27 mars 2008

Alchimie

Un des plus vieux rêves de l’humanité est d’interférer avec les règles immuables de la Nature de manière à les utiliser pour son usage personnel. Entre science et magie, bon nombre de personnes se sont attaquées aux fondamentaux supposés avec les principes des éléments (eau, feu, terre, air) ainsi que sur la possible transformation de certains éléments naturels en d’autres plus intéressants ; ainsi, le Graal de cette « science » qu’est l’alchimie fut d’arriver à une méthode permettant par exemple de transformer le plomb en or. A l’heure de la maîtrise de l’atome, de la recherche sur la naissance de l’univers et du tableau périodique de Mendeleïev, que reste-t-il de ces hypothèses que bon nombre d’hommes ont étudiées à priori en vain ?

Avant même l’étude poussée des atomes, bon nombre de multitâches philosophes / mathématiciens / scientifiques ont revendiqués l’idée que le monde serait fait de particules et que selon le principe énoncé par Lavoisier « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». En gros, le fond de cette loi serait alors qu’on ne peut pas obtenir plus que ce qu’on a donné pour une opération donnée. Le principe qui selon le raisonnement subjectif de valeur faisait que l’or valait « plus » que le plomb posait donc problème aux alchimistes. Or, il est à présent évident que c’est tout sauf une problématique de prix mais une délicatesse atomique qui rend la chose techniquement très improbable même si, à partir de certaines théories sur les atomes, le processus soit envisageable. Mi sorciers mi chimistes, les alchimistes furent donc sur la trace de manipulations chimiques de plus en plus complexes pour réaliser des transmutations de matières… y réussirent-ils ?

Certaines légendes prétendent que des alchimistes se soient enrichis du jour au lendemain et qu’ils furent de véritables mannes financières pour les cités les accueillant, ceci expliquant probablement pourquoi rares furent ceux qui finirent au bûcher alors que la nature même de leur science aurait dû être proscrite en vertu des préceptes de l’église. Nul alchimiste n’aurait supporté un simple interrogatoire sans même passer par la « question » étant donné leur idée de changer la nature d’une chose en une autre. Ces alchimistes légendaires ont-ils réellement réussi ce que la science semble infirmer ? Je serais enclin de par un esprit cartésien à parler de fumisterie ou même d’arnaque pour camoufler des crimes, mais le romantisme latent m’impose tout de même quelques doutes. Après tout, n’a-t-on pas traité Gama de fou et de menteur quand il a affirmé l’existence du charbon en Chine ? La poudre, en Europe, n’a-t-elle pas été l’arme du diable avant qu’elle devienne une arme? Il y a de quoi se perdre en conjectures tant la nébuleuse des vérités et folklores se mêlent concernant cette profession à présent pratiquement disparue.

Peut-on résumer à la transmutation du plomb en or l’étendue des recherches de l’alchimie ? Une seconde légende court concernant les buts à atteindre dans ce domaine : la pierre philosophale. Comme je l’ai précisé précédemment, l’échange équitable entre ce qui est donné et ce qui est alors obtenu est semble-t-il immuable. C’est pourquoi la dite pierre philosophale fut si intensément recherchée. Sans aspect précis, elle aurait le pouvoir de s’affranchir de telles règles et donc d’interagir directement sur la matière. Quelle belle rêverie lance le scientifique qui sommeille en chacun de nous. Mais un cyclotron brisant les atomes, n’est-ce pas là une sorte de pierre philosophale en plus pragmatique ? L’idée même de concevoir une telle pierre séduirait tout scientifique, si tant est que cela soit réalisable. En effet, qui ne serait pas tenté d’exploiter un tel pouvoir pour découvrir les fondements du monde ?

La face sombre de l’alchimie concerna malheureusement la tentative de créer artificiellement la Vie. Créer l’homme artificiel, l’homme « parfait » pour éventuellement permettre de devenir immortel, voilà pourquoi la pierre philosophale fut si intensément recherchée. Nommés hononcules, les hommes artificiels restent tout à fait légendaires et sans réelle description pas même succincte de la part des rares alchimistes ayant écrits sur la question. Cependant, il est notable que l’on peut rapprocher l’hononcule de l’eugénisme ou de la reproduction ex vivo si décriée de nos jours. Les bébés éprouvette sont nés de par des problèmes biologiques compris et identifiés, mais le clonage, finalement, sans mère porteuse, n’est-ce pas là nos hononcules à nous ?

Enfin, si l’on reprend le ton philosophique et romantique, l’alchimie n’est-ce pas aimer, le cœur n’est-ils pas la pierre philosophale puisque son contact transforme en or (bonheur) la personne que l’on aime sincèrement ? Toute science a sa face sombre… je me plais à croire que les alchimistes furent majoritairement de doux rêveurs emprunts d’une humanité dont trop de scientifiques modernes se sont départis. Dire que la science est supposée apporter le bonheur…

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Très beau texte que celui-ci. Alchimiste du Verbe possédant la plume philosophale...