08 novembre 2010

Birmanie

Qu’est-ce que peut inspirer un pays tel que la Birmanie ? Que sait-on de cette nation ? Demandez aux gens autour de vous, et préparez vous à une mauvaise surprise… Entre ceux qui confondent la Birmanie avec la Thaïlande, et ceux qui ignorent même l’existence de ce pays, il y a de quoi frémir. Pourtant, c’est un état dictatorial sous contrôle militaire depuis un demi-siècle, où l’armée décide, régit, emprisonne, torture, et fait preuve d’une paranoïa dont seule la Corée Du Nord peut prétendre à faire pire. Et pourtant, personne n’en parle, personne ne semble s’offusquer qu’un tel état puisse encore exister de nos jours. Ah ça, pour mettre l’islam en avant, pour faire des nations à majorité musulmanes des ennemis du capital, il y a foule, mais pour parler des états sans importance stratégique et/ou économique, tout à coup les voix sont moins nombreuses.

Et puis, pourquoi se préoccuper des Birmans ? Ils n’apportent rien aux USA ou à l’Europe, la démocratie, c’est pour les riches, la trique c’est pour les pauvres, n’est-ce pas ? Autant le dire honnêtement, et même le revendiquer : on peut serrer la main des tortionnaires tant qu’on a un intérêt à les laisser au pouvoir. Et là, l’intérêt est très simple : aucun, pas d’intérêt majeur à libérer un peuple du joug des fusils et des uniformes. On se préoccupera d’eux quand la Birmanie pourra éventuellement justifier d’une ressource naturelle quelconque… Et encore, on trouvera le moyen de négocier avec la junte, car un despote est plus facile à mettre dans sa poche qu’une démocratie, car la démocratie n’est pas spécifiquement prompte à se vendre au plus offrant. Enfournez quelques millions dans la poche d’un monstre, et vous aurez un allié. Honte à nous de compter de la sorte, honte à nous de refuser d’être aussi fermes avec la Birmanie qu’avec l’Iran par exemple. Est-ce légitime de distinguer deux nations où la dictature sévit chaque jour ? Probablement que oui, si le sol regorge de pétrole, en tout cas c’est le discours sous-jacent de l’ONU.

On fait grand cas de la Chine, tant chez les argentiers du monde, que chez les « démocrates ». On parle aisément de la censure, des déportations, des conditions d’esclavage des ouvriers en Chine, parce que c’est une grosse cible, visible, où plus d’un milliard d’habitants comptent plus que quelques millions de Birmans. Evidemment, les états jouent alors l’ambiguïté : vendons leur une centrale nucléaire, quelques dizaines d’avions, mettons nous d’accord avec eux pour faire contrepoids face au dollar, tout en jouant la carte de la critique du bout des lèvres quand une révolte étudiante est réprimée par les blindés. Après tout, un associé économique, ça se flatte, ça se préserve, quitte à se départir de nos idéaux les plus fondamentaux. Comme quoi, la démocratie, comme je l’ai dit précédemment, on la réserve aux riches, et laissons aux dictatures le loisir de s’enrichir. Alors seulement, on tentera de leur vendre notre pseudo moralité de quatre sous, notre éthique de fond de chaussette. Lâcheté ? Pragmatisme cynique plutôt.

La Birmanie est supposée jouer son avenir sur des élections législatives. Petit vernis démocratique, des « partis » d’opposition sont, pour la première fois, autorisés à se présenter et à jour leur rôle de contre pouvoir. Parce qu’il y aurait donc des fous pour voter pour eux ? Quand un fusil vous accueille au bureau de vote, quand tous les médias, quand tous les affichages vous montrent « la bonne case à cocher », difficile de croire que cela se passera dans une atmosphère de liberté de choix. Soyons lucides : la junte joue ce jeu pour que les autres états acceptent de s’asseoir à une table de négociation économique, et rien d’autre. Tout le monde semble se moquer de la Birmanie, parce que cela ne représente aucun autre enjeu que celui de la liberté. La liberté est une valeur marchande, et nous sommes prêts à la solder pour quelques millions empochés lors d’une signature de contrat.

Depuis plusieurs années, des voix s’élèvent contre la dictature, des émissions illégales sont diffusées depuis la Thaïlande pour informer les Birmans de la réalité hors des frontières du pays. Des gens risquent au quotidien leurs vies pour aider le peuple à ne plus être soumis aux mensonges de l’armée en place. Ils sont des clandestins, ils filment, diffusent, se servent du net et des satellites pour que la Birmanie ne soit plus cette prison à ciel ouvert. Ils ont la détermination des résistants, ils ont la détermination des plus grands héros, et j’admire cette volonté inébranlable d’amener l’information au cœur de la dictature. Traqués, espionnés, ils finissent souvent en prison, voire pire encore, et pourtant, leur mouvement est de plus en plus suivi. Actuellement diffusée par émission satellite, les gens se regroupent discrètement pour avoir le journal, le VRAI journal, celui libre, sans censure. La junte, en réaction, a réduit le droit d’acheter des paraboles. Peine perdue, les Birmans s’endettent et achètent en fraude ces équipements. Il y aussi le net, jusqu’au jour où la junte le rendra illégal. Qu’importe, ils se battront avec leurs moyens, ils continueront à agir comme nous devrions le faire. Résister, c’est vivre libre.

Je les admire, je salue ces vrais journalistes, ceux qui veulent de l’information libre, qui véhiculent des idées de progrès politique et social, qui refusent d’être les vassaux d’états infâmes, qui refusent de faire fléchir la plume. La technologie leur offre aujourd’hui une possibilité de parasiter l’état Birman, qu’ils continuent, qu’ils soient salués dans toute l’ampleur de leur courage et de leur tâche. L’avenir de la Birmanie se joue non dans les urnes qui sont prisonnières des militaires, mais dans les ondes, qu’elles soient issues d’un satellite ou d’un PC portable. Je vous salue, authentiques journalistes, authentiques résistants qui agissent sans poser de bombes, qui veulent le progrès, le seul acceptable : celui d’arriver un jour à la liberté pour tous.

La Birmanie, sur Wikipedia
La voix démocratique de la Birmanie : le site officiel
Les élections en Birmanie, sur lepoint.Fr

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