07 octobre 2010

Les joies du téléphone moderne

En son temps, un comique de talent, Fernand Raynaud, avait ironisé sur les communications via le téléphone. Pour les plus anciens, le « 22, à Asnières » résonne comme un excellent souvenir auditif, d’autant que la situation pouvait être crédible. En effet, nous sommes la génération qui a la chance de ne pas connaître le principe d’opératrice à qui l’on disait « Pourriez-vous me connecter à tel ou tel numéro ? », à tel point que certains films ont des passages incompréhensibles aujourd’hui. Prenez par exemple le film « La grande vadrouille » : il y a une scène où Bourvil cherche à téléphoner chez lui, et demande « Clignancourt 13 35 », et tombe sur la Gestapo. Aujourd’hui ? Tout ceci est oublié, nous composons un numéro, nous sommes connectés, et nous discutons, le tout avec naturel et décontraction. Cependant, le plus étrange est que nous acceptons des produits technologiques modernes tels que le téléphone portable de nous faire régresser en terme d’usage ! Et j’entends d’ici « mais on peut être joint n’importe où, appeler de n’importe où, bla bla bla ». Ah, sombres adorateurs du totem technologique vide bourse qui, au quotidien, ne peut que vous provoquer migraines, désagréments et autres joyeusetés de la connectivité sans fil !

Commençons donc par le trop classique « Allô ? » voulez-vous. C’est un standard, un truc indécrottable, au point qu’on l’utilise même au format texte dans les messageries instantanées. Que celui qui n’a jamais tapé Allo dans un Messenger, un jeu en ligne ou dans un tchat me jette la pierre. De fait, Allo est donc un mot inévitable, une forme de vérification que l’interlocuteur est bien présent. Maintenant que nous avons le portable, les gens y adossent volontiers l’insupportable et intrusif « T’es où ? ». Mais bordel, qu’est-ce que ça peut te faire que je sois à une terrasse de café, au boulot, ou encore dans les toilettes ? Pour le dernier exemple, c’est une marque de bêtise que de décrocher alors qu’on est juché sur le trône, mais passons. Déjà impolie, la question a au surplus le mérite d’être pénible. Dites la vérité, et si par malheur la personne qui vous contacte est à proximité, vous aurez inévitablement le droit à sa visite. Alors que répondre ? Ce que j’ai la fâcheuse tendance à répondre moi-même, soit « ça te regarde ? » ou bien, en moins poli quand je suis de mauvais poil (comprendre très souvent) « Dans ton c.. ». Oui, je sais, c’est minable, mais une fois l’appelant bien refroidi par la réponse, nul doute qu’il ne la posera pas de sitôt. Le mobile ? C’est éduquer l’interlocuteur !

Nous avons tous vécus les déboires du mobile qui sonne à des heures indues, qui se permet de vous interrompre en plein boulot, ou encore quand vous êtes au volant. Pire : si vous ne décrochez pas, ou ne l’entendez pas (merci le mode silencieux !), vous avez le droit à une diatribe bien sentie sur votre indisponibilité supposée. Mais oui pauvre abruti(e), je suis au boulot, donc j’ai autre chose à faire que de papoter chiffons/vacances/picole/barbecue avec toi ! Bon, cela se tasse avec le temps, surtout quand les autres travaillent aussi. Mais, concrètement, il ne faut pas hésiter à rendre votre appareil muet, ne serait-ce que pour éviter qu’il devienne votre centre d’intérêt durant vos activités professionnelles, sauf s’il vous sert dans ce cadre. Ah, et en parlant de rappeler le dernier appelant que vous avez raté, moment comique : pas de message sur le répondeur, mais numéro masqué ! Et je te rappelle comment, co…rd ? Je suis télépathe telecom peut-être ?

J’adore la fiabilité de nos téléphones mobiles. Ne lisez jamais les plaquettes publicitaires vantant l’autonomie, la fiabilité, ou encore l’efficacité du réseau. Nous connaissons tous le syndrome écho où vous vous entendez… deux secondes plus tard, nous avons tous eu la friture, voire la coupure sans raison apparente, ou les joies de la zone non couverte où votre appareil vous dit gentiment, à travers son écran coloré qu’il n’y a « pas de réseau ». J’avais remarqué, je viens de me faire couper le sifflet ! Que du bonheur. Ah, la batterie aussi : la jauge est d’une précision redoutable, car elle indique généralement trois états qui sont, chargé, bientôt vide, et je suis vide et ça va cou… Et merde, coupé. Qui n’a pas rêvé d’apprendre à son mobile la meilleure méthode de vol sans aile ni parachute ?

Notez que le mobile a encore énormément d’avantages. Vous êtes joignables quand vous ne le voulez pas, il offre à l’opérateur réseau la possibilité de vous traquer avec une précision digne des meilleurs James Bond, ou encore pourrait (rumeur, quand tu nous tiens) filer le cancer au cerveau. Chouette, avec un peu de chance, tous les abrutis qui téléphonent au volant et qui se préoccupent donc plus de leur appareil que de la route vont finir avec une gentille et vorace tumeur ! Quoi qu’il en soit, le téléphone moderne a perdu ce charme indéniable des appareils fixes qui, eux, se devaient d’être robustes, de fonctionner quasiment dans toutes les conditions, mais qui n’avaient pas cette liberté de façade des portables. D’ailleurs, ce fut aussi la belle époque des premiers téléphones sans fil ! Hilarant : autonomie pathétique, portée ridicule, fiabilité douteuse, taille monstrueuse, ces téléphones tendance ont eu un succès fou, et ce malgré leurs tares. Cela tendrait à prouver que nous sommes de sacrés cons… sommateurs.

Bon, faut que je rallume cette saloperie. Ah merde, 3 appels manqués. Devinez quoi ? Un en numéro masqué, un second que je n’ai pas du tout envie de joindre, et le troisième… on verra plus tard !

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