19 septembre 2007

Lettre à Poutine

Petite note préalable : l'article précédent n'avait pour but que celui de faire rire... mais comme parfois je constate avec amertume qu'on me lit au premier degré, je tenais à la précision. C'était donc de l'IRONIE... bref, passons aux choses plus sérieuses...


« Cher Vladimir,

C’est avec un amusement non dissimulé que je regarde les médias occidentaux ces derniers jours, et d’ailleurs même depuis plusieurs années, surtout quand ils se mettent à déblatérer sur tes prises de position. J’admire ces cancres de la plume et de la lucarne luminescente qui, sous des dehors de moralisateurs démocrates, se permettent d’offrir une image biaisée du pouvoir Russe ainsi que de la situation que ces mêmes défenseurs du droit du commerce et des libertés « à l’américaine » ont créées. Ils râlent et grognent sur tes actions décrites comme celles d’un dictateur digne d’un Staline, alors que pour autant que je sache ce sont les urnes qui parlent chez toi. Ils veulent te faire la leçon ? Qu’ils se regardent et qu’ils se jugent avant de venir te montrer comment gérer un pays.

Ton soutien occidental. »

Je disais que la situation actuelle en Russie est un fait non des Russes mais du reste du monde… là je vois déjà les défenseurs de la démocratie me hurler dessus que le pays est indépendant et autonome et que nous ne sommes pas responsables des actions politiques du président Poutine. Oublierait-on que le marasme, que dis-je le naufrage économique et l’émergence de la mafia Russe sont des résultats non de l’ère post Soviétique mais de la transition que nous, le FMI en tête, nous leur avons imposée ? Et oui : nos experts sont allés expliquer aux banques et à l’état Russe fraîchement sorti des ruines du communisme qu’il fallait s’empresser de libéraliser et privatiser les sociétés. De fait, les magasins Vuitton et Gucci ont fleuris dans les grandes villes, sans pour autant garnir les portefeuilles du Moscovite et encore moins les étals des supermarchés passés aux mains de ceux qui avaient su détourner des fonds. Il est donc tout à fait clair que dans une telle position, tout président qui se targue d’être ferme et décidé ne peut agir autrement qu’en verrouillant l’économie et prendre sous tutelle certains marchés. Bien des pays gueulent sur la Russie à cause de l’augmentation du coût des matières premières (gaz en tête). Dans ce cas qu’on m’explique pourquoi ces mêmes pays voulaient maintenir un prix du gaz dérisoire, alors que tous les autres concurrents potentiels eux s’alignent sur un cours du marché raisonnable ? Poutine a imposé que le marché soit équitable… que ça plaise ou non.

De la même manière toutes les nations européennes ont vu l’effondrement de l’URSS comme un bienfait, mais ceci en oubliant sciemment que l’unité Soviétique arrangeait tout le monde pour faire taire les minorités remuantes. C’est un paradoxe : on critique mollement la politique de Moscou concernant la Tchétchénie, mais en même temps on l’accepte en sachant que cet état a servi de base arrière au terrorisme. Le drame humain Tchétchène est double : islamisation et radicalisation des mouvements menant à une guerre, et réplique violente de l’état Russe. Bien entendu qu’on va dire qu’il est intolérable d’agir ainsi en tortionnaire, mais à contrario est-il plus tolérable de prendre en otage une école ? D’une manière générale on s’est bornés à expliquer ce qui est gênant pour les Russes, non toutes les vérités. L’exercice du pouvoir est difficile, bien plus difficile qu’une critique sans connaître tous les faits en tout cas.

Autre point qui me fatigue sincèrement sur les critiques des méthodes Russes, c’est qu’on compare des pays riches et stables à un état jeune qui a encore un héritage lourd à porter. En effet, le simple fait d’avoir poussé à l’économie de marché sans contrôle a créé une génération de démunis, déçus du capitalisme et nostalgique de l’ère à l’étoile rouge. Qu’on se le dise, ils représentent une part terrible de ce peuple qui, par orgueil et fierté, continuera tout de même à soutenir le gouvernement quel qu’il soit du moment que ceux au pouvoir s’appuient sur le nationalisme de son peuple. Staline a été un tortionnaire, mais il a malgré tout obtenu une résistance nationale et efficace avec un volontariat gigantesque quand il a fallu se défendre contre l’occupant Allemand. Ce sont des choses incompréhensibles pour un occidental. Au surplus, Poutine a montré sa détermination sur bien des points qu’apprécient le peuple Russe : rétablissement d’une fierté nationale par la reconstruction et la restructuration de l’armée, le retour d’un état « fort » demandé par la majorité des gens, et surtout l’image d’un état déterministe ayant ses opinions, pas celles de Washington ou Paris.

Je conçois que la réduction de la liberté de la presse, la reprise de force d’entreprises privées ou l’action militaire puisse choquer, mais dans l’absolu ce pays est encore en phase de stabilisation, il a besoin d’être mené fermement pour qu’à terme ses ressources soient correctement exploitées et son industrie menée non par des mafieux mais par des capitaines dignes de ce nom. Le communisme a laissé un pays totalement sinistré : des outils de production hors d’âge, une administration lourde et si complexe qu’un génie ne saurait s’en sortir, des fonctionnaires sclérosés dans leurs fonctions de planqués régionaux, des gens dépourvus de propriété privée et habitués à travailler (peu) pour l’état. Quand on met quelqu’un au travail, et qu’il n’a jamais effectué correctement sa tâche durant sa carrière précédente, m’est avis que le contraste se fait immédiatement sentir avec un volontariste fermement décidé à avancer.

Là, c’est la mise en place d’un « héritier » qui dérange le monde. Pourquoi ? Ils voulaient une demi portion à la solde des USA ou de l’UE ? Les médias se plaignent du rapprochement de la Russie avec la Chine, mais par contre personne n’a daigné émettre la moindre remarque sur l’implantation d’industries Françaises en Chine… aux conditions de travail Chinoises. Ne me faites pas miroiter l’amélioration des conditions par l’implantation de méthodes européennes, celles-ci sont à faire avaler aux aveugles et aux rêveurs. La Chine avance vite, trop vite pour l’Europe et le fait que la Russie souhaite apprendre de son voisin fait peur. Et alors ? Dans tous les pays du monde ceux qui sont au pouvoir ont des gens de l’ombre derrière eux. On a beau jeu de dire que Poutine sera un marionnettiste avec celui qui sera élu en 2008, mais Blair n’était-il pas, d’une certaine manière, une marionnette de Washington ?

Je ne revendique pas que la dictature soit un mode de fonctionnement sain, mais il s’avère parfois nécessaire de jouer du gourdin avant d’envisager l’oreiller de plume. Nous, habitants de pays où la démocratie est réelle (quoi qu’en dise les détracteurs anarchos et gauchos de tous poils), nous ne pouvons pas comprendre cette problématique. Et oui, en France la mafia n’enlève pas les banquiers, elle n’est pas armée comme des paramilitaires (ex KGB ou unités spéciales de l’armée ayant servi en Afghanistan) et ne défie pas ouvertement la police dans certains quartiers.

L’avenir reste à écrire, mais il se peut qu’il le soit avec le sang de certains. Faites que ce soit avec l’encre coulant des grands bavards occidentaux…

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