20 juin 2011

(in)sécurité alimentaire

C’est par vagues successives que nous arrivent les mauvaises nouvelles concernant notre assiette. Depuis les maladies de la vache folle, une forme de folie médiatique s’est emparée de nos gamelles, à tel point que chaque légume, chaque fruit devient une arme en puissance. Prenez les concombres espagnols : on les regarde dorénavant comme des empoisonneurs, alors qu’ils ont été innocentés par une enquête digne des meilleurs épisodes des Experts ! C’est ainsi, nous sommes dans l’âge de la communication, quitte à dire des énormités. Bien sûr, cela n’est rentable pour personne, pas plus pour le consommateur qui devient paranoïaque, que pour le producteur qui s’entend dire que ses produits sont « de la merde ». Et si nous regardions plus précisément où est le cœur du problème de l’agroalimentaire moderne, au lieu d’en constater les conséquences finalement marginales ?

Tout d’abord, je tiens à expliquer ce dernier propos. Si j’use du mot marginal, c’est que les dites intoxications touchent un nombre de personnes très restreint, face au nombre de consommateurs concernés par les différentes crises en question. Ca n’ôte rien au désastre humain, pas plus qu’il n’est tolérable de mourir après avoir mangé quoi que ce soit. Cependant, je tiens à rappeler que ce genre de situations n’a rien de nouveau, et que, pire encore, il fut un temps où ces séries d’empoisonnements étaient mis sur tout sauf sur notre alimentation. En conséquence, faire preuve d’une paranoïa excessive n’apporte rien, et surtout ne protège en rien les clients que nous sommes. Autre chose : manger BIO, contrairement à l’idée profondément ancrée dans les têtes vides des clients avides de discours rassurants n’apporte aucune garantie sanitaire. Pourquoi ? Parce qu’une contamination, qu’elle soit sur un produit BIO ou pas, reste une contamination. Il n’existe pas de virus ou de bactérie qui, au moment de choisir son lieu de prolifération, lirait l’étiquette et s’écrierait de sa voix fluette « Pas ce maïs là Norbert, il est BIO ! Allons à côté, c’est de la saloperie d’OGM ! ».

Revenons à nos moutons (qui tremblent, pour le plus grand plaisir des médias). Notre problème fondamental concernant l’alimentation est que nous avons mondialisé la production. En effet, un cornichon, dans son pot en verre, peut dorénavant venir aussi bien de France que de Roumanie, et sera étiqueté non pas « Produit de France », mais « conditionné en France », ce qui fait une sacrée différence. Ce phénomène est à ce point ahurissant que la fameuse traçabilité tant vantée par les industriels s’avère plus être un vœu pieu qu’autre chose. Notez qu’au surplus nous collons des compléments qui, normalement, n’auraient rien à faire dans nos plats. Qu’on m’explique pour l’on colle de l’huile de palme partout, tout comme pourquoi je trouve du soja dans un plat de bœuf préparé ! Bien entendu, ces produits là, on en ignore l’origine, tout comme l’on ferme les yeux sur les différentes astuces d’étiquetage. Il faut avoir fait des études poussées pour pouvoir comprendre toute la complexité des recettes : la série des « E » machin chose, qui en connaît la véritable recette ? Jusqu’à preuve du contraire, quand je fais du bœuf aux carottes, je fais cuire les deux dans une casserole, avec quelques épices, et je ne sors certainement pas un bidon de « E » bidule pour en améliorer la saveur, pas plus que je ne colle du « E » machin chouette pour changer la texture !

Un autre point intéressant est de se dire que le passé était fait de production pseudo locale, et que donc, pour un empoisonnement donné, les produits en cause étaient donc disséminés dans une zone somme toute réduite. Aujourd’hui, notre système est dorénavant tourné vers l’international, à tel point que les emballages en portent la marque. N’avez-vous pas remarqué que les dits emballages sont aujourd’hui en plusieurs langues ? Pourquoi ? Pour éviter de gérer différentes destinations, et ainsi rentabiliser une seule et unique usine. Dites vous bien que des œufs peuvent maintenant être livrés depuis des pays lointains, pour peu que le transporteur livre dans un délai raisonnable. Pire encore : avec les méthodes de congélation, nous pourrions être amenés à manger des légumes produits sur un autre continent, tout en pensant qu’ils viennent des champs juste en face de chez nous ! Et après on se demande encore pourquoi nos agriculteurs ont du mal à suivre…

Il y a un dernier point non négligeable à savoir sur les méthodes de production en masse. On a accusé, et à raison, les agriculteurs d’user et abuser des antibiotiques avec les bêtes, et des engrais et désherbants dans les champs. Mais s’est-on interrogé sur le pourquoi d’une telle situation ? Celui qui travaille la terre n’a jamais eu envie d’empoisonner ses clients, pas plus que celui qui gère des animaux n’a envie de nous envoyer à la mort après une bonne entrecôte. Qui est responsable de ce désastre sanitaire ? Ceux qui achètent les produits en masse, les industriels qui imposent des méthodes de production à outrance. En effet, nous sommes à l’heure du rendement, du quota, et les grandes sociétés vont jusqu’à imposer des produits bien spécifiques, des semences particulières, ceci afin de maîtriser totalement le producteur, tout en ayant bien pris soin de ne pas avoir à en gérer les difficultés. Qui s’endette pour s’équiper ? L’agriculteur, ou bien son client unique qu’est la fabrique de céréales au chocolat ? La réponse est claire, nette et précise : c’est le petit qui paye, pas le gros.

A force de solder nos méthodes de travail, le respect du client, nous avons soldé notre sécurité alimentaire. Les scandales ne se multiplient pas, contrairement à ce que nous pensons, ils ne font qu’être plus médiatisés qu’auparavant. Jusqu’à présent, le suspect n’était généralement pas le produit de grande consommation, or la plupart des gens, dans les pays riches, se nourrissent exclusivement de la production industrielle. Par conséquent, je ne serais pas étonné que ce genre de crise soit amenée à se reproduire, et à plus grande échelle encore. Estimons nous heureux que les dégâts soient très limités, tout comme le nombre de victimes. Imaginez plutôt le risque si un produit courant et très commun comme le Coca Cola devait être contaminé, et distribué à l’échelle mondiale. Là, ça fait peur, non ? Personnellement, pas tant que ça, j’ai en horreur ce jus de chaussette noirâtre qui tente de me faire croire qu’il est savoureux. Allez, un ptit verre de pinard, c’est bon pour mes artères, et ça, au moins, ça ne me tuera pas tout de suite (quoique, tout dépendra de la durée de vie de mon foie)

SANTE !

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