06 septembre 2007

Le choc d’une lame.

Ce qui est terrible avec l’Histoire c’est qu’elle trouve toujours le moyen de mettre à bas vos convictions et, peu à peu, de vous convaincre que certains actes décrits comme infâmes s’avèrent être nécessaires dans la situation donnée. A l’instar d’un enfant découvrant à ses dépends que l’électricité est dangereuse, j’ai mis depuis des années les doigts dans la prise de la littérature historique, mélangeant à loisir les époques et les auteurs, simplement pour y découvrir des clés de notre présent. Ecoeurant constat : nous n’avons pas fait le moindre progrès, bien au contraire…

En regardant ce soir mon bureau, je me rends compte avec effroi que mes lectures ont de cous pétrifier n’importe quel observateur qui, par excès de zèle, viendra tôt ou tard me demander fermement de changer de lectures. En effet, là, sur le coin en haut à droite se sont amoncelés « La nuit des longs couteaux » de Max Gallo, « Le prince » de Machiavel, et ma lecture actuelle « Les luttes de classes en France » de Karl Marx… à part ça oui je lis des romans… inutile de hurler au loup fascisant ! Ces ouvrages, d’esprits et de thèmes différents ont pourtant un point commun à mes yeux, celui d’exprimer précisément ce que représente réellement l’exercice du pouvoir et les conséquences que cela peut avoir sur les personnes. C’est bien là que je me trouve infâme, car une fois pris dans le cours de l’Histoire, je me laisse aller à me substituer aux « grands » personnages, puis de tenter la difficile réflexion de savoir ce que moi, pauvre idiot, j’aurais fait à leur place. Franchement… j’en tremble encore.

On n’a de cesse de répéter que ce sont les vainqueurs qui écrivent l’histoire : c’est d’autant plus vrai quand ces victoires se font dans le sang ou par les urnes, ou les deux à la fois. Prenons les différents titres que je viens d’égrainer : le premier explique un acte terrible de la prise du pouvoir par les nazis en Allemagne, le second est un guide à l’intention des puissants pour qu’ils gardent ce même pouvoir, le dernier est l’analyse d’évènements révolutionnaires par un communiste convaincu. Dans les trois cas, c’est un jeu d’influences, d’hommes et de femmes, d’opinions opposées et finalement de peuples qui subissent plus qu’ils ne décident. « Si l’on doit sacrifier, il faut oser le faire entièrement » aurait pu dire n’importe quel de ces trois livres. Dans le premier ce fut fait par Hitler en mettant au pilori la SA, dans le second Machiavel expliqua clairement comment se débarrasser de la concurrence, quitte à y laisser son âme, et le dernier n’a jamais fait état du moindre scrupule à affirmer que la révolte armée est la seule efficace…

Je me suis fait peur en finissant finalement « La nuit des longs couteaux ». Pas à pas j’ai découvert des précisions qu’on s’est bien gardés de présenter, car dans l’absolu ce serait alors rendre visage humain au monstre attitré du XXème siècle, Adolf Hitler. Tergiversations, doutes et machinations de l’entourage, l’ambition dévorante a été la seule maîtresse de tous ces hommes qui ont accepté la mort de vrais camarades sincères, le tout pour une image de stabilité. Là, des frissons ont saisie ma nuque, car l’espace d’une seconde je me suis retrouvé à penser à la place du guide Allemand… horreur ! Tuer un ami, celui qui a tout fait pour me mettre sur mon trône ? Le faire exécuter et passer pour un traître ? L’était-il finalement, était-il vraiment un traître ou lui a-t-on collé des idées qu’il n’a jamais eues ? Terrifiantes réflexions qui me font mieux comprendre cette fonction de dirigeant et ce que ça peut représenter comme doutes et remords parfois tardifs.

Même les pires des dictateurs cherchent toujours à se faire une cour de flatteurs et de personnes capables, ceci de manière à pouvoir guider l’Etat selon leurs convenances. Bien entendu on peut aussi supposer que ces mêmes proches étaient tous pétris de désirs de pouvoir personnel et d’influences sur le despote, mais après tout… le despote est seul dans la décision final, car en tant que guide, il a le pouvoir de tout balayer ou de tout arrêter… Non. Je n’ai vraiment pas l’âme un de ces meneurs de foules, de ces orateurs exaltés qui ont su en quelques mots mettre à mort des millions de personnes au nom d’une idéologie…

Et puis je n’arrive pas à défiler le bras tendu, ça me fait mal au dos.

Aucun commentaire: