22 juin 2011

Moi, me méfier de Google, Facebook et consoeurs ?

Ce n’est pas la première fois que j’observe les entreprises du web avec circonspection et inquiétude. En effet, tout en restant relativement loin des paranoïas classiques sur le suivi permanent des gens façon Big Brother, je suis tout de même parmi ceux qui, malgré tout, voient d’un mauvais œil certaines méthodes plus que douteuses : suivi des coordonnées GPS des téléphones portables, enregistrements de données personnelles sans possibilité de les supprimer, main-mise sur le contenu des messageries et j’en passe. De là, il me semble intéressant de se pencher sur nombre de violations de la vie privée des gens, surtout quand ceux-ci ne s’en rendent même pas compte.

Rappelons quelques fondamentaux. Les entreprises sont des structures économiques, ce qui sous-entend que leur but est de faire du bénéfice, et non pas du bénévolat. Cette définition élémentaire n’est pas anodine, parce qu’elle dicte donc que tout ce qui semble gratuit est nécessairement rentable pour l’entreprise. Prenons quelques cas élémentaires du web pour bien saisir les enjeux. Google ne tire aucun « bénéfice » direct de la mise à disposition d’un moteur de recherche, d’autant plus quand on se préoccupe de l’échelle de ce service (pour information, la consommation électrique mondiale des serveurs Google représenterait approximativement l’équivalent d’une centrale nucléaire de 1300MW !).
Alors, quel est le modèle économique ? Il est double : la mise en vente de « points » pour la visibilité lors des recherches, et les statistiques de recherches. Le premier concept est de faire payer les entreprises pour qu’elles soient en tête de liste pour des mots-clés. Par exemple, si l’on tape « machine à laver », les premiers liens sont ceux de sites de vente d’équipement électroménager, puis d’autres sites menant au final à de l’achat. C’est donc négocier sa visibilité sur la page de recherche. Le second concept est plus pervers. Lorsque l’on recherche quoi que ce soit, Google enregistre la demande, et en établit la récurrence. En gros, cela permet de dire, par exemple, qu’il y a eu un million de recherches pour un mot donné, et donc de dire si, oui ou non, une marque, une personnalité est à la mode du moment.
Pour facebook, c’est encore plus simple : à force de renseigner très précisément les profils, les gens fournissent des informations extrêmement complètes sur leurs vies ! Entre habitudes alimentaires, vestimentaires, achats, équipements possédés, Facebook peut alors fournir des statistiques d’une pertinence rare, pour ne pas dire plus pertinentes qu’une enquête de police.

Jusqu’ici vous suivez ? Quelque chose vous choque ? Et votre vie privée ? Les deux services stockent donc énormément de choses concernant notre vie privée, ceci parce que nous leur laissons la possibilité de le faire. Pire encore, nous leur confions des choses importantes comme notre correspondance électronique, et même nos agendas d’adresses et numéros de téléphone. Pourtant, chacun profite de ces facilités comme s’il n’y avait là aucune inquiétude à avoir. Bien sûr, on se dit que nous sommes protégés par la taille de ces sociétés, leur pérennité, et surtout la mauvaise publicité qu’ils auraient à subir en cas d’abus. Détrompez vous : Facebook, depuis sa création, n’a eu de cesse de reculer sur la préservation de la vie privée, à tel point que nombre de personnes ont quitté le service. Un exemple ? Tentez de supprimer une photographie mise en ligne dessus. Elle ne sera pas supprimée au sens physique du terme, mais juste rendue « invisible ». Cela fait une différence énorme, tant techniquement que juridiquement. En effet, si la photographie est encore sur leurs serveurs, rien n’interdit de craindre qu’elle puisse réapparaître, soit par erreur, soit par une décision quelconque… Plus grave encore : Google se comporte aujourd’hui comme une « mémoire » alternative du web, ceci à travers son cache. En gros, lorsque les services du géant scannent la toile, les sites analysés sont partiellement enregistrés. Cela signifie qu’une suppression sur un site n’est pas immédiatement répercutée chez Google, avec donc le risque de rester visibles des jours après leur effacement ! Où est donc la capacité à « oublier » ?

Poussons de plus en plus le vice. Facebook, Google, tous les services s’attachent à apparaître sur les équipements mobiles, avec en plus la notion de géolocalisation. Si l’on résume grossièrement, les deux monstres du web peuvent virtuellement savoir en permanence où vous êtes, voire même savoir ce que vous faites sur vos téléphones. Google est le fournisseur du système d’exploitation Android qui, aujourd’hui, est un des leaders dans le domaine. On trouve alors énormément de soucis et de doutes tant sur la sécurité que le respect de la vie privée, car les services s’imbriquent : qui dit android dit gmail (messagerie internet de Google), dit serveurs de logiciels Google, Google maps pour la cartographie et j’en passe. Conséquence inévitable : plus vous utilisez Google, plus vous en devenez le client captif ; essayez donc de passer outre les services de Google sans avoir à modifier votre partie logicielle… Enfin bref, rien de bien engageant, surtout si l’on se méfie déjà des méthodes douteuses de la firme.

Google peut nous suivre, sans GPS ! Sur CNET France

Le lien ci-dessus décrit encore un de ces travers inquiétants, et qui vont sûrement se multiplier à l’avenir, car la convergence numérique entre nos téléphones, nos ordinateurs, nos véhicules, les lieux publics, notre lieu de travail ne fait que commencer. Le « tout câblé », la toile omniprésente est en passe d’être une réalité intangible, une nouvelle entité influant sur le réel. On a déjà vu les impacts du virtuel dans notre quotidien : fuites d’informations personnelles, procès en diffamation via Internet, apéros géants tournant au drame, petite fête entre amis devenant lieu de rendez-vous pour des milliers de convives virtuels, et ainsi de suite. L’impact est si fort que nombre de personnes commencent à revenir sur leur présence virtuelle. Notons qu’au surplus que les institutions sont largement dépassées, du fait que les leaders du marché de l’information numérique sont des multinationales. Comment s’opposer à a la diffusion des contenus, quand les données sont localisées dans une nébuleuse technique qui s’affranchit sans souci des frontières et des lois ? Comment se prémunir contre l’omnipotence du web, quand celui-ci ignore totalement la notion de droit ?

Enfin, demandons nous clairement quel est le pouvoir de ces firmes, et à quel point elles pourraient se rendre maîtres de notre destin : Google est présent à tous les étages, et distribue même des PC contenant un système d’exploitation spécifique. Facebook dispose de toutes vos informations, sans que vous ayez de réel recours pour vous les réapproprier. Microsoft contrôle littéralement l’informatique chez les particuliers, avec donc un socle de captifs ahurissant. Que pourrait-on opposer comme critique si Google et Facebook venaient à s’entendre ? Le recoupement de données, l’intensification du flicage des utilisateurs, la mise au nu de notre vie privée, la revente de notre existence virtuelle à des clients peu scrupuleux… Tous les scénarios sont envisageables. L’information est une arme, que ce soit sur le champ de bataille, que dans une guerre économique. Si Facebook est valorisé à une telle échelle, c’est surtout à cause du pouvoir que représente les informations stockées en son sein. Pourquoi les états totalitaires sont-ils alors si exigeants avec ces firmes ? Pour récupérer les informations, bien entendu ! Yahoo a été épinglé pour des raisons similaires en Chine (dénonciation de dissidents notamment). A quand une police virtuelle s’appuyant sur notre propre détermination à alimenter des « Big brother » privés ? Le débat sur l’identité virtuelle n’a pas fini d’agiter la toile, et la protection de cette identité n’a pas fini d’être la cible des sociétés sachant les revendre au plus offrant.

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