18 janvier 2008

Etre espion ou être idiot.

Dans le monde du secret il existe une tradition inusable qui prétend que « Agent un jour, agent toujours ». Bien des structures de surveillance de la population maintiennent une forme d’adoubement moral si fort qu’au bout du compte toute personne y ayant travaillée en devient un membre à vie. Dans la confrérie des costumes sombres il y a tout de même un aspect encore plus méconnu que celui déjà fort inaccessible des missions, je pense à celui des bourdes, des boulettes, de l’imprévu digne d’un Pierre Richard dans ses œuvres. Pourquoi l’intelligence et l’expertise pourraient-elles interdire de se prendre les pieds dans le tapis ? Personnellement vu comment l’humain est débrouillard et imprévisible, j’imagine fort bien quelques situations invraisemblables…

Commençons par une des plus récentes où un service de l’état Américain s’est vu couper une écoute téléphonique indispensable à une enquête… parce que la ligne servant à la manipulation n’avait pas été payée à temps. Ca fait tout de même un rien maladroit de ne pas pouvoir continuer à prospecter parce qu’une facture n’a pas été réglé. En soi, j’admets qu’on puisse être oublieux en se croyant protégé par le gouvernement mais de là à être stupide il y a un monde ! J’imagine fort bien le technicien, niché dans sa camionnette anonyme, le casque sur les oreilles qui tout à coup entend la douce voix d’une opératrice de synthèse lui serinant « Suite à une coupure de la ligne votre appel ne peut aboutir. Veuillez vous renseigner auprès du service commercial de votre domicile ». De quoi jeter café, donuts et bandes enregistrées par la fenêtre en maugréant contre l’aspect éminemment frustrant de cette coupure…

Dans une période plus lointaine une autre affaire outre-Atlantique. Dans l’esprit des gens, un espion (ou agent depuis que les dénominations FBI sont à la mode) se doit de trimbaler des documents secrets estampillés de ce terme en gros et surtout en rouge sur un dossier de carton brun. Bien sûr que tous nous supposons que ce genre de formatage n’existe… et si ça existe, et même que certains trouvent le moyen d’en perdre dans des taxis ! Authentique, un des plus grands agents de la CIA avait trouvé le moyen de perdre une quantité faramineuse d’informations sensibles sur les opérations secrètes américaines au Vietnam, et ce au plus fort du conflit. Quand je vous dis que le monde peut se peupler de cons, je pense que celui-là n’a pas raté la prise de sa ration d’incompétence…

Toujours est-il qu’historiquement ces deux exemples sont réels et connus. Il y a eu probablement un écrémage dans la hiérarchie responsable de ces deux incidents stupides, mais maintenant laissons-nous aller à l’imagination : un agent se trompant de nom d’emprunt en parlant à son contact, l’espionne jouant de malchance en ratant le train où se trouve la personne qu’elle doit suivre… les idées ne manquent pas ! Franchement, ceux qui mettent en exergue les compétences de ces gens sélectionnés parmi les « meilleurs des meilleurs » devraient parfois réviser leurs critères de recrutement mais aussi et avant tout se soucier de l’impossible auquel nul n’est tenu.

Dans un registre tout aussi James Bond qu’il est ridicule, il s’est avéré au fil du temps que les espions disposent réellement de gadgets plus ou moins crédibles, et même que l’imagination sans borne des « Q » (autre référence à l’agent de sa Majesté) nous offre une panoplie faite autant de bric et de broc que des dernières technologie : entre le parapluie bulgare (dont je vais vous parler juste après), l’appareil photo miniature, le briquet qui tire des balles explosives, la montre terminal/GPS/Faisant le café serré (mais sans sucre), je crois qu’un espion a de quoi se plaindre sur ses conditions de travail. Vont-ils pousser jusqu’à coller une balise ARGOS dans le caleçon ? Allez savoir…

J’ai abordé la question du parapluie bulgare : c’est une invention incroyable qui a transformé un simple accessoire contre la pluie en arme contre les dissidents. Recadrons : Septembre 1978, à Londres. L'écrivain Georgi Markov, dissident bulgare anime l'émission radiophonique "Free Europe" à la BBC. Cette émission a pour particularité d’être diffusée sur toute l’Europe et ce des deux côtés du rideau de fer. Propagandiste anti communiste, cette provocation sur les ondes irrite tellement l’URSS et la Bulgarie que les services secrets décident de faire un sort à ce « provocateur et menteur ». Alors qu'il attend le bus, un inconnu le bouscule et lui enfonce "malencontreusement" le bout de son parapluie dans le mollet. La douleur est vive mais sans plus et les deux hommes se séparent… puis rapidement il s’avère que Markov se sent mal, très mal… Son décès quelques jours plus tard officialisera que le KGB utilisait de la ricine (dérivée de l’huile de ricin) comme poison d’assassinat, sous forme d’un tout petit projectile empoisonné tiré depuis le fameux parapluie.

Si ça ne fait pas James Bond… je ne sais pas ce qu’il vous faut ! Merci le bureau 12 du KGB pour cette invention incroyable !

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