28 novembre 2007

Glacier

C’est au sein de la froideur nocturne des glaces des pôles que je prends mon envol ce soir. Cerné par la blancheur de la glace polie par les vents, j’observe et écoute la bise déferler entre les montagnes givrées. A croire que c’est le seul endroit encore réellement sauvage qui existe en ce bas monde…

Et non ! Je n’ai pas consommé de stupéfiant ni quelque substance psychotrope que ce soit, c’est juste que je suis fasciné par la propreté immaculé (en un seul mot) de l’Arctique et de l’Antarctique. Continents de froid extrême, d’hostilité naturelle envers l’humain, il s’avère pourtant possible d’y vivre et même d’y croitre. La preuve, les Inuits y sont bien parvenus dans une certaine mesure. Pourtant, le ridicule de l’homme, sa soif infecte de pouvoir et son avidité de possession poussent l’animal que nous sommes tous à vouloir à tout prix planter un drapeau et revendiquer un territoire vierge de notre bêtise au nom d’une science scélérate ou d’une démagogie politique inepte. Certes, l’exploit peut être admiré, la Science peut se targuer d’étudier notre monde et d’en tirer des leçons parfois utiles comme par exemple savoir qu’un homme plongé dans une eau à quelques degrés meurt en quelques minutes, même équipé d’une combinaison de survie. Rien qu’en songeant à ces trouées, ces ports construits pour « durer », puis abandonnés aux frasques de la débâcle et de l’embâcle, puis finalement à l’érosion de l’oxydation, je suis vraiment peiné de me dire qu’on sue sang et eau en pure perte.

Le monde se divise en deux catégories : ceux qui mangent et ceux qui regardent les premiers se nourrir. Pour ma part j’ai l’immense chance de faire partie de la première classe, de celle qui a le luxe de prétendre à avoir un jour du cholestérol et de pouvoir gâcher à l’envi sa pitance. Le grand nord lui, est un lieu réellement pur dans son fonctionnement car contrairement à la littérature de bazar le classant comme cruel et inhumain, il est juste naturel, parfaitement pur et donc absolument intraitable avec la faiblesse. Qu’on aille m’expliquer le pourquoi du comment des grandes ruées humaines de la fin du XIXème siècle autrement que par la soif de l’or jaune puis de l’or noir et je rendrai cette folie plus honorable dans mes propos. Certes des plumes ont su y trouver une humanité et une beauté à couper le souffle comme J.London, mais pour autant doit-on alors taire que cette frénésie a détruit cet environnement pour de maigres profits ? Des villes de l’époque il ne reste que quelques bourgs indigents qui servent tout au plus d’étapes à touristes en quête de clichés, et les rares orpailleurs qui y subsistent y sont pour le folklore plus que pour le gain en poudre dorée. Déforestation et destruction, le tout pour une addiction au métal précieux, triste ironie non ?

Plus près de nous, nous sommes devenus des sauvages plus primitifs que les premières peuplades humaines, car dans l’absolu nous avons perdu le respect indispensable à la Vie au profit de l’exploitation égoïste. Ruiner la nature pour en faire notre esclave docile, quel vieux rêve qui a toujours tourné au cauchemar ! A croire que nous ne savons pas retenir les leçons du passé. En y songeant bien, nous sommes incapables d’apprendre et ne faisons que singer ce qui a déjà été tenté. L’espace ? Un défi pour les rêveurs mettant la moralité en veille pour servir les intérêts des ambitieux. L’océan ? Un vaste marché autoroutier de marchandises, et au surplus une aire d’exploitation de la pêche à l’échelle de notre bêtise. Donc il ne reste alors que le grand nord (ou sud) à explorer, massacrer, dévorer, puis finalement abandonner à son sort.

La fonte des glaces polaires est semble-t-il un problème évoqué de manière récurrente par les écologistes, ces pourfendeurs de la nature dont ils ne sont pas foutus de comprendre qu’ils sont, eux aussi le bourreau de celle-ci. Après tout, toute personne vivant sur Terre est un parasite de la planète bleue non ? Pour ma part je rêve d’aller visiter ces espaces vierges, prendre le temps d’y déposer un regard apaisé et de sentir en moi non pas le désarroi du vide qu’on pourrait envisager mais au contraire la plénitude tranquille d’un homme ayant enfin trouvé le lieu qui lui convient. C’est bien évidemment purement égoïste d’y croire, et encore plus de m’imaginer meilleur qu’un autre, plus respectueux de la nature que mon voisin… mais à chacun ses rêves.

Qui sait, des ancolies y poussent peut-être à la fonte des neiges…

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