14 mars 2008

Droit à la vie

L’éthique, ce rempart moral derrière lequel on se réfugie souvent pour se considérer dédouané de toute réflexion, cette astuce de persifleur indécis quand il doit se prononcer sur un sujet délicat… C’est derrière cette éthique boulevardière que se réfugient les pouvoirs publics concernant un grand nombre de sujets et la Vie dans son ensemble est un terrain propice aux annonces sur « l’éthique ». Rien que le fait d’entendre ce mot est aujourd’hui signe qu’on va aborder l’euthanasie et le serment d’Hippocrate. Pourtant, ce ne sont pas des médecins qui traitent la question avec l’expérience requise du quotidien hospitalier mais des politiques sclérosés et trop inquiets d’être taillés en brèches par l’opinion publique. En parlant d’elle, que pense la dite vox populi si souvent revendiquée comme étant instigatrice des changements ?

« Tu protègeras la vie avant tout ». Fort bien, préserver la vie, ne pas l’ôter à autrui, c’est une volonté louable de soulager le corps de ses souffrances et ainsi offrir à l’âme un peu de repos. Pourquoi refuser le choix légitime vivre ou mourir à un malade qui se sait condamné ou dans une situation qu’il estime ne plus être humainement digne ? L’homme naît, vieillit et meurt, c’est inéluctable tout comme la trotteuse arpentant un cadran de montre. On a élevé en principe immuable la préservation de la vie, mais à quel prix ? Quelqu’un qui sait que la maladie l’emportera dans de grandes souffrances mérite-t-il un acharnement thérapeutique aussi douloureux qu’inutile ? En quoi le choix de la dignité et du départ choisi brusque-t-il tant les politiques ? Probablement parce qu’il s’agit là de confier la fin d’une vie à des médecins et donc de leur confier indirectement un pouvoir immense sur les patients. Le législateur sera donc dans la situation confuse de savoir si oui ou non le dit patient aura fait le choix de mourir ou bien si l’entourage ou le médecin lui-même auront faits en sorte que le choix s’impose… Difficile de légitimer une telle brèche dans le système de valeurs morales il me semble. Pourtant, il faut être capable de trouver un moyen d’offrir la possibilité de ne pas devenir un « légume » attelé à des machines en espérant qu’une bonne âme vous débranchera dans l’illégalité la plus totale. Nombre de médecins pratiquent des injections létales à la demande du malade, seulement la loi considère ceci comme un homicide avec préméditation. (Logique : préparation d’un meurtre, exécution de celui-ci et camouflage en « mort naturelle »).

Regardons les choses en face : notre corps est supposé nous appartenir et pourtant si la loi interdit fermement aux médecins d’intervenir, alors finalement le serment d’Hippocrate devient hypocrite puisque l’on nous maintient alors en « vie » par tous les moyens possibles et imaginables. Je ne crains pas la mort, je crains avant toute chose de devenir un fardeau pour mes proches et de devoir sentir la douleur d’exister… pour rien. Etre en sursit accroché à une pompe, non merci. La législation a changée pour autoriser les traitements dits de « confort », ce qui cache en fait l’emploi massif de calmants divers et souvent, hélas, de narcotiques très puissants. Donc, derrière ce changement « mineur » apparaît donc le spectre de la morphine. Est-ce une solution que de faire planer le patient au lieu de le soigner ? J’estime qu’en arriver là n’est plus un acte médical mais un acte cruel. On ne peut pas dire que « vivre » soit être allongé à jamais en attendant que l’organisme décide de tomber en panne. J’ai en horreur le discours de certains qui parlent égoïstement de la douleur de la famille. Si ce n’est pas cruel qu’est-ce donc ? De la même manière qu’une famille préfère savoir un enfant mort que le savoir disparu à jamais les proches d’un malade sont souvent soulagés pour lui s’il peut mourir dignement et sans douleur. Je sais, cela va être taillé en brèche, mais j’estime pour ma part que l’on doit confier ce choix au patient et lui permettre de régler ses comptes avec sa vie, pas celle d’autrui.

Je comprends que malheureusement personne ne se mouillera pour remettre de l’ordre dans la morale hypocrite de ceux qui se refusent à agir, car après tout « On achève bien les chevaux » ! Dit comme ça, c’est froid et cynique, mais après mûre réflexion je ne vois pas pourquoi nous refusons le débat au lieu de l’affronter, quitte à décider de ne pas changer les choses. En l’absence de réflexion concertée avec les gens confrontés à ces problèmes nous seront encore et toujours dans l’épicerie médiatique et non au cœur de la chose. Survolons, faisons comme les faucheurs de marguerite au lieu de creuser les sillons nécessaires à la germination d’idées bâties sur du concret.

Enfin, n’allez surtout pas croire que toute personne handicapée soit susceptible de demander un tel acte. Contrairement au fils Humbert mon ami tétraplégique a fait le choix de vivre et d’aimer son prochain. C’est donc que le choix doit être laissé à ceux qui vivent et non à ceux qui légifèrent. J’ajoute également que l’état mental du patient doit être impérativement jugé pour que ce ne soit pas un « coup de tête » ou pire encore quelque chose qu’on utilisera pour se débarrasser de nos aïeux atteints par Alzheimer ou Parkinson…

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