15 décembre 2008

Télévision allemande en deuil

L’inspecteur Derrick est mort. Dit comme ça, cela pourrait prêter à sourire avec pour question imbécile « pendant un de ses épisodes ? ». Hélas non, la nature a rattrapé Horst Tappert, l’acteur principal de la dite série. Moquez vous, riez donc de ce personnage si caricatural et pourtant connu de tous ! Nul ne peut prétendre à ignorer que Derrick était une de ces séries diffusées à outrance pendant les après midi et qui savaient occuper tant les ménagères que les maisons de retraite. Personnellement je ne peux pas prétendre à avoir aimé la série mais tout de même, je crois qu’elle mérite qu’on se penche plus sur son sort que de s’en moquer bêtement comme trop d’imbéciles le font.

Tout d’abord recadrons un peu : c’est une série policière au rythme assez lent tenant plus de Columbo germanique que de courses poursuite à n’en plus finir. Dans ces conditions, difficile d’attirer les jeunes qui ne jurent plus que par les carambolages et les échanges de coups de feu. Bien entendu, ces séries déjà anciennes avaient pour vocation de faire réfléchir le spectateur qui avait toute ou partie de l’énigme et qui observait donc les déductions durant l’enquête. Ce genre de schéma ne saurait plus vraiment marcher car seul le spectaculaire est important. Tiens, un doigt se lève et me parle des experts comme série intellectuelle. Les experts ? De l’exagération supposée scientifique et toujours risible (pour moi) quand l’informatique s’en mêle (désolé, c’est maladif mais voir des inepties dans ce domaine m’horripile au plus haut point). Alors bon, le format réfléchi, formaté pour amener à se poser des questions, ce n’est sûrement pas dans la production actuelle qu’on la trouve.

Oh évidemment l’esthétique datée, l’aspect taciturne et son côté un peu moralisateur de l’acteur peuvent agacer, mais après tout qu’est ce donc qu’un policier si ce n’est un défenseur d’une certaine idée de la justice et de la morale ? C’est dommage que l’on vilipende des séries et des acteurs sans en avoir vu ne serait-ce qu’un extrait. Je cite un article intéressant faisant la nécrologie de l’acteur :

« Il laisse derrière lui 281 épisodes. Vingt-quatre années de service, pendant lesquelles il aura démasqué 282 coupables, vu 344 cadavres et laissé échapper 3 meurtriers - jamais retrouvés d'ailleurs, mais l'un des trois était en fait innocent. Au sommet de la non-violence, l'inspecteur légendaire n'aurait dégainé son arme que dix fois en vingt-cinq saisons. A vous de le vérifier… »

Non violente, bien bâtie, donc une série probablement intéressante et symbolique d’une époque où l’on cherchait le coupable et non l’éblouissement du spectateur. Pour information je doute que les policiers de la criminelle soient de ceux qui sortent constamment leur arme pour riposter. Nous ne sommes pas au cinéma et la violence est surfaite… Pratique pour créer un climat de paranoïa soit dit en passant. Bref, Derrick est l’exemple même de ce que la vindicte stupide peut faire : une série « culte » mais dans un sens kitch et bien moqueur.

A tout choisir je crois que je laisserai le soin à la télévision de lessiver les esprits. Entre publicité abêtissante et séries formatées pour nous faire craindre notre voisin, il ne me restera guère qu’à compter les morts quand la violence télévisuelle deviendra véritablement standard dans nos rues. L’inspecteur Derrick représente un peu ce que la vie communautaire devrait être : imparfaite, pleine de paradoxes et de tristesses, mais à la violence ordinaire plus sordide que voyante. Nous sommes depuis toujours des êtres doués d’un don pour la violence gratuite, et inutile d’en vanter l’esthétisme par un excès de flammes et d’hémoglobine. Pour moi la mort devrait suffire à effrayer au lieu de se lancer dans une projection malsaine et scabreuse de tripes éparpillées. Un assassin aujourd’hui ce n’est plus le type qui tire par panique plus que par envie, non c’est maintenant une machine à tuer, supérieurement intelligente et dénuée d’humanité. Pourtant, il me semble que les meurtres sont majoritairement causés par le cœur (jalousie), l’argent (envie ou dettes), ou l’imprévisible (cambriolage qui tourne mal). Au-delà la préméditation n’est pas une constante ! Donc encore une fois dommage que de telles séries ne soient pas remises au goût du jour : un tournage un rien plus nerveux sans trop en faire, des acteurs charismatiques mais sans esbroufe, et par pitié ne leur collez pas des mots scientifiques pas maîtrisés sans leurs bouches ! Tiens, ça ferait peut-être un tabac, non ?

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