10 octobre 2008

Noblesse

Bien qu’il soit suranné de parler de noblesse j’estime que l’on a malheureusement dénigré une certaine forme de richesse morale au profit d’une attitude molle adoptée par le plus grand nombre. En quoi être noble de cœur serait une tare ? Nous nous sommes tous faits les chantres de l’individualisme forcené et chacun peut constater avec effroi que l’entraide et la générosité sont des vertus qui n’ont pour ainsi dire plus cours dans notre quotidien. C’est d’autant plus dramatique que nous allons probablement avoir à supporter le contrecoup de la crise financière mondiale qui nous annonce de bien longs mois de disette forcée. Certains vont me dire que je vois les choses en noir mais j’estime tout de même que tout ceci sent fortement la future montée des nationalismes, la clôture de bien des marchés internationalisés au profit d’un retour à l’isolationnisme et finalement la renaissance des partis à connotation fascisante.

Dire qu’être noble est pour moi non pas un statut social mais plutôt une éthique de vie. N’allez pas me parler de noblesse de cour, celle-ci n’avait de noble que la particule minuscule souvent acquise lors d’une prétendue bataille, ou par négociation pécuniaire. Non, là je songe à la vraie noblesse d’épée, du moins celle que l’on peut imaginer quand il s’agit de celle du Japon féodal. Oui, je l’admets, je songe au samouraï, à ce guerrier philosophe et érudit qui défendait autant son honneur que celui de sa bannière. L’histoire japonaise à ce sujet est surprenante car la plupart ces samouraïs restés dans les mémoires sont morts dans des drames ou lors de trahisons. Contrairement à nous autres européens cette manière d’envisager l’honneur et la noblesse d’âme consistait à ne jamais renier une opinion et à payer, si nécessaire, le prix du sang pour cette foi. Aujourd’hui il paraîtrait stupide de mourir pour un idéal mais je crois qu’à tout choisir je préfère la détermination nihiliste du samouraï à la mollesse de volonté de ceux qui partagent mon espace vital.

En quoi tenir l’épée est si dégradant ? Bien qu’il soit compréhensible que tuer ne soit pas un talent agréable force est de reconnaître aux héritiers de ces soldats d’élite qu’ils arborent avec fierté leur courage et leur volonté de victoire. Ce n’est pas péjoratif de défendre quelque chose, ça n’est pas dégradant d’être celui par qui la victoire arrivera, ou celui qui périra pour ne pas subir la honte de la défaite. C’est difficile à comprendre mais c’est ainsi : se déshonorer est pire que la mort, et c’est un noble choix que de tenir tête au destin jusqu’aux derniers moments de sa vie. Suis-je moi-même un samouraï ? Que j’aimerais pouvoir le revendiquer, pouvoir affirmer que je suis de ceux qui n’acceptent pas la reddition et qui lèvent le sabre uniquement quand cela s’avère nécessaire. Je suis hélas tout aussi frêle et lâche que mes compatriotes et je n’ai que rarement eu la chance et l’honneur d’être un soutien pour quelqu’un de plus faible que moi. C’est ainsi, je suis tout aussi corrompu et mauvais que les autres…

J’espère pouvoir un jour prétendre à la sagesse, à la richesse de cœur qui saura apaiser mes proches, enrichir les jeunes et s’enrichir des autres. Je désire pouvoir symboliser une sorte de sérénité satisfaite, non pas celle de celui qui sait tout mais la sérénité de l’homme qui apprendra jusqu’à la fin de ses jours. Assis sur le haut de la montagne j’aimerais alors pouvoir avoir un regard serein sur un monde dont je ne comprendrai qu’une partie de l’éclat, mais j’aurai alors atteint au moins une étape essentielle pour l’âme : celle de la connaissance. Quand on me demandera conseil je ne donnerai pas un avis mais j’inciterai l’autre à réfléchir, quand on m’affirmera quelque chose je serai à l’écoute, je réviserai mes opinions en les enrichissant de la connaissance portée par les autres. Serai-je donc un noble ? Si le destin me le permet, je le désire ardemment.

Alors, au dernier de mes soupirs je pourrai exhaler mon dernier souffle en affirmant sans trop me tromper que « j’aurais vécu une belle vie. »

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Certain qu'il est amusant qu'entre la vieille noblesse d'épée et celle des adeptes du Bushido, il y avait à l'origine peu de différence. Malgré le paradoxe de la vassalité, ils étaient de la caste des libres. Chez nous, c'est la religion qui l'a canalisée, en transformant les bara (devenus barons)en moines-soldats ou chevaliers bien chrétiens. En Asie, c'est le politique qui le fit. La différence annotée à présent viendrait-elle des origines de ces perversions? C'est une question, non une affirmation...