03 septembre 2010

Je trouve merveilleux

Il m’arrive de remballer mon caractère de cochon, et de faire taire mes aigreurs quotidiennes, tout ça parce qu’il m’arrive d’être sentimental. Si si ! Tous, autant que nous sommes, nous sommes touchés par ces petites choses, ces petits riens qui ne valent que dans l’instant présent, mais qui nous mènent à de profonds sentiments de satisfaction. J’aime à penser que ce sont les évènements les plus anodins qui font les grandes vies. Certains existent par procuration, parce qu’ils affublent leur quotidien de la passion d’être quelqu’un à travers le regard des autres, alors qu’il faut, au contraire, être soi et se donner l’ampleur de vivre, tout simplement.

Je trouve merveilleux de croiser le sourire d’un gamin, et de lui sourire en retour. C’est magique : une grimace, et son rire électrique vous inonde d’une chaleur étrange, comme si cette petite vie candide avait des pouvoirs de guérison et de soin de l’âme. J’aime observer comment des choses qui nous semblent stupides, à nous autres adultes dénués de fraîcheur, peuvent faire planer les enfants : un spectacle de rue, un film où sorcières et héros se battent pour une princesse, ou encore ces jouets qui les poussent à inventer sans cesse, à bâtir des mondes qui ne sont qu’à eux. J’avoue, je m’extasie devant les prunelles et le rire d’un bambin qui vous regarde faire l’idiot, je fonds quand un mioche éclate de rire à la moindre prestation ridicule des adultes. Leur candeur, c’est leur pouvoir, dommage que nous soyons incapables de la conserver durant toute notre existence. Notez en plus que nous sommes des salauds, car ceux qui préservent cette âme d’enfant sont souvent mal vus, taxés de bêtise, ou, pire encore, critiqués parce qu’ils veulent vivre leurs rêves. Qu’est-ce qu’il y a de malsain à vouloir avoir une vie, et pas juste un ersatz de modèle aussi policé que déprimant ?

Je trouve merveilleux le simple fait de tenir la main d’une personne qu’on aime. Cela semble anodin, ordinaire et ridicule, et pourtant, c’est une des seules preuves que le monde nous donne que nous existons. Est-ce par la richesse ou le pouvoir que nous « sommes » ? Non, c’est en sentant les doigts d’une personne chère à notre cœur que nous relevons notre propre importance en ce monde. Pour moi, je ne vois pas le sens d’être accompli financièrement, si c’est pour l’être seul, sans aucun espoir de partager réellement cet argent avec qui que ce soit. Le pouvoir corrompt dit-on, et c’est d’autant plus vrai que nombre de personnes de pouvoirs n’ont pour entourage que des vautours, et non des amis. J’aime à me souvenir des mains des femmes aimées que j’ai serrées dans ma main, j’aime à être un protecteur pour un enfant en le sentant me faire intégralement confiance, et j’aime à me dire que tant que je saurai la valeur de ces mains jointes, je saurai ce qu’il est important dans l’existence.

Je trouve merveilleux la magie que nous mettons dans notre créativité. Traités de fous, nombre d’artistes finissent, à titre posthume hélas, par obtenir une reconnaissance pour leur art. Et pourtant, je ne vois rien de plus exceptionnel que notre capacité à créer, à faire de choses ordinaires des choses extraordinaires. Le dessinateur reproduit et chronique notre monde, il nous fait passer du rire aux larmes. L’acteur campe avec conviction tous les rôles, il crée quelque chose de si fort que l’on finit par être convaincus que le personnage, face à nous, est « réel ». Le musicien nous fait ressentir les émotions de la vie, à travers sa voix, son instrument, ou ses paroles. C’est merveilleux à quel point nous pouvons inventer. De la découverte des étoiles, en passant par l’invention de la montre, ou encore de l’imagination des visionnaires prévoyant, comme Jules Verne, la visiophonie ou les voyages spatiaux, tous sont de doux rêveurs, des créateurs qui se moquent des règles et des choses dont nous avons la conviction. Magie créative, invention, force de l’espoir de voir au-delà des apparences.

Je trouve enfin merveilleuse notre capacité à rire. Nous rions, nous exprimons la joie, la moquerie, la folie parfois, le tout dans ce rire magique et indescriptible. Notre rire est fédérateur, il est aussi contagieux, puissant, et surtout puissant, parce qu’il contamine sans distinction de couleur de peau ou d’obédience. Le comédien doit trouver le rire chez ses spectateurs, l’écrivain doit agencer les mots pour amener l’hilarité, et, depuis le gag éculé de la peau de banane, jusqu’aux plaisanteries à tiroirs de R.Devos, nous avons de quoi rire, sourire, et réfléchir à la fois. Celui que j’appelle mon « maître à penser », monsieur P.Desproges, m’a toujours fait rire. Rire de moi-même, rire de nous, rire de tout, sans se demander s’il y a là un risque de froisser les moins ouverts à l’humour. J’adore le rire, l’humour noir, le cynisme utilisé pour nous tourner en ridicule, car c’est la seule chose qui soit indispensable : l’autodérision. Nous devons nous railler, car, au fond, nous sommes tous ridicules de nous entêter à vouloir paraître plus solaires que nous le sommes réellement. L’homme est stupide, débauché, lâche, ignare, sale, cruel, violent, mais il est drôle justement parce que nous savons voir ces travers. Et je trouve cette possibilité de penser, de voir, de ressentir, et d’en parler toute particulièrement magique ! Rions de nous, rions de tout, et aimons, car ce sont nos médicaments les plus précieux.

« Celui qui ne rit plus est celui qui a perdu foi en sa propre existence. »
(C’est de moi, notez là, pour une fois que j’ai une phrase intelligente à sortir !)

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