01 avril 2010

La mort des médias

A une époque où le capitalisme fait régner la terreur dans les rédactions, et fait en sorte de maîtriser, voire museler les velléités d’information libre et honnête, il est difficile de concevoir qu’un média de grande diffusion puisse survivre sans les subsides du capital tout puissant. Entre les réalités économiques de la production, et les fantasmes de plume libre, l’équilibre n’existe guère, si ce n’est que pour fustiger le parti d’en face, celui qui ne correspond pas à la ligne éditoriale. Pire, on peut même pratiquer la méthode la plus efficace, mais aussi la plus malhonnête, qui consiste à cirer les pompes du parti en place. Rien de bien étonnant, mais certainement tout ce qu’il y a de plus malsain et puant.

C’est en me souvenant des dessins animés de mon enfance que j’ai songé à la question. Comment faire le rapprochement entre Candy, Albator et consoeurs, et la liberté d’expression des médias ? Tout simplement avec le cas de la chaîne la cinq. Loin d’être un modèle d’indépendance financière (puisque initiée par Berlusconi, puis reprise par Lagardère avant son naufrage total), la cinq représenta, pendant quelques années, une nouvelle façon d’aborder la télévision : plus percutante dans l’information, plus de séries américaines, plus de spectaculaire, la cinq représente l’embryon de la télévision d’aujourd’hui… avec ses qualités et ses travers. Alors, malgré cette différence notable, la chaîne n’a pas survécu à son propre endettement, et a fini par cesser d’émettre à tout jamais. Trop d’indépendance ? Trop novatrice ? Difficile de croire qu’il n’y a que le côté anticonformiste qui ait coûté à la chaîne, mais tout de même, n’est-elle pas le symptôme d’une société qui se préoccupe plus d’image que de fond ?

Dans le même ordre d’idée, le journal France-soir, véritable symbole du journal poussé sous le coude de l’ouvrier, a été récemment repris par un milliardaire Russe. L’idée ? Faire en France un journal à l’anglaise, donc moins cher, plus tabloïd avec des articles people, mais avec en contrepartie une perte éditoriale flagrante. Cela donne quoi ? Un naufrage : 500.000 journaux sortis des rotatives, à peine 20.000 de vendus ! Comme tout journal imprimé doit être payé, c’est le journal en entier qui est menacé par la désaffection du public français. Que penser de cela ? Que le Français moyen ne lit plus de journaux ? C’est avant tout que le modèle « journal vide, mais pas cher » ne plaît pas vraiment. A tout choisir, autant prendre un journal gratuit si c’est pour avoir la même qualité d’information. Les lecteurs des journaux cherchent un fond, pas uniquement une forme… Et cela pourrait, à terme, également coûter la vie à France-soir. Qu’on parle de concurrence des médias numériques, de la télévision, je le conçois, mais ces journaux jouent sur un autre terrain : celui d’une plume, celui d’informer en profondeur, d’approfondir la réflexion… Pas de faire de la brève de comptoir comme le font les Yahoo actualités et consoeurs.

D’autres exemples sont flagrants : les années 80 furent le paradis des radios libres, ou pirates pour beaucoup. Ouverture de nouveaux canaux FM, émissions plus ou moins produites sur le tas, apparition de médias au ton plus « jeune », voire décalé, des radios permirent de se libérer des carcans de la radio classique, quitte à passer pour des stations fonctionnant uniquement sur la provocation. Ainsi, c’est toute une jeunesse qui put écouter l’expression de leurs goûts musicaux totalement absents des grands groupes, découvrir la communication avec les radios à travers les antennes libres, puis enfin c’est avant tout l’idée qu’une radio pouvait être indépendante et libre vis-à-vis des réseaux trop bien établis. Seulement, pour survivre, il faut des financements… et donc s’abaisser à diffuser de la publicité, à caresser dans le sens du poil les entreprises qui détiennent tant la pub que les produits (voire le pouvoir, par le truchement des jeux d’influences dans les gouvernements). Ces radios ont donc subis le même sort que la cinq : pas assez formatés, pas assez classiques, trop décalés, toutes ces radios finirent soit par fusionner dans des groupes plus puissamment armés pour jouer la concurrence, soit elles cessèrent d’émettre, fermées par la saisie du matériel d’émission, au grand dam des fans en France.

Que penser des médias ? Qu’ils sont tributaires de l’économie, mais aussi de la politique. La Cinq, par exemple, aurait pu être sauvée par Berlusconi qui envisageait d’allonger l’argent nécessaire à son sauvetage… mais on ne touche pas aux sociétés Françaises, surtout quand on est un magna de la télévision en Italie. Nombre de radios auraient pu survivre, voire prospérer, si les gouvernants avaient faits preuve de moins d’acharnement à les fermer à cause de leur politique d’émission. France-soir pourrait bien sombrer, pour avoir sacrifié son identité sur l’autel de l’économie de marché. On peut évidemment accuser la concurrence déloyale d’internet, prétendre que le modèle papier, ou la télévision sont devenus désuets. Moi, je prétends ouvertement que c’est le nivellement par le bas de la qualité qui maintient les plus mauvais en place ! Qu’on n’aille pas me dire qu’il soit qualitativement acceptable de voir des émissions s’appuyant sur le voyeurisme, de tomber sur des pages entières de ragots et autres potins mondains, ou encore d’écouter des émissions pseudo provocatrices, alors qu’elles sont juste un peu irrévérencieuse. Le politiquement correct est de rigueur, les excuses d’un grand patron de presse aux politiques pour les propos d’un présentateur ayant « dépassé les bornes », est-ce acceptable ? Nous devons, et en urgence, nous poser des questions fondamentales sur la survivance des médias, et sur l’hyper concentration de ceux-ci au sein de groupes financiers tels que Lagardère ou Berlusconi.

Comment rêver d’une information ou d’un divertissement de qualité, si tous les médias sont détenus par les mêmes groupes, qui savent que produire de la merde en masse fait qu’elle finit toujours par se vendre ? Je n’ai pas de solution simple à proposer, mais je vous propose ouvertement de recenser, pour vous-même, et vos proches, les chaînes, les journaux, et les stations de radio, et de leur affecter de véritables notes pour définir si, oui ou non, elles sont de qualité ! N’hésitez pas à me remonter, par les commentaires, vos favoris (ou vos détestés), de sorte à ce que je puisse éventuellement produire un classement.

1 commentaire:

Thoraval a dit…

Pour la Cinq, ajoute quand même qu'un certain "Jaqueuelangue", malgré de vives protestations devant les caméras, a sabordé cette chaîne pour le lancement de Arte, puisque le canal de la Cinq était le seul qui pouvait être exploité pour cela. Comme quoi, il n'y a pas que le Capital qui soit nocif pour la Culture...
Pour le reste et le nivellement par le bas, je suis plus que d'accord.