02 juin 2009

Tian’Anmen

Mémoire, obscure zone où se stockent patiemment toutes les informations de notre existence, et où l’on arrive aussi à « oublier », ou tout du moins occulter volontairement des informations. Plus je prends de l’âge (sans toutefois me bonifier, je ne suis pas un litron de rouge picrate !), plus je constate que nous avons cette souplesse intellectuelle de pouvoir à loisir effacer ce qui saurait nous déranger. Ainsi, alors que les évènements relatifs à Tian’Anmen « fêtent » leur vingt ans, quasiment aucun média ne semble vraiment décidé à en parler. Serions nous devenus complices de la Chine impopulaire, en tout cas complice par notre silence ?

Rappelons les faits : intellectuels, étudiants et des ouvriers décidèrent de manifester leur ras le bol de la corruption et des faiblesses du gouvernement chinois. Face à la contestation, et surtout face à la résistance tant passive que active des « insurgés », l’armée fut envoyée pour réprimer la contestation dans le sang. On parle de 300 (source chinoise) à 3000 morts (selon la croix rouge). Quelles que soient les chiffres, l’essentiel est là : les états furent pseudo virulents avec l’état communiste, certains choisirent officiellement la voie du gel des échanges politiques (sans toutefois geler l’économie…), mais au bout du compte la répression, la censure et aujourd’hui le mutisme international ont légitimés cet acte aussi violent qu’inhumain.

Tian’Anmen a suscité, a son époque, énormément d’espoir de la part de la jeunesse mondiale. En effet, les premières heures du mouvement sur la place en question furent pacifiques, tout juste surveillées de près par les forces de l’ordre. Bien entendu, nombreux étaient ceux qui voulaient prévenir le massacre, car l’intuition était là : la Chine allait-elle céder sous les coups de bélier de sa jeunesse désoeuvrée et lasse des folies autocratiques ? C’est avant tout le pragmatisme brutal qui fut mis en œuvre, car au fond, si la place fut évacuée par la force, que le résultat fut des arrestations menant à des exécutions, interrogatoires ou disparitions, il est à noter que le gouvernement chinois est toujours en place. On peut parler de réformes, mais toutes sont économiques et non sociales ou politiques, la liberté est aujourd’hui encore une utopie dans l’empire du milieu, et surtout le monde ignore encore un peu plus les vraies conditions d’existence des peuples en Chine. Excluons d’emblée les clichés véhiculés par les touristes affluant un peu plus chaque année : comme toute dictature, la Chine sait parfaitement recevoir ceux qui se feront fort de remonter la « réussite, modernité et richesse de la Chine moderne ». Dissidence et torture y ont cours comme aux pires heures de Mao, ne l’oublions jamais.

Ce qui me révolte, c’est avant tout le silence quasi-total des médias. Je n’arrive pas à comprendre que l’on ne soit pas suffisamment courageux pour rappeler ces évènements, que l’on va probablement citer en deux minutes à l’heure du journal télévisé, ceci avec quelques clichés ou vidéos, juste histoire que l’on se souvienne temporairement de ces étudiants qui rêvaient d’un avenir meilleur pour leur patrie. Petit aparté : n’allez pas croire que ces étudiants étaient anticommunistes ! Ils luttaient pour une nation plus juste, moins corrompue… plus idéalement communiste en quelque sorte. Revenons à ces maudits médias : pourquoi les oubliez-vous, ces forçats condamnés pour leurs opinions ? Ah, froisser Pékin c’est risquer quelques Airbus et TGV en moins, j’oubliais… et puis, au fond, la Chine, c’est le nouveau poumon économique du monde, un poumon de fumeur qui attend sa tumeur cancéreuse sous peu, mais passons. Dites, ça vous fait mal de parler des dictatures et de les dénoncer ? « Pas du tout, sauf quand il y a des intérêts ».

Et on me parle de presse indépendante… sic.

Et puis, quel est l’évènement qui a le plus marqué les esprits avec la place Tian’Anmen ? Tout est résumé en à peine une minute de vidéo : un inconnu interrompant une colonne de blindés. Armé ? Pas du tout, si ce n’est de sa détermination et de son courage. Les couards diront inconscience, moi je dis héroïsme involontaire. Il a voulu empêcher le massacre des siens, il s’est interposé avec la volonté suprême d’être prêt « pour la cause », et non que pour lui. Qu’est-il devenu ? Je l’ignore, le Web étant muet sur la question. De toute façon ce qui compte à mes yeux, c’est qu’il a accompli quelque chose le dépassant totalement : il a prouvé par l’exemple que l’homme volontaire, sûr de son droit peut faire fléchir, même temporairement, le plus décidé des militaires. Observez donc ce char qui tente de manœuvrer et qui n’ose pas renverser le résistant. Peur de la propagande ? Depuis quand une dictature se préoccupe de son image ? Non, ici, c’est juste un homme contre un système, où l’homme dit juste « fonce moi dessus et tu seras leur complice ». J’aime ce genre de mec, qu’hommage lui soit rendu… même si je suppose qu’il aura été arrêté et sûrement discrètement liquidé pour qu’il ne devienne pas un martyr de plus sur l’autel des libertés bafouées.

L'homme de Tian'Anmen


Tian'Anmen sur Wikipedia
La vidéo sur Youtube

1 commentaire:

Thoraval a dit…

Je fais cette petite intervention pour simplement signaler que l'autre soir sur France 2, lors d'une émission politique concernant les élections EUROPEENNES, certains "responsables" politiques de la France se sont servis de ce sujet pour éviter de répondre sur des questions européennes avec la complicité de la collaboratrice Chabot et de son parti pris répugnant, car anti-républicain et anti-démocratique. Et je gueule à ces gens que si des évênements comme celui-ci ne leur servent qu'à cacher leur indicible connerie, ils ne valent pas mieux que les dictateurs de ce monde! Bref, je trouve cela tout aussi répugnant que les actes du groupe Yahoo qui ont des actions dans certains grands mouvements humanitaires, mais qui vend son logiciel de surveillance internet la Chine. Pauvres hères que les héros de ce jour-là, quand on voit ce que les impuissants en font!!!