20 avril 2011

Humain? Qui? Moi?!

Qu’on se le dise : mes tendances misanthropes sont rarement acceptées, parce qu’elles remettent en question bien des fondements de la bonne morale bourgeoise actuellement en vigueur. En effet, l’éthique globalement admise soutient qu’il faut être amical, généreux, patient, charitable, et qu’il faut surtout savoir donner, quitte à ne rien recevoir en retour. Balivernes et foutaises, cette jolie morale néo chrétienne mâtinée d’un soupçon d’autosatisfaction malsaine n’a qu’une seule vertu me concernant, celle de multiplier mes passages sur le trône. Bref, je ne suis pas de ceux qui aiment les gens, c’est même le contraire, je les hais avec cordialité, à défaut de pouvoir insulter l’humanité dans son ensemble.

Mais alors, pourquoi haïr mes frères, mes semblables, alors qu’il serait si agréable d’être gentil, bon, et je ne sais encore épithète mielleuse ? Oui, pour moi, dire que je suis « gentil » est à la frontière ténue entre l’insulte et la flatterie, parce que j’estime que la gentillesse peut souvent camoufler une énorme hypocrisie que seule la bienséance et la morale arrivent à couvrir. Je crois qu’un dicton est suffisant pour définir ce que devrait savoir faire l’homme : Aide toi, et le Ciel t’aidera. Voilà du bon sens, voilà ce que devrait penser l’humanité ! La charité, c’est un acte qui se doit d’être désintéressé, quitte à ce qu’il reste anonyme. Dès qu’une personne étale sa charité comme on pend du linge aux fenêtres des ruelles bariolées d’un Milan pittoresque, c’est qu’il y a un besoin sous-jacent de reconnaissance… Donc d’autosatisfaction. Désolé, je ne me satisfais pas d’avoir donné, probablement parce que je pense que donner sans réfléchir, ce n’est pas rendre service à qui que ce soit. Un philosophe Chinois a eu un propos particulièrement intelligent sur la question : donne à manger à un homme, et demain il aura faim. Apprends lui à pêcher, et il te foutra la paix. (Précision pour mes lecteurs érudits qui viendraient râler : oui, c’est une libre adaptation, mais je n’ai pas pour vocation de vous éduquer, sauf si vous m’envoyez un chèque conséquent pour ce service rendu). Bref, ne donnez qu’avec la certitude que cela sera utile, pas pour vous convaincre que vous le faites pour votre propre salut.

Et puis quoi ? Le salut de l’âme ? Vaste blague. L’âme humaine n’a pas à être sauvée par l’altruisme bon teint, l’âme humaine doit savoir se prémunir contre la bêtise, la folie, ainsi que contre toutes les déviances que notre humanité est capable de créer. Je doute qu’il soit possible d’énumérer, sans avoir la nausée, toutes les ignominies dont nous sommes tous capables : depuis la torture, en passant par les déviances sexuelles, pour finir par l’immoralité élevée au rang de qualité (comme ces voleurs/braqueurs devenant des héros à cause des médias), la liste de nos tares me semble impossible à rédiger. De ce fait, croire que le salut de l’âme passe par quelques actes supposés compenser nos errances, c’est alors croire que le père noël passe par la cheminée pour nous filer ses cadeaux. Qu’on arrête de vouloir sauver mon âme, que chacun s’occupe de la sienne, je crois qu’il y a déjà suffisamment de boulot de manière individuelle, non ? Et au surplus, comme si cela ne suffisait pas, les gens qui pensent qu’un prêche, que la lecture d’un ouvrage, ou, pire encore, une bonne grosse confession est suffisant pour se sauver de l’enfer, ces ahuris qui viennent vous faire la leçon, je les conchie, je les envoie sur les roses, je les vire de mon existence. Comme on dit vulgairement : on se sort les doigts du c.. et on se met au boulot ! Je n’ai pas besoin d’une leçon de morale sur ma vie sexuelle… de la part d’un puceau quadragénaire.

Bref, l’homme aime se raccrocher à des fondamentaux de morale et d’éthique, à tel point qu’il a érigé des monuments à la gloire de ces idéaux. Qu’est-ce d’autre qu’une apologie de la vertu qu’une cathédrale ? Qu’est-ce d’autre qu’une revendication morale qu’une mosquée ? Ces bâtiments sont à la fois le meilleur et le pire de l’homme, parce qu’ils représentent tant les qualités dont nous devrions tous faire preuve, que les symboles mêmes d’une autorité supérieure, despotique, fascisante, car forcément capable de vous mettre en accusation quand vous n’entrez pas dans leur moule moral. Toutes les fois ont un terme pour l’infidèle, l’impie, l’hérétique… C’est donc qu’il y a forcément une sélection entre les « bons » et les « mauvais », non ? De toute façon, là où la plaisanterie devient cynique, c’est qu’on nous parle de paradis, d’enfer, de purgatoire, mais qui a été y jeter un œil pour venir nous en parler ? A ce que je sache, le voyage est à sens unique, non ? Ou alors, les toqués de l’asile qui prétendent avoir vu Dieu sont peut-être les seuls à avoir réellement vécu une expérience mystique, et que cela nous fout la trouille. Mais là, ce serait croire en n’importe quoi ! (Quoique : comme l’a dit très justement Coluche, on aurait eu l’air cons, nous autres les cathos, si Jésus avait été non pas crucifié mais noyé. En effet, nous aurions eu un bocal plein de flotte au-dessus de nos têtes).

Quoi qu’il en soit, je n’aime pas l’homme. L’homme, c’est l’archétype du xénophobe, du conformiste, du petit monstre d’égoïsme malsain qui se réfugie derrière des clichés pour se donner bonne conscience. Les rares humains qui sont réellement et authentiquement généreux, ce sont soit des saints (bonjour le destin : finir étripé ou bouffé par un lion. On a vu mieux je pense), soit des gens qu’on arrive même à qualifier d’originaux. Charité bien ordonnée commence par soi-même ? Mouais, je crois que la charité, c’est le dernier refuge, la dernière solution, quand on n’a pas été capable de faire en sorte que nul n’ait besoin de la dite charité. Dans l’idéal, dans un monde sans faille, l’homme n’aurait pas à être charitable, puisque tout le monde pourrait se nourrir à sa faim, chacun pourrait vivre sans craindre son prochain. En conséquence, nul n’aurait besoin de charité, puisque tous nous vivrions dans une communauté de cœur et d’âme. Cependant, le monde étant tel que nous le faisons… nous avons donc besoin du terme charité. Me concernant, je n’ai aucune confiance dans l’homme, parce qu’il expérimentera toujours le pire pour que le meilleur puisse émerger. C’est un rude et triste constat pour certains, mais je crois, au contraire, qu’il s’agit là de la meilleure qui puisse nous arriver.

Paradoxalement, je suis persuadé que l’homme doit apprendre de ses erreurs, souffrir pour comprendre, payer un lourd tribut à sa propre folie, ceci afin qu’il puisse, trop rarement malheureusement, en tirer des leçons de vie, et donc faire en sorte que son avenir soit meilleur. A titre d’exemple, interrogez vous sur l’écologie : on s’en est moqué, on s’est payé la tête des illuminés, on a subordonné notre avenir à l’enrichissement de quelques uns, et maintenant on s’inquiète des désastres que nous avons provoqués. N’est-ce pas là l’archétype même de notre pensée ? Pas de pragmatisme élémentaire (préserver pour en avoir pour demain), pas d’intelligence (je m’enrichirai le plus vite possible), un égocentrisme pathétique (je me fous des autres, seul mon confort prime), de la leçon à donner (je me fous totalement que tu aies du mal à subsister, seul compte mon bilan écologique que je pourrai revendiquer devant mes potes), et surtout une attitude désinvolte (tant que ça ne pollue pas chez moi, mais chez toi, je continuerai à vivre ainsi).

C’est atroce ? Non, c’est humain. Et je déteste l’humanité pour ça.

Aucun commentaire: