26 juillet 2011

Traumatisme intellectuel

Au-delà des considérations personnelles, certains évènements nous touchent fortement. Nous avons beau nous convaincre que « Ca ne nous concerne pas », il faut admettre que certains chocs sont inévitables. A partir de là, ce n’est pas tant les victimes que toute la société qui vibre d’un seul tenant, ceci pouvant même mener à l’effondrement de gouvernement. La stupeur, la colère, la tristesse, ces sentiments s’agrègent et provoquent des réactions fortes et impressionnantes. Cependant, nous devons tous nous interroger sur la légitimité et la manière de réagir, sous peine de devenir des radicaux sans aucune humanité, répondant à la haine par la violence.

Les médias sont devenus les vecteurs de l’instantané de vie. Auparavant, la presse comme les salles de cinéma véhiculaient des informations retravaillées, filtrées, et surtout assaisonnées pour s’assurer que la foule (vous, moi) soit capable de comprendre « comme il faut ». Or, depuis que tout foyer se doit d’avoir la télévision, c’est dans le choc sans contrôle, dans l’édition spéciale jetée à la figure que nous vivons. Prenons quelques exemples : malgré la radio, malgré la presse très réactive, les USA mirent du temps à apprendre l’attaque de Pearl Harbor. A contrario, nous avons tous appris, et ce dans quasi l’instant des attentats, le carnage du 11 septembre à New York. Nous sommes donc face à des « vérités », à du « sur le moment », avec l’incapacité quasi totale d’analyser tant le tout est servi brûlant. C’est à celui qui sortira le Scoop, La vidéo la plus impressionnante, en oubliant tout travail journalistique pour le remplacer par du mauvais sensationnalisme.

Les Norvégiens ont démontrés, à travers des retraites aux flambeaux, une attitude digne et réservée, et surtout l’absence de cri de haine de la foule, que c’est un pays qui refuse de répondre à la haine par la haine. Que justice soit faite, que le système démontre sa capacité à punir les criminels. Cependant, le choc des deux attentats n’est pas encore absorbé, car la Norvège se découvre des mouvements nationalistes, des mouvances identitaires dangereuses, des radicalismes politiques apparemment incompatibles avec la situation économique et sociale de la Norvège. Traumatisme, électrochoc profond et douloureux, le peuple Norvégien apprend à ses dépends que la haine et le nationalisme xénophobe existent partout, même en patrie de pseudo liberté intégrale. Interrogeons nous sur la réaction qu’aurait eue la France face à de tels évènements. Pour cela, il n’y a pas à chercher très loin : la France a subi des attentats à la bombe, et les terroristes étant « arabes », le peuple Français s’est mis à pointer du doigt avec haine toute la communauté musulmane. Au surplus, la réaction fut si épidermique que ce furent les mouvements nationalistes qui récupérèrent les fruits de la peur générale. Sommes-nous dons si socialement arriérés pour ne pas savoir distinguer l’individu du groupe ? C’en est effrayant.

Actuellement, les interrogations sont nombreuses, et elles n’ont que peu de réponses acceptables.
Tout d’abord : « Comment empêcher de tels massacres ? ». Techniquement, à moins de créer un état policier aussi vain qu’inacceptable, il n’y a pas de véritable solution. Quoi qu’il en soit, la démocratie et la liberté d’expression, quand elles sont larges et admises, semblent tout de même restreindre les anachronismes tels que le national socialisme. Malheureusement, aucune méthode ne saurait réellement faire disparaître la violence chez certains, et les idéologies « dangereuses » ne pourront paradoxalement jamais être annihilées, justement par le principe même de la liberté d’expression. Certains désirent ardemment une restriction des libertés individuelles, mais ces mêmes personnes oublient alors que l’acceptation tacite de la « dictature » légale n’a jamais mené ailleurs qu’en enfer.
Ensuite : « Que faire pour enseigner la vacuité de telles idées ? ». L’éducation des masses n’est pas un travail simple, d’autant plus quand il s’agit de préceptes moraux et surtout politiques. En effet, il suffit, pour s’en rendre compte, d’analyser des principes bien plus simples concernant l’écologie. L’Homme n’est pas un être capable d’admettre aisément qu’il doit se restreindre et se brider de lui-même. Au contraire, toute liberté individuelle sera pleinement prise et utilisée par chaque individu, au point d’en éprouver les limites fondamentales. On se rend bien compte qu’il faut parfois des décennies pour s’affranchir de tares sociales, comme par exemple la situation des femmes. Lors du débat sur le droit à l’avortement, nombre de femmes furent traitées de « putes », parce qu’elles militaient pour un droit fondamental et légitime, à savoir celui de pouvoir décider pour elles-mêmes. Aujourd’hui encore, nombre de pays, tant par tradition religieuse, que par obsession culturelle, ont du mal à admettre cette avancée fondamentale du droit de la femme. Alors, enseigner aux gens qu’il ne faut pas être radical, que la violence est vaine, c’est prêcher dans le désert. Pire encore : le terroriste sera montré comme un « fou », un « psychopathe monstrueux ». Pour autant, certaines parties de son idéologie seront reprises et malgré tout appréciées, parce qu’il y a une diversité gigantesque d’idées, pour ne pas dire plus honnêtement « Un homme, une idée ».
Enfin : « Comment trouver une juste sanction pour de tels crimes ? ». On envisage de parler de « crime contre l’humanité ». Fort bien. On a là un type qui s’est pris pour un bourreau, et qui n’a que mépris pour l’humain et la démocratie. Cependant, qu’est-ce que cela pourra apporter que de le traiter comme un criminel de guerre par exemple ? Je crains qu’il y ait là un précédent gênant, notamment parce qu’on ne peut décemment pas traiter sur un pied d’égalité un chef organisant des armées, et un type potentiellement seul (l’enquête confirmera, ou infirmera cette idée). On ne peut, de plus, s’adresser à un maniaque comme on s’adresse à un ex président de la République. Aussi horribles que soient les actes des uns et des autres, chaque jugement se doit d’être pris en charge selon sa cause et ses conséquences. On ne peut pas, par exemple, mettre un voleur de poule dans le même boxe des accusés qu’un type ayant détourné des millions. Pourquoi ? Le premier n’a potentiellement même pas la culture ou la dialectique nécessaire pour comprendre le jugement, alors que le second a fait usage d’une expertise spécifique nécessitant des débats pointus. Qu’on juge le terroriste selon la loi pour les criminels, pas celle qui s’adresse aux politiques et aux planificateurs. Les premiers ne représente qu’eux-mêmes, les seconds représentent un système, un état, un gouvernement. Au pire, si l’on découvre un appareil terroriste plus complexe, mettons les en accusation à titre collectif et individuel.

Maintenant, j’attends avec anxiété de savoir s’il était seul, ou pas.

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