14 septembre 2007

Bucolique

Depuis que le monde est monde, et surtout depuis que l’Homme a trouvé le moyen de transmettre sa mémoire à ses héritiers, tous nous vouons un culte à la Nature, du moins au retour de l’Homme vers elle à diverses occasions. Quel poète n’a pas rêvé de vivre en harmonie avec les chardons, les abeilles et les pommiers ? Quelle personne ne s’est pas vue vivre à la campagne, retirée de la vie trépidante et enfumée des villes grises ? Dans l’absolu, cette vision maniérée et attendrie du monde naturel est tout de même une belle supercherie digne d’un canevas de roman à l’eau de rose, car ne nous leurrons pas, la Nature sait s’exprimer avec une brutalité non feinte et dénuée de la délicatesse indispensable aux mains fines et manucurées des dits rêveurs.

La forêt ? C’est un endroit de rêve la forêt ? Entre les moustiques, les animaux sauvages et l’humidité, il y a de quoi faire peur aux plus aguerris de nos citadins. Quel comique de parler de forêt quand il s’agit juste de balades pédestres un jour d’été sur les chemins balisés… Ah cette effronterie de croire que la Nature dénuée de contrôle attend après nous. J’adore ces ignares des fondamentaux que nécessite la vie dans un campement. Faire du feu ? Otez donc les allumettes ou le briquet qu’on rigole. La tente ? Sans elle nul confort et nulle survie pour nos incompétents. Et que dire de l’indispensable et toujours présente radio qui encombre le sac en lieu et place de la couverture ou d’ustensiles de cuisine. Et je ne parle même pas de ceux qui poussent le vice jusqu’à l’ignorance totale des méthodes de lecture d’une carte…

Je sais je sais, c’est cruel de dire cela de cette manière, mais somme tout à vivre dans un confort non relatif mais plutôt total, nous en oublions que la Nature elle provoque des conflits incessants, et ce non que pour des notions de territoire mais surtout pour des questions de survie. Lorsqu’un loup dévore un lapin, ce n’est pas un jeu ni un documentaire animalier, c’est la Nature, la faim et l’instinct qui parlent. Oublier cela c’est manquer de respect à la Nature quelque part. D’ailleurs, c’est en ça que bien des écologistes lucides demandent carrément l’absence de l’homme dans certains lieux plutôt que de suggérer une cohabitation impossible. Sans notre technologie et notre savoir faire, vivre en harmonie avec le règne animal n’est plus une gageure mais une impossibilité totale. Nous n’avons ni le droit de saccager ni le droit de nous imposer partout où c’est possible. Dans cette éternelle difficulté qu’est de choisir entre évolution et protection, la frontière entre rêverie bucolique et pragmatisme parfois cynique est trop fine pour la préciser.

J’aime rêver en regardant la Nature déployer ses atours, mais aussi quand elle se montre intraitable avec nous : un orage me fascine même si parfois il m’impose de me vêtir différemment ou d’annuler un projet, le vent me laisse songeur et ce même s’il siffle violemment sur les tuiles de ma toiture, et après tout… je ne suis rien d’autre qu’une fourmi au milieu d’un monde gigantesque non ?

L’écologie doit prendre place dans nos vies car c’est un enjeu mondial et urgent, toutefois essayons de ne pas le rendre totalement utopique et ainsi en faire une idée stupide. Il va falloir apprendre à nous contrôler mais en même temps aussi comprendre que pour changer il faut du temps, et malheureusement nous ignorons si nous en disposons suffisamment avoir que ce soit irréversible. Enfin, irréversible, ça aussi c’est une idée somme toute saugrenue : les volcans explosent, des météores ont déjà percutés la Terre, il y a déjà eu des glaciations, et la Nature n’ a eu de cesse de continuer malgré tout. Nous sommes une étape, une évolution qui peut mener à la destruction, notre destruction en tout cas, mais dans le fond quoi qu’on en dise, la Terre nous survivra, bon gré mal gré. Cela ne nous dispense pas pour autant de prendre les choses en mains et de nous faire plus respectueux de notre environnement. Obéissons à des fondamentaux comme se servir des conteneurs à ordure et non d’un terrain vague comme décharge, ne jetons plus nos piles dans les rivières et j’en passe…

On nous demande bien de faire attention au volant, alors pourquoi pas en consommant ?

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