01 septembre 2008

La terreur

Elle est là, au fond de tout être humain. Elle peut vous ronger, vous tétaniser, faire de vous une bête sauvage et même vous détruire. La terreur, la peur incontrôlable où tout raisonnement laisse place aux plus bas de vos instincts. Etes-vous inquiet quand l’obscurité se saisit d’une pièce confinée, tremblez-vous au craquement sinistre du parquet dans votre chambre une fois la lampe de chevet éteinte ? Avez-vous déjà poussé ce hurlement qui ferait frémir la mort elle-même ? Là, maintenant, derrière vous une paire d’yeux avides se posent sur vos épaules, ces prunelles observent votre respiration saccadée et s’apprêtent à fondre sur votre âme pétrifiée d’effroi…

Ah le jeu de la plume pour créer le moment oppressant, l’angoisse indéfinissable supposée rendre le lecteur réceptif à tout évènement surnaturel ou terrifiant ! Que j’aime jouer avec les mots pour en faire tant de la ouate confortable qu’un poignard acéré se logeant entre les omoplates d’une victime improbable ! Comme nombre de mes « maîtres », j’aime à frayer dans les eaux troubles des inquiétudes humaines car non contentes d’être boueuses à souhait, elles sont aussi le lieu où naissent toutes les névroses et frayeurs que peu de gens reconnaissent avoir. La vue du sang n’est pas indispensable, pas plus qu’une odeur caractéristique de pourriture tant décrite dans les classiques de l’horreur, il suffit aussi de créer un climat malsain, un lieu aussi anodin d’un centre commercial ou une épicerie peut alors devenir la pire de vos hantises…

Les néons se turent lors de la fermeture et les portes se refermèrent sur les étals dégarnis par une frénétique journée de vente. Ils s’étaient cachés sous un présentoir à nouveautés multicolores et ils espéraient pouvoir repartir avec des sacs pleins de marchandises. Un carreau de cassé, au pire une porte d’évacuation de forcée et le tour serait joué se disaient-ils en sortant de leur cachette. De la grande clameur de l’éclairage il ne subsistait plus que les panneaux verts mentionnant les issues de secours et le silence était d’autant plus pesant que leurs pas résonnaient sur le linoléum brillant. Les deux amis sentirent rapidement que la chaleur des lieux n’était que l’expression de la présence des clients et que la nuit il faisait frais, voire même froid dans ces allées désertées. Tout d’abord euphoriques ils arpentèrent le petit électroménager et emplirent un caddie d’appareils divers et variés, puis ils firent une razzia sur l’alcool et les chips… mais le silence lui continua à s’appesantir au point qu’ils s’entendaient respirer. La légère vapeur exhalée leur parut s’intensifier tandis que la nuit avançait. Peur ? Le noir ne leur avait jamais fait peur mais pourtant quelque chose les mettaient mal à l’aise. Etait-ce cette étrange poussière qui se levait à chacun de leur pas, ou bien l’apparition d’oiseaux perdus sous ces hauts plafonds, ou bien encore le bruit étouffé de pas venant de partout et nulle part à la fois ? Cela ne devait être qu’un simple cambriolage, de ceux que les jeunes font pour se sentir plus forts, plus « hommes », et pourtant quand les claquements des verrous électriques se firent entendre et que les aérateurs battirent leurs ailettes métalliques au plafond tout deux ne purent refreiner un petit cri de surprise mêlée d’angoisse. Prisonniers, voilà ce qu’ils étaient ! Les fenêtres de sortie ? Des barreaux en acier impossible à couper en une seule nuit ; les portes de secours ? Cadenassées de l’extérieur ! Des deux compères le plus âgé proposa de laisser tomber, chose que l’autre ne refusa pas. Il était bien assez inquiétant de rester bloqués là-dedans pour ajouter en prime la prison en cas de découverte… Ce qui les inquiétaient pardessus tout c’était l’absence de ronde… jusqu’au moment où les bruits de pas feutrés reprirent, mais accompagnés cette fois-ci de grognements d’animaux visiblement hostiles. Des chiens ? Ils avaient lâchés des chiens dans la galerie ! Se dirent-ils en montant sur la sécurisante hauteur d’un rayonnage de conserves… qui se mit à trembler de toute part au son rauque et terrifiant d’un aboiement démesuré. Quelle sorte de chien pouvait, de ses seules mâchoires, faire trembler des étagères métalliques ?! Ils hurlèrent, appelèrent au secours, en vain. Le plus jeune tomba le premier et n’eut que peu de temps pour crier sa détresse tant sa voix fut étouffée par le craquement sourd de son corps qui semblait se disloquer. Son ami lui, s’accrocha à la suspension de la climatisation quand son regard croisa ces prunelles bleutées, ces deux flammes butane qui vinrent lui ôter toute existence terrestre…

Comme quoi, s’amuser de la frayeur n’a rien de bien sorcier, le tout est de trouver le scénario qui fonctionne sans avoir trop de clichés. Inutile d’aller parler de gerbes de sang s’étalant sur les murs blancs de l’hôpital désaffecté, rien de tel qu’une peur primaire pour que votre lecteur soit mis au pied du mur de ses propres craintes. Qui n’a jamais eu cette frousse de descendre à la cave, en pleine nuit, alors que les plombs ont décidés de sauter ? Qui ne s’est pas refusé à traverser un terrain vague inconnu à des heures indues ? Allez, avouez le, la peur existe et elle est aussi tangible que peut l’être la sueur froide qui vient vous lécher les vertèbres quand tout est sombre, quand le monde si beau de jour devient hostile, quand les bêtes prennent la place des animaux, quand l’homme est un monstre… quand la terreur remplace tout autre sentiment si fort soit-il…

« Dormez bien ! » dit le conteur sadique en arborant un sourire cruel et amusé d’avoir fait naître la terreur....

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Le téméraire est un fou... Seul le lâche s'appuie sur de réelles informations! Disait je ne sais plus qui...