31 mai 2010

Nom d’un bigorneau !

Il ne fait pas bon être un bigorneau. Entre ceux qui les mangent, et ceux qui les polluent à coups de pétrole issus de tankers poubelles et de puits qui fuient à qui mieux mieux, la bestiole n’est vraiment pas gâtée par la nature. C’est comme les moules : soyez un filtre des impuretés, ramassez ce qui traîne, et vous apprécierez les dépôts d’ordures sauvages en mer, les dégazages, ou encore la destruction du milieu marin avec le béton coulé pour les hôtels à pigeons… clients estivaux pardon.

C’est fou : notre acharnement à rester sur de vieux modèles industriels est spectaculaire, au point de penser que nous sommes profondément nihilistes. Pétrole, mon amour gras et puant, que de choses tu fais faire aux humains ! Pollution, destruction de la nature, intoxication des populations, et même la guerre, à toi seul tu réussis à anéantir des nations entières, par le sacrifice de la vie sur ton autel. Bien entendu, vous aurez toujours la possibilité de croire que ce n’est que temporaire, que le progrès technique permettra de réduire, à terme, tous ces dégâts, et que même, suprême espoir, la richesse pourra être répartie de manière équitable. Foutaises ! On n’a jamais vu un pays producteur profiter en propre de ses ressources, en dehors, bien entendu, d’une oligarchie richissime se moquant d’une population d’indigents.

En quelque sorte, le modèle du désastre planétaire n’est pas nouveau, d’autant qu’on peut difficilement croire à se passer du pétrole à un horizon raisonnable. La voiture ? Rien qu’une broutille face au transport par bateaux cargos, une goutte dans l’océan des plastiques, et je n’ose même pas regarder la facture énergétique des nations qui ne disposent pas du nucléaire pour l’électricité. C’est ainsi, nous aimons et vivons à travers le pétrole, et c’est ce qui en fait la référence économique mondiale. Des idées pour remplacer ça ? Disons que je ne suis pas hypocrite ni doux rêveur, et donc les solutions palliatives me font doucement sourire. Le solaire n’en est qu’à des balbutiements, et peu utilisable sous nombre de latitudes, l’éolienne est complexe, cher, et globalement autrement rentable, et je ne parle même pas du nucléaire que l’on refuse aux pays émergents. Dans ces conditions, vers quel saint se vouer, si ce n’est le saint Mazout ?

Ah le bigorneau, lui, se fout de ces considérations humaines. Il vit sa vie, sans se préoccuper du lendemain, se contenant de faire le nécessaire pour survivre. Et merde, encore un naufrage d’un cargo trimballant des saloperies chimiques… Et un génocide chez les bigorneaux, un ! Re merde, un puit de pétrole qui part en vrac suite à une tempête… Attention les copains, ça va polluer sec ! N’ayons pas peur des mots, le bigorneau sera sacrifié, il claquera dans l’indifférence la plus totale. Normal me direz vous, puisqu’il ne braille pas, il reste sur place, et un dauphin couvert de pétrole, ça a plus d’impact d’un bigorneau rempli de brut bien dégueulasse…

Nous avons souvent fantasmés sur le bon sens, espérés maintes fois des prises de positions fermes et définitives. C’est déjà fait ! « Nous continuerons à trouver de nouvelles sources de pétrole, quitte à forer dans le grand nord, ou en pleine mer ». Voilà notre réponse : repousser l’échéance, traîner les pieds, parce que ça a un coût, parce que cela représente un modèle économique, parce que cela serait une révolution trop douloureuse. Que les publicités où se gargarisent les grands du pétrole concernant leurs études cessent, elles sont le miroir d’une propagande pour endormir la population, ceci en leur assurant que « demain sera meilleur ». Tiens donc : parce que continuer à brûler du fossile, c’est une solution acceptable à long terme… Je dois avoir mal compris le principe et d’offre et de demande, mais, jusqu’à preuve du contraire, si l’offre se réduit, mécaniquement la demande restant, les prix augmentent (sauf à réduire la demande, comme à l’époque de la disparition progressive du charbon).

Et le bigorneau, notre solide bourricot des mers, attend patiemment la marée. Il se fout de connaître le responsable des marées noires. Il ne pleure pas ses proches, faute d’avoir des yeux. A quoi pense-t-il ? A rien, probablement, juste à survivre une journée de plus. Peut-être est-il juste bon à crever, comme tant d’autres choses en ce monde. Quelque part, dommage que la nature ne soit pas plus expressive, cela changerait énormément de choses. Imaginez donc le bigorneau qui se met à pleurer, ou l’arbre à gémir quand on déboise à outrance au Brésil… Cela réduirait notablement l’envie de couper un tronc, ou de balancer un sac en plastique au milieu de l’océan, non ? Allez le bigorneau, accroche toi, tu en as encore pour quelques semaines de vie. D’ici là, souviens toi qu’un nombre élevés d’humains seront morts de s’être battus pour le pétrole, que d’autres y laisseront leur vie après une vie d’intoxication aux particules nocives, et qu’à terme, tu auras eu raison de ne pas avoir conscience de notre incurie…

Nom d’un bigorneau !

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