18 janvier 2010

Haïti

Vous voulez que je sois larmoyant, sympathique, chargé de la que trop normale émotion pour ce pauvre pays frappé si souvent par le malheur ? Vous espérez sincèrement que je sois de ceux qui, sous couvert d’une bonne conscience, font des appels incessants aux dons ? N’y pensez même pas ! Ne comptez surtout pas sur moi pour être de ceux qui se rangent derrière l’image de propreté induite par la générosité largement affichée, et encore moins de cautionner ce qui va inévitablement enfoncer encore un peu plus Haïti dans le malheur. L’aide et l’assistanat sont deux choses très différentes, et, visiblement, le monde n’a toujours pas compris que jeter des millions de dollars dans la balance ne suffit pas à réformer un pays vérolé par la corruption, la gabegie sociale, et l’absence même d’instances politiques viables.

Je ne dis pas qu’il ne faut pas venir en aide à Haïti, c’est tout le contraire ! Il faut absolument que les nations s’empressent immédiatement de porter secours, par tous les moyens, à ce peuple martyrisé tant par les dictatures que par les éléments. J’exige que les pays de l’ONU assument en fait leur rôle dans le maintien au pouvoir d’escrocs, de despotes, d’ordures qui ont torturé la population, qui se sont enrichis grâce aux fonds internationaux, et qui pardessus le marché trouvent le moyen de se payer la tête des généreux donateurs. Que les USA, la France, et les autres, envoient de vrais moyens pour raser les bidonvilles, pour reconstruire de véritables infrastructures. Qu’ils mettent en œuvre définitivement l’assainissement des eaux usées, qu’ils déploient l’électricité jusque dans les quartiers populaires ! Mais qu’ils ne mettent, et ce à aucun prix, pas un centime à disposition des gouvernants. Que leur président soit, ou non, un homme de bonne volonté ne compte plus : Haïti a toute son administration complètement gangrené par l’héritage de décennies de dictatures, et, si l’argent venait à entrer dans les caisses d’un tel état, les populations les plus nécessiteuses n’en verront jamais la couleur.

Que les dons se fassent de manière physique : couvertures, équipements pour des constructions d’urgence, médicaments, pelles et pioches, mais certainement pas des chèques en blanc. Le désastre du tsunami ne semble pas avoir remis les choses en ordre : sur les millions collectés, combien aboutissent dans les communes sinistrées ? Et sous quel délai ? Là, il s’agit de trouver une solution pour toute une nation, d’offrir une véritable perspective d’avenir, et pas juste quelques mois de médiatisation qui finiront d’une part, par fatiguer les auditeurs, et d’autre part, par être ôtés des médias, et donc de l’esprit des gens. On n’oublie que trop facilement le malheur des autres pour mieux se focaliser sur soi-même, et Haïti subira cet oubli mondial, comme l’île l’a déjà subi avec les tempêtes de ces dernières années.

Les conseillers sont rarement ceux qui paient. La preuve en est avec les appels aux dons. A force d’être pris pour des demeurés, rares sont ceux qui donnent, de bonne grâce, de l’argent aux œuvres caritatives. Ne mettons pas en cause le courage des ONG, ne doutons pas de l’honnêteté de la plupart des acteurs, mais en retour, que ces mêmes ONG soient plus transparentes, et qu’elles demandent de la logistique, de l’équipement, au lieu de capitaux dont nul comprend l’usage final. Je croyais que nous parlions de bénévoles et non de salariés… Enfin bon : pour moi, la première association à but non lucratif devrait être l’ONU, et non des groupes de personnes qui pallient aux tares de notre système mondial. Il est inacceptable que nos nations ne soient pas capable de venir correctement en aide aux petites, d’autant plus quand il n’y a pas d’intérêt économique ou politique.

Afghanistan, Irak, deux beaux exemples de persistance des USA sur des territoires éloignés, et ce pour des causes obscures. Haïti n’a rien à offrir, si ce n’est un climat de carte postale, et donc un potentiel économique à créer. Combien de temps les boys américains resteront-ils sur place ? Trois mois ? Un an ? Ce n’est pas en quelques mois que le pays va se rebâtir, et encore moins s’organiser. Il y a un travail énorme de scolarisation, de création d’une élite morale et politique à faire, mais il faudra compter deux décennies pour y parvenir. D’ici là, sans une constante assistance administrative et politique, Haïti retournera inévitablement dans le fossé, et tous les investissements faits dans la reconstruction seront réduits à néant. Pensez y, messieurs dames les politiques : Haïti n’est ni riche ni productif. Haïti n’est pas le Koweït, mais Haïti mérite tout autant votre attention, car il y vit des gens qui souffrent, et vous n’êtes pas innocents à leurs souffrances. Ne me regardez pas de biais en faisant la moue : parce que vous n’avez pas légitimé la place des dictateurs haïtiens en les tolérant dans vos instances, à votre table, en leur rendant visite ?

Pensez y !

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