05 septembre 2007

Voir et être (trop) vu

Comme tout bon homme politique qui se doit, la visibilité médiatique est devenue en l’espace de quelques décennies une obligation dépassant largement le cadre des fonctions officielles occupées. Qu’on regarde un président ou un secrétaire quelconque, il faut bien présenter, être propre sur soi et surtout savoir rendre le discours si obscur qu’un linguistique y perdrait ses notions de latin. Tout le jeu est donc d’être médiatique plus que politique. Après tout, c’est le peuple qui élit ces hommes et ces femmes, donc il a droit de savoir… mais savoir quoi finalement ?

La démocratie a souvent les oreilles qui sifflent et le regard mauvais quand elle écoute que, malgré elle, des personnages infâmes se prêtent au jeu des débats et se servent du son et de l’image à des fins peu louables. Depuis la fin du conflit mondial, et surtout depuis le dictateur pardon président De Gaulle, il y a une utilisation plus que douteuse de la télévision. Doit-on s’affirmer ou bien affirmer des choses ? Les dernières présidentielles m’ont semblées bien fades vu que les rares élocutions publiques se sont révélées être souvent inutiles voire imbéciles. Le drame c’est que c’est l’homme de la rue qui regarde, et que ses yeux se gavent facilement d’inepties et de non sens. Franchement, qu’est-ce qui a coûté l’élection à madame Royal ? Ses revirements maladroits ? Je crois que c’est surtout son image malhabile de femme ne maîtrisant pas les subtilités du débat plus qu’autre chose. Dans le fond, on ne demande plus d’être compétent, on demande de jouer les représentants. Lamentable.

De ce désastre on ne tire pas les conclusions qui s’imposent : la politique n’est pas faite pour être alignée dans la presse « d’investigation » (c’est comme ça qu’ils osent s’appeler eux-mêmes !), elle sert avant tout à faire avancer cette machinerie complexe qu’est l’Etat, au service de la Nation. Franchement, quoi que de plus ridicule que d’apprendre qu’un tel est cocu, qu’une autre n’est pas foutue de gérer son couple et que le dernier a lui aussi de quoi devoir balayer devant sa porte ? Mais on s’en fout bordel ! C’est hallucinant qu’on en arrive à les voir plus que n’importe quelle star du petit ou du grand écran ! Il y a là un non sens qui m’énerve au plus haut point : agissez, ne jouez pas de la représentation. A titre d’analogie, je ne comprends toujours pas ce besoin de notre président de s’afficher partout où cela est possible… les préceptes de la cour de Louis XIV ont disparus lors de la révolution française. Alors merci, mais on a eu notre soupée de l’image, à l’action ! D’ailleurs c’est pour ça que les français ont votés et élus monsieur Sarkozy, pour agir…

Je deviens irritable dès qu’on aborde le terrain médiatique car il est d’une certaine manière le reflet intime d’une société qui n’a plus de vrais repères. Des flics en veux-tu en voilà, des émissions chocs qui présentent sans cesse des scènes d’arrestation … tournées aux USA, et tout cela noyé au milieu de programmes formatés pour des décérébrés. Qualité ? Quelle qualité ? Je me demande comment une personne peu futée perçoit les politiques, surtout quand ils sont coincés entre une émission débile et une série américaine. Par pitié, faites un effort, ne venez pas jouer les stars sur les plateaux, et reprenez donc le sens de vos fonctions. Vos rôles à tous, opposition comme élus, c’est de respecter et faire respecter les lois que vous devez protéger. Gardiens de la démocratie, aujourd’hui vous devenez gardiens de l’audimat.

Là où l’on touche le fond c’est dans l’acharnement des journaux à vouloir savoir à tout prix, au risque de ne rien savoir et de créer de toutes pièces des informations. Depuis que madame Sarkozy est revenue de Libye, on cherche par tous les moyens possibles à en savoir plus, on va jusqu'à créer une commission parlementaire pour « étudier ce qui s’est passé ». Une vantardise du fils du dictateur Libyen et c’est tout l’appareil d’état qui joue les donzelles affolées de film de série Z. Mais bon sang, je ne vois pas l’intérêt ! C’est d’une hypocrisie sans nom ! Les marchés d’armement sont toujours visés par les services de l’état, et qu’on n’aille pas me raconter que c’est possible d’acheter français sans l’aval d’un ministère. Si vous voulez l’interroger… faites le discrètement, ce serait dommage qu’elle lâche une information gênante à un journal en mal de sensationnel.

Pour en revenir au thème principal, nous savons tous qu’au fond qu’à force de trop voir on ne s’intéresse plus vraiment. Voyez comment l’on considère le monde, comme lointain, et déjà trop proche puisque dans le poste. On se fout de la comptabilité des morts, on ne sait même pas localiser un pays en guerre, et tout ça parce qu’on les martèle sans expliquer quoi que ce soit d’utile. Qui peut m’expliquer le Darfour ? Qui connaît les tenants et aboutissants des conflits africains ? Personne, ça ne compte plus c’est déjà trop vu. Nos politiques commencent déjà à souffrir de ce phénomène car la parole à force d’être trop donnée perd de sa valeur.

Agissez monsieur le président, ou bien vous allez découvrir qu’un média ce n’est pas qu’un flatteur avec un microphone, ça peut être aussi un assassin qui poignarde dans le dos. A ce titre demandez à vos prédécesseurs (monsieur D’estaing en tête)… ils vous feront un petit résumé circonstancié sur ce qu’un journal peut avoir comme pouvoir sur l’opinion publique.

A bon entendeur…

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