25 août 2008

La valse des rouflaquettes

En quoi les attributs capillaires démodés seraient-ils suffisamment intéressants pour mériter un commentaire acéré de votre serviteur ? A-t-il lui-même ces pattes grotesques qui poussent sur le bas des tempes et qui sont supposées offrir un visage particulier ? Certes non, son obstination à user de la tondeuse pour maintenir une bien militaire rectitude, ainsi qu’une longueur réglementaire sur son caillou laisseraient entendre qu’il n’a de pitié pour les cheveux que sur les crânes de celles qui savent lui être agréables. Donc, qui pourrait supposer que je me mette à raisonner et à philosopher sur la capilliculture ? Allons, un peu d’ouverture d’esprit (disait le docteur au trépané allongé devant lui) ! La mode, tout comme les cheveux apprécient l’immodestie ainsi que la démonstration ostentatoire. Avez-vous seulement vu un modiste de quelque place que ce soit faisant acte de discrétion ? N’est-il pas de notoriété publique qu’un coiffeur aime à faire de vos cheveux une sculpture moderne tenant tant du césar que de la pièce montée ? Il en est ainsi non pas depuis l’avènement de la gomina mais depuis toujours. Vous en douteriez donc tellement pour que vos yeux se mettent à rouler telles des billes folles dans vos orbites ? Suivez moi dans mes pérégrinations !

Ah la préhistoire ! Rude temps où femme et gourdin étaient deux accessoires indispensables au bestial homme des cavernes ! En ce temps l’aspect capillaire et même pileux revêtait une nécessité absolue plus qu’une passion pour la mode. Le froid, le gel, l’hygiène, tout concourrait à maintenir une certaine présence de la barbe et des cheveux longs. Bon oui il faut aussi dire que Bic pas plus que Braun n’étaient passés par là et que la paire de ciseaux patientait tranquillement dans les limbes du temps. Mais pourtant, croyez-vous que le cheveu était pour autant négligé ? Réfléchissez : vu la brutalité des relations hommes femmes, comment l’homme (stupide) pouvait-il s’assurer le suivi de sa femme (tout aussi stupide il faut dire) ? En la tirant pas les cheveux ! C’est de là que vient l’expression « tu es une traînée ! » Peu glorieux pour la condition féminine s’il en est, ce fait historique confirme que le cheveu était avant tout pratique et non pas une revendication esthétique.

Faisons un bond dans le temps. La grande époque de la perruque poudrée ! Même les chauves pouvaient prétendre à être à la mode et ce bien avant la passion pour l’aéroport à mouches de monsieur Barthez. En effet, chacun se collait une tignasse sur la caboche, se barbouillait en blanc et poudrait le tout pour avoir l’air « classe ». Ma foi, ressembler à son voisin en tout point peut être assimilé à l’esprit de meute mais de là à parler de classe, je pouffe (ou j’éternue vu la quantité de poudre déposée sur le bazar en poils naturels). Bref, on passe donc de la fonctionnalité à l’esthétique pure et dure, enfin esthétique, le con qui trouve cela beau je me sentirais insulté s’il me disait séduisant… Toujours est-il que depuis ce temps on sait que les anglais maintiennent l’usage de la perruque dans les tribunaux. Bah quoi ? Ils sont déjà bien assez cons pour boire la bière tiède, bouffer bouillu, alors coller une moumoute grise à leurs juges, ils ne sont plus à ça près !

Bien plus proches de nous le cheveu est devenu une arme de revendication. Loin de tous les stéréotypes bien formatés, les cheveux longs chez le garçon boutonneux fut une manière (et l’est toujours) se faire remarquer de la jeunette en quête de l’ébauche d’homme qui se présente à elle. L’attitude rebelle de l’adolescent à travers ses cheveux reste encore vivace, surtout qu’elle permet d’agiter le semblant de cervelle qu’il leur reste lors des concerts de rock survolté dont les noms évoquent généralement le cimetière et la nécrophilie. Soit. C’est transitoire d’autant plus que le marché du travail accepte difficilement le poil pendant dans le dos comme une queue insoumise de cheval de traie rondouillard, mais pour autant certains s’entêtent à orner la queue enserrée dans l’élastique et à jouer la différence capillaire. Ne leur ôtons pas leurs illusions : depuis que les pavés ont rejoints leur place dans le plancher à automobiles et que l’ostensible est passé du maillot sale au tchador intolérable, notre rockeur boutonneux ne pourra jamais plus choquer. Il laisse d’ailleurs cela aux punks car il faut bien ne pas faire peur aux parents : rebelle… mais pas trop !

Ah le punk, cet animal mythique oscillant entre la licorne et le troll, cette bête effrayante dont l’haleine de bière éventée et le parfum d’urinoir public laisse perplexes tous les analystes. Toi qui a arboré l’iroquois sur ton crâne, toi qui t’es changé en hérisson teint en vert, existes-tu encore ou est-ce seulement des ersatz que je croise dans les concerts où je me sens vieux et hors du temps à la fois ? Sans rire, nos « jeunes » n’ont du punk d’origine que la dégaine et la coupe de cheveux, mais certainement pas l’attitude primaire no futur qui fut tant symbolique en son temps. D’ailleurs, question futur nombre ne sont pas loupés : entre la came et la picole la plupart nourrissent aujourd’hui les asticots, les survivants hésitant entre les cures à répétition et la rédemption par un mariage de raison avec la bonne des parents ou avec la voisine de palier divorcée. Déprimant bilan s’il en est, il n’en reste pas moins amusant de voir que par le retour des « crêteux » (néologisme ayant pour but de désigner les gens avec les cheveux en crête), même s’il s’agit de marketing et non d’attitude. L’anarchiste d’aujourd’hui tient siège non pas dans un bar miteux mais dans un appartement bobo dont le loyer est offert gracieusement par des parents trop heureux de se débarrasser de la si encombrante et remuante progéniture.

Et la rouflaquette dans tout ça ? Par miracle elle est morte à la fin du disco et du rockabilly. Il existe encore, tout comme les mammouths, des acharnés convaincus du retour prochain des godasses compensées et des pantalons à patte d’éléphant (par miracle la tentative fut un cinglant échec tant commercial que social… Merci à toi Saint Jean en denim !). Pauvres choses que nous sommes : revivre le passé par l’intermédiaire des cheveux. De là à dire que, à travers ce raisonnement, je sois un nostalgique d’un quelconque régime militariste il n’y aurait qu’un pas… de l’oie ? J’en ris encore !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

"Ah la préhistoire ! Rude temps où femme et gourdin étaient deux accessoires indispensables au bestial homme des cavernes !"
Ah, le temps moderne! Exquis temp où femme et goudin phalliqueue miniaturisé sont deux accessoires indispensables au civilisé homme des cités!
(Je m'amuse en vérité)
Pour les puceaux de la boite à neurones, le gourdin miniaturisé est le vibro-masseur)bis