30 janvier 2008

Fascinant

Je suis fasciné par la faiblesse morale des gens. Aussi pathétique que cela puisse paraître j’aurais aimé pouvoir croire à une fermeté générale, à cette cohésion plus proche du granit que de la mélasse qui est notre lot quotidien. C’est agaçant d’analyser une société où la moindre trace de directivité soit prise pour une contrainte alors qu’elle devrait au contraire être prise pour de la volonté décisionnaire. A chaque maux de la société on serait tenté de dire qu’il existe une méthode pour s’en dépêtrer, et pourtant à force de vouloir louvoyer avec l’opinion publique on arrive simplement et lamentablement à de l’indécision et de la demi-mesure. En quoi s’affranchir de principes et de fonctionnements obsolètes serait si mauvais pour le bien public ? Pourquoi renâcler tels des vieillards nostalgiques d’une époque révolue à remettre en cause certains acquis pour la cohésion générale ?

Le mou est techniquement et linguistiquement le symbole du malléable, du déformable, de ce qu’on peut changer sans pour autant en abîmer les fondamentaux. La société est donc molle car elle peut être facilement pétrie avec le levain de la propagande et le sel des problèmes réels ou supposés. D’un certain point de vue, il est alors fascinant de constater que des évènements dont nous ne sommes pas du tout tributaires peuvent faire trembler notre socle social au point d’en fissurer les fondamentaux. Je m’ébahissais avec colère des propos tenus par M. Brubakeur, tout comme j’étais outré de voir envisagée la possibilité de créer des lois d’exception, et qui plus est furieux qu’on soit si transigeant avec la laïcité ou l’intégrité de nos institutions. Prenons l’affaire du foulard : accepter de baisser pavillon pour « faire plaisir » à des « républiques » où les libertés individuelles sont fantasmes, personnellement je trouve la pirouette intellectuelle difficile à tolérer… et pourtant : c’est bien là que nous autre, société avilie par l’excès de confiance en soi et pervertie par le modèle où consommation = bien-être que nous payons le prix fort. A force de tolérer nous en arrivons aujourd’hui à tout accepter.

Je suis particulièrement fasciné par la gymnastique des gens qui la veille voulait un président communicant, un président à l’écoute, bref un président populaire et populiste sachant prendre le bras de fer médiatique pour le faire plier sous sa volonté. Sauter d’une adoration proche de l’idolâtrie à une colère démonstrative, si ce n’est pas faire preuve d’une souplesse sans égale c’est alors une belle consolation pour ceux et celles qui revendiquaient des inquiétudes sur le personnage. « Sarkozy nous a menti ! » affichent des électeurs déçus sur leurs revers ou sur leurs voitures. D’autres vont jusqu’à déchirer leur carte du parti en vociférant à qui veut bien l’entendre que c’est un salaud. Amusant raccourci puisque quelques mois auparavant les urnes étaient ouvertes à leurs votes… et donc à leur choix. Ils légitiment malheureusement le fait que je crois l’électeur trop proche de l’image au lieu d’être proche du fond. Ceci dit ils ont de bonnes raisons de se plaindre pour certains, eut égard aux différentes réformes envisagées ces derniers temps. Une politique sécuritaire, si c’est pour cela que les votes se sont alignés… alors ce fut un vote inepte car après tout un programme ce n’est pas que l’aspect sécuritaire il me semble. Enfin bon, ne refaisons pas le passé.

Contrairement à bien des dépités de 2007 j’estime que la France a fait le choix qui lui convenait, c'est-à-dire une leçon de choses sur ce que peut être le libéralisme à l’Américaine. Concrètement bien des énervés de la plume oublient que la ligne de conduite du président ne semble pas spécialement osciller de sa direction première. D’ailleurs, le fait est qu’il s’est affiché avec le président Bush. Le fait est que nous devons nous attendre à un certain nombre de mouvements d’opinions dans les prochaines années, si ce n’est les prochains mois. En regardant les chantiers qui nous pendent au nez certains seront à n’en pas douter des terrains propices à la colère nationale. Comme je le disais… toucher à un avantage c’est déjà se préparer à une guerre avec le peuple. Donc, commençons par la sécurité sociale : la première étape préparant à sa disparition progressive est déjà en route car la suppression des remboursements est un premier pas, tout comme la franchise médicale qui n’a pour but que d’inciter les ménages à s’orienter vers le paiement de mutuelles. Je m’explique. Imaginons que peu à peu un grand nombre de prestations ne soient plus remboursées et que les cotisations deviennent non obligatoires. Vers quoi se tourneront (et se tournent déjà) les salariés ? Vers la mutuelle, le financement de fonds privés ayant pour but de se substituer aux lacunes de la sécurité sociale. En continuant dans cette voie, celles-ci augmenteront leurs tarifs au fur et à mesure que ceux de la caisse primaire diminueront jusqu’à totalement disparaître. Dans ce modèle une tranche de la population sera lésée à un point tel qu’on aura le droit aux disparités déjà visibles aux USA notamment. A force de croire au confort nous avons naufragés notre propre barque. Paradoxalement bien des gens refusent de voir l’échéance et s’estiment satisfaits du fonctionnement actuel de la CPAM, tout en regardant avec un aplomb imbécile ailleurs que dans la fosse des Mariannes de notre dette abyssale.

Pour beaucoup l’économie est une chose obscure, complexe et surtout inintéressante. Petite leçon (caricaturée) d’économie : réduisons le pays à une famille et jouons au jeu de « qui va bouffer la maison ». Papa et maman gagnent un salaire et aliment la caisse familiale. Les enfants ont des besoins incompressibles qu’on déduit donc de ce qui reste. Au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la table on trouve des choses indispensables : le toit sur la tête, la voiture pour se déplacer, le petit voyage pour se détendre pendant les vacances… et puis d’un seul coup la caisse pousse le cri du « On dépense plus qu’on ne fait entrer ! ». C’est le drame : quoi enlever ? Les enfants réclameront le maintien de la prestation argent de poche, les parents refuseront de se séparer de la voiture qui est un droit inaliénable de l’adulte, le chien fera la moue en voyant ses croquettes passer du haut au bas de gamme… Comique ? Non. L’état encaisse nos différents impôts directs et indirects, gèrent cet argent de manière à salarier une administration dont nous sommes demandeurs. On ne voit pas de raison de faire fermer une école en zone rurale, on ne saurait accepter la fermeture du bureau de poste et bien entendu nous sommes exigeant concernant la qualité de nos routes. D’un certain point de vue ce qui nous semble acquis est donc toujours susceptible d’être remis en cause puisque c’est de l’argent qui sort. Nous nous endettons avec délice, jouons les autruches et à chaque esquisse de règlement… on manifeste.

Nous sommes donc fascinants : mous pour changer, fermes pour garder ce qui est parfois inacceptable. C’est le jeu même du politicien de trouver le discours capable de nous satisfaire tout en nous ôtant la sucette de la bouche. J’aime beaucoup cette phrase : « Je suis un politique, je négocie, je tergiverse. Je dois être capable de caresser un bébé dans son landau d’une main et lui faucher le biberon de l’autre. ». A méditer.

Au fait: 240 messages! Ca se fête? A vous de me le dire.

Aucun commentaire: