13 juillet 2011

Papi, c’est la guerre !

Ah, les vieux ! On les aime, on les hait, on leur reproche tous les maux du monde, et pourtant, ils sont là, et ils seront nous dans quelques décennies. Qu’on soit atteint de ce foutu jeunisme dont font preuve nos chers politiciens, ou qu’on soit horripilé par les facéties et autres grognements de nos ancêtres, on ne peut dignement pas être indifférent à l’existence des vieux. D’ailleurs, sans eux, nous n’existerions tout simplement pas, sauf à espérer un miracle génétique aussi lointain qu’inacceptable. Bref, la société a ses vieux, ses reliques d’un temps supposé révolu, et qui nous font nous sentir enfants, gosses, marmots des rues, face aux puits de science qu’ils sont supposés être.

Pourtant, se coltiner un vioque, c’est quelque chose qui hésite entre l’insupportable audition d’un radotage inintéressant, et la torture olfactive d’une vessie à l’agonie. Cependant, prendre le temps d’écouter ces déclamations incessantes et nostalgiques peut se révéler fort instructif. Tenez, par exemple, il suffit de faire le tri entre les souvenirs, les inventions, d’ôter les filtres idéologiques et la sensiblerie, pour alors extraire des morceaux de l’Histoire, avec le grand H indispensable à toute expérience rare, donc précieuse. Le petit vieux qui a connu l’arrivée des boches, qui leur a fait le bras d’honneur des révoltés, qui a été décoré de la crois de Lorraine, ne mérite-t-il pas qu’on passe outre ses moments d’absence et son verbiage parfois pénible ? Quelle richesse que de s’approprier ainsi des morceaux d’existence et de réalité, loin des saletés formatées qui ont pour vertu de mériter que le panier à ordures.

Au-delà de ça, il est également amusant de mettre à l’épreuve notre monde, ceci face au vécu de nos ancêtres. Nous nous plaignons, nous geignons pour un rien, ce à quoi une bonne vieille dame flétrie ira de son « De mon temps… ». Et le pire, le plus honteux pour nous, c’est qu’elle aura raison : dans notre quotidien confortable, assisté, nous incitant à la débauche et à la fainéantise, ces pauvres erres doivent sincèrement s’interroger sur notre capacité à encaisser la moindre épreuve. Ils ont connu les tickets de rationnement, la famine, la peur, la guerre, les bombes, parfois même les horreurs des camps, et nous, jeunes cons, on se contente de hocher la tête avec l’air de dire « Oh ça va, on l’a déjà entendue, ta litanie sur Auschwitz ! ». Bordel, qu’on est cons parfois…

La nostalgie peut être criminelle quand celle-ci tente de freiner le progrès. La foutue phrase précédente (le sempiternel « de mon temps ») a cette caractéristique de vous les briser plus vite que le dernier chanteur à la mode crachotant son absence de voix dans le poste (qui n’est pas à galènes). « Et que je te lavais ça à la main », « On mettait une heure à pied pour aller au magasin », et ainsi de suite… Mais dites, les ancêtres, on a progressé ! La machine à laver, les lignes de bus, le confort de la climatisation, faut pas déconner, on ne va pas s’en passer sous prétexte que vous voyez ces choses comme l’œuvre du diable ! Non mais ! Et puis aussi hein, pourquoi je devrais me contenter de la radio en mono, quand je peux écouter la radio sur la toile, en stéréo, et même, luxe suprême, assister à des concerts virtuels avec mon PC. Mais j’oubliais que, ça aussi, c’est une œuvre du malin…

Mais dans le fond, je suis attendri par ces vioques, ces râleurs qui se plaignent, en vrac, des jeunes, du bruit, de la modernité, des programmes télévisés indigents, de la politique, de la retraite, de leur prostate, des voisins, de la mort d’un proche, de la solitude, de l’ingratitude de ce petit con de fils qui se fout complètement de leur santé… Et j’en passe. Après tout, nous ne sommes qu’une bande de jeunes cons, qui deviennent des cons « mûrs », pour finir en vieux cons, et ainsi va la vie. Me concernant, j’aime à penser qu’on me traitera de vieux con. Vous vous demandez certainement pourquoi : mais tout simplement parce qu’il s’agit là d’une flatterie ! Pour paraphraser un grand penseur : « Passer pour un con aux yeux d’un imbécile est un délice de fin gourmet ».

A bon entendeur, les vieux, je vous aime !

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