11 octobre 2010

Kawaii

Ce terme (à prononcer kaouahi), aujourd’hui devenu commun sur la toile, est un mot japonais désignant quelque chose de mignon, de craquant, qu’on a envie de posséder et/ou de caresser. Un chaton, par exemple, c’est « kawaii ». Un type qui défonce le crâne d’un autre type, ça n’est donc pas « kawaii ». Dans cet esprit, nombre d’objets, d’images, de choses du quotidien sont touchés par la vague du « il faut que ce soit mignon ». Pour ma part, je crois que je suis exclu de ce mouvement tant l’aspect pratique dépasse, et de loin, celui esthétique tant prisé d’une population en mal de visibilité. Vous doutez de mes dires ? Vous pensez que la « kawaii touch » n’existe pas ? Attendez, nous allons la regarder à travers mon prisme favori, celui qui déforme et dégrade toute image !

Tout d’abord, pourquoi rendre mignon et attirant toute chose ? Pour que « Madame » puisse, tout comme « Monsieur », profiter du dernier cri technologique, sans se sentir exclu par l’aridité de la notice rédigée dans une langue connue des seuls technophiles. Ainsi, le bon vieil aspirateur est devenu un objet design, la télécommande des appareils se doit de prendre des formes aussi anti ergonomiques que proches des sculptures modernes des plus grands musées, et même ce foutu baladeur s’en donne à cœur joie à mêlant coloris et formes improbables. Est-ce utile ? Là n’est pas la question. La question est : est-ce que cela va plaire ? Dans ces conditions, les couleurs acidulées, la forme récurrente du galet « zen » vont envahir votre quotidien.

Auparavant, une chaîne hifi, un magnétoscope, enfin tout ce qui est supposé être technologique prenait la forme d’un monolithe aride, noir ou argenté, avec des boutons et même, comble du luxe, un petit écran restituant des informations incompréhensibles pour le néophyte lambda. Maintenant, la chose se doit d’être agréable à l’œil, s’intégrer dans le mobilier et le style du salon. Pire encore, si l’engin est trop visible, celui-ci devra absolument disposer d’un look ! Les consoles de salon se sont emparées de ce mouvement. Exit les briques grises, noires ou blanches, bienvenue aux formes étranges, et tant qu’à faire anguleuses ! Ah oui, j’oubliais : tout ce qui est riche technologiquement se doit d’être anguleux et sombre, sinon cela semble être un jouet. Et pourtant, depuis quand la forme a-t-elle réellement un rapport avec la fonctionnalité ?

Le monde du gadget électronique est aujourd’hui une norme. Les adolescents, les jeunes adultes, tous se mettent à posséder divers lecteurs, téléphones, tablettes, enfin tout ce qui peut rassurer concernant l’accès aux médias, la communication, et le suivi constant de la « tribu » virtuelle. Mais pourquoi diable faut-il que ces bidules soient agrémentés de choses comme les barbapapa ou plus récemment de Pucca ?! Les voir me flasher au visage de leurs coloris la gerbe me filent systématiquement la nausée. En plus, on privilégie le côté « fashion » sur l’ergonomie. Grandiose de bêtise. Pour moi, un appareil, cela doit avant toute chose fonctionner et bien fonctionner, être facile à utiliser. Pas être une représentation esthétique sans qualité autre que celle-ci.

Il y a un phénomène concomitant à celui du design, c’est celui du « lolcatz ». C’est la concaténation de « lol » (le rire sur le tchat), et de « catz » (chats, chatons, saloperies à poils et à griffes qui ronronnent en votre présence, et vous refont le canapé en votre absence). Qu’a-t-il de si sidérant ? Tout d’abord, il faut savoir que ces chats n’ont d’autre but que de vous faire sourire, voire rire. Ni intelligentes, ni réfléchies, ces images ou vidéos se diffusent à grande vitesse, occupent quelques instants de notre existence, puis disparaissent dans les limbes aussi vite qu’elles sont apparues. Pourtant, en poussant la réflexion, un type (dont le nom et la fonction m’échappent malheureusement) a présenté un rapport assez terrifiant. En effet, on se gargarise de la richesse et du nombre de contributeurs sur Wikipedia. Fort bien… Mais il y a proportionnellement dix fois plus de gens qui pondent ces « lolcatz », et ces mêmes bestioles bouffent des dizaines de fois de plus de bande passante (de débit réseau pour ceux qui n’y connaissent rien) que ne consommera jamais Wikipedia. Conséquence ? Les « lolcatz » sont donc plus importants, sur la toile, que la culture mondiale ! Et tout ça parce qu’un chaton qui se roule par terre, c’est « kawaii ».


Non ! Je ne suis pas « kawaii ». J’ai en horreur les objets inutiles, les bidules qui ne sont utiles que pour suivre une norme ou une mode. Je déteste fondamentalement ces fichiers Powerpoint qui circulent et qui visent à vous émouvoir. Merci : si je veux de belles photographies, je saurai les trouver, et surtout admirer celles de ma famille. Si je veux faire preuve de bons sentiments, nul mail, nulle chaîne ne m’incitera à agir en conséquence. Le mignon, c’est une façon de se dédouaner, de prétendre à être soi-même mignon. Parce qu’une ordure armé d’un téléphone portable rose bonbon (donc par essence « kawaii ») ne sera plus un salopard ?

Alors vite !!! Un t-shirt avec une énorme face de Pucca dessus ! Il m’en faut un!

Aucun commentaire: