16 décembre 2008

Neutralité du réseau

C’est un thème récurrent dans la communication des grands réseaux de communication Internet : neutralité de l’information restituée. Ainsi, ces derniers Google a consacré énormément d’efforts (et d’argent) à revendiquer un statut d’informateur et non de censeur. Si l’on est du genre crédule et peu informé cette communication serait agréable à entendre et qui plus est rassurante sur notre avenir, toutefois je suis plus que circonspect sur les fondements même de cet engagement. Donner l’information, est-ce si neutre que cela ? Peut-on s’octroyer une image de neutralité quand il s’agit de restituer des évènements nécessitant tant analyse que précisions ?

De prime abord Google semble déjà bien trop tentaculaire pour être vraiment crédible. Avec une expansion mondiale et une implication forte dans l’activité globale d’Internet, cet acteur des technologies de l’information ne peut pas prétendre à être totalement neutre. La problématique chinoise prouve d’ailleurs le handicap du géant : à devenir trop grand l’on devient encombrant pour les états. Ainsi, tel un service gouvernemental pseudo indépendant Google devient partenaire forcé de l’état chinois en censurant à travers son portail les liens susceptibles de véhiculer la contestation en Chine. Les derniers jeux olympiques furent d’autant plus marquants qu’ils furent les premiers à être aussi le théâtre de la guerre de l’information moderne. Bien qu’il fut difficile d’en savoir suffisamment pour être critiques de nombreux journalistes purent constater que l’informatique est bel et bien un nouveau siège de la révolte sous toutes ses formes. Google, en commerçant avisé, n’a pas pu se dédouaner et refuser les injonctions qui lui furent faites. A vrai dire l’ultimatum fut simple : vous censurez ou l’on vous censure. De fait, la neutralité n’est pas crédible en ces termes.

En élargissant le scope d’observation de cette prétendue neutralité à l’ensemble de l’Internet, force est de constater que chaque acteur a le même souci : être franc et potentiellement censuré, ou bien louvoyer pour continuer à communiquer. Entre ces deux extrêmes se trouvent la plupart des opérateurs de l’information, qu’ils soient issus de l’ancienne technologie (télévision et presse), ou bien totalement issus du réseau (sites Internet sans rattachement aux sociétés précédentes). Parmi toutes les nations libres rares sont celles qui usent du droit de censure concernant l’Internet, à la nuance près qu’elles acceptent de gérer au cas par cas les propos potentiellement justiciables : racisme, antisémitisme, incitation à la négation des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité... la liste n’est pas exhaustive. Cependant, à force de proposer des recours en justice nombre de sites revendiquant une véritable indépendance tant politique que financière se virent mis en accusation pour avoir trop franchement abordés des sujets dits « sensibles ». En effet, et comme je l’ai déjà à maintes reprises exprimé, il est aujourd’hui difficile de parler de l’état d’Israël, de la guerre en Irak, ou bien même de l’antisémitisme supposé en France sans être immédiatement harcelé et insulté. Ces mêmes sites dont le courage de la plume n’est pas sans évoquer les plus belles lignes de Zola avec « J’accuse » perdent bien souvent de leur teneur à coups de trique d’avocats empressés de s’enrichir, et qui plus est de faire taire toute contestation. C’est donc plus un pouvoir fiduciaire qu’étatique qui se charge actuellement de la véritable censure, et par voie de conséquence de la mort programmée de la neutralité rédactionnelle.

Le ciel interactif du réseau Internet fut au départ envisagé comme celui de la liberté d’évoluer, sans doute sur la qualité des données transmises et comptant sur la foi des utilisateurs en un espace de réflexion commun. Dans cette utopie naquirent bien des concepts aussi novateurs qu’intéressants : mutualisation des connaissances dans des encyclopédies communautaires, assistance et communication entre personnes via les forums, disponibilité « éternelle » de l’information avec un libre échange des idées. Bref, tout ce qui pourrait ressembler aux actes fondateurs de la bibliothèque d’Alexandrie. Là où tout s’est effondré c’est au moment même où les états eurent à gérer cette information, et donc potentiellement l’interdire. Nul gouvernement ne saurait être totalement muet concernant ce qui circule aussi librement sur le réseau, et qui plus est toute dictature se doit d’être réceptive à ces nouveaux médias afin de les intercepter, voire les utiliser. Revenons à la Chine : c’est, en ce qui concerne la véritable guerre électronique, la première nation au monde capable d’attaquer en bonne et due forme tout autre état à travers Internet. Sans pouvoir réellement le prouver nombre de sites informatifs furent ostensiblement harcelés, attaqués et mis hors service par des hordes de pirates très (trop ?) organisés. Cela sous-entend donc que potentiellement nombre de sites furent donc modifiés à l’insu de leurs propriétaires légitimes. L’ère de l’indépendance de réflexion, de la liberté de communication et donc finalement de la neutralité n’est pas encore à l’ordre du jour : tant que la donnée sera tributaire d’un financement celui-ci pourra briser l’élan libertaire de toute plume un rien trop affûtée.

Enfin, n’oublions pas un point commun à tous les médias : toute analyse est tributaire du sentiment de celui qui la réalise. De ce fait, tout engagement à être neutre revient finalement à choisir une ligne de conduite. La neutralité est au fond une utopie, mais une utopie indispensable au journalisme, tout autant qu’il est nécessaire d’être juste et équitable pour un juge. Seulement nous le savons tous : la justice et l’équité sont des vertus hors de portée de l’Homme qui est imparfait. L’information si « parfaite » soit-elle sera donc toujours imparfaitement retransmise. Je m’en arrangerais volontiers si je ne doutais pas, déjà, de la fiabilité de ces acteurs. Le cirque médiatique fait autour des choses anodines afin de boucler un journal qui n’abordera pas les sujets sensibles me laisse déjà plus que perplexe à ce sujet, et l’Internet ne va qu’intensifier ce problème. Tenez, par curiosité, allez donc explorer les sites officiels des grandes publications internationales, et comptez ceux qui n’offrent pas le moindre bandeau de publicité où que ce soit...

Neutres ? Indépendants ? A vous de réfléchir et de répondre à ces deux questions fondamentales que doivent se poser tout utilisateur avisé du réseau Internet.

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