28 avril 2011

Inconséquence politique

Plus les présidentielles s’approchent, plus je m’interroge profondément sur la compétence de nos élus, et surtout sur la capacité des électeurs à faire un choix raisonné. En effet, malgré la perspective d’une carte électorale brouillonne, les différents partis ne semblent pas spécialement prendre conscience du risque que représente l’éclatement des votes entre divers candidats. J’en suis venu à me demander s’il n’y pas carrément un risque de voir des outsiders finir au second tour, ce qui mènerait immanquablement à un désastre politique majeur. Jusqu’à présent, la confortable image du bipartisme classique offrait aux votants la possibilité de choisir deux mouvances, deux orientations, avec toutefois une vague possibilité de contester ce découpage à travers les votes annexes dans les extrêmes. A présent, le problème devient bien plus complexe, ce qui me fait vraiment craindre le pire.

Commençons par les partis que l’on peut qualifier de « classiques ». Sortis de la rivalité gauche droite, nous avons encore les regroupements plus moins extrémistes tant à gauche qu’à droite. Tant la LCR que le FN, il s’agit là de partis qui font les beaux jours de la contestation, de la réaction, et donc de votes soit vaguement rebelles de jeunes adultes inconséquents, soit des personnes profondément déçues par les élus successifs. Ne nous leurrons pas trop : le vote FN est tout autant fait de véritables nationalistes convaincus, que de votants lassés par l’indolence et le manque de parole des gouvernements successifs. De ce point de vue, parler du FN comme d’une force fasciste, c’est forcément se tromper de cible, et qui plus est, insulter un parti qui n’a pas besoin de publicité pour exister. A l’autre bout du spectre, la LCR, bien que renommée NPA, n’est que l’expression des mouvances proto communistes, qui tentent de se défaire de l’image désastreuse de l’étoile rouge dans le monde. Pour autant, le NPA n’apporte guère d’idées neuves, puisqu’elle reste tout de même profondément ancrée dans l’éthique réactionnaire et néo trotskiste de ses débuts. Dans ces conditions, nous avons donc là deux partis qui vont récolter des voix, qui vont provoquer une fuite des votants, et qui, au final, serviront de leviers contre la gauche et la droite traditionnelles. C’est en cela que Marine Le Pen est une menace pour la droite : elle n’a guère de chance d’être élue, par contre son capital de voix pourra très probablement faire pencher la balance, ce qui forcera donc le candidat avide de cette manne à composer avec elle. Dangereux, redoutable même, cette idée ne peut que faire craindre le pire à l’avenir. Notons enfin que, malgré l’attitude de défiance qu’a la droite face au FN, les voix de ce dernier auraient été précieuses lors des dernières cantonales. Or, en refusant « l’aide » du FN, l’UMP a perdu la bataille… Qu’en conclure ? Que le candidat de la droite devra forcément serrer la main de Marine Le Pen pour avoir plus de chance de gagner, sauf grosse surprise électorale.

Ensuite, observons un nouveau parasite dans la carte politique, à savoir Nicolas Hulot. Je ne remets pas en doute sa passion véritable pour l’écologie, pas plus que sa motivation à vouloir s’en faire le chantre. Cependant, j’émets trois objections graves à sa démarche. Tout d’abord, on ne s’improvise pas candidat. Quid d’avoir la capacité à créer un gouvernement en cas de victoire ? Sans support politique de fond, un candidat n’a aucune valeur, même s’il a des idées. Un état fonctionne parce qu’il y a une hiérarchie riche et complexe, et que cette hiérarchie se doit d’être au service de l’élu. Dans ces conditions, difficile de croire que M. Hulot puisse ne serait-ce qu’être crédible en politique. Ma seconde objection est sur le principe même de la candidature : les bonnes volontés ne suffisent pas toujours, et sa candidature risque de faire plus de mal que de bien. Que veut-il prouver ? Si les voix se reportent un peu trop massivement sur lui, que va-t-il dire aux gens à l’entre deux tours ? Qui va-t-il désigner comme présidentiable acceptable ? Sauf à ne pas se mouiller, et donc jouer l’autruche, N.Hulot s’est mis dans une situation intenable après une plus que probable défaite dès le premier tour. Toutes ces voix seront donc les voix qui vont manquer aux partis classiques, avec une chance supplémentaire pour les extrêmes. 2002 ne semble pas avoir suffi aux gens pour comprendre que toute voix perdue pour les partis classiques sont des voix supplémentaires pour les extrêmes… Et ma troisième et non moindre critique face à cette action politique, c’est l’inutilité de la démarche. Tout comme en 2007 avec son « chantage » ridicule, N.Hulot semble croire qu’il pourra peser sur la politique écologique de la France. C’est oublier qu’il n’a aucune compétence en économie, qu’il n’a certainement pas poussé la réflexion jusqu’à son terme. A mon sens, certaines personnes disposent d’une vraie aura, qu’elle soit démagogique ou politique, et qu’elles seraient utiles en tant qu’apolitiques, mais au service de l’état. Quelqu’un comme lui, de vraiment dévoué à sa cause, ferait peut-être un excellent conseiller, mais certainement pas un présidentiable ne serait-ce que potable. Je crains donc des problèmes dans des voix partant n’importe où, au lieu d’être orientées vers les véritables candidats potentiels.

Mais là, c’est le concept de candidat potentiel qui est problématique ! A ce jour, la droite doit s’appuyer soit sur la réélection de N.Sarkozy, et donc immanquablement couper les ailes des autres candidats potentiels, soit désavouer le président sortant, ce qui serait là une véritable fronde sans précédent. Dans ces conditions, celles et ceux qui oseront se présenter hors de l’accord de l’UMP seront une menace directe pour la réélection, et de futurs crucifiés quelque soit l’issue de l’élection présidentielle. Il faut également noter que les ambitions ne manquent pas, et que le risque de l’émergence de candidats indépendants est loin d’être nul. De Villepin est un bon représentant d’un tel potentiel : trahi, sacrifié pour préserver le président, crucifié par la presse, il ne sera pas le dernier à tout faire pour que Sarkozy ne soit pas l’option choisie. Le centre n’est plus une menace, étant donné le désaveu de cette mouvance à travers l’échec des cantonales, mais, malgré tout, ne pas en tenir compte pourrait très bien être dangereux pour la droite. Et c’est sans compter la montée croissante des sympathies pour l’héritière Le Pen, qui, bien que souvent désignée comme la copie conforme de son père, s’avère moins « puante » que ce dernier pour l’opinion publique. Elle sait s’exprimer, défendre ses valeurs, et c’est en cela qu’elle est une menace directe pour l’UMP et son candidat tout désigné.
De l’autre côté, la gauche est dans une passe lamentable. Depuis des années, le PS est empêtré dans une guerre tant des chefs que des têtes de liste. Aubry, Royal, DSK, toutes les têtes sont prêtes à sortir du lot, quitte à piétiner les petits camarades. L’idée des primaires n’est pas apparue par hasard : le concept d’élire le candidat unique est né au moment où le parti s’est rendu compte de sa désintégration intérieure. La profusion d’idées, le florilège de coups bas n’a su qu’inciter les Français à s’interroger sur la capacité du parti socialiste à revenir sur le devant de la scène. Certains vont me dire que les cantonales sont une victoire de la gauche, et c’est totalement faux. Les cantonales sont une défaite du parti au pouvoir, et une attaque directe menée contre le président de la république. Le PS ne peut absolument pas se targuer de ce score, et d’ailleurs il s’en est bien gardé. Pourquoi ? Parce qu’au final, ce fut un vote de contestation, à petite échelle eu égard à l’abstention massive, et qui, pardessus le marché, n’a absolument pas su faire émerger une ligne de conduite. A aujourd’hui, le doute subsiste sur qui représentera réellement le PS en 2012, et je crois que le candidat ne sera pas unique, loin s’en faut.

L’inconséquence des différents présidentiable est terrifiante : le FN conserve son attitude de trublion, la NPA ne représente guère que des anarchistes en mal de reconnaissance, ou des nostalgiques/utopistes, Hulot est illisible car ne semblant pas vraiment savoir ce qu’il représente, la droite se doit de jouer, même à contrecoeur, la cohésion derrière Sarkozy, et le PS n’est même pas capable de proposer un candidat définitif ! Cette incapacité à avoir la moindre prise de position claire ressemble plus à de la bêtise qu’à de l’incapacité, car, après tout, les seuls partis qui se tiennent toujours à une ligne de conduite claire sont justement ceux qu’on taxe d’être dans les extrêmes. C’est en cela qu’ils vont peser lourdement sur les urnes, et qu’ils vont représenter une force non négligeable lors de négociations ultérieures. La droite composera avec le FN, tout comme le PS a dû composer, et ce depuis leur apparition, avec les écologistes. Bien entendu, je ne donnerai aucun conseil de vote, ceci n’étant ni mon rôle ni mon intérêt. En revanche, je préconise fermement à celles et ceux qui voteront d’assumer leur vote de bout en bout, à savoir tant au premier qu’au second tour. Le vote contestataire n’a aucune efficacité, 2002 l’a prouvé de la plus évidente des manières. A chacun des détenteurs de la carte d’électeur de bien comprendre le pouvoir dont il dispose en plaçant un bulletin dans l’urne. Notez enfin que je ne veux certainement pas entendre parler du vote blanc : il n’est qu’une lâcheté, c'est-à-dire l’absence de choix total. Vote nul, abstention ou vote blanc, même combat. Je l’ai déjà expliqué, à savoir que si le vote blanc est comptabilisé, et qu’il parvient à déstabiliser une élection, que fait-on ? En attendant d’un nouveau vote, les élus au pouvoir y restent. En cas de majorité relative au vote blanc et à un élu quelconque, cela sera donc une élection à la Pyrrhus. En cas d’absence de poids du blanc, il sera alors simplement inutile pour le résultat, mais il aura impacté tous les partis en mal de voix. Et le pire, c’est que refuser de choisir, c’est, en principe, ne plus avoir le droit de critiquer… Pourtant, les Français sont les rois de l’absence de responsabilité, tout en gardant le droit de râler. Pauvre France, où vas-tu aller en 2012 ?

26 avril 2011

25 ans

Il y a 25 ans, à Tchernobyl, l’apocalypse nucléaire s’est produite. Il y a 25 ans, nous avons appris que la technologie n’avait pas qu’un côté rassurant, et qu’elle pouvait réduire à néant tout espoir de vie normale. Il y a 25 ans, le monde a expérimenté l’atroce obligation d’envoyer des gens à la mort pour en sauver d’autres. Il y a 25 ans, le monde a été saisi par la véritable folie de notre propre incurie. Tchernobyl n’a pas explosé par hasard, la centrale n’a pas été anéantie à cause d’un élément naturel. La centrale a été détruite parce que nous n’avons pas su prendre nos responsabilités.

Un quart de siècle nous sépare de ce carnage tant écologique qu’humain. Qu’a-t-on appris de ce désastre ? Peu de choses finalement, parce que nous n’osons pas regarder les choses en face. Nous avons critiqué l’URSS pour sa gestion de la crise, nous avons considéré que les gouvernants étaient des fous, des barbares d’envoyer des hommes à la mort pour tenter de gérer la crise colossale que fut cet accident. Mais qu’aurions nous fait à la place de cette nation ? Aucun pays au monde n’est, à l’heure actuelle, capable de répondre à un tel incident, de juguler le carnage nucléaire, et encore moins de protéger les ouvriers indispensables à la sécurisation du site. Fukushima démontre, aujourd’hui encore, que l’homme doit aller sur le site, mettre sa vie dans la balance pour en sauver des milliers d’autres. Nous n’avons pas avancé d’un pas concernant la gestion de l’atome, et c’est tout juste si nous pouvons tirer des conclusions médicales concernant les innombrables victimes des radiations. Quel progrès, et surtout, à quel prix ? Tchernobyl est, aujourd’hui encore, un cercueil gigantesque, le tombeau de la folie soviétique, ainsi que le mausolée sinistre, qui, ironiquement, fait encore la fierté de celles et ceux qui se sont sacrifiés pour le bâtir. Après tout, c’est par ce sacrifice sans précédent que l’Europe fut sauvée d’un désastre plus grand encore.

Nous ne mesurons toujours pas l’impact réel de Tchernobyl. Que le bilan soit juste ou erroné, ce ne sont que des chiffres, des statistiques aussi froides que l’est l’hiver en Ukraine. La mort a frappé, et elle frappera longtemps encore, tous ceux qui furent en contact avec la radioactivité. Pripiat est une ville fantôme, une ville où les ruines se sont figées dans le temps. On a ordonné à la population de fuir en abandonnant tout, et, aujourd’hui encore, les vestiges de ce temps semblent être un tombeau à ciel ouvert de cette société aujourd’hui disparue. Le communisme arrogant était présent partout, depuis les façades des administrations, en passant par les statues sur les places, jusqu’aux plaques des noms de rues. Dorénavant, tout rouille, tout subit l’assaut continuel des éléments, mais la radioactivité, elle, persiste à stagner là, monstre qui s’est approprié ce monde sans vie. Que savons nous de ce démon invisible ? Qu’il va perdurer pour des millénaires, qu’il a rendu ce monde impropre à l’existence, que les animaux, comme les plantes, sont dorénavant des poisons et non plus des beautés de la nature. Nous avons créé l’enfer à ciel ouvert, nous avons anéanti un territoire gigantesque, et tout ça pour quoi ? Pour l’orgueil, pour la fierté, pour une politique abêtissante, pour le loisir de nous croire supérieurs à la nature.

Tchernobyl ne symbolise pas le danger du nucléaire. Il ne symbolise pas plus la nécessité de trouver une autre énergie pour alimenter notre soif de puissance. Tchernobyl, c’est l’image même de l’humanité, de sa bêtise perpétuelle, de son incompétence crasse, et, par opposition, du courage et de l’abnégation de celles et ceux qui se sont sacrifiés pour tenter de rétablir la situation. L’homme a toujours eu soif de connaissance, de puissance, et ses ambitions l’ont mené au bord du gouffre à plusieurs reprises. Je ne mets pas en doute le nucléaire. Je ne mets pas en doute les éoliennes, pas plus que je ne mets en doute le désir qu’ont certains de s’affranchir des solutions par trop dangereuses. Ce que je mets en doute, c’est la capacité qu’aurait l’homme à enfin comprendre et ne plus reproduire ses erreurs. Tchernobyl, les gaz de combat pendant la première guerre mondiale, le génocide des juifs, le massacre des Arméniens, l’anéantissement des forêts en Amazonie, la pollution systématique de notre air, l’empoisonnement lent et définitif de nos corps par l’usage massif de produits chimiques, la disparition progressive des traditions, tout ceci n’est, finalement, que la représentation de ce que nous sommes vraiment. Nous sommes des monstres, des parasites assoiffés, des atrocités qui ne cherchent pas le progrès, mais simplement le bénéfice.

Il y a 25 ans, des types ordinaires, des gens comme vous et moi, ont donné leur vie pour notre sauvegarde. Ils sont des anonymes, des victimes de l’atome, des morts par milliers afin de construire un sarcophage susceptible de nous donner à tous un répit. Résultat, ce sont les oubliés de l’horreur nucléaire, ce sont les crucifiés de la technologie, et quand on parle d’eux, on omet de préciser qu’ils furent, pour beaucoup, simplement des patriotes. Savaient-ils où ils allaient ? Beaucoup ignoraient le vrai danger… mais qu’est-ce que cela aurait réellement changé ? Interrogez vous honnêtement : auriez-vous osé marcher sur le toit de la centrale, en sachant que cela vous condamnait à brève échéance ? Auriez-vous alors compté sur le sacrifice d’un autre que vous-même, ou alors, auriez-vous pris votre responsabilité d’être humain, et arpenté les morceaux calcinés du réacteur, pelleté les barres de graphite hautement radioactives ? N’envisagez pas le fantasme de robots faisant ce travail à notre place : les Russes tentèrent d’utiliser des machines radiocommandées, et toutes tombèrent en panne à cause des radiations trop fortes pour leur système de pilotage. Alors, auriez-vous osé vous sacrifier pour les autres ? Telle est la vraie question que soulève finalement Tchernobyl : pour agir, faut-il savoir ce que cela représente, ou mieux vaut-il agir dans l’ignorance ? Aujourd’hui encore, l’interrogation aussi sinistre que terrible hante les esprits. Nous pouvons blâmer qui l’on voudra, on peut insulter ceux qui envoyèrent des gens à la mort, mais peut-on alors nier que cette action désespérée a permis d’endiguer le naufrage de la centrale ?

Fukushima est pointé du doigt pour diverses raisons. On fait de cet accident un second symbole. Où est votre humanité ? Il est tellement plus facile de critiquer à grande distance, sans conséquence, sans responsabilité aucune. Faire disparaître le nucléaire, c’est une idée qui me séduirait, si elle ne renvoyait pas énormément de pays à l’âge de pierre. C’est ainsi : nous avons cette infernale avidité de connaissance, de puissance, de produits manufacturés, mais nous n’en acceptons pas la véritable responsabilité. Demandez vous finalement si votre ordinateur, votre télévision grand écran, ou votre console de jeux mérite que des hommes et des femmes aillent mourir pour les faire fonctionner… Car c’est ça, Tchernobyl : le chant du cygne de la certitude que l’atome serait toujours un esclave dévoué à notre irrépressible besoin de consommer à tort et à travers.

Des mots à définir

En vertu d’une éthique personnelle (donc nécessairement bancale), je me fends de rédiger les définitions des mots laissés dans mes commentaires. C’est ma forme de remerciement pour cette que trop rare intervention concernant mes écrits.

Ah, au fait : je trouve dommage que trop peu de gens prennent la peine de m’insulter, me contredire, car, dans le fond, c’est le but ultime de cet endroit, à savoir échanger. En effet, j’estime qu’il est de notre devoir à tous de communiquer, car c’est la communication qui établit le progrès, l’amélioration des choses, et surtout la possibilité d’inviter tout le monde à s’informer. Je sais bien que c’est utopique d’espérer que les hommes daignent apprendre de leurs erreurs, néanmoins profitons de l’opportunité que nous offre la technologie pour au moins tendre vers quelque chose de mieux que l’obscurantisme ordinaire.

Travail :
Comment aborder ce mot ? Il existe moult manières d’en faire la définition, que ce soit celle partant du principe insupportable que le travail c’est la santé, jusqu’au dangereux thème utilisé par Vichy dans son « Travail, famille patrie ». Dans tous les cas, rendons nous compte de ce qu’est le travail, pour alors en choisir la meilleure définition ! Le travail, c’est s’activer à une tâche, afin d’en récupérer une richesse quelconque. Ainsi, nous nous levons, nous cavalons après le temps, tout ceci pour passer un temps non négligeable dans une besogne bien souvent abêtissante, avec pour seule satisfaction de voir des chiffres s’aligner chez le banquier. A partir de là, le matérialisme ambiant cautionne la démarche, puisque « posséder, c’est exister ». En tout état de cause, le travail est donc la composante première du capitalisme, puisque le capital est tributaire du travail. Il faut des biens, des services, donc du travail pour que le système fonctionne.
Sorti de ce concept élémentaire, le travail est un parasite dans l’existence. En effet, quoi de plus avilissant que le travail ? Nous avons peur de le perdre, nous l’avons pourtant en horreur, et quand on en a pas, on s’atèle à en trouver un le plus rapidement possible… N’est-ce pas là la description exacte de n’importe quelle drogue donnant lieu à une addiction ? Croire que le travail est sain, c’est une croyance de riche ! Le travail abîme physiquement et mentalement, il est nocif car il peut même mener à se détruire sciemment la santé, à tel point qu’on parle aujourd’hui de « maladies professionnelles ». Dans ces conditions, difficile de croire que le travail soit quelque chose de bon pour la santé !
Enfin, le travail fut souvent associé à un acte citoyen. Foutaises ! Le travail, c’est accepter la servitude, c’est mettre entre guillemets nos aspirations les plus élémentaires. Le travail ne libère pas, au contraire même, il emprisonne les gens dans un cycle où l’existence individuelle se voit subordonnée à une production quelconque. De ce fait, les démarches démontrant que travailler est un acte patriote ne sont que propagande et miroir aux alouettes. Ne rêvons pas : si les pauvres devaient devenir riches grâce au travail, cela se saurait. Si travailler pour que l’état s’améliore était possible, cela fait bien longtemps que la démocratie et une société supérieurement cultivée aurait émergée du cloaque que sont nos nations.
J’ai donc une définition évidente pour le travail : le meilleur moyen d’occuper efficacement les masses, tout en ayant pour qualité de les faire taire suffisamment longtemps pour que les gouvernants puissent passer la main sans craindre une fronde. Tiens, d’ailleurs, les révolutions n’apparaissent-elles pas justement quand le travail ou la nourriture viennent à manquer ? Je pense que c’est à méditer.

Passion :
Sentiment temporaire mais particulièrement brutal qui a pour conséquence la création d’énormément de navets parlant d’amour, de tendresse, de folie, ainsi que de situation dignes des plus mauvais vaudevilles.
La passion, c’est avant tout une irrépressible sensation de bien-être quand une personne y songe, et c’est donc une forme insidieuse d’opium pour les personnes atteintes de cette maladie. Etre passionné, c’est donc s’enivrer rien que par la pensée. D’ailleurs, je suggère aux meilleurs scientifiques d’analyser la caboche des grands passionnés, histoire de voir s’il n’y a pas une interaction quelconque entre la pensée et l’endorphine par exemple. Quoi qu’il en soit, la passion est nécessairement intense, voire même dangereuse, à tel point que les trop passionnés sont souvent regardés avec circonspection.
Ceci dit, la passion, c’est aussi l’intérêt premier de l’existence. Pourquoi ? Parce que sans passion, il n’y a pas de sentiment, il n’y a pas d’intérêt pour les choses les plus élémentaires de la vie. Prenons la passion pour les arts : ceux-ci peuvent très bien être éliminés de l’existence, sans pour autant détruire celle-ci. Cependant, l’art est indispensable à la société, car l’art symbolise l’état général de notre monde. En conséquence, celles et ceux qui se passionnent pour l’art se passionnent indirectement pour le monde entier. C’est tout aussi vrai pour l’amour, le pur, le sincère, celui qui fait qu’une personne nous manque intensément, qui nous brûle le cœur quand nous sommes séparé de nos êtres chers. La passion c’est donc la Vie, dans le sens noble du terme. Dommage que l’homme ne sache toujours pas se contrôler, et donc faire en sorte que la passion ne devienne pas destructrice !

Joie :
Tiens, encore un sentiment à la con. Oui, je dis bel et bien à la con, parce que la joie est un sentiment quelque peu tordu et vicieux. Je vous vois déjà préparer des massues pour me passer à tabac, mais raisonnez un peu avant de vous lancer dans un pogrom ! La joie, c’est le sentiment de satisfaction que nous éprouvons pour toutes les bonnes et mauvaises raisons du monde. L’accouchement est une joie pour ceux qui ne le vivent pas directement, la mort d’un assassin est un soulagement et presque une joie pour ses victimes indirectes, tout comme une victoire sportive est une joie pour les gagnants, et un drame pour les autres. Bien souvent, la joie s’exprime donc au détriment de quelqu’un, voire même de tout un groupe. On célèbre des dates de victoires militaires, et donc nous invitons les masses à éprouver la joie pour ces évènements. Et donc, quid des victimes, des perdants, des errements du monde ? La joie n’est pas que l’expression élémentaire du bonheur, c’est aussi l’expression de notre égocentrisme humain, puisque la joie est un sentiment personnel. Après, qu’on puisse la rendre communicative, afin que la majorité soit concernée, pourquoi pas, mais, dans l’absolu, être en joie, c’est un sentiment totalement personnel et qui se suffit à lui-même. En étant presque méchant, je pourrais quasiment affirmer que la joie est donc l’onanisme de la passion… Mais ce serait alors choquer les esprits chagrins. Quoique, l’idée d’entendre couiner les doux rêveurs éveille en moi un sourire cynique de circonstance !

Parfum :
Agression du sens de l’odorat. Par cette seule réflexion, je définis clairement ce qu’est le parfum. Depuis que les civilisations se sont entichées du concept de sophistication, les parfumeurs se sont lancés dans la quête de l’odeur idéale, de l’essence susceptible d’exacerber les sens, et donc d’éveiller l’humanité à de nouvelles sensations. Pourtant, plus le temps passe, plus je me dis que l’acharnement à concevoir le parfum idéal n’est que l’expression d’une tentative désespérée de camouflage du manque d’hygiène chronique des hommes. Typiquement, passez quelques instants dans une parfumerie, et entretenez vous avec une des vendeuses… Et accrochez vous à vos oreilles, cela vaut le détour auditif ! Entre les questions existentialistes sur l’âge, l’allure, le style, donc le pedigree de l’utilisateur final, et les dithyrambes sur les notes boisées ou fleuries de tel ou tel parfum, il y a de quoi s’esclaffer. Pourtant, friands que nous sommes de descriptions à vertu informatives, nous écoutons ce baratin avec la sagesse d’un gosse ficelé à sa chaise d’école primaire ! Le parfum, c’est donc le meilleur moyen de faire croire que sentir bon, c’est nécessairement se sentir bien. Je songe d’ailleurs aux slogans aussi stupides qu’inadaptés qui sont le lot des parfums. Un tel sera fait pour « la femme », un autre réveillera « la masculinité qui sommeille en vous », et un dernier saura même, avec une compétence colossale, vous « rendre plus beau ». Hé, les baratineurs, vous savez ce que j’en pense, de vos slogans à la con ? Ah merde, la réponse est dans la question.
Le parfum, c’est, en conséquence, un produit ayant pour unique qualité de vous faire pleurer le portefeuille aussi efficacement qu’un repas hors de prix dans un restaurant prétentieux. Malheureusement, la majorité silencieuse s’entiche de ces essences, probablement parce qu’il est plus agréable (en théorie) de sentir la fleur séchée, que la sueur de travailleur. De là, je m’interroge sincèrement sur le sens de l’odorat. Après tout, chaque parfum réagit différemment selon la personne qui le porte, parce que nos peaux sont toutes différentes. Appareiller le bon parfum avec la bonne personne, cela nécessiterait bien plus qu’une vague aspersion fugace d’un échantillon éventé dans une boutique embaumant littéralement ses clients. Les effluves, les senteurs, les parfums, cela devrait être contrôlé par des laboratoires, avec une sélection individuelle de la bonne recette… Et pas polluer l’atmosphère irrespirable des ascenseurs et autres endroits clos ! Notez enfin que nombre de personnes ne se parfument pas, elles se baignent dans leur parfum. Qui n’a pas croisé l’abruti empestant sauvagement le musc de synthèse ? Qui n’a pas intérieurement hurlé contre la bourgeoise sur le retour qui refoule à des lieues à la ronde ? Le parfum, c’est l’assassin des sens, la pire chose dont on puisse s’enticher !

Voyage :
Action de se mouvoir sur des distances supposées plus grandes que celles que nous couvrons habituellement. Le voyage est quelque chose qui attire l’être humain, à l’instar de l’instinct grégaire des sauterelles. Ainsi, les hommes aiment à se déplacer en masse depuis un point A jusqu’à un point B où, généralement, il trouvera à redire sur tout sauf sa propre attitude. En effet, notre échantillon humain aura déboursé des fortunes pour se mouvoir, pour accéder à la plage, puis il tendra vers la critique permanente sur, en vrac, la nourriture, l’excès d’étrangers (tout en étant lui-même un étranger sur le territoire), le trop de soleil, ou le manque de soleil, voire même la présence de la population locale. Le voyageur est donc, majoritairement, un parasite qui s’installe quelques temps ailleurs que chez lui, qui ruine totalement l’écologie locale, puis qui repart avec des clichés plein la tête. Ecoutez donc ces voyageurs en bande organisée, ces touristes insupportables ! Ils sont d’une pertinence dans l’analyse que même les plus grands experts en sociologie ne sauraient critiquer. « Ah, s’il n’y avait pas les Vietnamiens au Vietnam, ça fonctionnerait bien mieux »… Qu’on leur coupe la tête, cela serait une mesure salutaire ! Ah, parce qu’ils se sont reproduits en plus ? Bon, c’est pas gagné quoi.
« Les voyages forment la jeunesse ». Si je tiens l’imbécile qui a sorti ce truc, je lui fais bouffer l’intégral des éditions du guide du routard ! Les voyages ne forment certainement pas la jeunesse, elle lui fait voir qu’il existe bien autre chose, mais globalement, les jeunes voyagent de manière organisée, encadrée, de sorte que très rarement ceux-ci peuvent s’imprégner du véritable folklore locale, ou plus prosaïquement des réalités de ces contrées inconnues. Croyez-vous sincèrement qu’on fasse visiter des quartiers pauvres aux touristes ? Croyez-vous que les jeunes verront les files d’attente devant les bureaux d’embauche ? Jamais, bien entendu. Le tourisme, ce n’est pas l’industrie du voyage, c’est simplement l’industrie du cliché, de la carte postale mentale, et rien d’autre. Dans ces conditions, le voyage comme nous le concevons ne mène qu’à s’empiffrer d’images confortables et sans véritable fondement.
Enfin, il existe le voyage au sens poétique du terme. Mais si, celui que vous prenez dans une boite de sapin, le grand truc, avec le tunnel de lumière et tout le merdier qui va autour ! On voyage tous dans le « Mort Express », et chacun descend à l’arrêt qui lui est destiné. De fait, nous préparons méticuleusement nos voyages à l’étranger, mais bien plus rarement celui qui, pourtant, est supposé être obligatoire. A croire que l’inconséquence de l’homme n’existe que pour rendre les choses plus pénibles encore à nos proches. Ce foutu grand voyage, toutes les religions en parlent : purgatoire, enfer, paradis, bref tout le cirque ordinaire des destinations finales est décrit de sorte à faire frémir l’imbécile moyen. Il faut de bonnes peurs pour faire de bons fervents, et rien n’est plus vrai que la peur de la mort. Ceci étant, je me demande quel serait le sens de l’existence sans la trouille de casser sa pipe… Peut-être un sens plus sain, celui de la conscience de notre temporalité, ou bien un truc du genre. Quoique : ce serait supposer que l’homme est intellectuellement apte à comprendre qu’il est biodégradable, or la majorité des hommes sont mégalomanes, égocentriques, un rien paranoïaques, ce qui les mènent immanquablement à créer des statues à leurs effigies, à renommer des rues pour leur propre gloire, ou encore à se lancer dans des travaux titanesques… pour bâtir des tombeaux. Hé oui, l’homme aime à se montrer quand il passe l’arme à gauche : pyramide, caveau, tombe richement décorée, que ne ferait pas l’homme pour paraître, et ce même dans l’au-delà ! A ce compte là, je crois que je vais voyager en urne funéraire. Pourquoi ? Parce que, d’une part, on pourra disposer de mon réceptacle pour en faire un vase sympa à mettre sur la cheminée, et d’autre part parce qu’une urne, c’est quand même plus pratique qu’une grosse caisse à la con doublée de soie. Je n’ai jamais pété dans la soie, ce n’est pas dans l’éternité que je vais commencer !

22 avril 2011

Rien ce soir

Comme le titre l'indique, pas d'article cde soir!

A bientôt,
Jefaispeuralafoule/Frédéric

21 avril 2011

Ventilateur

Il souffle, là, ronronnant sa besogne à longueur de journée. Patient, entêté, il brasse l’air comme certaines personnes le font au quotidien. Cette mécanique, un peu bruyante, inesthétique, s’acharne à nous fournir un souffle permanent pour nous soulager de la chaleur. Mais qu’as-tu donc à vouloir faire ce métier ingrat ? Qu’est-ce que tu trouves de si gratifiant à simuler une brise légère sur les visages de tes utilisateurs ? A ce que je sache, tu es un outil ordinaire, un machin dont personne ne se préoccupe, sauf quand la canicule daigne prendre sa place pendant les journées d’été !

Quelle vie que tu as ! Tu n’as pas le droit de te déplacer, le fil à la patte, tu te contentes de pulser l’air, et, ridicule liberté, tu ne peux osciller que sur un angle bien réduit. Celui qui t’a inventé avait quelque chose de sadique, parce qu’il te permet de ne voir que devant toi, et sur un espace très réduit. Pire encore, ta forme t’interdit nombre d’espaces, à tel point qu’on te tolère uniquement parce qu’il faut bien lutter contre la chaleur. Les réfrigérateurs sont tes temples à offrandes alimentaires, les robinets des fontaines à la commande, mais toi, qu’es-tu, si ce n’est une vague brise mollement fournie par tes pales souvent plus bruyants qu’efficaces ? Ô cruel destin que celui d’aider les hommes à supporter les saisons ! L’automne venu, tu rejoindras ta gangue de poussière, au fin fond du garage, dans un dépôt, pour ressortir, l’année suivante, gris crasse et souvent grinçant d’avoir passé l’hiver dans l’humidité.

Parfois, tu parviens à avoir un sens de l’humour spécial. L’idiot, l’homme, accumule souvent les papiers inutiles sur son bureau… et toi, en guise de revanche, tu les fais valser avec esthétisme au travers de la pièce ! J’entendrais presque ton rire, si ce n’est que l’homme, te sachant impuissant, te change alors de place, de sorte à ce que tu ne poses plus de problème. Le destin t’a voulu utile et invisible à la fois, alors tu te fais remarquer, en provoquant des otites, en exaspérant les tympans de tes utilisateurs, ou en jouant avec tout ce qui peut s’envoler. Comme quoi, la vengeance peut être médiocre. Bien heureusement, cela te suffit, puisque visiblement tu rempiles, tu continues, sans relâche ni lassitude, dans ce mouvement perpétuel de tes pales de plastique.

Le plus drôle là-dedans, c’est que tu as pourtant un œil confortable. Qui dit chaleur, dit tenues légères, et toi, oui toi seul peut avoir la possibilité de regarder les gens sans qu’ils soient inquiets de ton observation lubrique. Malheureusement pour toi, vil bout de plastique, ce genre de considération ne te concerne pas le moins du monde. Non, toi, tu souffles, et c’est là ton essence profonde, ton destin, si débile et avilissant qu’il puisse être. Ironiquement, tu es donc joueur avec les tissus, tu peux même dévoiler certains bouts de chair en faisant onduler les vêtements, mais ce ne sera jamais toi qui te satisferas du spectacle. Enfin bon, qui ne sait pas ne souffre pas, du moins parait-il !

Le plus saugrenu, c’est qu’un ventilateur, ça ne refroidit pas le moins du monde. Cela brasse de l’air, cela souffle, mais l’effet obtenu n’est en rien efficace pour abaisser la température. Ton rôle, donc, c’est juste de faire croire aux gens qu’ils peuvent supporter la chaleur, du moment qu’ils sentent l’air bouger autour d’eux. Beau mensonge, belle illusion, et tu la maintiens comme acquise depuis le jour même de ta création. C’est sûrement cela, la revanche de la machine sur l’homme : lui faire croire qu’on a un besoin, et que la machine peut y pallier, voire même nous améliorer le confort au quotidien. Or, quel est ce confort, si ce n’est juste nous souffler dessus ? Il y a là comme une absurdité, une idiotie fondamentale que la machine se complait à maintenir. D’ici à ce qu’on abandonne les ventilateurs, il y aura bien longtemps que je serai parti de la terre. D’ici là, je vais sûrement voir, encore et encore, ces gens haletants, le visage face au courant d’air, grappillant une vague sensation de bien-être ridicule… Comme quoi, le ventilateur se moque de nous, et je le remercie pour ça !

20 avril 2011

Humain? Qui? Moi?!

Qu’on se le dise : mes tendances misanthropes sont rarement acceptées, parce qu’elles remettent en question bien des fondements de la bonne morale bourgeoise actuellement en vigueur. En effet, l’éthique globalement admise soutient qu’il faut être amical, généreux, patient, charitable, et qu’il faut surtout savoir donner, quitte à ne rien recevoir en retour. Balivernes et foutaises, cette jolie morale néo chrétienne mâtinée d’un soupçon d’autosatisfaction malsaine n’a qu’une seule vertu me concernant, celle de multiplier mes passages sur le trône. Bref, je ne suis pas de ceux qui aiment les gens, c’est même le contraire, je les hais avec cordialité, à défaut de pouvoir insulter l’humanité dans son ensemble.

Mais alors, pourquoi haïr mes frères, mes semblables, alors qu’il serait si agréable d’être gentil, bon, et je ne sais encore épithète mielleuse ? Oui, pour moi, dire que je suis « gentil » est à la frontière ténue entre l’insulte et la flatterie, parce que j’estime que la gentillesse peut souvent camoufler une énorme hypocrisie que seule la bienséance et la morale arrivent à couvrir. Je crois qu’un dicton est suffisant pour définir ce que devrait savoir faire l’homme : Aide toi, et le Ciel t’aidera. Voilà du bon sens, voilà ce que devrait penser l’humanité ! La charité, c’est un acte qui se doit d’être désintéressé, quitte à ce qu’il reste anonyme. Dès qu’une personne étale sa charité comme on pend du linge aux fenêtres des ruelles bariolées d’un Milan pittoresque, c’est qu’il y a un besoin sous-jacent de reconnaissance… Donc d’autosatisfaction. Désolé, je ne me satisfais pas d’avoir donné, probablement parce que je pense que donner sans réfléchir, ce n’est pas rendre service à qui que ce soit. Un philosophe Chinois a eu un propos particulièrement intelligent sur la question : donne à manger à un homme, et demain il aura faim. Apprends lui à pêcher, et il te foutra la paix. (Précision pour mes lecteurs érudits qui viendraient râler : oui, c’est une libre adaptation, mais je n’ai pas pour vocation de vous éduquer, sauf si vous m’envoyez un chèque conséquent pour ce service rendu). Bref, ne donnez qu’avec la certitude que cela sera utile, pas pour vous convaincre que vous le faites pour votre propre salut.

Et puis quoi ? Le salut de l’âme ? Vaste blague. L’âme humaine n’a pas à être sauvée par l’altruisme bon teint, l’âme humaine doit savoir se prémunir contre la bêtise, la folie, ainsi que contre toutes les déviances que notre humanité est capable de créer. Je doute qu’il soit possible d’énumérer, sans avoir la nausée, toutes les ignominies dont nous sommes tous capables : depuis la torture, en passant par les déviances sexuelles, pour finir par l’immoralité élevée au rang de qualité (comme ces voleurs/braqueurs devenant des héros à cause des médias), la liste de nos tares me semble impossible à rédiger. De ce fait, croire que le salut de l’âme passe par quelques actes supposés compenser nos errances, c’est alors croire que le père noël passe par la cheminée pour nous filer ses cadeaux. Qu’on arrête de vouloir sauver mon âme, que chacun s’occupe de la sienne, je crois qu’il y a déjà suffisamment de boulot de manière individuelle, non ? Et au surplus, comme si cela ne suffisait pas, les gens qui pensent qu’un prêche, que la lecture d’un ouvrage, ou, pire encore, une bonne grosse confession est suffisant pour se sauver de l’enfer, ces ahuris qui viennent vous faire la leçon, je les conchie, je les envoie sur les roses, je les vire de mon existence. Comme on dit vulgairement : on se sort les doigts du c.. et on se met au boulot ! Je n’ai pas besoin d’une leçon de morale sur ma vie sexuelle… de la part d’un puceau quadragénaire.

Bref, l’homme aime se raccrocher à des fondamentaux de morale et d’éthique, à tel point qu’il a érigé des monuments à la gloire de ces idéaux. Qu’est-ce d’autre qu’une apologie de la vertu qu’une cathédrale ? Qu’est-ce d’autre qu’une revendication morale qu’une mosquée ? Ces bâtiments sont à la fois le meilleur et le pire de l’homme, parce qu’ils représentent tant les qualités dont nous devrions tous faire preuve, que les symboles mêmes d’une autorité supérieure, despotique, fascisante, car forcément capable de vous mettre en accusation quand vous n’entrez pas dans leur moule moral. Toutes les fois ont un terme pour l’infidèle, l’impie, l’hérétique… C’est donc qu’il y a forcément une sélection entre les « bons » et les « mauvais », non ? De toute façon, là où la plaisanterie devient cynique, c’est qu’on nous parle de paradis, d’enfer, de purgatoire, mais qui a été y jeter un œil pour venir nous en parler ? A ce que je sache, le voyage est à sens unique, non ? Ou alors, les toqués de l’asile qui prétendent avoir vu Dieu sont peut-être les seuls à avoir réellement vécu une expérience mystique, et que cela nous fout la trouille. Mais là, ce serait croire en n’importe quoi ! (Quoique : comme l’a dit très justement Coluche, on aurait eu l’air cons, nous autres les cathos, si Jésus avait été non pas crucifié mais noyé. En effet, nous aurions eu un bocal plein de flotte au-dessus de nos têtes).

Quoi qu’il en soit, je n’aime pas l’homme. L’homme, c’est l’archétype du xénophobe, du conformiste, du petit monstre d’égoïsme malsain qui se réfugie derrière des clichés pour se donner bonne conscience. Les rares humains qui sont réellement et authentiquement généreux, ce sont soit des saints (bonjour le destin : finir étripé ou bouffé par un lion. On a vu mieux je pense), soit des gens qu’on arrive même à qualifier d’originaux. Charité bien ordonnée commence par soi-même ? Mouais, je crois que la charité, c’est le dernier refuge, la dernière solution, quand on n’a pas été capable de faire en sorte que nul n’ait besoin de la dite charité. Dans l’idéal, dans un monde sans faille, l’homme n’aurait pas à être charitable, puisque tout le monde pourrait se nourrir à sa faim, chacun pourrait vivre sans craindre son prochain. En conséquence, nul n’aurait besoin de charité, puisque tous nous vivrions dans une communauté de cœur et d’âme. Cependant, le monde étant tel que nous le faisons… nous avons donc besoin du terme charité. Me concernant, je n’ai aucune confiance dans l’homme, parce qu’il expérimentera toujours le pire pour que le meilleur puisse émerger. C’est un rude et triste constat pour certains, mais je crois, au contraire, qu’il s’agit là de la meilleure qui puisse nous arriver.

Paradoxalement, je suis persuadé que l’homme doit apprendre de ses erreurs, souffrir pour comprendre, payer un lourd tribut à sa propre folie, ceci afin qu’il puisse, trop rarement malheureusement, en tirer des leçons de vie, et donc faire en sorte que son avenir soit meilleur. A titre d’exemple, interrogez vous sur l’écologie : on s’en est moqué, on s’est payé la tête des illuminés, on a subordonné notre avenir à l’enrichissement de quelques uns, et maintenant on s’inquiète des désastres que nous avons provoqués. N’est-ce pas là l’archétype même de notre pensée ? Pas de pragmatisme élémentaire (préserver pour en avoir pour demain), pas d’intelligence (je m’enrichirai le plus vite possible), un égocentrisme pathétique (je me fous des autres, seul mon confort prime), de la leçon à donner (je me fous totalement que tu aies du mal à subsister, seul compte mon bilan écologique que je pourrai revendiquer devant mes potes), et surtout une attitude désinvolte (tant que ça ne pollue pas chez moi, mais chez toi, je continuerai à vivre ainsi).

C’est atroce ? Non, c’est humain. Et je déteste l’humanité pour ça.

19 avril 2011

Lève toi

Je me souviens d’une petite BD que l’école nous a offert quand nous étions encore que des gosses. A l’époque, nombre de choses étaient encore tabou, comme les camps de la mort, la déportation des juifs, le comportement des collabos, et la France ne parlait qu’à demi-mot de ce passé sombre. Les noms comme Papon, Barbie étaient difficiles à prononcer, parce qu’ils provoquaient d’énormes remous dans la société. Cette BD, si anodine fusse-t-elle dans son principe, a été pour moi un véritable choc. Je ne me souviens pas de l’auteur, je n’arrive pas à retrouver ce livre, mais le titre m’est resté : « Le numéro ». Quel numéro ? Pourquoi un numéro ?

L’histoire est somme toute très simple, et elle m’a souvent mené à la réflexion plus intense que je ne l’aurais crû. C’est un vieil homme et son petit-fils qui discutent. L’enfant a repéré un tatouage sur l’avant-bras du papi, une série de chiffres comme pour marquer les animaux. Interloqué, le gosse n’ose d’abord pas lui poser des questions, parce que ses parents lui conseillent d’éviter le sujet. Comme tous les enfants, la curiosité finit par l’emporter, et l’homme se retrouve à devoir expliquer l’inexplicable, l’horreur, l’enfer des camps de concentration, du comment des hommes ont pu martyriser d’autres hommes. Faire une explication pour un enfant, c’est choisir ses mots avec soin, c’est réussir à faire saisir des choses que même des adultes ont souvent du mal à admettre. Toute la magie de cette BD est là, à savoir mettre de l’image et des descriptions à la portée des enfants. Pourtant, sous un air très simplifié, le livre m’a mis face à des choses que, aujourd’hui encore, j’ai du mal à envisager sans frémir.

Le vieil homme raconte son entrée en résistance, entre le collage d’affiches contre l’occupant, et les attentats visant les voies de chemin de fer ou les officiers Allemands, puis son arrestation, et sa déportation en camp de concentration. Le tout est présenté avec intelligence, avec un abord fin et délicat de l’imaginaire de l’enfant qui tente de comprendre ce qu’on lui explique. Difficile de ne pas traumatiser, tout en ne taisant pas le sujet. Il faut que cela sorte, dit-on souvent, mais nous ne pouvons pas ignorer à quel point mettre des mots sur des atrocités est difficile. Là, l’image, le ton, le parallèle entre un enfant candide, et un adulte qui a souffert force le respect. C’est « léger », au sens que tout enfant lisant cette BD peut en comprendre la portée, et que tout adulte est forcément touché par le propos. La force de cet ouvrage est donc d’amener chacun à s’interroger sur son rôle, sur l’innommable, sur la lâcheté humaine, ainsi que sur l’immense humanité dont ont fait preuve certains face à l’adversité.

Et moi, pourquoi je parle de ce livre ? Parce qu’il y a une scène stupéfiante d’humanité, une scène qui m’a marqué à tout jamais je pense. Elle est noyée dans le récit, elle est là, simplement parce qu’elle est authentique et dure à la fois. Le vieil homme raconte qu’un jour, à force de lassitude et d’épuisement, il a décidé de rester assis et de se laisser mourir. Un autre détenu, comme lui en combinaison rayée, s’approche et exige qu’il se lève. Il est sourd à sa demande, il est sourd à la main tendue pour le forcer à survivre. Il se fait même insulter, invectiver, mais plus rien ne le touche. Il est juste à bout de force et d’espoir. Inutile d’insister, il ne se lèvera plus, et les SS se chargeront, tôt ou tard, de l’achever. Le numéro va mourir, c’est en lui, c’est une évidence. Puis, l’autre détenu lui lance une seule phrase, pire qu’une gifle, pire qu’une insulte, plus dure que toutes les autres : « Si tu restes assis, c’est eux qui ont gagné. Ils ont tout fait pour que tu abandonnes, et tu cèdes. C’est donc eux qui gagnent ». Encaisser ce coup en pleine figure est pire que tout le reste. On peut supporter sans broncher les insultes, on peut même s’oublier à tel point que notre dignité s’efface, mais l’on ne peut pas accepter la victoire par abandon.

Abandonner, c’est admettre que nous avons eu tort de résister aussi longtemps. Alors, pris aux tripes, pris par le cœur et l’âme, le vieil homme s’est levé. Péniblement, il a souffert pour réapprendre à marcher droit. Il a fait le geste de résister. Il y a eu d’autres jours terribles, des gens qui sont morts pour rien, juste parce qu’une folie générale a estimé qu’ils étaient différents. Puis, la guerre s’est terminée, et il est rentré. L’homme a vieilli, mais la marque de l’infamie ne s’effacera jamais, ni de son avant-bras, ni de son cœur. Mais il a appris à revivre, ceci malgré les cauchemars, malgré la peur permanente, l’angoisse d’être en vie alors que d’autres ont péri. Mais il a appris à vivre, à avoir des enfants, puis, finalement, pouvoir parler de tout ceci avec son petit-fils.

Si vous retrouvez cette BD, lisez la, et méditez. Elle est simple, voire simpliste en apparence, mais elle est à mes yeux un des plus beaux témoignages qu’on puisse imaginer. Elle raconte la vie, la vraie, elle exprime énormément de choses tant pour les enfants que leurs parents. J’ai, moi aussi, appris de ce vieux bonhomme. Grâce à lui, j’ai avancé, parce qu’il le fallait, parce que j’ai toujours gardé en tête cette phrase : Si tu abandonnes, c’est eux qui gagnent. Et il en a toujours été ainsi. C’est une leçon de vie que je n’oublierai jamais. Il faut se montrer digne de sa propre existence, se montrer courageux, même si tout vous pousse à laisser filer. La peur, la mort, la vie, le courage, la détermination, la fuite, tout cela n’est qu’une seule chose : soi. On se doit de ne pas se défiler, peut-être parce que, tout simplement, souffrir et apprécier la vie sont les deux faces d’une seule et même pièce.

18 avril 2011

Je veux être punk

Salut à toi, ô mon frère… Telle fut le chant des punks en France, scandant franchement que la différence n’a pas de sens, que les mots sont ouverts à tous, et qu’on peut cohabiter si l’on accepte de remettre en cause certains de nos concepts étriqués. Aujourd’hui, parler de punk, c’est parler au passé de groupes rebelles rentrés dans le rang, d’une ère de débauche perdue à jamais. Pour moi, le punk n’est pas mort, parce qu’être punk, ce n’est pas qu’une esthétique et une musique, c’est aussi une attitude, une façon de concevoir l’existence. Les punks sont vivants, ils sont parmi nous, reste à voir ceux qui ont encore le courage de se lever contre l’inertie de la société, contre le conformisme moral qui freine toute volonté, et qui ne craignent pas d’être différents.

Que sont devenus tous ces gens, ces types qu’on prenait pour des loubards, pour des skinheads fascistes et racistes ? Doit-on se contenter des clichés du skin qu’on voit dans les films des années 80 ? Un skinhead, ce n’est pas forcément une ordure au crâne rasé, qui a l’esprit farci d’inepties sur la supériorité blanche, sur la domination raciale, bref sur un tissu de saloperies. Un skinhead, à la base, c’étaient des types apolitiques, qui voulaient se différencier du conformisme des années 70/80, qui prônaient « sex, drugs, and rock’n roll ». Bien sûr que cela gênait, que cela faisait peur ! Quand on touche aux fondamentaux d’une société qui s’adosse à l’argent et au paraître, difficile de tolérer des blousons bombers, des crânes rasés, des rangers aux pieds, et de la musique brutale pour hymne. Les punks étaient là, ils faisaient peur, ils étaient une contre culture militante et construite.

La révolte par le propos, la force de l’idée par le chant scandé avec ferveur, ce furent les symboles même du mouvement punk. Il est malheureux de devoir admettre que nombre de ces groupes punks dérivèrent vers la radicalisation néonazie, parce que les jeunes impliqués étaient malléables et se cherchaient une identité. La notion d’identité nationale, de reconnaissance existait déjà, et le besoin de se reconnaître dans une société cosmopolite n’est pas une nouveauté inventée récemment. Dans ces conditions, l’image même du mouvement punk a été détruite par ces extrêmes, comme s’ils étaient représentatifs de toute une jeunesse. Le punk, ce fut donc une source de rébellion tant morale que politique, à tel point que cela fit trembler beaucoup de monde. Les groupes punks furent très surveillés, et les RG ne furent pas innocents dans nombre de descente dans des squats tenus par ces parias de la société. Le résultat est qu’aujourd’hui les punks existent toujours, mais souvent que dans leur forme la plus radicale, à savoir celle qui, justement, déshonorent les fondements du punk !

J’ai déjà eu le déplaisir de lire des choses comparant le mouvement rap/hip-hop au punk… Scandale ! Là, je hurle, je braille ma colère, car si, oui, il existe des groupes et des chanteurs de hip-hop ont un minimum de conscience et d’engagement, la majorité reste cantonnée à des discours simplistes sur l’argent, le sexe et les plaisirs. Le punk a énormément mis en accusation le monde moderne, l’attitude égocentrique des gens, ainsi qu’une critique féroce envers les tenants du pouvoir. On ne peut donc décemment pas comparer deux directions totalement différentes, même si cela ne met pas en doute la qualité de la production musicale (quoique… quand j’entends la soupe qui est casée dans les esgourdes de la foule… mais là n’est pas le débat). Pour moi, le punk hérite tant du rock que des chanteurs à textes. Pour moi, prenez un Brassens vindicatif, faites scander ses textes sur une guitare saturée et une batterie matraquée, et vous avez du punk ! Certains me diront que mettre Brassens là-dedans est atroce et inacceptable. Parce que laisser deux guignols charcuter Mozart sur des platines de mix, c’est tolérable ?

J’aime le punk, parce qu’il me parle, parce qu’il a le courage de ses propos, il dénonce, quitte à paraître nihiliste. Bérurier noir et consoeurs n’étaient pas suicidaires, ils ont constaté que l’horreur est humaine, que le quotidien rend les choses mornes et qu’il fait ainsi accepter n’importe quoi à la foule. J’aime à me dire que les punks sont les derniers à avoir eu le courage de jouer la dénonciation, d’avoir eu le culot de dire merde aux critiques et aux clichés, quitte à en devenir un peu plus obscurs. Aujourd’hui, qui se souvient des slogans qui furent hurlés, le poing levé fermé ? Qui se souvient de « Vivre libre ou mourir ! », de « Flic armé, porcherie ! ». C’est ainsi… On oublie le courage au profit du commercial. Cela me fait espérer que d’autres vont découvrir, tôt ou tard, qu’il y a eu une génération de rebelles, des vrais, pas des révolutionnaires de salon qui parlent de révolte le cul vissé dans le canapé.

Merci à mes potes punks, merci aux créteux qui gueulaient « Mort aux cons », qui savaient boire jusqu’à rouler sous la table, tout en continuant à rire du lendemain qui semblait déjà assombri. Merci à tous mes potes, à ceux qui m’ont appris qu’il n’existe pas de chemin intermédiaire entre le courage et la lâcheté, et que le courage doit être assumé jusqu’au bout. Merci à ceux qui savaient dire merde aux clichés, qui aimaient la vie comme personne d’autres. Les punks aimaient la vie, à fond, sans barrière, sans frontière, sans ethnie. Bordel, j’aurais dû être un peu plus punk que je ne le suis vraiment !

15 avril 2011

Sous les bombes

On regarde à travers la lucarne lumineuse,
Les infos qui défilent sans s’interrompre.
Elles sont bâties pour être insidieuses,
Et farcir les esprits d’images de décombres.

On se laisse emporter par le mouvement,
Comme un tsunami mondial clignotant.
On nous parle de juifs et de musulmans,
On montre des guerriers, des combattants.

Personne n’a envie que tu comprennes,
Parce qu’il est facile de manipuler.
Ils ne veulent pas éduquer, que tu apprennes,
Que la vérité n’est pas un cliché éculé.

Alors ils présentent les bombardiers,
Comme une console de jeux vidéo,
Ils déshumanisent les charniers,
Pour étouffer l’émotion et les idéaux.

On t’explique que les frappes sont chirurgicales,
Qu’elles ne tuent que les méchants.
Où sont passées les victimes dans ce dédale,
De mensonges pour que tu restes dans le rang ?

Dès que les pays ne sont pas riches,
Dès qu’on veut leur imposer la démocratie,
On transforme, on ment, on triche,
On impose nos candidats à l’autocratie.

Qu’on ne me raconte pas de salades,
On n’envoie pas de soldat pour faire la paix.
Qu’on ne me prenne pas pour un malade,
On ne tue que pour que le faux devienne vrai.

On farcit les jeunes avec des illusions,
On leur faire avaler d’énormes couleuvres,
Parce qu’il faut qu’ils rentrent dans les divisions,
Parce qu’un monde divisé est leur chef-d’œuvre.

Sans ennemi, la haine n’existe pas,
Alors les terroristes ont besoin des assassins,
Afin que chacun légitime les combats,
Pour qu’on puisse faire des victimes des saints.

Le martyr, c’est que ce nous sommes tous,
On crucifie notre conscience sans état d’âme.
Le martyr, c’est que qu’ils subissent tous,
Sacrifiés sur l’autel des états d’armes.

Ne rêve pas, le pouvoir n’est pas l’argent.
Comprends que la force, c’est le contrôle.
Le fric ne sert qu’à s’offrir des faveurs des dirigeants,
Mais au-delà, il y a l’influence où ils ont tous un rôle.

Au-delà d’un certain prix, la vie s’achète,
Ils négocient nos vies comme des actions en bourse.
Quand on y met le prix, la mort s’achète,
Et les dictatures restent alors dans la course.

Quand on a tué des démocrates sans pitié,
C’est qu’ils incitaient les foules à s’émanciper,
Du modèle trop carré de cette foutue piété,
Pour la messe quotidienne du journal télévisé.

Alors, chaque jour des gens mourront sous les bombes,
Les morts feront le jeu des bourreaux en costumes,
Ceux qui nous vendent du confort et des tombes,
Car ce sont les mêmes qui tuent et soignent nos rhumes.

Les nombres ne sont plus des valeurs boursières,
Ils sont ceux des soldats en opération,
Les nombres ne sont plus ceux de la production ouvrière,
Ils sont ceux des morts et des destructions.

Et on reste collés devant nos écrans scintillants,
Parce qu’il est plus intéressant d’observer,
Que d’être acteurs dans ce monde brillant,
Et qu’on préfère rester du « bon » côté.

Ne me dites pas qu’on s’inquiète du sort,
Des morts en Libye ou bien en Irak.
On s’inquiète plus du cours du pétrole et de l’or,
Que des victimes, surtout si elles sont black.

Les yeux ne pleurent plus quand des gosses meurent,
Les cœurs ne saignent plus quand on les tue.
Il ne faut pas émouvoir, on instaure plutôt la peur,
Et les sociétés tolèrent alors les choses les plus crues.

La télévision a envahi tous les foyers de notre planète,
Elle est le vecteur d’un mensonge universel,
Celui de la voie de la vie qui est totalement malhonnête,
A savoir qu’être bien équipé et riche rapproche du ciel.

Affranchissez vous de ce média maudit,
Libérez votre conscience des clichés conformistes,
Ou alors vous serez en dictature, et je vous prédis,
Que vous regretterez d’avoir été trop laxistes.

14 avril 2011

Et dire qu’elle est partie

Pour qui connaît, j’écoute en ce moment « Je suis venu vous voir » de Mano Solo. Bien sûr que la chanson est terrible, bien sûr qu’elle peut faire dire que le chanteur est désespéré… pourtant, je le vois totalement différemment, je le vois comme quelqu’un en vie qui veut toujours se battre contre le destin, contre la tristesse et l’horreur d’être oublié.
Aujourd’hui, j’ai assisté au dernier voyage d’une proche de notre famille. Je dis « notre » parce que ce n’est pas que ma famille, c’est une union de gens différents, de caractères bien trempés, et qui se serrent les uns contre les autres dans les moments où cela devient une façon de survivre.

Je ne sais pas si cette amie a connu Mano, ni même si elle aurait aimé ce chanteur. En ce qui me concerne, il m’interpelle tout particulièrement maintenant, parce qu’il invite ses amis à ne pas pleurer, à aller de l’avant. Et là, je crois qu’elle aurait exigé que nous ne restions pas sur une dernière image triste et terrible. Elle est partie, mais elle n’est pas oubliée, en tout cas, je ne l’oublierai pas. Je compte sur le destin pour me rappeler à l’ordre si j’avais le malheur de perdre de vue ma mémoire et mes expériences.

Merci d’être passée dans nos existences.

Merci d’avoir été « toi ».

Ton ami.

13 avril 2011

Petit con

Comme d’autres avant toi tu es enragé.
Tu les imites sans vraiment savoir pourquoi.
Comme d’autres avant toi tu t’es engagé,
Tu défiles le bras tendu sans savoir pourquoi.

Pauvre petit con,
Tu es celui qu’on manipule,
Pauvre petit con,
Tu es vraiment trop crédule.

Pendant les manifestations, tu es devant,
Tu hurles ta colère et des mots haineux.
Pendant les manifestations, tu es à cran,
Tu charges les flics avec des mots creux.

Pauvre petit con,
Tu es celui qu’on manipule,
Pauvre petit con,
Tu es vraiment trop crédule.

Tu crois pouvoir être de l’élite,
Alors que tu n’es qu’un vulgaire pion.
Tu crois pouvoir grimper au mérite,
Alors que tu n’es qu’un pauvre con.

Pauvre petit con,
Tu es celui qu’on manipule,
Pauvre petit con,
Tu es vraiment trop crédule.

Tu seras celui qu’on punira à la fin,
Parce que tu n’es qu’un lampiste.
Tu seras celui à qui on brisera les reins,
Parce que tu seras le dernier en piste.

Pauvre petit con,
Tu es celui qu’on manipule,
Pauvre petit con,
Tu es vraiment trop crédule.

Et tu te réveilleras derrière les barreaux,
Avec du temps pour réfléchir,
Avec du temps pour goûter ton fardeau,
Celui d’avoir voulu tout noircir.

Pauvre petit con,
Tu es celui qu’on manipule,
Pauvre petit con,
Tu es vraiment trop crédule.

Est-ce qu’en sortant quelqu’un sera là ?
Tes potes seront partis en rigolant.
Comprendras tu que telle est la loi,
Les fascistes se nourrissent de ton sang.

Pauvre petit con,
Tu es celui qu’on manipule,
Pauvre petit con,
Tu es vraiment trop crédule.

12 avril 2011

Aux penseurs prétentieux

A celles et ceux qui pensent que rendre n’importe quel débat plus obscur qu’il ne l’est vraiment, j’envoie ce petit message avec mes salutations les plus distinguées. En effet, grâce à eux, j’ai l’opportunité d’avoir un large sourire, voire même de rire à leurs dépends. Quoi qu’il puisse se dire, j’ai systématiquement l’occasion de voir les circonlocutions s’aligner, à tel point que celui qui réussit à suivre le cheminement est forcément quelqu’un de tordu. Donc, merci à vous, les beaux parleurs, les experts en manipulation linguistique, les baratineurs de première !

Depuis que la notion de politique existe, les orateurs se sont systématiquement faits fort de tordre le discours afin qu’il se plie à leurs idées. Pourtant, loin d’être clarifié, le dit propos se retrouve alors complètement obscurci par le choix des mots et des expressions. Pourquoi diable rendre illisible quelque chose qui est supposé être compris de tous ? Parce qu’il faut impérativement trouver le moyen d’embrouiller le sujet, que ce soit par l’ajout de digressions aussi inutiles que pénibles, soit par l’adjonction d’un vocable inabordable par le commun des mortels. Depuis la Rome antique, jusqu’aux arènes que sont les assemblées nationales, le politicien a toujours trouvé de quoi « noyer le poisson », et, de ce fait, s’assurer que peu de gens puissent critiquer la déclamation. Bien entendu, les rares personnes susceptibles de critiquer sont celles même qui, elles aussi, jouent ce type de partition. « Rendons la chose incompréhensible, de sorte à ce que l’on fasse passer n’importe quoi ». Et le pire, c’est que cela fonctionne admirablement bien !

Le propre de la politique, c’est de devoir trouver une voie entre diverses mauvaises solutions. Prenons un exemple très simplifié, afin d’en saisir le principe : Une décision doit être prise, et elle va forcément déplaire à une population quelconque, de sorte qu’il n’y aura jamais d’unanimité. A partir de là, le choix de l’orientation devra donc se faire au détriment d’une part des concernés, qu’elle soit la majorité ou pas. Concrètement, faire de la politique, c’est donc imposer des décisions, même si cela va à l’encontre des désirs et besoins de certains. Cependant, agir de la sorte amène obligatoirement à un écueil évident, à savoir d’être désavoué par les lésés, ou encore d’être taxé de favoritisme. Alors, que faire ? Hé bien, faire en sorte que tout le monde soit convaincu que la décision est la bonne ! Regardez donc : pour pouvoir faire passer des lois liberticides, il suffit en fait de suggérer que la dite loi a été conçue pour nous protéger, ou protéger nos enfants. Dans l’absolu, cela séduit, cela plaît même, ce qui incite le quidam à proclamer sans hésitation qu’il s’agit là « de bonnes lois ». Ah bon ? Réduire ses propres libertés fondamentales, ce sont de bonnes lois ? J’ai probablement raté un épisode là… Enfin bref, mouliner les idées, torturer les discours, c’est la seule et unique façon d’obtenir une certaine adhésion de la population.

Malheureusement, une bonne part des discours ainsi proférés se perd dans les méandres du système. En effet, cessons de croire qu’il y a derrière chaque discours une idée cohérente. La cohérence des idées, c’est simplement qu’une idée se doit d’être valide à l’instant où l’on en parle, et rien de plus. Par exemple, quelqu’un parlant d’esclavage ne sera rien d’autre qu’un monstre déshumanisé, alors que le même discours, lancé il y a quelques siècles, aurait été applaudi par les exploiteurs de chair humaine. En conséquence, l’idée, c’est une chose qui se doit d’être dans le cadre strict de la morale de son temps, et rien d’autre. Il n’est d’ailleurs pas bon d’être trop en avance sur son temps. Nombre de visionnaires se sont lancés dans l’innovation, au point d’y perdre tout crédit. On ne révolutionne pas la société à travers quelques mots, on la révolutionne quand on parvient à lui faire croire que les idées neuves sont de bonnes idées, afin que la foule se l’approprie et l’assimile.

Après, quel est l’intérêt ? Public ? Personnel ? Le pouvoir corrompt, c’est une évidence millénaire. Machiavel avait bien exprimé la problématique, tout en décrivant les meilleures manières de prendre en compte les influences de chacun. « Le prince », son ouvrage, est à mon sens d’une actualité terrifiante. Nous ne pouvons pas prétendre à avoir progressés en politique, tant ses raisonnements se valident aujourd’hui encore ! « Fais le jeu du plus fort, afin de le trahir par la suite ». Cela semble étonnamment d’actualité, non ? Nos systèmes sont toujours plus complexes, toujours plus riches en lois et autres règles, mais, dans l’absolu, rien n’a vraiment changé. Le politicien aguerri fera toujours en sorte d’appareiller son discours aux idées qui conviendront le mieux à ses intérêts. Qu’il soit fait pour flatter un chef, ou pour caresser dans le bon sens les tenants de l’économie, rares sont les humanistes capables d’offrir un discours fait pour la foule.

Enfin, ne rêvons pas éveillés. Certains fantasment sur la véritable « pure » démocratie. C’est inepte, non parce que c’est une utopie, mais parce que le concept même de démocratie relève de la folie la plus dangereuse. Un peuple, c’est avant tout une agglomération d’idées différentes, d’opinions divergentes, et surtout d’intérêts opposés. Tout laisser au peuple, c’est se mener à l’anarchie. Quand le peuple décide, il perd les fondamentaux de vue, et il croit concrètement que la liberté la plus absolue est la meilleure chose possible. C’est une erreur, aussi lourde de sens qu’elle est lourde de conséquences graves. La foule est là pour entériner des choix globaux, ceci à travers des élections. A partir de là, le pragmatisme des uns, et l’ambition démesurée des autres s’associent afin de gérer, tant que faire se peut, les erreurs des prédécesseurs, les décisions à long terme, et les choix cornéliens qu’un gouvernant doit faire. Alors, pour faire avaler les pires pilules, rien ne vaut finalement le baratin. Mentez effrontément, racontez ce que veut entendre la masse, puis faites strictement le contraire. Au jeu des promesses, la phrase devenue culte du « Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent » est, hélas, une excellente vérité.

Je ne suis pas convaincu qu’on puisse tout dire honnêtement en politique, tant parce que la foule ne sera jamais prête à s’entendre dire qu’elle n’est ni honnête ni responsable, que parce que les intérêts supérieurs de la nation sont pris en main par des hommes et des femmes de milieux terriblement divers. L’économie, la stratégie militaire, la diplomatie, et même la gestion sociale de la nation ne peuvent que s’opposer les unes aux autres. On ne saurait croire qu’il y a une solution « magique » pour tous les problèmes, d’autant plus quand ce sont des notions d’acquis, de bénéfices égoïstes qui sont mis à mal. Je n’ai aucune confiance dans les politiciens, non parce qu’ils sont ambitieux, mais simplement parce qu’ils se doivent de jouer des partitions allant à l’encontre même des intérêts des peuples. Quand un état légitime un racket à travers des taxes ineptes, quand un gouvernement emprisonne délicatement ses concitoyens en mettant en place des lois plus dignes d’une dictature que d’autre chose, c’est qu’il y a forcément des bénéfices à en retirer pour quelqu’un. La question, finalement, c’est de s’interroger sur le « à qui profite le crime », plus que le « Est-ce que le peuple en sera mieux servi ». Pour ma part, chaque doute est légitime, car il est le seul outil de mise en exergue des aberrations de notre système. Douter, c’est avoir le pouvoir de critiquer ; Comprendre, c’est avoir la capacité de suggérer d’autres solutions. Cependant, attaquer les pans sensibles de la société, c’est avoir le culot d’affronter les intérêts des masses… Et qui aura ce courage pourtant supposé indispensable en politique ? Je cherche encore.

11 avril 2011

Verser des larmes

Est-ce qu’il fait partie de notre devoir d’être humain de verser des larmes ? La question semble ridicule, parce qu’il est évident que les larmes représentent nos sentiments, qu’elles expriment tant la joie que la peine, et c’est en cela qu’elles sont essentielles à notre existence. Bien sûr, nous souhaiterions moins verser des larmes de tristesse que de joie, mais finalement, les unes et les autres sont indispensables, car sans drame, il n’y aurait finalement pas de joies. Nous savons tous à quel point il est douloureux d’être frappé par le destin, mais, concrètement, ce sont des épreuves que nous devons subir pour vraiment comprendre la valeur du bonheur.

On n’enterre pas aisément les souvenirs, qu’ils soient bons ou mauvais, et nous ne pouvons pas oublier, jusqu’au point où nous n’arrivons même plus à pardonner. Bien entendu, c’est parce que nous sommes des êtres souvent durs, voire même cruels, et qu’accepter de s’excuser est infernal pour soi-même. Notre orgueil, horreur morale par excellence, nous pousse tous à renier les autres, à dénigrer, à se montrer inflexibles, alors que le pardon devrait être une qualité humaine indispensable. Je ne peux pas reprocher à celles et ceux qui ne peuvent pas pardonner, parce que je peux les comprendre. Il n’est pas toujours possible d’accepter la rédemption, même si celle-ci se révèle être sincère. Nous avançons donc, avec nos errances, nos erreurs, et nous existons parce que nous le devons, tout simplement.

Quand on perd quelqu’un d’important dans notre vie, c’est un bout de soi-même que l’on perd. Pourtant, les larmes qui coulent, elles ne sont pas pour l’autre, elles sont pour soi, égocentriques quelque part, et elles finissent même par me sembler fausses et superflues. Quand on perd quelqu’un, c’est parce que le destin en a décidé ainsi, pas parce que nous le voulons, mais parce que la vie emmène tôt ou tard les gens qu’on aime. Alors, évidemment, nous subissons de plein fouet la douleur de ne plus jamais les voir physiquement, mais nous oublions alors qu’ils sont toujours présents, au fond de nous, au fond de nos cœurs. Nous devrions nous rappeler les bons instants, nous remémorer les joies et les peines que nous avons partagés, et pas simplement ruminer l’aigreur de notre solitude. On n’est pas seuls, on n’est jamais totalement seuls, nous sommes un tout, nous ne sommes rien que des instants de vie, puis, un jour, des souvenirs, des images mentales, et rien de plus.

La tristesse est légitime. On aime, on adore, on a de la tendresse pour autrui. On ne saurait être totalement insensibles, sauf à croire que nous avons perdu cette humanité qui, pourtant, reste toujours présente d’une manière ou d’une autre. Le problème est alors de savoir l’exprimer avec réserve et chaleur à la fois, parce qu’il faut savoir vivre, malgré tout, aller au-delà de la simple sensation de vide que peut nous laisser le départ de quelqu’un. Je me dis à chaque fois que celle qui part n’aurait pas voulu que nous nous apitoyions sur notre sort, je suis convaincu que le jour où je ne serai plus là, que les gens que j’ai aimé sauront honorer ma mémoire de manière simple, sans fard, sans équivoque. Vous boirez un verre à ma santé perdue, vous mangerez un morceau entre amis et proches, parce que je l’exige, parce que je ne veux pas que les gens soient tristes de me voir disparaître. Il faut vivre, et cela en vaut la peine.

On se dit, et ce sans véritable intelligence ni réflexion, que nous avons tous peur de partir. C’est vrai, cela fait peur, l’inconnu, l’impossible retour de l’autre monde. Mais pourquoi craindre ce qui est inéluctable ? Nous n’avons pas d’autre choix que de l’accepter, pour les autres, pour soi-même, et donc d’en absorber toute la portée. La vie se savoure parce qu’elle est courte, elle est magnifique parce qu’elle est éternelle à travers la mémoire. Nous n’aurions pas ce plaisir de vivre si, par malheur, celle-ci se révélait définitive et sans risque. Je sais bien qu’il faut aussi souffrir, qu’il faut alors être dans le doute et la douleur, et qu’en plus nous n’avons pas de moyen de dire qui sera béni de celui qui sera maudit… Mais, quelle importance après tout ? Nous existons, nous trouvons des solutions, des chemins détournés pour apprendre de nos erreurs, et de vivre enfin normalement, avec l’amour d’autrui, et avec l’amour que nous leur portons. L’existence, c’est donc subir et aimer à la fois. Vivre, c’est être soi.

J’ai vu la mort un peu trop souvent à mon goût. J’ai vu beaucoup de gens qui ne sont pas passé de l’autre côté, mais qui aurait peut-être désiré ne pas être resté parmi les vivants. Ils furent là, exemples de vie au-delà du désespoir, avec le cœur et l’âme souillés par la haine et la violence. On ne sait pas ce qu’il se passe dans une âme qui a été torturée par le devoir de survivre, on ne peut pas vraiment l’admettre sans l’avoir vécu. Nous sommes tous trop faibles, trop pétris de certitudes pour saisir l’ampleur de l’horreur que représente de survivre aux gens qu’on aime. Pourtant, nous portons alors ce fardeau quand il vient à peser sur nos épaules, et nous avançons, nous ravalons notre fierté, et, un pas après l’autre, nous continuons notre route. Parfois, nous laissons des gens sur le bord du chemin, et des années après, nous en venons à regretter notre attitude. Regretter, c’est le propre de l’homme, parce que nous avons cette capacité à comprendre notre bêtise. Quoi qu’il puisse arriver, nul n’arrive à éviter toutes les folies, nul ne peut prétendre à la perfection, et c’est probablement mieux ainsi. Etre un saint, c’est vivre dans la torture de la clairvoyance. Celui qui « sait », c’est souvent celui qui pâtira le plus de la vérité. Nous autres, les gens ordinaires, nous devons donc découvrir, passer, marcher, apprendre, regretter, se détester, puis, un jour, réussir à se pardonner.

Les gens meurent. Nous les pleurons. Nous pleurons notre solitude, nous pleurons notre incapacité à changer les choses. Le propre de la vie, c’est finalement l’impuissance à faire toujours mieux. Un geste, si anodin soit-il, offre parfois un peu de soulagement, parce que nous avons alors démontré que de rares qualités humaines peuvent prendre le pas sur nos frustrations. Je préfère me dire que je n’ai rien à regretter, que le destin s’est chargé de me mettre face à des choix sans savoir les conséquences, et qu’au quotidien la vie sera toujours faite de joies et de peines. Je peux verser des larmes, j’en ai encore un peu à faire couler, peut-être parce que quelqu’un sa su me rendre mes yeux et mon cœur. C’est stupide, mais c’est comme ça. J’ai souvent marché avec l’ai renfrogné, droit devant, parce qu’il fallait vivre, parce qu’il était de mon devoir de ne pas m’arrêter. D’autres ont choisi de céder à la facilité, et je ne leur reprocherai jamais. Chacun vit sa vie comme il le peut. Chacun avance là où il parvient à aller.

Quelqu’un que j’aime beaucoup est parti. Son sommeil est dorénavant éternel. Il est apaisé, soulagé du poids des ans, de la pesante responsabilité d’être, et d’un quotidien devenu torture. Oui, c’est triste. Oui, des gens vont pleurer à ses funérailles. Je l’admets, je le comprends, je compatis, mais je ne veux pas me souvenir de cette personne qu’à travers une stèle de marbre qu’on referme. Je veux en garder le meilleur des souvenirs, celui d’un rire, d’un bonjour évident et banal, celui d’un noël où l’on partage un dessert, celui d’un printemps où l’on est dans le jardin, à s’amuser du chant des oiseaux. Elle est partie, pour toujours, elle n’est plus parmi les vivants… Mais elle est en vie différemment, dans nos mémoires, dans nos souvenirs, dans nos attitudes. Chacun change l’existence des autres par sa seule présence. Nous nous influençons réciproquement, nous donnons autant que nous recevons. Certains pensent, à tort, que certains donnent moins qu’ils ne reçoivent, mais c’est une erreur. Tout est interaction, depuis le refus d’aider, jusqu’à la colère qu’on a parfois contre quelqu’un. Même l’indifférence est un échange. Nous avons échangés, nous avons été des proches, et cela me rend le sourire. Il n’est ni amer ni forcé, il est simplement humain. Je serai un jour à sa place, comme tout le monde. Finalement, la vie est comme les larmes, nous naissons dans des larmes de souffrances et de joies mêlées, puis nous mourons dans les larmes de nos proches. Entre les deux, nous avons à verser quantité de larmes différentes, et toutes finissent par sécher. Nous disparaissons, nous apparaissons, et le monde continue sa route malgré notre départ. Vivons, existons, parce que les autres ont besoin de nous, autant que nous avons besoin d’eux. Ne regrettons pas le départ de ceux qu’on aime, savourons plutôt leur passage.

Et que vive la vie, qu’importe comment et pourquoi.

08 avril 2011

Neurones en compote

A force d’essorer ma cervelle pour en extraire mes écrits, il m’arrive parfois que ce soit des absurdités qui en sortent. Dans ces cas là, je me rends alors compte que l’être humain a une capacité très limitée à s’épancher par écrit de manière régulière. Devant l’ampleur d’une tâche récurrente, je peux dire que j’admire certaines plumes qui, au quotidien, savent s’engager et décrire avec force, sans se laisser corrompre par la facilité ou la lâcheté morale. Bien entendu, cela n’est hélas que trop rare, et c’est en cela que je les félicite.

Cependant, je me suis passé le ciboulot au presse-citron, parce que j’ai abattu une tâche importante à mes yeux, à savoir l’écriture d’un roman. Hé oui, votre serviteur s’est fendu d’aller au-delà du format classique de ses chronique, avec le mince espoir de le voir apparaître sur les étals des librairies. Pour le moment, il est donc entre les mains de quelques amis proches, afin qu’il soit relu et contrôlé. Bien entendu, vous serez tenus au courant de l’avancement de ce chantier, et, qui sait, informés de son éventuelle disponibilité ! Par contre, ce terrible labeur a su avoir raison de mes derniers neurones, à tel point que j’ai parfois la sensation de m’être lessivé l’esprit.

C’est pénible, cette sensation de néant. Les idées pullulent, elles sont là, bien présentes, mais il m’est difficile de les agencer avec soin de sorte à vous les livrer dans mes chroniques. Par contre, j’éprouve tout de même le désir de continuer à vous offrir quelques mots aigres, parce que cela m’amuse, et surtout parce que cela semble plaire à certains. Quoi qu’il en soit, je me réserve le droit de mettre en veille quelques jours ma plume, afin de soulager un peu ma boite à idées. Malgré tout, je vous propose ceci : créons ensemble le dictionnaire que j’ai déjà commencé ! Proposez donc vos mots que vous voulez voir définis, ceci par l’intermédiaire des commentaires. Ils sont si peu utilisés que je n’ai guère besoin de les contrôler. Là, demandez moi cinq mots par commentaire, et je me ferai une joie de tenter de les définir avec mon propre vocabulaire.

Enfin, sachez que j’ai plein de projets dans la tête, mais qu’il me faudra un peu de temps pour les accomplir. Vous serez mis au courant au fur et à mesure de mes articles !

Allez, faites sauter le compteur des commentaires !

Votre obligé
Jefaispeuralafoule/Frédéric

07 avril 2011

Encore du dico

Puisque je suis dans cette lancée, autant continuer, non ?

Soleil :
Boule de gaz gigantesque qui fait fantasmer GDF, et qui attire les faveurs technologiques d’EDF. Le soleil est un astre en fusion perpétuelle, et qui a pour principal rôle de nous tenir au chaud, et accessoirement d’être le véritable centre de notre système astronomique. Bien sûr, des types futés voulurent faire admettre cela il y a bien longtemps, ce qui leur valut de finir entre quatre murs. Comme quoi, parler du soleil, c’est risquer de finir en taule pour hérésie.
Le soleil, cette beauté étonnante, est tout de même bien vicieux. Entre ses éruptions qui projettent des radiations mortelles vers nous, et sa vue qu’on ne peut observer qu’une fois s’être protégé les yeux, le soleil n’éprouve visiblement pas la moindre compassion. Pire encore, c’est lui qui engloutira, un jour, toutes les planètes l’environnant. Enfin bon, d’ici là je serai déjà nettoyé de mon enveloppe charnelle, oublié, retrouvé par des archéologues, mis derrière une vitrine de musée, puis à nouveau perdu lors d’une guerre quelconque.
Enfin, le soleil fait le bonheur des plagistes, des laboratoires cosmétiques, et les revenus des dermatologues examinant des mélanomes par milliers. Comme quoi, le soleil n’est pas si ingrat que cela, il nous fait brûler juste pour que nous ayons le loisir de chercher des solutions pour nous protéger de lui !

Tableau :
Peut se comprendre de diverses manières, dont notamment celui utilisé dans les écoles. Le tableau noir, fameux par sa couleur et l’usage des craies sur lui, a été source de supplices scolaires pour énormément d’étudiants. Muet si l’on ne fait rien, le tableau n’attend que nos raisonnements fallacieux, notre incompétence en dessin, ou encore l’agacement chronique d’un professeur pour exprimer sa colère par son grincement caractéristique sous la craie.
Après, on peut aussi voir le tableau comme le repaire des fusibles de votre maison. D’ailleurs, c’est un endroit dangereux, puisqu’il recèle l’occasion de couper le réfrigérateur par erreur, ou de vous plonger dans l’obscurité au pire moment. Ce tableau là, c’est celui qu’on cache aux yeux de tous, afin de ne pas y voir l’incurie de notre surconsommation électrique.
Puis, il y a le tableau, l’œuvre, la magistrale expression de l’escroquerie que peut être l’art. On y voit ce qu’on veut, on y trouve autant de talent que de fumisterie, et ne croyez pas que je me cantonne à « l’art » moderne ! De grands peintres disposaient de véritables ateliers d’artisans, avec des ouvriers en pagaille, tout ceci pour produire à la chaîne des toiles à vendre, comme on vend aujourd’hui des posters. Je suis hilare à l’idée qu’un type fortuné ait achetée une de ces croûtes en pensant qu’il s’agissait là d’un bon placement. Quoi qu’il en soit, ce tableau là, c’est celui que je n’aurai jamais dans mon salon. Pourquoi ? Parce que je crois au talent, pas aux codes dictés par des nantis péteux se gargarisant devant des horreurs peintes par des escrocs en quête de reconnaissance…

Bureau :
Lieu de supplice conçu dans l’unique but d’entasser un maximum d’employés dans un minimum d’espace. Le bureau, c’est l’antichambre de l’enfer, car on y accumule les velléités rapaces d’avancement, les jalousies incongrues, les déceptions amères, ainsi que les histoires de sexe finissant souvent par des scandales en interne. Enfin bref, le bureau est le microcosme de la société, avec une concentration énorme de sa bêtise. A croire que l’endroit ait été prévu pour, justement, catalyser et cristalliser le pire de chacun de nous !
L’autre fonction du bureau, c’est de vous imposer la notion de hiérarchie. En effet, prenez un bureau ordinaire, et observez les détails qui comptent : plus il y a de gens dedans, plus ils sont bas dans la hiérarchie. Plus le bureau est grand et vide, plus il est propice pour héberger une ponte de votre société. De là à dire que la connerie nécessite beaucoup de volume, voici un terrain où je n’irai pas m’aventurer. Quoique : la majorité des prétentieux et des arrivistes aiment à décorer un bureau avec des vitrines pleines de livres qu’ils n’ont jamais lus, ou de bibelots qui ne sont souvent que des reproductions de mauvaise qualité. Qu’importe, ça en jette, ça épate la femme de ménage et le larbin (entendre par là le stagiaire).
Enfin, le bureau, c’est la meilleure manière de se trouver des excuses pour sortir sans son conjoint : « Oui chérie, j’ai une grosse réunion au bureau ce soir… ne m’attends pas pour dîner », ou bien « Mon chéri, mon patron m’a demandé de clore un dossier en urgence, je vais avoir pas mal de retard. Moi aussi je t’aime ». Mon cul !

Ordinateur :
Outil prévu pour la communication, pour apporter la connaissance et la puissance de calcul, et qui n’apporte généralement que des loisirs débiles où il faut tirer sur des tortues, ou des histoires ridicules de chats « trop mignons mais inutiles au possible ». Posez vous la question : si l’on avait mis à profit tout le temps perdu à créer ces conneries pour autre chose, comme, je ne sais pas moi, améliorer l’encyclopédie universelle que se veut être Wikipedia, n’aurait-on pas là une énorme forme de progrès mondial ? Hélas non, les hommes préfèrent regarder du porno, les femmes envoyer de jolies animations aussi inutiles que pénibles avec des sons stridents, et les gosses s’éclater sur un jeu où il faut tirer sur tout ce qui bouge.
A côté de ça, l’ordinateur est supposé prêter sa force aux entreprises. Pratique, sûr, rapide, ne faisant pas d’erreur (en principe), la machine doit normalement nous apporter le bénéfice, la richesse, l’accélération des tâches, donc augmenter la productivité. Connerie, encore une fois ! L’ordinateur en entreprise, c’est la meilleure façon de s’assurer que vos employés iront regarder la dernière vidéo à la mode sur youtube, au lieu de faire leur rapport d’activité.
L’ordinateur, enfin, n’est pas une révolution de la société, il en est même le frein majeur en disséminant des contres cultures effrayantes : SMS, photographies pathétiques, vie privée soldée sur les réseaux sociaux, addiction au jeu (d’argent ou non), l’ordinateur est une source majeure de problèmes qu’on n’aurait même pas envisagés il y a deux décennies de cela.
Mais dans le fond, je m’en fous un peu, c’est l’ordinateur qui fait chauffer ma gamelle. Tant pis pour les autres, hein ? (Bon, d’accord, c’est du cynisme primaire, mais c’est bon, un peu de cynisme, comme un excès de bon vin après une soirée quelque peu ennuyeuse).

06 avril 2011

Dictionnaire personnel

Cela fait longtemps que je ne me suis pas fendu de faire quelques définitions pour un dictionnaire improbable. En effet, je me suis plus concentré sur un chantier très personnel que sur le blog (vous l’aurez constaté), ce qui eut pour effet d’espacer quelque peu mes chroniques. Là, pour le plaisir égoïste de rire, je reprends donc quelques mots apparemment anodins pour en tirer l’essence linguistique, et vous livrer des descriptions totalement incongrues, mais particulièrement jouissives (pour moi en tout cas).

Si vous avez des mots que vous désirez voir décrits, n’hésitez pas, les commentaires sont là pour ça.

Livre :
Objet généralement rectangulaire, fait de papier et d’encre et d’un soupçon de colle, le livre pèse généralement son poids, ce qui en fait un article de choix pour surcharger les étagères. Le livre a pour fonction première de conserver la connaissance humaine, ou de maintenir les rêves dans un état acceptable de présentation pour le tout venant. Bien qu’il ait été convenu que le livre soit fait de bois et non pas de pierre, il arrive parfois que le livre puisse être d’un poids énorme dans l’histoire de l’humanité. Ainsi, on trouvera quelques œuvres magistrales comme la guerre des Gaules de Jules César, la Bible, ou encore la série des « Où est Charlie ? ».
Le livre, bien que fait de matière organique, n’est pas un bon combustible pour le chauffage. La preuve en est que les autodafés n’ont jamais eu un gros succès, et que les gens préfèrent tout de même les conserver chez eux, quitte à avoir un peu plus froid que d’habitude.
Enfin, le livre est une arme. Entendons nous bien : il ne s’agit pas d’utiliser les livres comme des munitions, parce que c’est idiot d’une part, et d’autre part parce que nombre d’auteurs sont infoutus d’atteindre un quota acceptable de pages. En conséquence, le livre n’est une arme que s’il est lu avec soin, ou au contraire quand il est interprété à loisir par quelque fanatique se cherchant un bon prétexte pour cogner ses voisins. Dans ces conditions, il est plus efficace de lire les livres pour avoir des munitions, que de les stocker pour espérer les balancer sur la tronche des abrutis que nous croisons tous les jours. Quoique, certains mériteraient de prendre un orage de volumes de la Britannica, cela pourrait peut-être, qui sait, leur mettre du plomb dans la cervelle (encore que le fusil soit plus pratique pour ce dernier usage).

Téléphone :
Horreur scandaleuse due à l’escroquerie d’Edison envers Tesla, qui n’a pour seul but dans l’existence que de vous pourrir la vie. Ce bidule honni a pris énormément de formes : depuis les balbutiements en bois et cuivre, jusqu’aux petites machines en plastique et écran tactile, le téléphone est protéiforme, et s’accorde, en principe, avec tous les intérieurs de salon ou de poche. Pourtant, le téléphone est l’ennemi de l’homme. De manière impromptue, il aime à sonner quand vous êtes aux toilettes, quand vous dormez, ou quand vous êtes sur la douche. Quand le téléphone sonne, tout le monde pense à une urgence, alors que souvent c’est une connaissance qui vient quérir au mieux si vous voulez boire une bière, au pire vous taper de cent balles.
On ne sait pas à quel point le téléphone est un fumier ! Quand vous en avez un usage urgent, il est en dérangement, hors couverture réseau, ou plus retors encore, en batterie faible. Il aime à vous frustrer en ajoutant de la friture pour que vos propos soient incompréhensibles, il adore ajouter des silences aux mauvais endroits, comme pour vous dire « C’est moi qui vais te pourrir ta journée ! ». Sadique, vicieux, le téléphone est une bête cruelle qu’on se devrait d’anéantir.
Contrairement à la croyance populaire qui affirme que le téléphone est indispensable, il s’avère plus exact que le téléphone a pour rôle premier de vous faire les poches. Cher, non fiable, il n’est là que pour vous convaincre que ses services sont vitaux, alors qu’en fait, ils sont la source même d’une désocialisation des gens. On ne voit plus nos amis, on les appelle. On ne discute plus, on se « phone ». ARGH. Pitié ! Achevez nous !

Lampe :
Bestiole magique qui est supposée prendre la place de Dieu dans nos vies. La lampe valide la phrase « Que la lumière soit », et la lumière fut… enfin, quand l’ampoule n’est pas claquée, quand l’interrupteur daigne fonctionner, et surtout quand la facture EDF est réglée. Divinité stupide, la lampe ne sait pas distinguer le bien du mal, parce qu’elle accepte de fonctionner même quand il serait judicieux de ne pas s’allumer. Tenez, par exemple, il est quand même plus agréable de s’assoupir lumière éteinte, et de ne pas être tiré de nos songes par notre compagnon quand celui-ci actionne la lampe de chevet. Hé oui, l’homme ou la femme de votre vie a peur pour ses orteils, donc il/elle allumera la lumière. Et mon sommeil bordel ?! Et mon repos ?! Enfin bref, la lampe ne peut guère passer pour un dieu bon et magnanime.
La lampe A de multiples usages, depuis celui de vous fournir la lumière (logique), jusqu’à celui de vous torturer. On a noté une passion certaine des interrogateurs pour la chose électrique, surtout dans les bureaux glauques, sombres et enfumés des bon vieux polars à clichés. On aveugle le suspect, on l’empêche de dormir, et paf il craque. Pour information, il y a une astuce confortable pour se débarrasser d’une lampe à ampoule de verre : simplement cracher sur le verre ébouillanté par la chauffe du filament. Choc thermique garanti ! Comme quoi, les auteurs de polars manquent cruellement d’imagination.
Et puis, la lampe, c’est l’archétype de la saleté qui n’est pas autonome : toujours un fil à la patte, toujours à devoir être correctement installée pour ne pas mettre le feu… Cette foutue lampe a en plus le vice de claquer au pire moment, comme par exemple quand vous êtes sur un perron, un soir sans lune, et que vous cherchez désespérément la bonne clé pour ouvrir votre location tant rêvée après 1000 Kms de route ! Connasse !

Cuillère :
Objet simplissime, en bois, en plastique, en métal, et plus rarement en or ou en argent, la cuillère est l’ustensile le plus commun à nos cuisines et nos tables. Pratique, sans batterie ni accessoire inutile, la cuillère peut servir à énormément de choses, dont se nourrir, nourrir le mioche, mesurer des quantités en cuisine, voire, dans les cas les plus extrêmes, creuser des tunnels d’évasion d’une prison de roman.
La cuillère a un historique, elle est marquée par son usure, ses décorations datées, ou ses coloris baroques. On reconnaît un service de couverts à son design, et l’on sait alors si le maître des lieux a des goûts lamentables, ou s’il est fauché. Qui plus est, on est même capable de reconnaître une cuillère de cantine d’une cuillère de service de qualité, c’est dire à quel point nous sommes sensibles à ces ustensiles apparemment anodins.
Certains naissent avec une cuillère en argent dans la bouche, et c’est dommage. Non que je jalouse la richesse d’autrui, même si celle-ci en fait des nantis sans cervelles. Non, je trouve simplement dommage de gâcher du si bon métal pour faire des cuillères, alors que nous pourrions leur fournir des couverts en plomb, de sorte à ce que le saturnisme puisse écrémer généreusement et patiemment notre société. Bien sûr, la raison sanitaire est plus forte que la raison tout court… dommage, non ?

Cheveu :
Fibre humaine qui se trouve sur la tête ou sur la langue, le cheveu est une toison décorative ayant pour principales vertus de vous gonfler tous les matins, et de faire vivre une populations de parasites que sont les sociétés de cosmétiques et les coiffeurs.
Contrairement à la croyance populaire, Samson n’était pas fragile à cause de ses cheveux. C’était juste un imbécile efféminé qui ne supporta pas de devoir sortir avec une coupe au bol, au lieu de sa coupe de hippie sur le retour. Dans ces conditions, on ne peut que constater que le cheveux n’apporte pas de pouvoir, pas plus qu’il n’assure un statut social. Tout au plus impose-t-il l’usage d’accessoires pour le rendre plus présentable et plus policé. C’est d’ailleurs une des comédies permanentes de l’humanité : comment dominer la fibre capillaire, tout en donnant l’impression que la dite coupe est naturelle. Les laboratoires L’Oréal (qui ne le valent pas si bien) sauront vous persuader qu’un gel, une mousse coiffante, ou quelque autre artifice chimique, saura vous donner l’apparence d’un hédoniste… En omettant de préciser que celui de la publicité, c’est après quatre heures de boulot qu’il parvient à ses fins, pas dans les trente secondes promises sur l’emballage.
Dernier point amusant concernant le cheveu : quand on l’a sur la langue, cela n’impose pas qu’on ait sa langue dans sa poche. Libre à vous de comprendre ce dernier propos !

Stylo :
Arme de destruction massive camouflée dans un objet du quotidien, le stylo est l’accessoire favori des pires décisions, ainsi que de la création de systèmes iniques. Concrètement, la plume est forcément plus forte que l’épée, parce qu’il est assez compliqué de rédiger quoi que ce soit avec une rapière, tandis qu’un stylo, lui, peut parapher des documents graves. L’art de l’usage du stylo est complexe, à tel point qu’on nous l’enfourne dans la caboche dès notre plus tendre enfance. Le stylo, cet objet prétendument anodin, a créé des carnages, il a scindé des pays, créé des nations, déclenché des guerres, voire autorisé la conception d’armes susceptibles de tous nous anéantir en un instant.
Le stylo, c’est l’arme favorite du lâche. On n’a jamais vu un politicien tenir un fusil, mais plus volontiers un stylo pour apposer sa signature au bas d’un document. Bien entendu, ces actes peuvent aussi bien être tus par le temps, que passer à la postérité, tout dépendant de la situation et de ceux qui archivent les pièces sensibles. Dans tous les cas, le stylo, c’est celui qui sert à signer la note de service sélectionnant le lampiste pouvant déclencher le feu nucléaire, c’est l’outil qui détermine la liste des candidats à l’exécution capitale, et c’est enfin l’accessoire indispensable pour vous dresser une contravention.
L’inventeur du stylo a été félicité, encensé, glorifié. Moi, je lui ferais bien un sort, à cette pourriture candide qui a crû que l’écriture serait une forme de liberté pour les hommes. Ecrire, c’est la meilleure manière de réduire en esclavage l’humanité, via la voie la plus vicieuse, celle dite légale et morale.
Enflure !

Moquette :
Se fume ou se piétine. La moquette est la chose qui tapisse vos sols, qui sont supposé décorer nos intérieurs, et qui ne sont finalement que le refuge adoré de la poussière et des acariens. La moquette, c’est un ennemi sanitaire comme il y en a peu, à tel point qu’il s’invite sur les murs, voire même les plafonds. La moquette, c’est le symbole même d’une époque, car il est alors facile de dater la dernière réfection d’une pièce, ceci par le coloris du revêtement, ou encore à travers son motif bien kitsch.
La moquette, c’est ce qu’on colle partout, histoire de rendre soi-disant plus douillet un intérieur. Techniquement, la moquette, c’est la pire chose à apposer partout, sauf à vouloir faire les beaux jours des fabricants d’aspirateurs. J’ai en horreur ce truc molletonné qui ne ressemble à rien, qui se salit irrémédiablement, qui se déforme sous le poids des meubles et des chaises, et qui trouve le moyen, vice suprême, de changer peu à peu de couleur. Et le pire ? On ne peut pas rénover une moquette, alors qu’un parquet, ça se ponce. Je n’ai encore jamais vu quelqu’un tondre une moquette… Enfin bref, à bas la moquette !

Fenêtre :
Ouverture pratiquée sur le monde dans nos bunkers personnels. Généralement vitrée, une fenêtre peut donner sur la cour, ou bien permettre de jeter de l’argent. Pratique, mais généralement peu sûre, la fenêtre est également une possibilité prisée de celles et ceux qui souhaitent vérifier que la gravité n’est pas une illusion. Dans tous les cas, la fenêtre s’avère indispensable tant elle permet de faire des choses très différentes.
Il faut noter que le terme de fenêtre a également une valeur en informatique, ce qui peut mener à des quiproquos assez cocasses. Si un technicien vous demande de fermer la fenêtre, songez qu’il s’agit de celle affichée sur votre écran, et non celle de votre bureau ! Au surplus, les fenêtres informatiques ont la fâcheuse tendance de se multiplier plus vite que l’homme n’est capable de les appréhender, à tel point qu’il fut un temps où c’était une méthode pour se faire de la publicité.
D’un autre point de vue, la fenêtre, c’est aussi la possibilité de voir le monde différemment. Un gosse (que je suis resté) aime à regarder le ciel à travers le carreau embué, surtout si les étoiles sont de la partie. La fenêtre, c’est donc une ouverture tant sur le monde que sur le rêve. Il est essentiel d’avoir en tête cette idée, notamment si vous désirez ne pas devenir dingue à l’idée d’être enfermé, toute la journée durant, dans un bureau ou un local dont la seule luminosité proviendra de la petite fenêtre perçant votre bloc.
Enfin, la fenêtre, c’est un terme absurde utilisé pour définir un espace limité. Par exemple, les militaires aiment à parler de « fenêtre de tir », chose qui, en soi, n’a guère de sens (sauf à vouloir faire comme à Bagdad, à savoir faire pénétrer un missile à travers la fenêtre d’un bureau).
Quoi qu’il en soit, ne laissez jamais une fenêtre entre vous et le ciel, sous peine d’étouffer vos espoirs et vos rêves…