01 juin 2010

Ils me gonflent avec la 3D

Les nouvelles technologies sont une jungle pour les clients potentiels (celui qui a braillé « pigeon » au fond de la salle a gagné toute ma considération), et sont le support à tout un tas de baratin, d’arnaques diverses et variées. Tenez, que signifie donc ce « 3D » ? Fondamentalement, c’est le principe des trois dimensions que nous appréhendons tous au quotidien : hauteur, largeur et épaisseur. Ainsi, notre monde est, en tout cas pour notre perception spatiale, en 3D. Et là, tous ces chers technophiles nous lancent de la 3D au visage, comme s’il s’agissait là de quelque chose de fondamental ! Allons voir ce qui se cache derrière ces miracles de la technologie.

Tout d’abord, nous devons distinguer deux choses : la 3D par informatique, et la 3D en relief. Pourquoi ? Tout simplement parce que ce sont deux choses totalement différentes. La 3D par informatique, c’est de construire des « objets » pour qu’ils semblent être faits en volumes. Concrètement, c’est votre dernier jeu de tir à la troisième personne, ou un film comme ceux réalisés par Pixar ou Dreamworks. Pour ceux qui connaissent, il y a donc les films comme Wall-E ou Shrek, qui sont en 3D précalculées. Petit aparté : il existe deux sous divisions à la 3D informatique : la 3D dynamique, où vous, l’utilisateur, définit les mouvements visuels pour obtenir un rendu. C’est le cas des jeux par exemple, et la 3D précalculée, où l’on fait tourner de gros ordinateurs pour obtenir une scène proche du cinéma, mais où la visualisation et les mouvements de caméras virtuelles sont définies au préalable. Donc, on a de la 3D restituée au format plan (donc 2D) sur un écran !
La seconde partie est la 3D en relief. Elle est très différente de la première, même s’il est de plus en plus courant que les deux finissent par se rejoindre ; En gros, la 3D en relief, c’est émettre des images spéciales sur un écran, et de les regarder à l’aide de lunettes spéciales. Là, il y a deux dispositifs : les verres colorés et les verres polarisés. Je mets un lien en fin d’article pour y voir plus clair, mais pour faire simple, ces filtres sont placés sur chaque œil pour que le cerveau interprète une impression de relief. Ainsi, on peut donc faire croire à notre esprit que des choses apparaissent en avant de l’écran, que d’autres sortent littéralement de celui-ci, et j’en passe.

Seulement, l’innovation prétendue est une belle arnaque, du moins sur l’aspect « révolutionnaire » de la chose. Les premiers appareils photo à vue stéréoscopique datent des années 1850 ! Révolutionnaire vous dites ? De la même manière, les principes de l’usage de lunettes spécifiques sont employés au cinéma depuis les années 50… Enfin bref, je ne vois vraiment pas en quoi il y a révolution dans ce tintamarre. Bien sûr, de nouveaux procédés permettent d’améliorer le rendu, la perception, et d’arriver à quelque chose de plus en plus immersif. Mais de là à dire que l’on ne pourra plus s’en passer, j’ai bien du mal à y croire. Et puis, l’idée même de porter des lunettes complémentaires me semble tout de même handicapante, voire même saugrenue. Vous invitez des amis pour dîner, et puis vous proposez un film : aurez-vous le stock de lunettes adaptées, ou chacun devra apporter les siennes ? Pénible, non ?

Tout ceci n’a pour but que d’attiser une fièvre consumériste. Certes, les procédés sont attractifs, et les films adaptés offrent de nouvelles sensations… Mais combien de sorties au cinéma offrent ce luxe ? Combien de films plus anciens ne peuvent pas bénéficier du principe ? Et puis, est-ce franchement si utile ? Avant tout, j’aimerais que le cinéma ne se contente pas de grosses usines à argent sans scénario, que l’on puisse envisager des thèmes plus sensibles, quitte à provoquer la polémique. Typiquement, chaque nouveau film qui ne rentre pas dans le moule de la bienséance finit par attirer les foudres des « bonnes consciences », et voient même leur première être polluée par des manifestations. Même Cannes, festival ô combien pédant, prétentieux et nombriliste, s’est vu secoué par de telles œuvres (sans en juger la qualité toutefois).

La 3D ? Oui, pourquoi pas, mais pas au prix où elle est aujourd’hui vendue, et sûrement pas pour demain, si c’est alors passer par des objets chers (100 Euros la paire de lunettes !), et un contenu strictement insuffisant. Question de principe, et de bonne pratique économique. Rendez le tout abordable, et nous en reparlerons. Et messieurs les publicistes, arrêtez de tout amalgamer : le dernier film d’animation 3D peut être vu en 2D sans lunettes, tout comme en relief avec les lunettes. Enlevez ce foutu logo « 3D », car il n’a aucun sens !

Le cinéma en relief, sur Wikipedia
Les appareils stéréoscopiques, sur Wikipedia
La stéréoscopie, sur Wikipedia

1 commentaire:

Adrien a dit…

A l'occasion de la première du Festival Belge « 3D Stéréo Media », en Décembre dernier, plusieurs films indépendants ont eu l'occasion d'être projetés en relief. Ce festival a notamment fait l'objet de plusieurs conférences thématiques aux techniques stéréoscopiques.
Parmi les questions développées : les applications du relief dont la télévision (les chaînes) et même le
téléphone portable ou encore la dimensionalisation avec le passage de la 2D à la 3D relief que vous évoquez rapidement.

Comme exemple de dimensionalisation : utiliser des logiciels pour rendre un film déjà sorti ne se regardant pas avec des lunettes spéciales... en 3D relief. Ou bien passer d'un simple clic sur l'ordinateur en 3D relief.
En effet cette technique a plus ou moins déjà vu le jour sur des jeux-vidéos mais s'est concrétisée avec la marque de carte graphique Nvidia permettant même ce dispositif dans un lecteur vidéo (à certaines conditions).

Mais la 3D relief a également ses contraintes. Contrairement à la télévision où il est de plus en plus difficile de poser son regard, ce principe demande un certain temps d'adaptation pour les yeux, impossible donc d'y appliquer des plans courts ou de changer rapidement les échelles de plans, du moins en ce qui concerne le cinéma... Ce qui à mon avis amène à la préoccupation suivante : les dialogues.
Talkmag.be y a consacré un article dans son volume 2 - issue 1 de Janvier / Février 2010.

Pour celles et ceux désireux de s'adonner à la 3D « simple », quelques liens y contribuant :
http://blog.elephorm.com/
http://www.thegnomonworkshop.com/

Alors quand l'astrophysicien Jean-Pierre Luminet nous parle de 10 dimensions potentielles en essayant de combiner celle d'espace et de temps, on a pas fini d'avancer...