24 juin 2011

Ils se retirent

En observant la situation en Afghanistan, et suite aux déclarations des deux présidentiables que sont Obama et Sarkozy, on ne peut s’empêcher d’avoir un sourire amer, ou alors de choisir l’attitude comique et moqueuse qui sied si bien à la chronique politique. Ainsi, entre émettre un avis très analytique et une moquerie plus ou moins bien pensée, mon cœur balance sincèrement. Alors, que choisir ? Comme l’avait dit Desproges en son temps, « Tout est une question de choix : ça commence avec la tétine ou le téton et ça finit avec le chêne ou le sapin. » Pour ma part, j’ai vraiment du mal à dissimuler ma moquerie, tout comme j’ai des difficultés à la laisser s’exprimer face aux conséquences désastreuses que le retrait des troupes Américaines et Françaises va donner là-bas.

Il y a pratiquement dix ans que j’ai pu voir, comme des milliards d’humains, les deux tour s’effondrer à New-York. On a ensuite tous vu le déclenchement des hostilités en Afghanistan, avec la chasse aux talibans, la chasse à Ben Laden, pour au final arriver, en 2011, à la revendication de sa mort. Mis à part la médiatisation du terrorisme islamique, où en sommes-nous arrivés ? L’analyste va d’abord égrainer la chute d’un régime totalitaire, la « sécurisation » du territoire, ainsi qu’une forme de démocratie avec des élections (sous contrôle). Le comique, cynique et froid, ira dire à la cantonade « Ah, les talibans ! Avec eux, les femmes étaient prisonnières, mais les trafiquants de drogue étaient massacrés. Maintenant, avec les Américains, les femmes sont un peu moins prisonnières, mais les trafiquants refont fortune ! ». Et c’est hélas vrai : l’Afghanistan est aujourd’hui le premier producteur mondial de cannabis et d’opium (89% de la production mondiale de stupéfiants provient d’Afghanistan, sur lepost.fr). Entre 2001 et 2009, la production d’opium est réapparue, ceci pour alimenter tant la « résistance » que les agriculteurs locaux, faute d’une autre source de revenus. Alors ? Une réussite cette guerre ?

Ensuite, on pouvons regarder avec une certaine circonspection ceux qui affirment que la guerre contre le terrorisme international se révèle efficace. Je crois honnêtement qu’il s’agit là d’une chimère, notamment parce que le principe fondateur de Al Qaeda a toujours été celui des cellules : pas de chef centralisé (sauf à considérer une icône comme Ben Laden en tant que dirigeant du mouvement), aucune stratégie clairement établie, et une capacité à frapper au cœur de toutes les nations du monde. Nous nous faisons énormément d’illusions sur la capacité à centraliser les actions violentes, et encore plus à faire croire à la foule que Al Qaeda serait une sorte de gouvernement souterrain. Tout au plus la mouvance a su créer une émulation chez nombre d’extrémistes en quête d’une étiquette médiatique visible, mais en contrepartie la médiatisation a donc engendré une génération de terroristes sans véritable direction, et donc autrement plus dangereuse et difficile à pister. Le cynique, lui, va annoncer ainsi la chose : « Les Russes ont voulu faire manger du bortsch aux Afghans. Ca a été un bide. Les USA ont tenté d’implanter le hamburger dans leur alimentation. Ca a foiré. Et les Français alors ? S’ils ont tenté de leur refourguer les cuisses de grenouilles et les escargots, pas étonnant qu’on doive se barrer en vitesse ! ».

Dans l’absolu, le pays n’a d’autre visage que celui qu’il a depuis trente années : pas de véritable état, une présence étrangère quasi permanente (en sachant que les talibans sont pour majorité issus du Pakistan), des guerres intestines entre familles et tribus, et le tout envenimé par des actions militaires incompétentes. Qu’est-ce qu’on espérait faire là-bas ? Apprendre aux Afghans à s’aimer ? On perd de vue que les Soviétiques, avec la brutalité qu’on leur connaissait, n’ont pu que se retirer. Alors les alliés de l’OTAN, avec l’obligation de modération (eu égard aux médias friands des bavures et morts sur le terrain) n’aura jamais eu l’ascendant sur un ennemi aussi invisible que trop visible dans les journaux. En conséquence, c’est un échec total. Pire encore : une fois les derniers soldats partis, qui garantira que les talibans ne reviendront pas pour reprendre le pouvoir par la force ? Et que fera-t-on alors ? Renvoyer des troupes pour une décennie ? L’échec total du Vietnam ne semble vraiment pas avoir été une leçon d’humilité pour nos armées. Le comique de situation, lui, se contentera de dire « Chouette alors : les USA ont pu vérifier que leurs machins qui font BOUM touchent bien des cibles minuscules, qu’ils peuvent coller des GPS dans les vareuses des GI. Les Français, eux, ont bien validé le fait qu’on ne se bat plus comme il y a cinquante ans. Bon ben, c’est pas si mal ! ».

Enfin, Sarkozy et Obama ont hérités d’une situation intenable, et cherchent une issue de secours depuis leur premier jour de gouvernance. Obama avait déjà déclaré des intentions similaires avant même son investiture… Et résultat, les USA sont encore sur place ! Comme quoi, tout comme ses prédécesseurs avec le Vietnam, être engagé dans une guerre perdue d’avance, c’est un cadeau pire encore qu’une assemblée défavorable. Dorénavant, la question ultime qui se pose est le calendrier du retrait. Pourquoi ? Pour savoir dans combien de temps l’anarchie se saisira à nouveau de ce pauvre pays épuisé par des décennies de guerre.

Et le comique, lui, affirmera pour finir son spectacle, que « Les talibans, c’est le parent riche du ketchup. Les USA en ont collé partout pendant une décennie, et maintenant qu’ils en sont écoeurés, ils ne savent pas comment en effacer les taches sur leur chemise ».

Les USA se retireront d’Afghanistan, sur rfi.fr)

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