Le noeud de cravate
Relevons un défi de taille: faisons en sorte de me grimer en personne "crédible" (entendez présentable), ceci en me collant sur le dos l'attirail du parfait petit commercial. Cravate, costume propret et strict, chemise qui va bien, et surtout les grolles qui semblent coûter un SMIC la pompe, et qui finalement ne valent guère plus que nos chères baskets premier prix. Ah, ça y est, le défi est relevé, je suis vêtu comme un gentil mercenaire intellectuel, je suis rasé, coiffé, et j'ai même poussé le vice jusqu'à contrôler ma gouaille. Petite précision: pour la coiffure, je ne suis pas du genre emmerdant, étant donné que je gère ma tignasse au sabot de six millimètres garanti 100% coupe trouffion de seconde classe.
Bref, voilà, j'ai la dégaine, le discours, et je me pointe à une de ces réunions où il faut faire preuve de retenue et d'élégance. Et merde... Comment faire en sorte que mon vocabulaire de charretier ne ressorte pas tel un diable de sa boîte? Tel Pandore prêt à me péter à la tronche, j'arrondis, j'use de la circonlocution avec soin afin de, bien entendu, éviter mes sempiternels "fais chier", "merde", et autres "bordel de bordel". Je tiens le bon bout, enfin je suppose, puisque personne ne me fait de gros yeux outrés à une de mes sorties aussi opportunes qu'un poème dans un bar tabac presse de banlieue populaire. Allez, accroche toi au bastingage, tu n'as encore rien sorti d'ignoble ni d'irrévérent!
Bien entendu, je le sais, je contrôle la situation, un peu comme le camionneur qui s'est saisi du cerceau pour empêcher son engin d'aller finir au tas sur une route verglacée de montagne. Le col va être passé, on va bientôt aborder la descente, la glissante, celle où la fatigue se fait sentir. Aussi à l'aise dans mes pompes noires que l'est un bovin dans un abattoir, je pressens l'envie de balancer une phrase, n'importe quoi, pourvu que cela me décrispe ma boîte à neurones. Malheureux, ferme ta gueule! Il avait raison le père Audiard! "Mieux vaut se taire et passer pour un con, que l'ouvrir et ne plus laisser aucun doute à ce sujet". Alors, silence l'animal, tes inepties, tu les réserves pour le binouze cahuète d'après la bataille verbale hein!
Petite goutte de sueur sur la nuque, on se maintient, tout le monde reste passablement calme et discipliné. J'entends deux trois écarts légers de discours, ça passe, on n'est pas non plus chez un De La Patte Feuilletée non plus hein... Mais bon sang, que ne donnerais-je pas pour envoyer un "De toute façon, ces zouaves n'ont rien dans le caberlot, la preuve, c'est qu'à force de les écouter déblatérer des cagades j'finis par avoir le citron qui suinte". Pas élégant... on va éviter, même si le fond de l'affaire est là et bien là hélas. Comment dire "Parfois, je me cogne du blaire de compète, le genre tellement bien fini qu'en SAV ils cherchent encore les pièces", sans pour autant être désobligeant à l'auditeur? Ah si! Solution! "Cela nous arrive d'avoir des conversations délicates avec certaines personnes dont la connaissance du produit laisse à désirer". Bon... encore une épreuve de passée! Pour un peu, je me prendrais presque pour un supplicier à la Sisyphe, victime de sa prétention à trop bien se tenir à table. Et merde...
Dernière ligne droite! Comme un Mimoun en fin de course, marathonien sublime et héroïque, j'entame le trajet où l'on n'est plus dans le domaine de l'endurance, mais dans celui du dépassement de soi. Les neurones tressautent, les vannes se cumulent sans cesse, les jeux de mots aussi pourris qu'inutiles s'amoncellent, et je sacrifie le tout sur l'autel de la bienséance. Allez, ta gueule petit, t'es presque à la ligne d'arrivée, faudrait pas la jouer trotteur qui s'emballe au moment de la finish ! Le trot, quel enfer, moi qui aime que mes idées galopent sans se préoccuper du vent ou du temps, voilà que je tire sur mes propres rênes pour s'assurer que je n'aille pas finir dans le fossé. Tout doux grande gueule, tu serais presque foutu de merder au dernier mètre, le genre bravade à la con pour faire jubiler tes rares neurones encore en état de fonctionnement. Oui, je sais, ça me ressemblerait presque... Mais ferme la! Je te le répète, cervelle stupide.... Ecrase, écoute, réponds poliment, et tu laisses couler. T'as autre chose à foutre que te planter lamentablement!
Poignée de main, salut poli de circonstance, clope au bec et souffle de soulagement. Ah, t'as su te tenir le demeuré, t'as pas fait le moindre imper! T'avais envie de jeter du baratin sur la table, t'as eu envie de faire le roublard, mais ta conscience t'a rappelé que "faire le con, c'est aussi savoir en assumer les conséquences". Tiens, fais chier celle là, comme si cela pouvait lui faire peur d'assumer le fait d'apparaître comme un abruti... Ah? Pas comme un abruti, mais comme un type qui joue un peu trop sur les mots? Bon, d'accord, je ne suis pas aussi abruti que je pourrais le laisser paraître, mais merde quoi, Courteline avait raison! " Passer pour un idiot aux yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet." Sauf que pour le coup, je n'avais pas un seul imbécile autour de la table... Sauf moi si je l'avais ramenée à tort.
Grumpf. Note pour plus tard: préparer quelques grosses conneries pour le premier demeuré qui se pointera au bout de ma ligne téléphonique, histoire de lui asséner toute ma frustration d'avoir dû rester dans un cadre légal et moral de discussion policée. Tu vas prendre cher!
Bref, voilà, j'ai la dégaine, le discours, et je me pointe à une de ces réunions où il faut faire preuve de retenue et d'élégance. Et merde... Comment faire en sorte que mon vocabulaire de charretier ne ressorte pas tel un diable de sa boîte? Tel Pandore prêt à me péter à la tronche, j'arrondis, j'use de la circonlocution avec soin afin de, bien entendu, éviter mes sempiternels "fais chier", "merde", et autres "bordel de bordel". Je tiens le bon bout, enfin je suppose, puisque personne ne me fait de gros yeux outrés à une de mes sorties aussi opportunes qu'un poème dans un bar tabac presse de banlieue populaire. Allez, accroche toi au bastingage, tu n'as encore rien sorti d'ignoble ni d'irrévérent!
Bien entendu, je le sais, je contrôle la situation, un peu comme le camionneur qui s'est saisi du cerceau pour empêcher son engin d'aller finir au tas sur une route verglacée de montagne. Le col va être passé, on va bientôt aborder la descente, la glissante, celle où la fatigue se fait sentir. Aussi à l'aise dans mes pompes noires que l'est un bovin dans un abattoir, je pressens l'envie de balancer une phrase, n'importe quoi, pourvu que cela me décrispe ma boîte à neurones. Malheureux, ferme ta gueule! Il avait raison le père Audiard! "Mieux vaut se taire et passer pour un con, que l'ouvrir et ne plus laisser aucun doute à ce sujet". Alors, silence l'animal, tes inepties, tu les réserves pour le binouze cahuète d'après la bataille verbale hein!
Petite goutte de sueur sur la nuque, on se maintient, tout le monde reste passablement calme et discipliné. J'entends deux trois écarts légers de discours, ça passe, on n'est pas non plus chez un De La Patte Feuilletée non plus hein... Mais bon sang, que ne donnerais-je pas pour envoyer un "De toute façon, ces zouaves n'ont rien dans le caberlot, la preuve, c'est qu'à force de les écouter déblatérer des cagades j'finis par avoir le citron qui suinte". Pas élégant... on va éviter, même si le fond de l'affaire est là et bien là hélas. Comment dire "Parfois, je me cogne du blaire de compète, le genre tellement bien fini qu'en SAV ils cherchent encore les pièces", sans pour autant être désobligeant à l'auditeur? Ah si! Solution! "Cela nous arrive d'avoir des conversations délicates avec certaines personnes dont la connaissance du produit laisse à désirer". Bon... encore une épreuve de passée! Pour un peu, je me prendrais presque pour un supplicier à la Sisyphe, victime de sa prétention à trop bien se tenir à table. Et merde...
Dernière ligne droite! Comme un Mimoun en fin de course, marathonien sublime et héroïque, j'entame le trajet où l'on n'est plus dans le domaine de l'endurance, mais dans celui du dépassement de soi. Les neurones tressautent, les vannes se cumulent sans cesse, les jeux de mots aussi pourris qu'inutiles s'amoncellent, et je sacrifie le tout sur l'autel de la bienséance. Allez, ta gueule petit, t'es presque à la ligne d'arrivée, faudrait pas la jouer trotteur qui s'emballe au moment de la finish ! Le trot, quel enfer, moi qui aime que mes idées galopent sans se préoccuper du vent ou du temps, voilà que je tire sur mes propres rênes pour s'assurer que je n'aille pas finir dans le fossé. Tout doux grande gueule, tu serais presque foutu de merder au dernier mètre, le genre bravade à la con pour faire jubiler tes rares neurones encore en état de fonctionnement. Oui, je sais, ça me ressemblerait presque... Mais ferme la! Je te le répète, cervelle stupide.... Ecrase, écoute, réponds poliment, et tu laisses couler. T'as autre chose à foutre que te planter lamentablement!
Poignée de main, salut poli de circonstance, clope au bec et souffle de soulagement. Ah, t'as su te tenir le demeuré, t'as pas fait le moindre imper! T'avais envie de jeter du baratin sur la table, t'as eu envie de faire le roublard, mais ta conscience t'a rappelé que "faire le con, c'est aussi savoir en assumer les conséquences". Tiens, fais chier celle là, comme si cela pouvait lui faire peur d'assumer le fait d'apparaître comme un abruti... Ah? Pas comme un abruti, mais comme un type qui joue un peu trop sur les mots? Bon, d'accord, je ne suis pas aussi abruti que je pourrais le laisser paraître, mais merde quoi, Courteline avait raison! " Passer pour un idiot aux yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet." Sauf que pour le coup, je n'avais pas un seul imbécile autour de la table... Sauf moi si je l'avais ramenée à tort.
Grumpf. Note pour plus tard: préparer quelques grosses conneries pour le premier demeuré qui se pointera au bout de ma ligne téléphonique, histoire de lui asséner toute ma frustration d'avoir dû rester dans un cadre légal et moral de discussion policée. Tu vas prendre cher!
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