03 septembre 2008

Nostalgie

Ce n’est pas sans une certaine ironie que je constate la passion qui dévore par cycles la société de consommation, cette puissante impulsion qui mène le quidam à acheter… de l’ancien. Bien loin d’une légitime nostalgie pour des objets obsolètes d’un passé idéalisé, notre acheteur en question est autrement plus pragmatique puisqu’il applique sans vergogne le précepte qui affirme que « quand c’est kitsch c’est que c’est à la mode ». Depuis le satané tabouret orange qui est aussi hideux qu’il est inconfortable jusqu’à la vulgaire réinterprétation néo moderne du tourne disque de grand papa (en lecteur multimédia fragile et surtout parfaitement inutilisable puisque dénué de toute élémentaire ergonomie), la fausse nostalgie nous envahit au point que certaines boutiques font fortune en refourguant les horreurs du passé. Merci à ces commerçants de nous rappeler que fut un temps les gens portaient des vêtements cintrés, que les joggings pouvaient prendre des couleurs façon « relents de beuverie dans le caniveau » et enfin un grand merci au cinéma qui se flatte de reprendre et moderniser (je pouffe) certains classiques…

Regardons autour de nous : le bel objet attire bien plus que le fonctionnel, d’autant plus si celui-ci trône magistralement dans le salon. Il est bien entendu logique de prétendre à retrouver une certaine atmosphère en singeant les tubes du passé : les boutons crème de la vieille radio à mamie ou les téléphones en bakélite font fureur apparemment. Mais hélas, trois fois hélas quitte à prendre modèle autant le faire intelligemment, pas en décrétant que le chrome devient plastique peint ou que les métaux sont à proscrire. Sans rire, il m’est intolérable de voir ces réfrigérateurs néo rétro qui se font fort de vous prendre pour une andouille et qui sacrifie tout au design. Pour ma part un appareil doit d’abord servir, pas être une sorte de sculpture devant faire statut à son propriétaire. Dans le même ordre d’idée pourquoi diable les reprises musicales sont-elles à la mode ? A écouter des braillards sans talent s’approprier (disons plutôt cannibaliser) du Brassens j’en viens à des envies de meurtre voire même d’exécution de masse. Vous les terroristes proférant des menaces au monde « civilisé », pourriez-vous viser les producteurs de ces insultes à la musique ? Rares sont les compositions qui supportent la reprise et dans l’ensemble on a le droit à un joyeux démembrement de l’orchestration mâtiné de sons électroniques dissonants au possible.

Pourtant je ne puis contester que je suis un passionné de ce qui s’est aujourd’hui périmé : amateur des Beatles (sans en être expert toutefois), appréciant les morceaux des années 70 notamment toute la ribambelle de groupes rock expérimentaux, je n’en reste pas moins lucide. A mes yeux rien n’est plus débile que de décongeler des concepts pour espérer les rafraîchir. Tout au plus peut-on espérer une mode passagère, un instant de grâce où l’affreux devient sublime, où la veste pied de poule passe pour être une sympathique plaisanterie de bobo voulant se dire décalé et finalement la coupe de cheveux façon Beatles (encore eux) qui apparemment fait fureur dans les spots de publicité. Je me serais bien plus amusé à voir une poussée de punk attitude dans nos cités, notamment sur l’aspect vestimentaire. Sortez moi ces perfectos de la naphtaline, remettez les bonnes vieilles vestes kaki mitraillées de badges aux slogans provocateurs ! Merde quoi, faites donc revivre ces cinglés qui, par goût pour le nihilisme, furent des épines dans les pieds des bien-pensants !
Hélas, comme toujours c’est le consumérisme qui recycle l’image proprette d’une époque révolue. Ce n’est pas pour rien que même l’automobile s’est lancé dans le domaine : entre la Mini qui n’a plus de « mini » que le nom, la Coccinelle réinterprétée en pataude « new beetle » ou bien la fameuse Fiat 500 qui est la seule du lot à trouver grâce à mes yeux, nul doute que le potentiel commercial de la nostalgie a de quoi faire fantasmer les économistes. Après tout, c’est le but même de notre société : engendrer de l’argent par tous les moyens acceptables et prendre le client pour un con sans qu’il se sente comme tel.

Finalement la nostalgie c’est avant toute chose réinventer un passé supposé agréable et glorieux mais ceci uniquement sur le terrain de l’accessoire, du superflu voyant qui fait de vous une personne « dans le mouvement ». Nul doute qu’aucun gogo qui s’est offert la radio faux bois lecteur de CD n’a songé qu’à l’époque la mobile tirait sur la foule ou que les jeunes hommes partaient faire leur service quelque part dans le désert algérien. Je n’ai pas la moindre hésitation à affirmer que quand une gamine s’écoute une reprise de Jimmy Hendrix elle ignore que la chanson exprime une révolte politique et un refus de la société. Non, l’un comme l’autre se foutent de savoir d’où ça vient tant que cela leur convient

(tiens… il y a un jeu de mots débile, le trouveras-tu ami lecteur ?)


Découvrez Jimi Hendrix!

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Non, l’un comme l’autre se foutent de savoir d’où ça vient tant que cela leur con vient.