Aventure spatiale
Tommy était un de ces gosses fasciné par l'espace. Il levait constamment le nez vers le ciel, attiré par le bleu le jour, et par les étoiles pendant des nuits entières. Ses parents lui avaient offert un télescope, et patiemment, du haut de ses huit ans, ils procédaient à des relevés sur les étoiles les plus brillantes, les planètes... Il se voyait déjà devenu grand, engoncé dans une combinaison blanche, arpentant les espaces inconnus, et posant le pied où nul avant lui ne l'avait fait. Ce rêve le taraudait constamment, à tel point que cela finit par l'isoler à l'école. Besogneux, convaincu qu'il avait "ce qu'il fallait", il mena toutes ses études dans ce seul et unique dessein: devenir astronaute.
Son adolescence fut plutôt ordinaire, bien qu'un rien morose. Le nez constamment fourré dans les livres, oubliant tout ce qui l'entourait, Tommy se moquait des relations sociales avec ses camarades, à tel point qu'on le soupçonna soit d'être autiste, soit plus insidieusement d'être un gay refoulé. Les deux assertions étant complètement fausses, le garçon se moqua complètement des quolibets, potassant encore et encore, et obtenant des résultats que d'aucuns qualifieraient d'exceptionnels. Ses notes le conduisirent sans un accroc à la faculté où il s'orienta vers les sections scientifiques, multipliant les cours et les travaux pratiques, tout ceci pour continuer sur sa voie, son choix ultime: postuler à la NASA.
On lui connut bien quelques amourettes, mais au final, Tommy parvint au bout de ses études sans pouvoir prétendre avoir quelqu'un dans son coeur. Déterminé, il poussa aussi loin qu'il le put ses capacités intellectuelles, et lorsqu'il s'inscrit finalement pour entrer dans la légendaire administration, son dossier fut accueilli avec bienveillance par les examinateurs. Parmi des milliers de candidats, il paraissait clairement être au-dessus du lot, car tant physiquement qu'intellectuellement, le jeune homme présentait clairement "ce qu'il faut" pour être un homme des missions spatiales.
Il potassa, encore et encore, révisant ses cours, se préparant pour la batterie d'examens qui l'attendaient. Les nuits blanches s'enchaînèrent, mais ceci ne sembla pas le toucher. Tout était là, à portée de main, plus proche que jamais auparavant. Encore quelques pas, encore quelques heures, et il pourrait espérer faire partie d'une mission spatiale, rejoindre l'élite. Il était si sûr de lui que rien ne pourrait le faire frémir ou fléchir. Pas question, il avait tant sacrifié pour arriver jusqu'à ce point! Alors, le matin du dernier examen, il était prêt, comme jamais il ne le serait plus.
Trois ans passèrent. Tommy avait été reçu, et ses entraînements s'étaient multipliés. On l'avait inclus dans le programme spatial, et il devait se former techniquement, scientifiquement, et se renforcer physiquement. Maître de lui-même, discipliné, le jeune homme suivit le cursus sans mot-dire, avec le sourire, subissant parfois la douleur des épreuves intenses que représentaient les préparations physiologiques: centrifugeuse, exercices dits "espace", tout était bon pour s'assurer que l'astronaute puisse supporter les conditions extrêmes de l'espace. Ce n'était qu'un maigre sacrifice pour la réalisation d'un rêve: voler dans l'espace... Courir après les étoiles avait été une obsession, elle allait devenir réalité.
Ce matin là, il s'était installé dans la capsule placée au bout d'un lanceur. Il avait le coeur qui battait, et il attendait intensément le décompte final avant la mise à feu de la fusée. "Une immense chandelle de plusieurs milliers de tonnes" disait-il à ses proches en parlant de la machine titanesque. Il était harnaché dans un siège ajusté, vêtu de sa combinaison blanche, le casque à visière sur le haut du corps. Ses yeux scrutaient fébrilement les innombrables compteurs, aiguilles, afficheurs et autres écrans qui cernaient l'équipage. C'était intense, fou, mais complètement mécanique et sans émotion. Il s'était tellement entraîné, tellement préparé à ce moment que, lui comme les autres, n'éprouvaient pas la moindre sensation de plaisir. C'était un "job", et il fallait surtout le faire sans la moindre erreur.
Plus qu'une minute avant le lancement. Le décompte continue, patient métronome de trois vies en suspens au bout d'une gigantesque bombe à retardement. On revérifiait chaque constante, chaque valeur de pression, de tension, de température... Et l'on refaisait une énième liste de contrôles, à s'en donner le tournis. Tommy s'exécutait sans grogner, sans même réfléchir, tel un automate humain. Il le savait, il fallait faire ainsi, pour éviter tout risque d'accident "stupide". Il y avait tant de choses qui pouvaient échouer qu'il ne fallait surtout pas en ajouter par négligence!
Décompte.
Dix, neuf, huit... La respiration se fait plus courte, plus saccadée. Les yeux sont rivés devant soi, Tommy est fier, et son esprit se focalise bizarrement sur les occasions perdues au lycée. Telle fille aurait-elle été une bonne épouse? Pourquoi avoir repoussé telle autre?
Sept, six, cinq... Il transpire un peu, la pression se fait à présent sentir. Il n'a pas peur, il a envie que ce décompte finisse enfin, que le rebours passe en positif quand la machine arrachera sa masse à la gravité terrestre.
Quatre, trois, deux... Les trois hommes d'équipage se regardent furtivement, ils sourient, et lèvent le pouce en signe de confirmation que tout va bien.
Zéro. La machine se lance à l'assaut du ciel, et Tommy est littéralement collé, compressé, à la limite de l'étouffement. Tout son corps souffre, il a les dents serrées, et sa vue se brouille. Ca tremble, et le bruit est insoutenable. Pourtant, l'accélération ne semble à présent pas si violente, il craignait pire. Peu à peu, il se sent comme allégé d'un fardeau, celui de ses espoirs qu'il craignait voir s'évaporer, la peur d'échouer aux examens, celui d'être refoulé par la NASA, la peur enfin de ne jamais voler, comme tant d'autres avant lui.
Plus une minute... Ils filent, droit vers l'espace, vers cette frontière dont il a tant rêvé... et qu'à présent il va toucher du regard.
Son adolescence fut plutôt ordinaire, bien qu'un rien morose. Le nez constamment fourré dans les livres, oubliant tout ce qui l'entourait, Tommy se moquait des relations sociales avec ses camarades, à tel point qu'on le soupçonna soit d'être autiste, soit plus insidieusement d'être un gay refoulé. Les deux assertions étant complètement fausses, le garçon se moqua complètement des quolibets, potassant encore et encore, et obtenant des résultats que d'aucuns qualifieraient d'exceptionnels. Ses notes le conduisirent sans un accroc à la faculté où il s'orienta vers les sections scientifiques, multipliant les cours et les travaux pratiques, tout ceci pour continuer sur sa voie, son choix ultime: postuler à la NASA.
On lui connut bien quelques amourettes, mais au final, Tommy parvint au bout de ses études sans pouvoir prétendre avoir quelqu'un dans son coeur. Déterminé, il poussa aussi loin qu'il le put ses capacités intellectuelles, et lorsqu'il s'inscrit finalement pour entrer dans la légendaire administration, son dossier fut accueilli avec bienveillance par les examinateurs. Parmi des milliers de candidats, il paraissait clairement être au-dessus du lot, car tant physiquement qu'intellectuellement, le jeune homme présentait clairement "ce qu'il faut" pour être un homme des missions spatiales.
Il potassa, encore et encore, révisant ses cours, se préparant pour la batterie d'examens qui l'attendaient. Les nuits blanches s'enchaînèrent, mais ceci ne sembla pas le toucher. Tout était là, à portée de main, plus proche que jamais auparavant. Encore quelques pas, encore quelques heures, et il pourrait espérer faire partie d'une mission spatiale, rejoindre l'élite. Il était si sûr de lui que rien ne pourrait le faire frémir ou fléchir. Pas question, il avait tant sacrifié pour arriver jusqu'à ce point! Alors, le matin du dernier examen, il était prêt, comme jamais il ne le serait plus.
Trois ans passèrent. Tommy avait été reçu, et ses entraînements s'étaient multipliés. On l'avait inclus dans le programme spatial, et il devait se former techniquement, scientifiquement, et se renforcer physiquement. Maître de lui-même, discipliné, le jeune homme suivit le cursus sans mot-dire, avec le sourire, subissant parfois la douleur des épreuves intenses que représentaient les préparations physiologiques: centrifugeuse, exercices dits "espace", tout était bon pour s'assurer que l'astronaute puisse supporter les conditions extrêmes de l'espace. Ce n'était qu'un maigre sacrifice pour la réalisation d'un rêve: voler dans l'espace... Courir après les étoiles avait été une obsession, elle allait devenir réalité.
Ce matin là, il s'était installé dans la capsule placée au bout d'un lanceur. Il avait le coeur qui battait, et il attendait intensément le décompte final avant la mise à feu de la fusée. "Une immense chandelle de plusieurs milliers de tonnes" disait-il à ses proches en parlant de la machine titanesque. Il était harnaché dans un siège ajusté, vêtu de sa combinaison blanche, le casque à visière sur le haut du corps. Ses yeux scrutaient fébrilement les innombrables compteurs, aiguilles, afficheurs et autres écrans qui cernaient l'équipage. C'était intense, fou, mais complètement mécanique et sans émotion. Il s'était tellement entraîné, tellement préparé à ce moment que, lui comme les autres, n'éprouvaient pas la moindre sensation de plaisir. C'était un "job", et il fallait surtout le faire sans la moindre erreur.
Plus qu'une minute avant le lancement. Le décompte continue, patient métronome de trois vies en suspens au bout d'une gigantesque bombe à retardement. On revérifiait chaque constante, chaque valeur de pression, de tension, de température... Et l'on refaisait une énième liste de contrôles, à s'en donner le tournis. Tommy s'exécutait sans grogner, sans même réfléchir, tel un automate humain. Il le savait, il fallait faire ainsi, pour éviter tout risque d'accident "stupide". Il y avait tant de choses qui pouvaient échouer qu'il ne fallait surtout pas en ajouter par négligence!
Décompte.
Dix, neuf, huit... La respiration se fait plus courte, plus saccadée. Les yeux sont rivés devant soi, Tommy est fier, et son esprit se focalise bizarrement sur les occasions perdues au lycée. Telle fille aurait-elle été une bonne épouse? Pourquoi avoir repoussé telle autre?
Sept, six, cinq... Il transpire un peu, la pression se fait à présent sentir. Il n'a pas peur, il a envie que ce décompte finisse enfin, que le rebours passe en positif quand la machine arrachera sa masse à la gravité terrestre.
Quatre, trois, deux... Les trois hommes d'équipage se regardent furtivement, ils sourient, et lèvent le pouce en signe de confirmation que tout va bien.
Zéro. La machine se lance à l'assaut du ciel, et Tommy est littéralement collé, compressé, à la limite de l'étouffement. Tout son corps souffre, il a les dents serrées, et sa vue se brouille. Ca tremble, et le bruit est insoutenable. Pourtant, l'accélération ne semble à présent pas si violente, il craignait pire. Peu à peu, il se sent comme allégé d'un fardeau, celui de ses espoirs qu'il craignait voir s'évaporer, la peur d'échouer aux examens, celui d'être refoulé par la NASA, la peur enfin de ne jamais voler, comme tant d'autres avant lui.
Plus une minute... Ils filent, droit vers l'espace, vers cette frontière dont il a tant rêvé... et qu'à présent il va toucher du regard.
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