23 octobre 2013

Le fascisme

C'est suite à la lecture d'un message de JeromeJ que je me permets de réagir, ainsi que de réfléchir sur un sujet fort intéressant mais ô combien délicat, à savoir le fascisme. En effet, aujourd'hui, ce terme est fortement dévoyé, utilisé à tort et à travers, d'autant plus dans un monde où la culture et la connaissance semblent devenir de véritables tares, plus que des outils indispensables à la compréhension du quotidien. De fait, je me suis dit "allons réfléchir sur ce qu'est le fascisme, sur le risque qu'il représente, quitte à emmerder celles et ceux qui abusent de cette étiquette"... Car oui, j'aime bien faire transpirer et râler celles et ceux qui se prennent pour des moralisateurs, ces maudits donneurs de leçons vous classant sans frémir dans la mauvaise boîte, et qui n'ont pas même la politesse de s'excuser quand ils se trompent.

Le Shaarli de JeromeJ

Bon, plutôt que de vilipender l'abruti fasciste d'en face, interrogeons nous sur les racines du fascisme. Inutile de dire que le premier qui lève la main dans la classe et qui m'associe fascisme et racisme, je lui jette une brique, non un parpaing plein plutôt, et je l'achève à coups de bèches dans le crâne. Non, le fascisme n'est pas une théorie xénophobe, pas plus que le totalitarisme impose forcément l'usage de l'extermination d'autrui pour se mettre en place. Le fascisme a ses racines dans l'Italie de Mussolini, pas dans le bourbier idéologique qu'est le nazisme! Ne mélangeons pas tout pour commencer!
Une fois la mise au point faite, reprenons donc le "fascisme". Qui se dit fasciste, ou bien entendu antifasciste? Comme l'on utilise à toutes les sauces ce condiment confortable, il est essentiel de prendre du recul, et surtout de bien déterminer si le terme est réellement approprié. Alors, personnellement, j'aurais tendance à distinguer ceux qui ne veulent pas d'un régime autoritaire, ceux qui fantasment encore sur la capacité d'une dictature à corriger tous les maux de la société, et les derniers, les pires selon moi, qui usent et abusent du terme pour vous sanctionner quand vous êtes en désaccord avec eux. Regardons les tour à tout, et voyez donc où vous placez!

Tout d'abord, prenons le pire, le plus malsain, en bref celui qui est aujourd'hui mis au ban de la société: le fasciste pure souche, l'antidémocrate primaire qui rêve de revoir les soldats défiler au pas de l'oie, celui qui aime à avoir le bras tendu, donc en gros le "vrai", le convaincu. Celui-là, il est effectivement difficile de ne pas le repérer au milieu de la foule, tant il use et abuse des codes dont il ne maîtrise bien souvent pas même la signification. C'est si simple et confortable de croire que l'autorité peut tout régler! Comprenez les, ces pauvres hères qui se raccrochent à la première promesse: quand on vous dit "L'état suprême résoudra tout, depuis le chômage, jusqu'à l'immigration, en passant par les impôts", difficile de ne pas être séduit. La preuve en est, ces thèses récoltent encore des suffrages, ceci surtout en temps de crise. La Grèce en souffre, et m'est avis qu'il serait très aisé que d'autres pays reprennent le chemin d'une dureté politique... Reste à voir dans quelle mesure la France pourrait être touchée. Ceci dit, c'est plus simple de gérer des gens qui se revendiquent clairement fascistes, cela évite de se tromper au moment de l'étiquetage idéologique.

Maintenant, à l'autre bout du spectre, nous avons la nuée de gens qui ont la conviction revendiquée que le fascisme est une chose monstrueuse, qu'il faut garder la démocratie vivante et efficace... etc etc. Fort bien, ceux là, même si beaucoup sont candides voire même totalement naïfs, difficile de leur tirer dessus, car ils apportent quand même l'idée qu'on peut tout à fait croire à un progrès tant moral que social, et que la réponse ne vient pas uniquement du côté de celui qui tient la trique. Dans ces conditions, et même si cela me démange - car il faut être honnête, cogner sur un bisounours est aussi drôle que de le faire sur un salopard se revendiquant comme tel-, contentons nous de dire que cette catégorie "antifasciste" existe.

Mais n'allez pas croire qu'elle soit la majorité! Hé non: les vrais antifascistes ne sont pas si nombreux, ils participent à une construction du débat, en tentant d'amener des solutions autres que celles liées à une rigueur policière et à un état autoritaire. Ceux qui se disent antifascistes ne sont pas ceux qui le sont réellement, hélas. Là, nous naviguons dans la troisième catégorie, la plus nombreuse, la plus virulente, et surtout la plus malsaine. Pour moi, ces gens sont eux-mêmes des criminels moraux en puissance, car sous prétexte de défendre certaines idées (si belles qu'elles soient), la contradiction sera systématiquement sanctionnée par l'appellation confortable de "fasciste". Tu parles immigration? Tu es fasciste; Tu parles de périodes historiques délicates? Tu es fasciste; Tu ne vas dans le sens des moutons? Tu es fasciste.
Fasciste par ci, fasciste par là... Dites un peu, si un parti arrive légitimement au pouvoir, peut-il être taxé de fasciste s'il met en oeuvre des lois liberticides? Est-il fascisant de parler économie quand il s'agit de réfléchir aux dépenses liées au système social? Est-on un fasciste quand on estime qu'un parti, si malodorant qu'il fusse, a sa place à l'assemblée s'il est réellement représentatif des électeurs?

Interrogeons nous tous: nous sommes tous capables d'un fascisme, mais pas un fascisme revendiqué, non, un fascisme intellectuel où l'on jettera à la gueule de l'autre qu'il est fasciste, ceci uniquement pour couper court à toute discussion construite. C'est comme ça, le vrai fascisme: imposez le silence à vos détracteurs, en ayant en plus le drapé de la justice sur soi. Mussolini, maître des fascistes, utilisait souvent cette rhétorique, en jouant l'argument du "si vous me contredisez, c'est que vous êtes contre le peuple, puisque je suis le représentant unique du peuple Italien". Facile alors de faire de chaque idée "déviante" une idée fasciste...
Claude Sévilla avait qualifié ce comportement de "terrorisme intellectuel". J'en ai déjà parlé dans un article précédent, mais je vais me répéter: l'ouvrage en question est plutôt bien écrit, intéressant, bien qu'il défende certaines opinions auxquelles je n'adhère pas. De fait, je vais appliquer un "antifascisme intellectuel", en déclarant qu'il est indispensable de tenir compte des opinions d'autrui, ceci même lorsqu'on est en désaccord profond. C'est le fondement même de la démocratie je pense, à savoir pouvoir donner la parole à chacun, même quand cela nous dérange.

Petit PS pour les idiots qui font des amalgames: le FN n'est pas fasciste. Il véhicule une idéologie profondément nationaliste, certains adhérents usent et abusent des sous entendus xénophobes et ethnocentristes, mais pour autant le FN n'est ni une organisation paramilitaire, ni un parti allant prôner la dictature. Marine Le Pen est ce que j'appelle une légaliste au service du nationalisme. Avocate, elle a toujours le souci d'utiliser la loi, et notamment celle existante, pour défendre son idéologie. On est très loin de l'autoritarisme fasciste, même si, sur le fond, le risque de dérive est très fort. L'électorat frontiste comprend une part de fascisants qui, faute d'avoir un MNR à mettre en oeuvre, préfère encore le FN aux autres partis en place. On pourrait appeler ça le vote par dépit de ne pouvoir avoir une dictature...

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