19 juillet 2007

Nuke pas clair.

Il y a comme un parfum d’atomique dans l’air : un petit pet de la terre et c’est le nucléaire Japonais qui tremble méchamment. Effectivement, ça peut vous mener à une psychose de savoir qu’une centrale nippone a senti passer le tremblement de terre de lundi. Une fumée noire et voilà que les journaux s’interrogent sur le bien fondé d’installer et maintenir des équipements d’une telle nature sur un territoire si sensible aux séismes. Affligeant tout de même, jusqu’à présent personne ne se posait de questions étant donné les besoins colossaux en électricité du pays. D’un seul coup on regarde les évaporateurs avec circonspection… oui les évaporateurs, vous savez ces cheminées laides au possible qui crachent non pas de la fumée mais de la vapeur d’eau, ce symbole du pouvoir atomique au service du génie civil.

Que dire ? En toute bonne foi le peuple Japonais a de quoi frémir car avoir de telles centrales à proximité, surtout sur une île dont la densité de population est hallucinante ne prête guère à rire là-bas, cependant j’objecterais qu’il s’agit là d’une mauvaise foi classique dans nos sociétés modernes où le dieu Energie devient le diable quand il se rend menaçant. Jusqu’à Tchernobyl personne ne se disait que « ah caca la centrale ! Ah boum boum possible la machine ! », mais non, on se vantait de l’indépendance énergétique du pays et plus encore on communiquait sur la propreté et sur le rendement extraordinaire ! Pauvres de nous se disent à présent les écologistes en pointant du doigt les responsables que sont les politiques et les ingénieurs taxés de bêtise criminelle.

J’aimerais qu’on comprenne une chose essentielle : le nucléaire est et restera quelque chose de dangereux à manipuler quoi qu’on fasse pour se préserver des risques. Le monde a ouvert la boîte de Pandore il y a un peu plus de soixante ans et bon nombre de nations se verraient bien remettre le couvert avec un voisin gênant. Ne nous leurrons pas, ce n’est pas tant la politique que nos désirs irraisonnés qui ont fait fleurir ces centrales. Et oui, la télévision, le magnétoscope, l’éclairage public, les trains à grande vitesse, le chauffage électrique ne fonctionnent pas par une opération du saint esprit contrairement à ce que supposent les enfants en bas âge. De fait, si demain l’on en arrivait à couper le courant dans une région densément peuplé, nul doute que ce serait l’anarchie en à peine quelques heures. Plusieurs grandes villes du monde ont expérimentés sans le vouloir une telle situation qui a mené à des émeutes parfois sanglantes, mais surtout accompagnées d’actes de pillages des commerces. Pas d’électricité pas de lumière et l’obscurité est le royaume de l’impunité.

Techniquement parlant le plus gros risque effectif du nucléaire est un accident de type Tchernobyl, c'est-à-dire la perte de contrôle de la réaction de fission nucléaire par les opérateurs, le tout menant à l’explosion du cœur. En dehors de cela une centrale est relativement peu menaçante vu le niveau de sécurité et de fiabilité exigé (surtout en France où nous sommes bien plus sévères que les USA par exemple). Là où tout se complique énormément c’est au niveau des déchets, et une fois de plus c’est l’égoïsme général qui parle : prêt à consommer, pas prêt à en assumer les conséquences. Tous acceptent une électricité à bas prix, mais quitte à avoir des déchets autant qu’ils soient enfouis de préférence chez les autres. De fait, bien des questions demeurent sur l’avenir du nucléaire notamment concernant la fin de vie des centrales plus que trentenaires. Cet avenir là est une échéance proche qu’il ne faudra surtout pas rater.

Pour en revenir à l’incident japonais, que peut-on comprendre ? Le Japon a un statut très particulier sur le terrain de l’atome vu que le pays fut brûlé dans sa chair par l’arme atomique et aujourd’hui encore la blessure est plus que vive. La littérature, le manga, toute la culture suppure par la plaie irradiée et au moindre incident une centrale devient immédiatement un sujet terrifiant. Bien sûr que cette peur est légitime mais attention à ne pas grossir quelque chose d’anodin. D’une certaine manière, ce pays vit avec la technologie avec une telle symbiose qu’il nous est à nous, européens, impossible d’en comprendre toutes les complexités. Qui de nous peut se prétendre vraiment totalement connecté ? Une visioconférence dans la rue ne surprend personne là-bas, les débits internet sont ahurissants et la quantité de biens de haute technologie par habitant est carrément hors de portée du vieux continent. De fait, tout cela consomme… et nécessite beaucoup de puissance. Débat sans fin entre propreté mais peu productive et besoins sans cesse en progression.

Bon nombre de personnes parlent de Tchernobyl comme d’une icône devant faire date dans l’histoire du nucléaire mondial, de sorte à vouloir prétendre à un « plus jamais ça ». Désolé de décevoir les rêveurs, mais tôt ou tard, peu importe où et peu importe pourquoi, il y aura un autre accident d’ampleur, peut-être pas à cette échelle mais, quoi qu’on fasse, le risque zéro n’existe pas. Un jour ou l’autre on annoncera une panne majeure ou un terrible accident dans une installation atomique quelconque. Les conséquences seront, une fois de plus minimisées puis mises en avant trop tard. Les gestionnaires de l’atome sont une armée dénuée d’uniforme, une grande muette qui ne se vante pas de ses bévues ou échecs probablement quotidiens. L’Homme dans son imperfection peut faire des erreurs, l’atome est parfait donc parfaitement impitoyable…

Des solutions ? Ne jouons pas les enfants, nos besoins ne sont plus en regard avec nos véritables nécessités, le superflu devient vital et revenir en arrière est impossible. Toutes les solutions de rechange sont et resteront encore un moment insuffisamment efficaces pour nous débarrasser de ces menaces en forme de champignons. Tout ce que j’espère c’est que des pays trop peu fortunés pour entretenir ces centrales vétustes auront le courage de demander de l’aide au monde pour ne plus voir une nouvelle zone interdite à toute forme de vie…

PS : des centrales de type Tchernobyl, c'est-à-dire construites à l’identique, sont encore en activité non seulement dans les anciennes républiques soviétiques mais aussi dans bon nombre de pays de l’ancien pacte de Varsovie.

A lire et à méditer sur la question:
La référence sur les "accidents" dramatiques et quasi inconnus du nucléaire

Tchernobyl bis à venir...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

égoisme + consommation + insouciance = futures catastrophes en puissance. On pourra pas dire qu'on ne savait pas. Bravo pour cet article sans langue de bois.