24 janvier 2011

1000

Un compte rond. Une valeur « parfaite », un millénaire, quelque chose qui rassure et inquiète à la fois. Un but inaccessible, une victoire, un objectif qui semble idéal tant le « mille » est estimé comme parfait. Pourtant, cela ne me semble qu’une étape, une valeur arbitraire parmi tant d’autres. Pourquoi pas 1003, ou tout autre chose d’ailleurs ? Non : on célèbre le millénaire, on parle même des millénaristes, donc forcément, cela a une connotation mystique. Mais alors, pourquoi aborder cela ici, alors que je suis supposé être le pourfendeur des idées reçues ? Parce que ce message est le millième sur ce blog. Mille messages, mille inepties (enfin presque, si l’on exclue ceux où je ne dis rien), mille commentaires tantôt amers, tantôt affectueux concernant la nature humaine. Du haut de ces mille messages, je contemple la petitesse de mon œuvre, et l’immensité du chemin qu’il me reste à parcourir. C’est une évidence : du premier jour au dernier soupir, l’homme apprend, vit, et supporte le poids de son inconséquence. Ainsi, sur ce chemin parcouru, je peux regarder en arrière et voir mes jalons plantés au hasard de mes envies, et en estimer l’utilité.

Et à quoi sert donc d’écrire, si ce n’est pas pour les autres ? Peut-être est-ce le plaisir sournois d’être flatté quand le résultat est bon, ou encore celui de se soulager l’âme de manière totalement égoïste et saugrenue. Certains avalent, ravalent même, d’autres régurgitent leur bile, moi je me contente de faire les deux en avalant les informations, puis en les restituant comme je le peux, avec ma propre manière de voir les choses. Synthétique ou pas, utile ou pas, qu’importe du moment que j’ai dit ce que je pensais. Après tout, celui qui cesse de penser cesse d’exister, et tant que j’aurai quelque chose à dire ou à critiquer, alors j’aurai une raison d’exister et d’avancer. Quoi de plus minable qu’une vie où l’on croit avoir tout vu, tout vécu, où seule la morne satisfaction de l’omniscience subsiste quand la jeunesse, la passion, et l’espoir se sont envolés ?

J’en suis à mille messages. Des milliers de mots, de lignes, de colères, d’envies, de fureur, toutes mêlées dans un écheveau que moi-même j’ai du mal parfois à suivre. L’essentiel n’est pas d’y trouver un fil conducteur, mais d’y trouver les traces d’une âme, d’une personne, de ses pensées profondes et sincères. L’image du virtuel est qu’on peut se départir de sa personnalité pour écrire, que pire encore on peut aller jusqu’à se faire « quelqu’un d’autre ». Mais je n’y crois guère : l’âme ressort immanquablement à travers l’écrit, la sincérité de la plume pousse, tôt ou tard, des morceaux de soi sur le devant de la scène. L’acteur peut temporairement faire semblant, et avec talent qui plus est. Mais il n’est pas son personnage, celui-ci n’étant là que pour être campé, présenté, sublimé. De la même manière, ces mille messages me contiennent, ils sont des bouts de moi, des expériences lexicales, intellectuelles, culturelles, des brins de personnalité que j’ai essaimé pour mon propre plaisir, et je l’espère, le vôtre.

Dans ces conditions, quoi de plus évident que se dire que celui ou celle qui a tout lu, qui a su analyser mon « moi » à travers ma plume me connaît probablement mieux que nombre de mes connaissances ! Il ou elle « sait » approximativement ce que je ressens, ce que je pense, et je crois même en la capacité des plus entêtés à pouvoir prétendre m’analyser et me définir avec justesse, même si, parfois, je me suis amusé à brouiller les cartes. Lire quelqu’un, c’est bien sûr apprécier (ou détester) les histoires recensées, les inventions d’un tiers, le tout comme un loisir, ou comme une nécessité culturelle. Ici, point d’obligation : je partage, parce que je crois foncièrement que chacun peut apprendre de l’autre, à la seule condition qu’il puisse tenir compte d’une explication claire, concise, et circonstanciée. Pousser à la réflexion, même à travers de la provocation, c’est déjà un pas en avant vers le progrès. Peu me chaut qu’on me taxe de plein d’épithètes peu agréables : si quelqu’un a réfléchi au sujet lancé, s’il s’est fait une opinion personnelle, lucide et construite, alors je suis gagnant, même si en apparence on peut supposer que j’y ai perdu quelque chose.

« Les paroles s’envolent, pas les écrits ». C’est par cette maxime que j’ai entamé ce blog. J’ai, et ce dès le départ, considéré que je me devais de laisser une trace concrète de mes écrits, plutôt que de suggérer qu’ils puissent disparaître au fur et à mesure du temps. Besogne étrange, j’ai continué à construire et à bâtir cette tour de Babel où s’entrechoquent les thèmes et les opinions, car, d’une certaine manière, je peux y retrouver ma propre évolution. Le réseau me permet d’opérer quelque chose de quasiment impossible dans le passé : partager l’esprit et les idées. Avant, on rédigeait son journal intime, on y consignait irrégulièrement ses émotions et les situations, mais c’était une forme de thérapie pour soi, et pas pour le plus grand nombre. Dans de très rares cas, ces traces écrites passaient à la postérité, et l’on s’extasiait alors de voir comment une personne peut changer. A présent, c’est au quotidien qu’on peut (du moins dans mon cas) pister les changements. Je crois que rien ne s’envole plus que les paroles, et j’espère surtout que rien ne saura faire s’envoler les écrits. J’ai peur de l’autodafé, de la destruction de la pensée, de la philosophie, de la culture mondiale. J’ai peur de celles et ceux qui pensent que la censure est un contrôle indispensable. Les censeurs le font en fonction d’une idéologie, ils agissent contre le progrès. Certes, nombre de textes sont intolérables, infâmes, mais ils ne devront jamais cacher la richesse qui se cache derrière chacun de nous, sous la plume des anonymes qui, comme moi, s’échineront, encore longtemps j’espère, à dire aux autres qu’il faut penser pour vivre.

En tout cas, merci à celles et ceux qui m’on suivi, et merci par avance à celles et ceux qui continueront à me suivre dans mes pérégrinations. Est-ce un anniversaire ? Non. Je ne compte pas célébrer un évènement anodin. Je voulais simplement ne jamais oublier que je vous dois, à vous lecteurs, d’avoir encore envie d’alimenter ce blog avec mes humeurs.

A demain !

Aucun commentaire: