19 juin 2007

Le bruit

Parmi toutes les nuisances que nous devons tolérer à longueur de journée je crois que le bruit a la palme incontestable du plus détestable des désagréments. Non content de nous faire souffrir les tympans, il ajoute ce côté agaçant qui, une fois mis bout à bout avec toutes les contrariétés auxquelles l’on se plie de guerre lasse, vous amène à hurler de rage et à vous armer d’un gourdin salvateur pour à loisir démolir la gueule du voisin réécoutant pour la trentième fois son vinyle de Dick Rivers, bousiller le clébard court sur pattes de l’emmerdeuse qui vous sert de vis-à-vis et, pourquoi pas l’emmancher dans la gorge du morveux du dessous qui se prend pour une castra. Aussi spectaculaire que ces démonstrations haineuses peuvent paraître, le bruit est pourtant le grand ordonnateur des pertes de calme au même titre que la chaleur peut stigmatiser une situation déjà électrique. Qui n’a pas pratiqué les transports en communs bondés ne connaît pas son bonheur d’éviter les infâmes et pitoyables disputes hurleuses de voyageurs trop imbéciles pour comprendre que tout le monde les subit en prime des désavantages de la promiscuité.

Si je devais classer le barouf par taille et souffrance engendrée je me retrouverais forcément bien en peine car chacun a une sensibilité à un type de bruit. Personnellement je voue une haine farouche aux adolescents qui estiment que « plus ça fait de bruit, plus ça roule vite », théorème idiot qu’ils mettent en pratique sur des deux roues instables et souvent dénués de freinage, le tout pour mon plus grand déplaisir. Peut-être sont ils sourds pour tolérer cette cacophonie, allez savoir… d’autre se souviendront avec une moue sans équivoque de la craie blanche grognant sa colère stridente sur le tableau d’ardoise ou de particule peint pour l’imiter. A ce propos je me suis souvent demandé si les enseignants n’utilisaient pas ce procédé pour jouer d’une autorité acoustique indéniable, car quand on sait faire crier une craie (répétez cette phrase dix fois sans bafouiller), on détient le pouvoir. Depuis, je remercie l’heureux génie qui a développé les tableaux effaçables assortis des feutres sans solvant. Bien entendu, cette liste n’a rien d’exhaustive puisque chacun trouvera sans difficulté « son » bruit haï.

Là où le bruit devient une pourriture, une perversion sans nom c’est au moment précis où certains classent celui-ci en tant que « musique ». Parisiens, habitants des villes peuplées de groupes de jeunes sans compétence et sans talent, je vous plains : le 21 Juin sera comme chaque année l’occasion de vous abrutir d’un vibrant hommage aux bouchons auditifs Quies, le tout sous la tutelle du ministère de la (in)culture. N’étant pas de nature masochiste et encore moins prêt à faire preuve de tolérance pour l’adolescent beuglant sa haine du système, je fuis l’évènement comme les rats quittent le navire avant les marins. Dans certains quartiers j’irais même jusqu’à demander un dédommagement pour les riverains tant ces orchestres - oui ils ont le culot de se nommer orchestre - sont des insultes aux groupes repris et massacrés avec la méticulosité de vikings en plein pillage. Mais par pitié et au nom du respect des défunts : faites les taire, ou alors faites passer des auditions !

C’est vrai, je suis cruel avec ces jeunes qui se bercent d’illusions et se voient comme les futurs Nirvana ou Radiohead, mais ont-ils si peu le sens des réalités pour ne pas constater par eux-mêmes leur incapacité ? Bien souvent j’associe le matraquage de la guitare électrique à celui du bitume par un marteau-piqueur. Tiens en parlant de celui-là, le sadique qui vous bousille une semaine de repos ou une convalescence forcée, l’ordurier crachant sa haine de l’ordre pour en faire des morceaux. Entre ce goujat, les camions bramant dans un bouchon aux mains d’un routier toujours trop pressé, la sirène stridente du recul de la toupie à béton, et oh suprême violence l a dameuse engagée dans une danse du « si tu vires pas tes pieds, j’en fais de la purée ! », il y a de quoi faire perdre les derniers atomes de patience des êtres cherchant juste la quiétude du foyer protecteur.

Mais finalement, n’est-ce pas le domicile qui est le plus sauvagement sonore ? Radio, télévision, ordinateur… ah oui j’oubliais un truc amusant : saviez-vous qu’un bébé qui pleure, c’est 114 Décibels, c'est-à-dire le niveau sonore d’une de ces saloperies d’alarmes automobile qui vous pourrissent les nuits et n’interrompent jamais les voleurs en action ?

2 commentaires:

Anonyme a dit…

savais tu que le mot bruit à la meme origine étymologique que "brouiller" car un bruit par définition même n'est jamais un son agréable il "brouille" l'esprit. ;)

JeFaisPeurALaFoule a dit…

Je l'ignorais, merci pour cette précision fort utile!