vous disant "il picolera, mais au moins j'ai ma conscience pour moi". Comme je le dis souvent: foutaises. Contentez-vous d'être sincères, cela vous fera pas mal d'histoires lors du premier naufrage, mais ensuite vous aurez une paix digne des plus grands souverains fainéants.

Oh, d'aucun va me dire que, non ils ne donnent pas des vœux à tout le monde, que non ce n'est pas hypocrite, et que non ils ne cirent pas les pompes en agissant de la sorte. Fort bien. J'accepte le propos, mais cela sous-entend alors que les dits vœux sont alors machinaux, sitôt dits sitôt oubliés, et qu'en conséquence ils ne valent guère plus que la salive gaspillée à lancer les deux mots fatidiques. Alors pourquoi se fouler la langue, quand on peut s'en épargner l'effort? Je ne renie par le droit d'être sympathique, pour ne pas dire lumineux de ceux qui nous donnent de la générosité et de l'espoir avec candeur, mais au-delà, je doute que tout le monde soit atteint de cette grâce, de ce cœur pur qui donne sans attendre quoi que ce soit en retour. Cynisme? Cruauté? Non, juste une lucidité ordinaire me faisant douter des gens.

Certains attendent sûrement de moi que je dénonce le consumérisme et le profit généré par les fêtes de fin d'année. Je l'ai déjà fait à tant de reprises qu'il serait mal venu de remettre le couvert, donc je vous laisse à vos réflexions sur ce que sont réellement ces fêtes. La seule à se demander est: fait-on preuve de sincérité avec les vœux et les cadeaux, ou bien le fait-on pour obtenir une tranquillité d'esprit?

Bref. Je ne plierai pas: je hais les fêtes, et ça, ce n'est pas nouveau. Je les hais parce qu'elles ne représentent rien d'autre qu'une date sur un calendrier, parce qu'il serait de bon ton d'agir au quotidien et non de manière ponctuelle, et pardessus tout de cesser de suivre ces obligations parce que la masse agit de même. Cela ne me fait pas dire de ne pas répondre, car la politesse est importante à mes yeux, mais avant tout de ne donner du "bonne année" que lorsqu'on est convaincu qu'on le fait parce qu'on souhaite réellement une bonne année à l'autre… Je sais bien que c'est un cliché absolu, que je vais encore passer pour un misanthrope doublé d'une pourriture immorale, mais après tout, mieux vaut passer pour un con, que de l'être en faisant mine de ne pas l'être.

Sur ce, je vous souhaite non pas une bonne année, mais carrément "je vous souhaite que l'avenir vous sera plus agréable qu'il ne l'a été l'année dernière". Pourquoi cette différence? Parce qu'au moins, si vous ne me relisez jamais, j'aurai la certitude de ne pas cantonner mes vœux à une période temporelle restreinte, mais pour le plus longtemps possible!