01 septembre 2010

La fin en Irak

Je ne pense pas avoir de pouvoirs messianiques, pas plus que je ne m’estime être clairvoyant. En effet, je suis comme tous les analystes fumeux, les masturbateurs d’idées et autres guignols de la réflexion, je peux me tromper et être totalement à côté de la plaque. Toutefois, j’avais annoncé, et ce dès l’invasion de l’Irak, que ce serait un bourbier pour les troupes Américaines, et que les USA quitteraient le territoire Irakien sans avoir vraiment offert de solution pérenne. Avais-je raison, ou avais-je tort ? Finalement, le bilan est plus que contrasté, et c’est en cela que tous autant que nous sommes, nous avons fait erreur. Personne ou presque n’aurait pu lire précisément ce que serait l’Irak d’aujourd’hui, qu’il faut comparer tant à celle de S.Hussein, que celle des premières heures du second conflit (le premier ayant été un coup de semonce, et une validation tant technique que stratégique de notre capacité mondiale de projection de troupes dans des conditions climatiques extrêmes).

Concrètement : B.Obama tient un de ses engagements phare de sa campagne, c'est-à-dire de faire sortir les USA de la guerre en Irak. Double héritage de Bush père et fils, ce conflit a duré plusieurs années, fait des milliers de morts côté Américain, et, d’après les chiffres, plus de cent milles côté civil. En terme de bilan humain, c’est, comme toutes les guerres, un véritable désastre. L’Irak a payé un lourd tribu aux vues économiques et politiques des USA, et qui plus est, le pays est dans un tel état qu’il est difficile d’espérer un redressement rapide, et surtout facile de cette nation. Dans ces conditions, on ne peut pas parler de réussite, surtout si l’on s’en tient à l’esprit antimilitariste qui a dominé la majorité des critiques à l’encontre de ce conflit. Une bonne guerre ? Cela n’existe que dans les fantasmes des lettrés, car une guerre ne laisse jamais autre chose que des morts et des ruines.

En revanche, il faut tout de même observer avec un recul suffisant l’état de santé du moyen-orient. L’Irak, sous l’hégémonie de S.Hussein, s’était affranchi des problématiques extrémistes, ceci par la force brute et l’usage systématique de la peur. Difficile de jouer les agitateurs quand la sanction était au mieux la prison, au pire la corde. Maintenant que le parti BAAS est déboulonné, et que la majorité de ses dignitaires sont soit morts, soit en prison, l’Irak peut enfin envisager une réflexion sur une démocratie potentielle, sur l’éventualité de confier son sort non à un despote, mais à son peuple. Rien que pour ce résultat, une majorité d’Irakiens ne peuvent qu’applaudir, même timidement, l’action Américaine. N’oublions pas que le peuple Irakien a été le premier à souffrir des débordements de leur dictateur : brutalité, censure, torture, et même usage atroce des gaz de combat au Kurdistan Irakien. En conséquence, le contraste entre l’action initiale, et ce résultat permet tout de même de se dire qu’il y a au moins cela de bien.

Le monde craignait, et moi le premier, que l’Irak serait un nouveau foyer de violence, de terrorisme, et le terreau fertile pour l’embrigadement de nouveaux fanatiques. Est-ce que cet embrasement s’est produit ? Clairement, non. L’Irak a subi, et subit encore l’action de groupuscules terroristes qui cherchent à déstabiliser le pays. Le fait que les actions soient ciblées sur les commissariats de police gérés par des Irakiens, et sur les zones à forte affluence de civils « passifs » n’est pas innocent. Le but n’est plus de menacer les USA, mais de menacer le peuple lui-même. Le Moyen-Orient n’a pas implosé, parce que les états voisins ne voient pas l’intérêt de mettre en place une dictature, même « amie ». En effet : est-il plus judicieux de laisser un concurrent (sur le pétrole) dans le fossé, ou de le tirer d’affaire ? Le pétrole Irakien est une concurrence difficile pour les états de la région, et laisser ce pays moribond et incontrôlable ne peut que les servir. Plus de brut produit égal prix à la baisse. Donc, si l’Irak se relevait, ce serait désagréable pour ses voisins.
L’autre aspect politique qui a interdit cette destruction de la situation instable est simplement que l’extrémisme politique (sous couvert de doctrine religieuse) ne gère pas la majorité de ses états. Certains se réclament du droit religieux, mais tous agissent selon des principes autrement pragmatiques qui sont le pouvoir et les finances. Même l’Iran, ce voisin et rival, n’a que peu d’intérêts à laisser agir des terroristes en Irak, surtout que nombre de ces mouvances ne font pas leur jeu. Un groupe terroriste est par essence incontrôlable, donc dangereux pour celui qui tente de le maîtriser. De ce fait, le Moyen-Orient s’est bien gardé de se mouiller, tout en critiquant du bout des lèvres l’action Américaine. Le terrorisme en Irak apparaît atroce, avec des bilans monstrueux dans les médias : cinquante morts un jour, trente le lendemain… mais, en fait, si l’on s’en tient à ces chiffres, c’est UN attentat, pas des dizaines, des centaines. En vérité, ils sont meurtriers, mais peu nombreux. Ils font peur, mais ils ne représentent pas l’attitude générale des Irakiens.

Quelle est l’Irak de demain ? Une nation débarrassée de son dictateur, un pays exsangue après des années de guerre, un peuple épuisé par le sang versé. C’est aussi un pays qui a pu avoir ses premières élections libres, un peuple « jeune » qui rêve d’avenir, de reconstruction et d’avenir. Les Irakiens ont subi S.Hussein, mais ils ont aussi connu sous sa tutelle l’obligation de se respecter les uns les autres. En effet, tout dictateur qu’il était, il avait saisi l’importance vitale de ne pas laisser monter les antagonismes entre ethnies et mouvances religieuses. Une dictature se doit de ne pas céder à quelque tentation anarchiste, sous peine de s’effondrer dans la foulée.

Pour moi, cette guerre n’avait rien de légitime, et ce n’est pas aujourd’hui que je vais changer d’avis. Déboulonner un dictateur par devers l’avis de son peuple, c’est un putsch. Envoyer des troupes dans un pays étranger sans l’avoir consulté, c’est de l’occupation. Instaurer une police sous tutelle, c’est interdire l’autodétermination. Obama n’a pas intérêt à se targuer de ce bilan, pas plus qu’il ne peut vraiment critiquer l’action de Bush père et fils. Pourquoi ? Parce qu’il récolte les fruits des deux guerres, si doux-amers que soient ces fruits. D’ailleurs, les observateurs ont constaté son embarras pour faire un discours ou une analyse publique de cette fin de guerre. Les dépenses pharaoniques pour le conflit, la problématique des soldats morts au combat, ainsi que la justification honteuse et débile du pourquoi du début des hostilités, Obama ne peut ni les mettre en doute, ni en analyser les conséquences à long terme. L’Irak n’était pas, et ne sera jamais un vivier à terroristes. L’Irak n’a jamais été, et ne sera jamais une menace pour les intérêts Américains. L’Irak devra se reconstruire une identité, se débarrasser des dernières survivances de son passé, et bâtir un avenir acceptable. Seulement, ce départ des troupes Américaines est en demi-teinte : entre ceux qui voulaient les voir partir, et ceux qui voulaient les maintenir « encore un peu », le peuple est probablement divisé entre le soulagement de la fin de l’occupation, et le début de leur obligation de prendre leurs responsabilités.

C’est à un horizon de dix ans que nous saurons si, oui ou non, cette guerre a bien mené le pays à l’indépendance et à la démocratie, ou au contraire, à la catastrophe si souvent annoncée. Espérons que le peuple Irakien saura s’affranchir du démon de l’islamisme et de l’image d’un despote qui plane, aujourd’hui encore, dans les esprits de son peuple aujourd’hui émancipé.

Je mets un article de Rue89 à ce sujet, même si certains propos me dérangent. Par exemple, je ne trouve pas toutes les critiques à l'encontre d'Obama pertinentes, même si je suis le premier à estimer qu'il n'est pas à la hauteur.

A vous de vous faire une opinion :
L'article sur rue89.fr

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