16 mars 2010

Débats qui ne font pas mouche

J’aime bien cette expression qui dit « Qui se sent morveux se mouche ». En quelque sorte, elle exprime ce que j’estime être indispensable : si l’on se sent coupable de quoi que ce soit, on se doit de l’assumer. C’est malheureusement à tort et à travers que cette idée est utilisée de nos jours. En effet, nombre de politiques, et surtout la rue, usent et abusent du débat d’idées, sans pour autant que cela soit constructif ou, pire encore, intelligible. J’avais énoncé avec force moqueries le débat de fond de poubelle qui s’est tenu pendant la campagne des régionales, tout comme j’avais râlé contre les personnes réagissant sur le débat de « l’identité nationale ». Qu’en est-il sorti ? Rien ou presque, si ce n’est du pain béni pour les chroniqueurs comme moi, ou les vendeurs de torchons journalistiques.

Les interrogations qui flottent dans notre société ne sont pas récentes pourtant : religion, ethnocentrisme, assimilation ou intégration, xénophobie, avenir de la jeunesse, ce n’est hier qu’on a découvert qu’il y avait des choses à dire, et, en principe, des choses à faire. Pourtant, on ne se prive pas de biaiser les débats en les démantelant, en les taxant de démagogiques, en repoussant toute ouverture sous couvert de prétextes aussi fallacieux qu’inacceptables. On débat de l’identité nationale ? C’est vichyste ! On se pose des questions sur la gestion de l’islam en France ? C’est de la xénophobie. On espère trouver des solutions pour gérer tant que faire se peut l’immigration ? C’est du nationalisme de bas étage. Alors, comment débattre et discuter si votre interlocuteur se contente de vous ramener à des lieux communs, à vous étiqueter avec aisance, et avec des étiquettes malsaines qui plus est. Où se dirige-t-on alors ?

Je vais prendre un exemple très concret et très actuel : Israël et le meurtre d’un terroriste à Dubaï. Israël est accusé d’avoir fomenté l’exécution, de l’avoir planifiée et réalisée par le biais d’agents des services secrets, le Mossad. Jusque là, pourquoi pas… Après tout, ce ne serait pas la première fois qu’un état fait sa lessive ailleurs que chez lui. On peut par exemple citer la traque et l’exécution de terroristes du groupe terroriste Palestinien Septembre noir, ayant aidé à l’opération pendant les J.O de Münich. L’opération de représailles porte un nom d’ailleurs : « Opération colère de Dieu ». De ce fait, difficile de ne pas penser qu’il soit possible que cette exécution ait été réellement le fait d’agents du Mossad. Ce qui me gêne, c’est plutôt la réaction épidermique de nombres de soutiens d’Israël. Tout y passe : théorie du complot visant à déstabiliser Israël, action antisémite, coup monté et j’en passe. Et toute question sur la réalité de cette action est systématiquement défendue par la thèse du « le droit de se défendre contre le terrorisme ». Jusqu’à preuve du contraire, il n’y a rien de légitime d’aller assassiner quelqu’un dans un autre pays, ni même dans le sien ! S’il y a un concept de justice, de légalité, c’est justement pour éviter que de telles choses arrivent… Mais là, c’est demander un débat qu’Israël se refuse à avoir depuis sa « création » .

A vomir.

L’autre exemple signifiant est plus proche de nous. Nous parlons régulièrement de la burqa, avec en toile de fond l’idée de l’interdire, ou pas, dans les lieux publics. Nombre de personnes et d’élus y sont favorables, estimant qu’il faut sanctionner non pas les femmes prisonnières de ce vêtement (que j’estime scandaleux, rétrograde, et surtout illégal puisqu’il s’agit d’une réduction des libertés fondamentales de la femme), mais leurs maris et familles qui les « forcent » (ça reste à voir ça aussi) à la porter. Or, d’autres voix s’élèvent non pas pour discuter sur le fond, c'est-à-dire de savoir si un état comme la France peut accepter, ou pas, de telles pratiques rétrogrades, mais sur la forme, en débattant sur l’impossibilité d’appliquer la loi, ou encore sur des terrains encore plus sordides avec pour prétexte le « ne stigmatisons pas ces femmes qui souffrent déjà bien assez ». Dites, les palabres inutiles, on pourrait se les épargner en rappelant que, d’une part, l’intégration dans une nation, c’est en accepter les coutumes, et non en imposant les siennes, et que d’autre part, la France étant laïque, il est tout aussi inacceptable d’une femme travaille dans une mairie vêtue d’un voile, qu’un agent de police porte une kippa pendant son service, ou encore que tout agent au service de l’état me mette sous le nez sa croix catholique. La foi, c’est personnel, c’est une opinion, pas une revendication. De ce fait : je suis pour ouvrir le débat avec les autorités religieuses (on a bien créé le conseil Français du culte musulman pour ça, non ?), puis éventuellement envisager une loi interdisant purement et simplement la burqa dans les lieux publics. Nous ne sommes ni au moyen Orient, ni à la Mecque, et je rappelle aussi pernicieusement que la pratique de la burqa n’est pas spécialement bien accueillie dans l’immense majorité des pays à majorité musulmane. Donc, ne pas stigmatiser est une idée légitime, mais de là à laisser faire sous prétexte que c’est un sujet sensible, pas question.

Enfin, je crois que nous choisissons la polémique à la place de la discussion, quitte à tout réduire à des choses inintelligibles, voire stupides. Est-ce un progrès de véroler les débats pour les réduire au silence ? Est-ce vraiment une chose raisonnable de ne pas les accepter ? La doctrine, en ce moment, c’est « Si on n’en parle pas, ça n’existe pas ». Raté : ce qui n’est pas dit vous revient, tôt ou tard, en pleine face. On n’a pas su gérer les mutations de la société ? On crée un avenir glauque à nos enfants. On n’a pas voulu comprendre que les vieilles industries devaient mourir ? On a créé des régions sinistrées comme la Lorraine après la fermeture des mines… et ce n’est qu’un petit exemple de notre attitude de l’autruche. Faisons en sorte que le débat redevienne la norme, et non l’exception.

Comme toujours, quelques liens:
La prise d'otages à Münich, sur Wikipedia
Septembre noir sur Wikipedia
Opération colère de Dieu, sur wikipedia

1 commentaire:

Bill2 a dit…

Alors là, je ne peux que plussoyer sur cette phrase :
"l’intégration dans une nation, c’est en accepter les coutumes, et non en imposant les siennes".

Ca résume tout. Pas besoin de débat sur l'identité nationnale.
J'estime qu'après plusieurs générations en France, si on cherche toujours à se comporter comme dans le pays d'origine de ses ancêtres, c'est qu'on ne veux pas s'intégrer.

Le problème, c'est en fait que certains veuille imposer à la société le mode de vie dicté par leur religion.
Hors la religion doit rester une affaire personnelle, et la personne doit se conformer à la société dans laquelle elle vit.

Pas besoin d'invoquer les droits de l'homme pour dire qu'on devrait pouvoir porter la burqa. Le droit à tout faire pour s'intégrer dans la société est sans doute au moins aussi important.