06 septembre 2007

Photographie

J’ai oui dire qu’il serait de bon ton, surtout après plus d’une année d’existence, d’exhiber ma couenne sur mes pages de manière à attirer le chaland et obtenir ainsi une popularité non méritée. N’étant pas par nature adorateur de ma propre image, je me suis posé la question de savoir quel intérêt vous pourriez, vous lecteurs, trouver à jeter un œil lubrique sur mes formes indisciplinées. Mes réflexions ne m’ont menées qu’à un vague cul de sac, le genre d’endroit moite et sombre où l’on ne trouve que déviances, hésitations et mépris moquer pour autrui. Hélas, décevant par cette occasion unique de me mettre en avant les espoirs saugrenus de fanatiques prêts au Djihad à un seul de mes commandements, je ne vous offrirai donc pas ma trogne en pâture, et puis le reste appartient déjà à quelqu’un.

Bref, point de clichés, pas de vidéo, rien qui puisse vous mettre en bouche le goût particulier du voyeurisme banalisé par internet. J’imagine les larmes douloureuses de cette horde scandant mon nom (ou, ici, mon pseudonyme de lâche agitateur incapable d’assumer son identité), ces femmes déchirant leurs vêtements de tristesse… je m’emporte un rien non ? En fait de foule, vous êtes tout de même huit, en moyenne, à venir chaque jour observer mes élucubrations parfois caustiques, souvent illisibles - soit dit en passant, je reconnais un goût immodéré pour la périphrase absconse - mais qui ont le mérite d’être honnêtes. C’est déjà une victoire d’avoir huit lecteurs, c’est d’autant plus flatteur que je n’en connais qu’une seule qui soit de mon entourage. Bref, à défaut d’avoir offert mon profil je vous offre ma plume.

C’est à ce moment précis de l’écriture que je suis allé voir par curiosité malsaine à quel point les gens aiment à se montrer. Scrutant mes alter peu égaux, j’ai été soudain pris d’un fou rire moqueur et cynique, le genre de rire que l’on a quand on voit quelqu’un se casser une jambe ou lorsqu’on regarde un accident de voiture mis en musique par vidéo gag. Tous, je dis bien tous vouent un culte à l’image, tous s’alourdissent de l’exhibition pathétique de traits mal photographiés, de positions invraisemblables, le tout bariolé par des plumes maladroites et même stupides. J’ai toujours eu un fond méchant je crois, mais là, sincèrement, faites vous violence et n’allez aligner que des clichés qui en vaillent la peine ! C’est quoi ce besoin de poser une photo de vous, là comme un panzer dans une cour de maternelle ? Quelle reconnaissance offre Internet ? Celle d’une popularité vaine et temporaire ? Montrez vous sous votre meilleur jour en ayant pris le temps de montrer que vous avez du cœur, de l’esprit et même de l’imagination.

Certains s’essayent au dessin avec plus ou moins de bonheur, d’autres à la peinture, à la couture, ou toute autre passion produisant quelque chose de concret. Bien souvent les auteurs se trouvent vite submergés de propos intolérants et insultants, sous prétexte que la personne n’a pas le talent d’un Rembrandt ou de Gucci. Dites, les grandes gueules, une fois le fusain en main, je demande à voir le résultat ! Là, même si le français me fait grincer les prothèses dentaires, je redeviens pacifique et patient car il y a une certaine détermination à vouloir s’améliorer et s’offrir ce que peu de galeries offrent aux inconnus : une tribune gratuite.

Le talent est un don, le progrès un travail. Pour ma part je n’ai guère eu à faire progresser mes doigts, ceux-ci sachant faire preuve d’efficacité grâce à mon emploi. En revanche, ma plume elle s’est exercée grâce à ce lieu que vous, lecteurs, venez visiter de temps en temps. C’est donc avec une certaine bienveillance que je regarde les autres qui en font autant. Par contre, je reste convaincu que le manque d’imagination ne se compense pas par la noyade du lecteur de passage à l’aide de photographies tragicomiques où se mélange pêle-mêle le mauvais goût, les attitudes racoleuses ou insultantes, et ce fond d’exhibitionnisme lattent qui semble être une coutume chez les auteurs de blogs.

Fut un temps on prenait la photographie pour un démon capable d’aspirer l’âme et de la fixer sur le papier glacé. Aujourd’hui, à défaut d’âme on fixe donc la bêtise sur les écrans d’innocents condamnés à voir ce qui ne les interpelle finalement pas du tout. On fait l’effort de venir et voilà qu’on est cerné par ces images du quotidien dont on se passerait bien.

Après tout, la plume et l’image doivent servir à faire rêver, à révéler l’étrange ou le dramatique… pas à vous rappeler à quel point la vie peut être morne. Le sourire, chose si belle, ne devient-il pas pathétique quand il est entouré de la grisaille ?

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