06 juillet 2009

Période créative

Ces derniers temps, j’ai tendance à pratiquer l’imagination au détriment de la chronique politique, historique ou sociale. En toute honnêteté, c’est avant tout parce que j’avoue une faiblesse pour l’imaginaire, au détriment de la froide réalité. Donc, aujourd’hui encore, vous aurez le droit à mes frasques…

Bonne lecture !

La grande Mort nous avaient chassés de nos terres. En quelques jours, toute la contrée s’était vidée de ses habitants, et nous avions abandonnés les malades et les mourants à leur sort. J’étais terrifié de quitter ma maison de chaume et de torchis, mais le choix s’était imposé ainsi : fuir ou mourir. Je ne peux que pleurer à distance ma défunte mère, elle aussi condamnée par la peste au trépas. Dès que tout sera fini, je lui ferai une sépulture décente, si Dieu m’en donne la chance.

Seigneur, pourquoi harceler vos enfants ainsi ? Nous avions connus nombre de guerres, depuis le passage des Anglais saisissant biens et femmes, jusqu’aux débandades des troupes du roy se muant en hordes de pillards, rien ne nous fut épargné. Pourtant, nous n’avons jamais été acculés à la fuite, jamais nous n’avons été réduits à laisser nos amis, nos proches, nos familles être la proie de la Mort. Qu’on pardonne ma lâcheté, je n’ai pas osé aller saluer tous ces gens que j’ai aimés du plus profond de mon âme. Seigneur, protégez ces gens simples, accordez leur le pardon pour leurs péchés, qu’ils soient absous et qu’ils connaissent le repose éternel.

Je regarde souvent du coin de l’œil mon épouse qui serre le petit dernier dans ses bras. Emmailloté, il grelotte le pauvre, nous n’avons plus de bêtes de peur de transporter la maladie plus loin. La nouvelle s’est déjà répandue, notre village est déclaré maudit de Dieu, et nous autres, fuyards, sommes déclarés indésirables où que nous allions. Même les hommes d’église nous refusent leur protection et l’hospitalité. Ces cochons qui s’engraissent avec les deniers du culte, qui récoltent or et flatteries des nobles pour une grâce, qu’ils périssent comme les autres, qu’ils paient leur vanité et leur cupidité !

Des jours et des jours de marche, nous n’avons quasiment plus rien. De la charrette à bras que j’ai péniblement tiré avec du grain il ne nous reste qu’un demi sac, tout juste de quoi assurer le prochain repas pour nos quatre enfants. Qu’ils sont maigres ! La famine est passée par là, nous avons même pris les semailles de la prochaine saison… En espérant qu’il y aura une prochaine saison du blé. De toute façon, toute la région se vide de ses habitants, la mort rôde, implacable, froide et cruelle. Chaque village que nous traversons résonne des cris des femmes éplorées, des paroles des moines psalmodiant une extrême onction, et du bruit des bêches ouvrant la terre pour offrir une dernière demeure aux mourants. Plus je regarde ce monde, plus la pluie qui s’est mise à tomber il y a trois jours semble vouloir nous noyer et nous rappeler le grand déluge. Nos fautes… Seigneur, pardonne les je t’en supplie !

Voilà un mois à présent que nous sommes partis. J’ai enterré le cadet, il s’est endormi pour ne plus se réveiller. La plus petite est surprenante, elle reste souriante et gaie, riant et babillant à tout rompre. Que son rire cristallin tr anche avec ces forêts dégarnies par l’automne ! Grâce à elle, nous avons obtenus un peu d’aide des paysans de ces coteaux inconnus. De ma vie, je n’avais jamais quitté le village, et mon épouse était la fille de notre défunte voisine. Ils ont un accent bizarre, mais ils sont sympathiques. Nous avons pu manger un peu de pain, que grâce leur soit rendue ! Je vais tenter de me faire métayer, avec un peu de chance, ils accepteront d’héberger ma famille en échange de mes bras. Et puis j’ai deux autres enfants qui peuvent travailler. Ils sont petits mais vaillants. Dommage, j’aurais aimé qu’ils apprennent au moins à lire chez les moines… Mais la peste en a décidé autrement.

La cadette a eu une question étrange aujourd’hui … Est-ce les anglais qui nous ont chassés ? « Non ma Jeanne, ce n’est pas les Anglais, Dieu a puni la France pour son arrogance, tout comme elle punira les Anglais pour leurs péchés », ai-je répondu. Je ne sais pas pourquoi, mais je crois qu’elle est très remontée contre ces Anglais qui ont pris la vie de mon père il y a déjà dix ans de cela. Du calme ma Jeanne, et puis va chercher un peu d’eau à la rivière !

Aucun commentaire: