A toi qui retournes à la terre
Certains ont fêtés noël. Certains ont profités de ce moment pour retrouver la famille, de voir les proches, de sourire, de partager un repas, de s'offrir des présents, et de savourer ceux qui sont encore là.
D'autres, comme moi, ont versés des larmes au moment de noël. D'autres, comme moi, ont eu le choc de voir quelqu'un partir à tout jamais. Et pourtant, c'est la veille de noël, le 24 au matin, c'est le moment où l'on songe plus aux cadeaux et à la dinde, qu'à la maladie et aux gens qui souffrent. Mais c'est ce matin du 24 Décembre 2013, toi, mon oncle, toi Joseph, frère de ma mère, né le 19 Février 1966, que tu es parti à tout jamais rejoindre ceux qui nous ont déjà quittés.
Te décrire, ce serait tenter de mettre par les mots ce que sont les sentiments eux-mêmes. Que dire de toi? Que tu as été un homme droit, honnête, sincère, simple? Que tu as toujours été fier de ce que tu as été, de ce que tu as fait? Que tu es parti comme tu as vécu, difficilement, mais fièrement sans jamais baisser les bras? Ce ne sont que des mots, des illusions, des idées, rien qui soit suffisamment fort pour tout dire. J'ai à présent l'éternité pour songer à chaque anecdote, à chaque petit rien qui aujourd'hui devient si important. Parti trop jeune, épuisé par le cancer, par le petit crabe qui a dévoré ta vie pendant presque deux ans, tu es resté fidèle à l'idée que je me suis toujours fait de toi: tu as toujours été un Homme.
C'est en le regardant, en l'écoutant, que j'ai appris énormément de choses sur ce qu'est le courage et la dignité. Il faut avoir côtoyé des anciens combattants pour saisir la profondeur des silences de ces gens, il faut les avoir écoutés pour pouvoir dire "je crois comprendre". Volontaire de la première heure pendant la guerre d'indépendance de Croatie, il a, comme on dit, "crapahuté dans les pires merdiers". Ce que je sais? Si peu, car lui ne fut jamais vraiment prolixe à ce propos, si ce n'est que lorsqu'il y avait un verre de trop au fond du gosier, et que l'anecdote se révélait drôle et posée au bon moment. S'est-il plaint d'avoir vu les horreurs de la guerre? Jamais. Jamais il n'a dit un mot sur l'atrocité de devoir tuer, de voir des civils massacrés pour une différence d'ethnie ou de religion. Jamais il n'a fait le moindre commentaire sur l'ennemi, si ce n'est qu'ils tenaient, eux aussi, un fusil entre leurs mains. Qu'a-t-il fait sur le champ de bataille? Je n'en sais rien, et je crois que cela n'a pas tant d'importance que cela. Il a été volontaire, "dobrovoljac" comme on dit chez nous. Ce mot a un sens tout particulier, parce qu'il cumule la volonté de s'engager, mais également la fierté d'avoir cette détermination. "Ponos", fierté, courage... au point de ne pas quémander une aide quelconque de l'armée au moment où, justement, cela aurait peut-être pu lui être utile pour vivre. C'est ainsi: on aime sa patrie, on ne se bat pas pour en profiter. Ainsi fut-il, ainsi il est parti, sans rien réclamer à qui que ce soit.
Le 27 à 14 heures, les gens se sont réunis autour de son cercueil. Il y a eu foule ce jour là, dans ce petit cimetière de village, en haut d'une petite colline, là où sont déjà mes grands-parents. Dans toute la vallée, on a pu entendre les cloches sonner le glas. Partout dans la vallée, on a pu savoir qu'il rejoignait sa dernière demeure. Partout dans la vallée, on a eu le respect de se décoiffer pour saluer un homme à qui l'on rend les derniers hommages. Des soldats se sont alignés dans une allée, fusil à l'épaule. Ils avaient tous le visage fermé, triste, comme s'ils portaient le deuil pour la nation reconnaissante. Un ancien camarade de combat a dit quelques mots, et ses phrases vibrèrent d'un trémolo profond, digne mais plein de larmes étouffées. Chacun versa ses larmes, chacun put pleurer mon oncle, et moi aussi, j'ai versé les miennes. J'ai entendu le clairon résonner, d'abord avec l'hymne, puis enfin avec la sonnerie aux morts. On a descendu la boite au fond de la fosse, on y a jeté une fleur pour chaque personne pensant à lui. Ma mère y a jeté une fleur pour chacun de nous, pour mes neveux, pour mon frère, pour notre famille ayant perdu un être cher. Lentement, la procession a défilé pour nous serrer la main. Lentement, les gens se sont éparpillés, l'oeil humide et le coeur lourd.
Ce jour là, j'ai vu ce que c'était que d'enterre un homme considéré par beaucoup comme un héros. Il était plus que cela, il était mon oncle, un Homme, dans toute la force et la faiblesse que cela peut être. Il a vécu, il est parti, mais il n'est plus là que par le physique. Pour nous tous, il sera toujours présent, et jamais je n'oublierai ce grand bonhomme robuste, un rien ermite, gentil, généreux et fier.
A ta mémoire Joseph.
On t'aimera toujours
Ton neveu
D'autres, comme moi, ont versés des larmes au moment de noël. D'autres, comme moi, ont eu le choc de voir quelqu'un partir à tout jamais. Et pourtant, c'est la veille de noël, le 24 au matin, c'est le moment où l'on songe plus aux cadeaux et à la dinde, qu'à la maladie et aux gens qui souffrent. Mais c'est ce matin du 24 Décembre 2013, toi, mon oncle, toi Joseph, frère de ma mère, né le 19 Février 1966, que tu es parti à tout jamais rejoindre ceux qui nous ont déjà quittés.
Te décrire, ce serait tenter de mettre par les mots ce que sont les sentiments eux-mêmes. Que dire de toi? Que tu as été un homme droit, honnête, sincère, simple? Que tu as toujours été fier de ce que tu as été, de ce que tu as fait? Que tu es parti comme tu as vécu, difficilement, mais fièrement sans jamais baisser les bras? Ce ne sont que des mots, des illusions, des idées, rien qui soit suffisamment fort pour tout dire. J'ai à présent l'éternité pour songer à chaque anecdote, à chaque petit rien qui aujourd'hui devient si important. Parti trop jeune, épuisé par le cancer, par le petit crabe qui a dévoré ta vie pendant presque deux ans, tu es resté fidèle à l'idée que je me suis toujours fait de toi: tu as toujours été un Homme.
C'est en le regardant, en l'écoutant, que j'ai appris énormément de choses sur ce qu'est le courage et la dignité. Il faut avoir côtoyé des anciens combattants pour saisir la profondeur des silences de ces gens, il faut les avoir écoutés pour pouvoir dire "je crois comprendre". Volontaire de la première heure pendant la guerre d'indépendance de Croatie, il a, comme on dit, "crapahuté dans les pires merdiers". Ce que je sais? Si peu, car lui ne fut jamais vraiment prolixe à ce propos, si ce n'est que lorsqu'il y avait un verre de trop au fond du gosier, et que l'anecdote se révélait drôle et posée au bon moment. S'est-il plaint d'avoir vu les horreurs de la guerre? Jamais. Jamais il n'a dit un mot sur l'atrocité de devoir tuer, de voir des civils massacrés pour une différence d'ethnie ou de religion. Jamais il n'a fait le moindre commentaire sur l'ennemi, si ce n'est qu'ils tenaient, eux aussi, un fusil entre leurs mains. Qu'a-t-il fait sur le champ de bataille? Je n'en sais rien, et je crois que cela n'a pas tant d'importance que cela. Il a été volontaire, "dobrovoljac" comme on dit chez nous. Ce mot a un sens tout particulier, parce qu'il cumule la volonté de s'engager, mais également la fierté d'avoir cette détermination. "Ponos", fierté, courage... au point de ne pas quémander une aide quelconque de l'armée au moment où, justement, cela aurait peut-être pu lui être utile pour vivre. C'est ainsi: on aime sa patrie, on ne se bat pas pour en profiter. Ainsi fut-il, ainsi il est parti, sans rien réclamer à qui que ce soit.
Le 27 à 14 heures, les gens se sont réunis autour de son cercueil. Il y a eu foule ce jour là, dans ce petit cimetière de village, en haut d'une petite colline, là où sont déjà mes grands-parents. Dans toute la vallée, on a pu entendre les cloches sonner le glas. Partout dans la vallée, on a pu savoir qu'il rejoignait sa dernière demeure. Partout dans la vallée, on a eu le respect de se décoiffer pour saluer un homme à qui l'on rend les derniers hommages. Des soldats se sont alignés dans une allée, fusil à l'épaule. Ils avaient tous le visage fermé, triste, comme s'ils portaient le deuil pour la nation reconnaissante. Un ancien camarade de combat a dit quelques mots, et ses phrases vibrèrent d'un trémolo profond, digne mais plein de larmes étouffées. Chacun versa ses larmes, chacun put pleurer mon oncle, et moi aussi, j'ai versé les miennes. J'ai entendu le clairon résonner, d'abord avec l'hymne, puis enfin avec la sonnerie aux morts. On a descendu la boite au fond de la fosse, on y a jeté une fleur pour chaque personne pensant à lui. Ma mère y a jeté une fleur pour chacun de nous, pour mes neveux, pour mon frère, pour notre famille ayant perdu un être cher. Lentement, la procession a défilé pour nous serrer la main. Lentement, les gens se sont éparpillés, l'oeil humide et le coeur lourd.
Ce jour là, j'ai vu ce que c'était que d'enterre un homme considéré par beaucoup comme un héros. Il était plus que cela, il était mon oncle, un Homme, dans toute la force et la faiblesse que cela peut être. Il a vécu, il est parti, mais il n'est plus là que par le physique. Pour nous tous, il sera toujours présent, et jamais je n'oublierai ce grand bonhomme robuste, un rien ermite, gentil, généreux et fier.
A ta mémoire Joseph.
On t'aimera toujours
Ton neveu
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